Trop poli-tique.........Royal câlin
Les élections municipales de Niort de 1995 furent à la fois dramatiques et folkloriques. Dramatiques parce que la famille socialiste était
profondément divisée, et des amis, familles, voire des couples, étaient eux même divisés, mais j'appris par la suite que cet état de chose durait depuis longtemps et j'ai pu constater que ça ne
fit qu'empirer au moins jusqu'en 2002 .... Folkloriques car c'était à la fois Clochemerle et la faim du pouvoir local.
J'étais politiquement engagé depuis ... pas mal de temps, mais cela ne faisait que 9 ans que j'étais revenu en France et que je découvrais le « socialisme municipal » : à cette
époque, c'était à vomir l'engagement militant, c'était à rendre mécréant un béni oui oui..... et comme j'avais obtenu en décembre 1994 mon bâton de caporal, et que je siégeai à la Commission
National des Conflits du PS je découvrais, effaré, que la situation niortaise n'était malheureusement pas unique en France.... Camarades aimez-vous les uns les autres... et oui au plan local ça
peut être bien pire que ce que l'on voit à la télé entre dirigeants nationaux
Je fais une petite parenthèse pour
dire :
1/ Je sais que c'est la même chose à droite.
2/ Cela concerne essentiellement les villes... encore que la notabilité est un poison qui se répand aussi dans les campagnes... mais cela se ressent surtout
pour les élections cantonales.
3/ La donne a enfin changé à Niort en mars 2008.....
Fin de parenthèse....
Revenons-en à nos moutons et à nos militants et électeurs de 1995.... Et d'abord pour y voir clair examinons les résultats.
1er tour, le 11 juin
1995 : Exprimés 24486 (61.5%)/
Liste socialiste dirigée par Ségolène Royal
et investie par le PS : 7907 voix (32.3%)
Liste socialiste dirigée par Bernard Bellec maire sortant :
7801 voix (31.8%)
Liste divers droites dirigée par M. Pillet : 7230 voix (29.5%)
Liste front national : 859 voix (3.5%)
Liste extrême gauche : 689 voix
(2.8%)
2ème tour le 18 juin
1995 : Exprimés 26247 (66.0%).
Liste socialiste dirigée par
Bernard Bellec : 9380 voix (35.7%).
Liste de droite dirigée par M. Pillet 8444 voix
(32.2%)
Liste investie par le parti socialiste et dirigée par Ségolène Royal 8423 voix (32,1%)
Le comble de la « cajolerie » des électeurs niortais pour la liste Royal fut le surplace en pourcentage entre les deux tours et surtout le fait d'avoir été dépassée de 11 voix par la liste de droite pour la médaille d'argent. Bon c'est vrai c'est du passé et lors des dernières élections présidentielles, les électeurs niortais se sont fait pardonner en offrant à Ségolène, face à Sarkozy un confortable 66%.
En fait tout a commencé en mars 1993 lors des élections législatives
calamiteuses pour le PS. Les français avaient alors fait un « grand câlin » aux socialistes, qui passaient de 282 députés dans l'Assemblée sortante à 67 députés dans la nouvelle
Assemblée sortie des urnes.... Et c'est cette année là que B. Bellec avait choisi pour être candidat en remplacement du député socialiste sortant A. Clerc qui, âgé, ne se représentait
pas.
A Niort, ville de gauche indéboulonnable, le « câlin » fut gigantesque, une tarte rabelaisienne. L'opposant,
maire de Chauray, avait à l'époque un positionnement centriste et une image humaniste, qui en faisait un concurrent redoutable.... Mais non seulement le contexte politique national était
difficile, mais notre candidat fut mauvais, hautain et le candidat de la droite fut....bon et pourtant négligé par son adversaire.
Résultat : une victoire sans bavure de Brossard ; un fief de gauche passait à droite. Bellec n'atteignait pas les 40 % sur la
circonscription et était même très largement battu sur la ville de Niort avec moins de 45 %. Un coup de tonnerre dans la capitale des mutuelles. Dans leurs circonscriptions Crépeau et
Santrot étaient battus, mais leurs résultats respectifs sur les villes de la Rochelle et Poitiers restaient corrects ; mon cousin lointain Jean-Claude Beauchaud était même réélu dans sa
circonscription Angoulême nord..... Le seul vrai grand « câlin » des électeurs citadins en Poitou-Charentes fut bien pour Bellec.
Ce sont des partisans du maire de Niort qui menèrent la rébellion : Pour
qui a lu, ou vu au cinéma, « Ouragan sur le Caine » ou « La Mutinerie du Bounty » c'est une histoire connue. Un quarteron d'adjoints, dont le
1er d'entre eux, pensèrent que la ville était perdue à échéance des municipales de 1995 et que seule, la jeune et talentueuse députée voisine de Melle parachutée en 1988 à l'initiative
de François Mitterrand, était en mesure d'empêcher le désastre. Dans le fond j'étais assez d'accord avec eux sauf que pour moi ce n'eut pas été une calamité que la ville passe à Droite.... Il
faut bien que la démocratie respire de temps à autre...... et puis il me semblait que cela aurait fait beaucoup de bien au PS local... sans compter que cela pouvait ouvrir des perspectives pour
une nouvelle génération, 6 ans plus tard.
Enfin bref le quarteron a su entraîner Ségolène dans cette aventure.... Cela eut au
moins un avantage, ça a fait peur au député Brossard qui s'est dégonflé de se présenter pour la mairie de Niort et qui a préféré, en toute quiétude, s'occuper des oignons chauraisiens, laissant
la droite niortaise paléolithique, aller au casse pipe.
Du coup les carottes étaient cuites et la Mairie resterait à
gauche d'autant qu'en mai 95 on avait eu encore un beau spectacle national, à droite cette fois, avec la confrontation Chirac Balladur et une très honorable prestation de Jospin en tête au
1er tour des présidentielles.
On pouvait donc faire à notre tour à Niort un « Je t'aime moi non
plus » entre Bernard et Ségolène. Ce ne fut pas un long fleuve tranquille avec, dès le printemps 94, les premières escarmouches et surtout après septembre 94, avec la préparation du
congrès le Liévin, de vraies bagarres.
Je me souviens d'une réunion de section en septembre où diverses sensibilités présentaient des textes en vue d'un impossible rassemblement, mais dans la perspective de regroupements
stratégiques.
Il y avait 5 textes que je me suis amusé à identifier métaphoriquement façon Malraux :
Un texte des partisans de B. Bellec présenté par A.B. : « Les chênes qu'on abat ».
Un texte des partisans de S. Royal présentée par la regrettée Claude-Odile : « La voie royale »
Un texte de Geneviève : « L'espoir ».
Un texte d'une minorité
Poperéniste : « La condition humaine ».
Un texte d'une minorité gauche socialiste pas très connue à l'époque
: « Les conquérants ».
Il faut bien avouer que ces textes, figures libres, n'avaient pour
but que de sceller des alliances. Ainsi Geneviève s'est retrouvée engagée comme caution écologiste derrière Bellec alors que sa sœur Françoise et son frère étaient derrière Ségolène. Ces
divisions entre amis sont bien ce qui restera le plus mauvais souvenir de cette triste histoire.
Le PS étant un grand parti démocratique il y eut vendredi 30 septembre un vote en section pour désigner qui serait la tête de liste pour les municipales. Bellec, grand courageux et fin stratège aux affaires locales, n'a pas présenté sa candidature qu'il a déléguée à Alain Baudin. Celui-ci a battu Ségolène par 67 voix conte 60 voix. J'ai voté pour Alain comme, sans doute, la plupart des proches de Geneviève ; notre positionnement fut donc décisif pour défendre quelqu'un avec qui on avait pourtant bien peu d'atomes crochus.
S'attendant à un résultat incertain (on avait reçu les convocations)
Ségolène a réuni dans la foulée, c'est-à-dire vers minuit, un conseil fédéral. Des camarades de tout le département, dont certains à plus de 50 km de chez eux, étaient dans une salle à attendre
le verdict des socialistes niortais.... J'étais le seul titulaire niortais non royaliste.
Ségolène ouvrant cette réunion
extraordinaire déclara qu'elle souhaitait l'invalidation du vote de la section et qu'elle voulait l'obtenir à l'unanimité.... Unanimité qu'elle n'obtint pas, évidemment, à une voix près, la
mienne. Je n'avais d'ailleurs pas vu que les caméras de FR 3 l'avaient suivie et que notre réunion était filmée de l'extérieur (sans son). Le lendemain je me suis vu aux actualités
régionales en train de piquer une colère face à Ségolène très calme. Je n'étais pas très beau à voir. Calme la Ségolène car le lendemain au « Grand Jury de RTL » elle annonçait, sans
vergogne, que le vote de la section de Niort, bien peu démocratique, avait été invalidé à l'unanimité par le Conseil fédéral 79.
Ensuite il y eut
le Congrès de Liévin en décembre 94, puis le choix entre Emmanuelli et Jospin pour l'élection présidentielle, ces élections présidentielles, puis l'officialisation de l'investiture de Ségolène
Royal comme tête de liste à Niort après de nombreuses palabres pour convaincre les deux protagonistes à s'entendre pour une liste commune (dont la venue d'une délégation imposante à Niort
avec Vaillant, Bartolone etc..) ; rien à faire.
Etant membre de la C.N.C j'ai fait une dernière tentative à la convention nationale le 13 mai 95, avec un discours à la tribune où j'invitais les socialistes niortais à prendre exemple sur
Lille avec la belle association Mauroy - Aubry : mais toujours rien à faire..... Et d'ailleurs aujourd'hui avec du recul j'avoue que c'eut été impossible ; je ne vois pas comment Bellec
et Royal auraient pu travailler ensemble.
Quelques jours plus tard Bellec m'a proposé d'être sur sa liste : j'ai refusé. Ségolène Royal étant désigné par le PS national, Bellec devenait dissident, je ne me suis donc pas
franchement engagé dans un combat qui ne fut pas toujours très ragoûtant, de part et d'autre.
Au 1er tour j'ai voté Bellec, au second j'ai voté Royal.... Toujours
dans le mauvais camp.
Qui plus est au lendemain du 1er tour lors d'une réunion, devant près de 300 personnes j'ai
demandé à Bernard Bellec de respecter la discipline républicaine et soit de fusionner avec la liste de Ségolène, soit de se retirer. Je n'ai pas été hué, non ce fut la stupéfaction dans le fan
club, un silence complet accompagnait ce crime de lèse majesté.
Personne ne m'a soutenu pas même les amis, les plus proches. Je
revois Gérard se marrer en me disant ‘ « Tu seras toujours un ultra minoritaire ». J'étais devenu aussi indésirable des deux côtés... mais finalement c'était très bien comme
ça.......
En 2006 j'ai été interviewé par téléphone sur cet épisode 1995 par une journaliste Leslie Varenne qui préparait un livre sur Ségolène. J'ai été très prudent (trop) ne voulant pas nuire à la probable candidate socialiste pour les présidentielles 2007. Dans son livre « Ségolène reine d'un jour reine de toujours » livre au demeurant assez quelconque, elle ne cite que mon appel à Bellec pour un désistement républicain.
Après 1995, le système socialiste niortais a perduré, la vieille garde devenant de plus en plus stalinienne.... Tout ça a enfin prit fin en mars 2008......
(A suivre)