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Blog à part..... Il y a un siècle....

1 Août 2014 , Rédigé par niduab Publié dans #Blog à part

Aujourd’hui je présente à mes lecteurs réguliers ou occasionnels, un blog exceptionnel qui nous projette, au jour le jour, il y a cent ans (adresse internet). J’ai récemment évoqué ce blog dans un billet coup de blues en donnant rendez vous le 31 juillet, oubliant que les moyens de communication de l’époque n’étaient pas ce qu’ils sont aujourd’hui et c’est donc avec quelques heures de retard et seulement le 1er août que je tiens ma promesse.

Ce blog est tenu par Olivier Le Tigre ; Le Tigre étant un pseudo ou plutôt un surnom qu’ont donné ses collègues à ce haut fonctionnaire tant il était proche de Georges Clémenceau. Mais voyons d’abord comme Olivier Le Tigre présente lui-même son superbe blog.

« Nous sommes il y a 100 ans, jour pour jour. Un fonctionnaire bien placé du ministère de l'Intérieur puis de l'Elysée raconte son quotidien personnel et professionnel. Proche et conseiller de Georges Clemenceau puis collaborateur des Présidents du Conseil successifs (Aristide Briand, Joseph Caillaux, Raymond Poincaré...), journaliste à ses heures, il vous fait revivre la Belle Epoque et le début du XXème siècle... comme si vous y étiez ! »

Je fis connaissance avec ce blog assez tardivement. Si je me souviens bien c’était en juin 2011 et ce fut par un lien trouvé sur le blog de Benjamin que je venais aussi de découvrir. J’arrivais, déjà trop tard, car le dernier billet remontait à fin février 2011. Un blog commencé en octobre 2007, richement renseigné mais brusquement interrompu en février 2011. J’ai lu, émerveillé par tant de connaissances, tous les billets, les uns après les autres en quelques jours, quelques semaines peut-être. Ensuite, j’y revenais une ou deux fois par mois, espérant un réveil. Il y en eut de courts les automnes 2011 et 2012 …. Et puis plus rien durant 17 longs mois. Je n’ai jamais effacé le lien avec ce blog, y retournant d’ailleurs pour des relectures de temps à autres.

Nouveau réveil en avril 2014…. Je me disais bien que s’il y avait une chance qu’Olivier réapparaisse ça serait avant que la grande guerre éclate, avant que Jaurès ne soit assassiné. Ce fut le cas et toujours avec le même talent. Quel régal !

Il allait être temps que je lui consacre un billet promotionnel, un billet découverte, mais je voulais attendre la date symbolique : le 31 juillet 2014…. Jaurès serait là lui aussi.

Voici 6 billets, des extraits assez longs (j’indique aussi l’adresse directe de chaque billet). Seul le dernier du 1er août est complet.

11 mai 2014 : Jaurès parle (Extraits. Billet complet : link)

«…. Je suis attablé ce midi en face de Jean Jaurès…: l'occasion pour moi d'échanger et de refaire le monde avec un grand monsieur du socialisme, un défenseur des plus hautes valeurs de l'Homme, un pur qui ne triche jamais...(’’…’’)…Chaque rendez-vous avec Jaurès reste l'occasion pour moi d'admirer sa facilité de prise de parole et son sens inné de la formule percutante. Par la magie du verbe et sa permanente hauteur de vue, il transforme n'importe quelle conversation de café initiale... en échanges éminents et emmène avec une puissance intellectuelle irrésistible la pensée de ses interlocuteurs du niveau de la brève de comptoir... vers le firmament de la pensée politique, ni plus ni moins !....(’’…’’)….Quand notre verre se vide, nous abordons enfin le sujet qui me préoccupe : je sais que Jaurès reçoit de nombreuses menaces depuis son opposition ferme et habile à la récente loi sur les trois ans de service militaire….(’’…’’)…  : je suis inquiet pour la sécurité du leader socialiste. Je lui propose que l'on renforce la présence de la police à chacune de ses apparitions publiques et qu'il n'y ait pas seulement un seul agent à ses côtés dans ses déplacements privés mais deux. Il écarte cette proposition qu'il trouve coûteuse pour les deniers publics, d'un revers de main. Il y voit surtout une lâcheté s'il l'acceptait. Il me glisse alors, à voix basse, ces mots qui me laissent coi, en se gravant dès à présent dans ma mémoire : « Olivier, vous savez, le courage, c'est de comprendre sa propre vie... Le courage, c'est d'aimer la vie et de regarder la mort d'un regard tranquille... Le courage, c'est d'aller à l'idéal et de comprendre le réel.»

 

22 Juillet 2014 : Souper chez le Tigre (Extraits. Billet complet : link)

 « La vérité est que nous ne sommes ni défendus ni gouvernés ! » Clemenceau qui m’a invité à partager son souper, en compagnie de Georges Mandel, ne décolère pas. Il se retourne vers moi, accusateur : « Vous avez vu ce rapport de Charles Humbert, rapporteur de la commission de l'armée ? C'est lamentable… »(’’…’’) ….«Ce n'est pas Poincaré que je vise mais cette bande de nuls du Cabinet à commencer par Viviani et ceux qui sont derrière, tremblants face à leurs responsabilités ! Olivier, je me doute bien qu'à l'Elysée vous ne pouvez pas faire grand chose et que ce n'est pas vous qui avez vraiment choisi ces incapables »..(’’ ..’’)….Après avoir tiré à boulets rouges sur le Cabinet, il s'en prend maintenant, comme à son habitude, à Jaurès : « Le congrès de la Sfio qui programme une grève générale en cas de conflit ! Ça aussi, ça va bien nous aider ! D'autant plus que je peux vous dire que les socialistes allemands, eux, la grève générale, ils n'ont pas l'intention de s'y joindre ! Mais pourquoi n'avons-nous pas Jules Guesde à la place de Jaurès ? » Je réponds, sèchement et comme dans un souffle : « Parce que Jaurès est le plus grand. »

Clemenceau s'interrompt. Il me sent blessé de cette attaque contre le grand tribun que j'admire. Mandel vole à notre secours, pour que le repas se finisse bien : « Olivier veut dire que vous avez, Jaurès et vous, un idéal tout aussi élevé et la même hauteur de vue ! » Le Tigre sourit, appréciant le compliment sincère d'un collaborateur de valeur et note la volonté d'apaisement qu'il traduit….. »

 

29 Juillet 2014 : Jaurès à Bruxelles pour sauver la paix ( Extraits. Billet complet : link)

« La rencontre avec Jaurès est finalement brève. Accompagné de ses amis (…), il prend le train à la Gare du Nord pour Bruxelles où est prévue une réunion en urgence du Bureau socialiste international. Au sein de l'annexe de la Maison du Peuple, les dirigeants des partis socialistes européens ont prévu d'évaluer la situation internationale et de montrer la force de leur union face aux différents bellicismes nationaux. Le grand tribun français prendra ensuite la parole dans la soirée devant la foule francophone au Cirque Royal.

Je suis pour ma part avec mon ami Léon Blum et nous parvenons à isoler Jaurès un instant pour prendre un café, juste avant qu'il ne monte dans son wagon. Je lui demande à cette occasion de ne pas insister pour qu'il y ait des manifestations pour la paix dans Paris, ces manifestations ayant toutes les chances d'être vigoureusement interdites par le ministre de l'intérieur Malvy. Il balaie ma requête d'un revers de main : « Nul n'arrête le peuple qui se lève en masse et descend dans la rue pour imposer la paix ! » Je n'ose lui rappeler que le gouvernement risque dans ce cas de mettre en application ce que l'on appelle le « carnet B » qui prévoit l'arrestation préventive de nombreux dirigeants et opposants à la guerre, en cas d'imminence d'un conflit menaçant notre pays. Blum glisse pour sa part à Jaurès quelques mots d’encouragement où je sens poindre aussi beaucoup d'admiration.

Puis le dirigeant socialiste repose sa tasse qu’il a avalé d'un coup, se lève, remonte le quai à grandes enjambées et prend place dans son compartiment, accompagné jusqu'au bout par un policier assurant, sur ma demande, sa protection. À travers la vitre du train qui s'ébranle peu après, il nous fait, à Blum et à moi, deux ou trois brefs signes de la main et se replonge dans ce qui doit être la préparation de son discours du soir ou un prochain article pour l’Humanité…(….) »

 

30 Juillet 2014 : Ma femme avait raison ( Extraits.Billet complet : link)

« Et tu crois que cela me rassure ce que je lis dans la presse et de ne plus te voir rentrer de l’Elysée, épuisé et taciturne,  qu'après 11 heures du soir ? »

Ma femme Nathalie demande des comptes. C'est légitime. Je n'ai que trop tardé à tout lui dire, j'ai pris sur moi au-delà du raisonnable, à assumer mentalement, seul, cette charge de conseiller d’un Président de la République absent, en pleine crise internationale.

Cela me fait du bien de parler à mon épouse, de lui demander conseil pour la suite, de tester ses réactions, elle qui a encore un regard neuf sur ce que je vis...

Elle décide de me questionner avec précision : « On va vers la guerre, n'est-ce pas ? »

Je réponds sans détour et dans un souffle : « Oui, sans aucun doute. » Et je lui raconte d'une traite l'enchaînement terrible que personne n’a pu éviter ces dernières semaines :

1 : cette Autriche décidée à en découdre avec la Serbie, l’Allemagne qui la soutient sans réserve pour ne pas être accusée de se dérober à ses devoirs vis à vis de son seul allié sûr en Europe ;

2 : la mobilisation en Autriche et sans doute parallèlement dans une Russie qui ne peut admettre cette menace de Vienne à ses portes ;

3 : la réaction agressive probable d’une Allemagne préférant se battre avec la Russie d’aujourd’hui plutôt que celle qui risque d’émerger dans deux ou trois ans quand les lignes de chemins de fer pouvant acheminer rapidement les troupes du tsar seront achevées. Le Reich engage dès lors son audacieux plan Schlieffen qui prévoit une mise hors de combat de la France en quelques semaines afin de tourner ensuite toutes ses forces vers l'Est.

Et en toile de fond, les états-majors de toutes les puissances européennes qui ne veulent pas être pris de cours et poussent à l'engagement sans délai de leurs troupes respectives.

Ma femme répète, le regard infiniment triste, tétanisée : «  La guerre, la guerre... Mais cela veut dire que tu pars demain au front ? » Je la rassure. À 46 ans, je serais tout au plus versé dans la « réserve de l’armée territoriale », loin à l'arrière des lignes. Et vu mes fonctions à l'Elysée, il y a peu de chances que cela se produise.

Revenant à la charge, Nathalie questionne à nouveau : « Et Nicolas ? » Là encore, je pense être rassurant. Notre fils aîné est de la classe en 16. Il ne partira donc, le jour de ses vingt ans, que dans deux ans. Et d'ici là, la guerre - si guerre il y a - sera finie. Nous l'aurons gagné ou, comme en 1870, perdu. J'ajoute : « Les états-majors sont tous formels, la guerre aura pour caractéristique d’être brève. L’offensive de l'un des belligérants se révèlera victorieuse rapidement. »

Je sens Nathalie peu convaincue. Elle lâche, en soupirant : « En 1870, nos généraux se sont déjà lamentablement trompés, persuadés d'avoir une armée capable de rivaliser avec la Prusse. En 1914, ils s'égarent encore, j'en suis certaine. Comment imaginer un instant qu'une guerre engageant, sur des territoires immenses, des millions d'hommes ainsi que des matériels énormes, produits de façon industrielle, comme des fusils modernes, mitrailleuses et canons, puisse être une guerre courte ? Au contraire, nous allons basculer dans une horreur totale et longue ! » Je sens que ma femme a raison…… »

 

31 Juillet 2014 : Ce soir, on dîne avec Jaurès. (Extraits Billet complet link)

« Tout s'accélère et malheureusement pas en bien. De l’Elysée, nous suivons avec  effarement la succession des mauvaises nouvelles : mobilisation autrichienne, bombardement de Belgrade et début d’offensive terrestre à son encontre, probable mobilisation russe (…..), ultimatum du chancelier allemand Bethmann contre nous...

J'assiste à la rencontre au Quai avec Von Schoen, l'ambassadeur allemand, qui nous demande une stricte neutralité en cas de guerre entre la Russie et l’empire allemand. Là où nous nous étranglons, c'est quand il assortit son ultimatum de la remise des places fortes de Toul et de Verdun...  « en Kareuntie, s’il fou plaît » dit-il avec son accent teuton bien reconnaissable. Poincaré éructe : « c'est inacceptable ! Berlin se moque de nous ! »

Pendant ce temps, Joffre ne cesse de m'appeler pour obtenir le feu vert pour la mobilisation générale : « Si nous ne réagissons pas tout de suite, les Allemands seront plus prompts que nous et une partie du territoire national sera irrémédiablement envahi, sans combat. »

Nous mettons alors au point notre discours à la population que nous ne souhaitons pas affoler plus qu'elle n'est déjà : « Mobiliser, c'est la seule façon de préserver la paix mais en gardant notre honneur ! » Voilà ce que nous disons aux journalistes pour leur édition du lendemain matin…….(….)

…….J'envoie un pneumatique à Jaurès pour lui proposer que l'on dîne ensemble ce soir. Je sais qu'il s'est emporté contre le sous-secrétaire d'état  Abel Ferry qui l’a reçu dans l'après-midi. Il accuse le gouvernement de n'avoir rien fait pour empêcher les Russes de répondre à la surenchère autrichienne, alors que Viviani lui avait laisse entendre le contraire avant hier. Autrement dit, nous ne savons pas « tenir » notre allié russe et nous mettons ainsi en danger la paix. Bref, par notre inaction, notre passivité coupable, nous trompons l'opinion publique sur notre désir réel d’éviter la guerre.

Jaurès me répond qu'il mange avec des proches quand il aura avancé pour son article vengeur du lendemain qu'il rédige dans les locaux même de l’Humanité. Il pense faire une pause vers 9 heures du soir et aller au Coq d’Or ou plus probablement au café du Croissant (aussi près et plus calme).

Je demande de ce pas à un cycliste de la préfecture de prévenir ma femme de nous rejoindre, en lui précisant d'emmener une photographie des enfants, pour la montrer au grand homme que nous admirons tant, elle et moi. »

Blog à part..... Il y a un siècle....

1er Août 2014 : Jaurès assassiné hier soir. (Billet complet link)

Deux coups de feu à travers le rideau du restaurant. Jaurès est mort. J'étais en face de lui, hier soir, au café du Croissant, ma femme à mes côtés. Après une conversation sur la situation internationale, nous venions de lui montrer, à sa demande, une photographie de notre petit dernier. Au moment de voir ce document, le visage de Jaurès, si soucieux depuis tant de jours, s'est déridé. Il nous a regardés, Nathalie puis moi, avec un beau sourire.

Et puis nous avons vu ce bras armé d'un revolver, ces deux détonations à bout portant sur la tête du tribun. Il s'est écroulé en sang sur son voisin de gauche pendant que deux convives sortaient en courant et tentaient de rattraper l'assassin, qui a finalement été stoppé par le policier qui était dehors en faction. Une ambulance est venue mais le médecin n'a pu que constater le décès.

Je suis resté, éberlué, une partie de la nuit devant le restaurant, avec le préfet de police Célestin Hennion. La foule a grossi au fil des heures devant les lieux du drame. On entendait, dans toutes les rues avoisinantes, les gens se passer, de proche en proche, le message : « Jaurès est mort, Jaurès est mort ! »

 Notre pays a perdu un père cette nuit. Nous avons l'impression que, maintenant, plus rien ne peut nous protéger de la guerre. Nous avons presque le sentiment d’être nus face au drame qui arrive...

Pour se rassurer, chacun se tourne maintenant vers l'armée : notre espoir, notre force.

Merci beaucoup Olivier et surtout, STP, continue  !

( Blog à suivre et n'en doutons pas demain sera un autre jour avec l'ordre de mobilisation générale).

 

Et puis je ne pouvais finir ce billet sans la formidable chanson de Jacques Brel

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