Histoire de rôle..... L'ascension du Chimborazo par Alexandre de Humboldt et Aimé Bonplad
Au printemps 2017 nous avons fait un voyage exceptionnel en Equateur dont le moment le plus fort fut la montée au Chimborazo. Bien sûr les sexagénaires que nous sommes n'ont pas crapahuté jusqu'au sommet qui culmine à 6263 m. C'est avec le véhicule 4x4 de notre guide et ami Mauricio que nous sommes arrivés au relais situé à 4850 m. Au delà il faut poursuivre l'ascension par un marche sportive et sans doute pour les derniers tronçons par de l'escalade.
Bien que nous ayons déjà dépassé des altitudes de 4000 m notamment au Pérou je me rappelle que Pilou fut plutôt mal à l'aise lorsque nous sommes descendus du véhicule : elle avait l'impression que la terre bougeait sous ses pieds. Elle ne s'est donc guère éloignée de la voiture. Moi j'étais bien et j'ai pu m'éloigner un peu plus, mais seulement de quelques dizaines de mètres. Ce qui m'a le plus bluffé lors de cette montée jusqu'au relais-parking, c'est de doubler quelques cyclistes : ils sont vraiment très forts ces grimpeurs andins.
Le Chimborazo est un volcan situé près de la ville de Riobamba mais aussi peu éloigné (180 km) de Quito, la capitale de l'Équateur. C’est le sommet le plus haut des Andes. Il est aussi le point le plus éloigné du centre de la Terre qui a une forme d'ellipsoïde et dont le rayon est environ 21 km plus important à l'équateur qu'aux pôles. Le sommet du Chimborazo est donc aussi le point de la surface de la Terre dont la distance minimale au Soleil est la plus petite. Selon les mesures effectuées par une mission franco-équatorienne de l'institut de recherche pour le développement le sommet du Chimborazo se trouve à 6384,4 kilomètres du centre de la Terre (l'Everest en est distant de 6382,6 kilomètres).
La dernière éruption daterait de plus de dix mille ans. De nos jours, il est considéré comme représentant un risque minime d’éruption
Charles Marie de la Contamine conduisit la première reconnaissance accompagné du géographe Pierre Bouguer en 1736ont atteint l'altitude de 4755 m. Le 23 juin 1802 le géographe scientifique allemand Alexander Von Humboltd et le botaniste français Aimé Bonpland tentèrent à leur tour de gravir le volcan mais durent rebrousser chemin à 5920 m en raison d'une blessure (voir ci-après l'extrait du récit de l'explorateur). Les deux scientifiques eurent le temps d'effectuer des mesures.
C’est donc à Edward Whymper et les frères Louis et Jean-Antoine Carrel qui eurent en 1880 l’honneur d’être les premiers occidentaux à atteindre le sommet. Beaucoup de personnes doutaient de cet exploit et Whymper gravit une nouvelle fois le Chimborazo la même année, en compagnie des Équatoriens David Beltrán et Francisco Campaña. Cet exploit inspira le Libertador Simón Bolívar, qui écrivit un poème sur ce volcan. Il semble même que Simon Bolivar tenta l'ascension en 1822 comme d'autres dont Jean Baptiste Boussigault en 1831.
Source Wikipedia.
« Le 9 juin 1802, nous partîmes de Quito pour nous nous rendre dans la partie méridionale de la province où nous voulions examiner et mesurer le Chimboraço et le Tunuraqua et lever le plan de tous les pays bouleversés par la grande catastrophe de 1797 (tremblement de terre). Nous avons réussi à nous approcher jusqu'à environ 250 toises(1) près de la cime de l'immense colosse du Chumboraço. Une traînée de roches volcaniques dépourvues de neiges nous facilita la montée. Nous montâmes jusqu'à la hauteur de 3031 toises, et nous nous sentions incommodés de la même manière que sur le sommet de l'Antisana. Il nous restait même encore, deux à trois jours après notre retour dans la plaine, un malaise que nous ne pouvions attribuer qu'à l'effet de l'air dans ces régions élevées, dont l'analyse nous donna vingt centimètres d'oxygène.
Les indiens qui nous accompagnaient nous avaient déjà quittés avant que d'arriver à cette hauteur, disant que nous avions l'intention de les tuer. Nous restâmes donc seuls, Bonpland, moi et un de mes domestiques qui portait une partie de mes instruments. Nous aurions poursuivi malgré cela notre chemin jusqu'à la cime si une crevasse ne nous en eût empêchés : aussi fîmes-nous bien de descendre. Il tomba tant de neige à notre retour que nous eûmes de la peine à nous reconnaître. Peu garantis contre le froid perçant de ces régions élevées, nous souffrions horriblement et moi, en mon particulier, j'eus le désagrément d'avoir un pied ulcéré d'une chute que j'avais fait peu de jours auparavant : ce qui m'incommoda horriblement dans où à chaque instant on heurtait une pierre aiguë et où il fallait calculer chaque pas. La Condamine a trouvé la hauteur du Chimboraço de près de 3217 toises. La mesure trigonométrique que j'en ai faite, moi, a deux reprises différentes m'a donné 3267 et j'ai lieu de mettre quelques confiances dans mes opérations.
Tout cet énorme colosse (ainsi que toutes les hautes montagnes des Andes) n'est pas de granit, mais depuis le pied jusqu'à la cime, du porphyre, et le porphyre y a 1900 toises d'épaisseur. Le peu de séjour que nous fîmes à l'énorme à laquelle nous étions élevés était des plus tristes et lugubre. Nous étions enveloppés d'une brume qui ne nous laissait entrevoir que les abîmes affreux qui nous entouraient. Aucun être animé, pas même le condor qui, sur l'Antisana planait continuellement sur nos têtes, ne vivifiait les airs. DE petites mousses étaient les seules êtres organisés qui nous rappelaient que nous tenions encore à une terre habitée.
Il est presque vraisemblable que le Chimboraço soit également, comme le Pichincha et l'Antisana, de nature volcanique. La traînée sur laquelle nous y montâmes est composée d'une roche brûlée et scorifiée, mêlée de pierre ponce ; elle ressemble à tous à tous les courants de lave de ce pays-ci et continue au-delà du point où il fallut mettre un terme à mes recherches, vers la cime de la montagne. Il est possible, il est probable même, que cette cime soit le cratère d'un volcan éteint. Cependant l'idée de cette seule possibilité fait frémir avec raison. Car si ce volcan se rallumait, ce colosse détruirait toute la province. La montagne de Tungauragua a baissé à l'époque du tremblement de terre de 1797, Bouguer lui donne 2620 toises ; je ne lui en ai trouvé que 2531 toises : elle a donc perdu près de 100 toises de sa hauteur. Aussi les habitants des contrées voisines assurent-ils avoir vu s'écrouler son sommet devant leurs yeux. »
Alexandre de Humboldt, Voyages aux régions équinoxiales (1807-1834)
(1) 1 toise = 1,80 m.
Source Hors série Le Point septembre 2014: Ces voyages qui ont changé le monde