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A livres ouverts....Les petits garçons naissent aussi des étoiles.

13 Mars 2009 , Rédigé par daniel Publié dans #à livre ouvert

 Je poursuis le cycle littérature africaine avec un auteur que j'ai découvert il y a un peu moins de dix ans et que j'adore ; il s'agit d'Emmanuel Boundzeki Dongala.

 Dongala est un écrivain congolais né en Centre-Afrique de père congolais et de mère centrafricaine. Il a aujourd'hui 67 ans et vit aux Etats-Unis où il a trouvé refuge à la fin des années 90 grâce à l'écrivain Philip Roth quand le Congo a basculé dans le chaos des guerres fratricides. Il fut professeur de chimie et animateur de théâtre à Brazzaville puis de littérature africaine francophone à New York.

 Il publia « Un fusil dans la main, un poème dans la poche » en 1974 le récit de Mayélà, révolutionnaire africain qui prend le pouvoir puis le perd, et qui, en prison attendant la mort, constate désabusé que les plus belles utopies ne résistent pas longtemps aux turpitudes humaines.

 Puis ce fut en 1987 « Le feu des origines » Prix littéraire d'Afrique noire. Ce roman qui décrit la vie, le destin de Mandala homme important dans son village qui ne connaissait pas les blancs, et dont la vie fut bouleversé avec l'arrivée de la colonisation, le travail forcé, la perte de prestige, l'impuissance, l'anonymat, puis la révolte.... Et la suite inexorable avec les perspectives d'indépendance.... et de dictature.... Un pessimisme fataliste mais non pleurnichard.... C'était écrit.... Mais c'est surtout très bien écrit.

 En 1996 Emmanuel B. publie « Jazz et vin de palme » qui est un recueil de nouvelles «...au rythme balancé et à l'humour corrosif où il fait revivre la révolution rouge de Brazzaville qu'il considère avec un profond pessimisme et promène son blues dans les boîtes de jazz de New York ... » mais je ne peux pas en dire plus car je n'ai pas lu ce bouquin.

 En 2000 mon livre préféré est sorti ; le génial « Les petits garçons naissent aussi des étoiles » auquel je consacre quelques lignes dans ce billet. Enfin en 2002 Dongala nous a offert « Johnny Chien méchant » superbe récit mais que je ne conseille pas comme premier livre pour découvrir cet auteur, tellement ce livre, qui parle des enfants soldats, m'a mis mal à l'aise ; comme « Allah n'est pas obligé »  de Kourouma qui traite du même sujet.

  Le plus beau, le meilleur des livres de Dongala est incontestablement, pour moi, « Les petits garçons naissent aussi des étoiles ». L'auteur décrit la situation politique de son pays, le Congo, par le regard candide qu'un petit garçon Matapari porte sur ce et ceux qui l'entourent.

 Matapari est un personnage inattendu « J'ai failli ne pas être né... » car il est né trois jours après ses frères jumeaux... ni le docteur ni sa mère ne s'était aperçu qu'il y en avait un troisième qui restait au chaud. « Maman m'a toujours juré qu'elle n'avait pas fait exprès... » en plus, quand plus tard on s'aperçut qu'il était gaucher, des suspicions de sorcellerie ont circulé «... je n'étais pas dans le ventre de ma mère à l'hôpital avec les jumeaux et que l'esprit d'un ancêtre mort brutalement, donc errant sans domicile fixe j'avais profité de la case vide laissée par mes frères pour m'y installer, lassé de flotter au petit bonheur dans les forêts et sur les eaux comme la brume matinale qui s'accroche aux bosquet des flancs des montagnes... ».

 Matapari l'inattendu mais aussi un impromptu et malin car finalement s'il attendit 3 jours pour sortir c'était, sans doute, pour naître le 15 août 1980 pour le 20ème anniversaire de l'indépendance ; tout un symbole et un choix de l'auteur de ne pas trop s'attarder, une nouvelle fois, sur la décolonisation.

 Cette période de décolonisation l'auteur l'évoque quand même, brièvement, dans le 3ème chapitre, en traçant le portrait du grand-père qui fut, en 1960 « décoré deux fois, cette même année, une première fois par les français, le dernier 14 Juillet qu'ils ont célébré dans notre pays.... Puis une deuxième fois un mois plus tard, le 15 août, jour de l'Indépendance, par le premier président du pays libéré, les deux fois pour la même raison, celle d'avoir chassé de l'école du village un prêtre qui avait osé y dire la messe .. ».

En fait ce fut une belle bagarre car le directeur d'école était « indigène » et le curé était blanc et français; mais le grand père était têtu et il alla jusqu'à écrire au plus haut représentant de sa hiérarchie :

 « Moi, Tezzo dia Mayélà, maître indigène de l'école de Bélà, proteste auprès de votre haute bienveillance de l'injustice dont j'ai été victime. Ceci n'est pas digne de la mère patrie pour laquelle le mot justice devrait être le complément du triptyque liberté, égalité, fraternité. Pour avoir défendu l'école républicaine et laïque contre le cléricalisme en chassant un papiste barbu et ensoutané  accompagné d'enfants de chœur qui avaient pris d'assaut l'école pour y tenir un spectacle de messe un dimanche, j'ai été sanctionné trois fois et blâmé.... etc  » et le grand père a gagné son combat .... Du moins jusqu'à la prise de pouvoir par la clique révolutionnaire marxiste léniniste qui rejeta le héros qui avait été décoré par le pouvoir colonial des Français et par le pouvoir « néo-colonial » de la première République post-indépendance.»

 
 Tout le récit, où l'apprentissage de la vie de Matapari ou plus exactement de ce qu'est un pays africain dans un régime de parti unique, gravite autour des différents protagonistes de la famille et notamment le père de Matapari et son oncle Boula Boula.
 Ce dernier ne devrait pas avoir le beau rôle, contrairement au père, car c'est un opportuniste qui retombe toujours sur ses pieds ; et pourtant, décrit selon le prisme de l'enfant candide, il n'est pas si malmené que ça et on se demande si Dongala ne considère pas ce type de personnage parasite comme un mal nécessaire dans ce monde stupide.

 Le tournant de l'histoire est le choix du président de la République de célébrer le 14ème anniversaire de sa prise pouvoir dans la ville où réside la famille de Matapari et c'est là que Boula Boula saisit sa chance en se lançant dans la politique :

 Le père de Matapari « Je n'ai pas compris pourquoi Boula Boula nous a réveillé si tôt. »

 La mère « C'était pour nous annoncer qu'il était entré au Parti »

 Le père : « Boula Boula marxiste léniniste ? Ne me fais pas rire. Tu es sûre que ton cousin n'a pas flairé une combine là-dedans ? » 

 Et à force de combines, de manœuvres, de mensonges l'oncle devint en quelques années le n° 2 du régime « juste après l'homme-des-masses, l'homme-des-actions-concrètes, le dirigeant populaire-à qui-l'histoire-donne-toujours-raison ... »

Qui dit n° 2 dans une dictature Africaine, dit poste à risques... et c'est évidemment ce qui se passe dans le roman avec le procès des « taupes réactionnaires qui avaient réussi à s'infiltrer jusqu'au sommet de l'appareil du Parti ».

 La description du procès est le clou du roman et que pensez vous qu'il advint : tonton Boula Boula fit spontanément son autocritique, ce qui lui permit de limiter la casse avec une peine de prison.... De plus le vent de l'histoire tournait et sur injonction du président français François Mitterrand, les démocraties dictatoriales africaines devaient respecter les droits de l'homme et s'ouvrir au multipartisme.... Et tonton Boula Boula finit par retrouver la liberté et par créer son parti en affirmant qu'il avait «toujours été un homme de courage comme l'avait prouvé son emprisonnement dû au fait qu'ayant constaté que le régime dont il était l'un des dirigeants importants ne pouvait se réformer de l'intérieur, il avait publiquement marqué son désaccord avec le chef de la révolution. Il avait préféré les dures souffrances du cachot plutôt que de continuer à s'engraisser sur le travail du peuple. Cependant, tout en étant en prison, il avait inspiré la fameuse lettre ouverte qui avait conduit à l'ébranlement de ce régime totalitaire inique et à sa déchéance finale....»

 Sauf que Boula Boula oubliait de préciser que c'est le père de Matapari, excédé et dans un rare moment d'engagement, presque d'égarement, qui a rédigé et affiché cette lettre ce qui l'a conduit à rejoindre son cousin en prison... et que c'est justement cet emprisonnement du directeur des écoles, homme généreux et grand scientifique, qui mit le peuple dans la rue, emmené, au son d'un bandonéon qui jouait l'Internationale, par la très pieuse mère de Matapari. Ce rassemblement de masse a, non seulement, permis la libération des membres de la famille de Matapri mais a aussi fini d'ébranler le régime.

  Que fit le nouveau héros du peuple en sortant de prison ? Interviewé par les journalistes il déclara : « Effectivement c'est magnifique c'est formidable ! Vous vous rendez compte j'étais en prison et je n'en ai rien su..... Le dernier théorème de Fermat vient d'être démontré ! Vous, vous rendez compte, Cela a pris trois siècles ! Trois cents ans...  »

 Boula Boula quant à lui indiqua qu'il « était prêt à mettre son expérience au service du peuple, ce peuple sans lequel il n'était rien »  et il créa, donc, son parti.

 Le chapitre de la campagne électorale vaut aussi son pesant d'arachides mais la morale est sauve car Boula Boula ne recueillit que 0.01 % des voix...

  Un roman qui décape, sur un ton ironique et faussement naïf par le choix d'un enfant, un  candide narrateur. Mais cette description de la vie en Afrique est, malheureusement,  bien souvent une réalité.... en moins drôle.

 Bonne lecture et.......à suivre.

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