A Livre ouvert......... Les grands garçons...
Ce soir mes camarades, dont certains sont des amis, vont voter pour renouveler la gouvernance du Parti socialiste. Pour cet exercice auquel j’ai longtemps participé, avec souvent un fort engagement, ils doivent choisir entre quatre motions dont chacune à un titre aussi romantique que le texte est probablement peu enthousiasmant…….Stop ! Je ne peux pas vraiment critiquer car je n’ai rien lu ! Ca ne m’intéresse plus !
Par contre j’ai trouvé, fin avril, dans ma librairie préférée, un livre de Claude Askolovitch qui m’a fait le plus grand bien : « Les grands garçons…. Valls, Montebourg, Hamon…… ». Sur place je l’ai feuilleté, j’ai lu quelques passages et j’ai su que je ne pourrais pas m’en détacher. J’ai réglé les 15 euros, je suis rentré à la maison et j’ai repris la lecture.
Je connaissais un peu l’auteur pour avoir lu et apprécié ses chroniques dans ‘’Le Journal du Dimanche‘’ quelques fois dans le ‘’Nouvel Obs’’ ou ‘’Marianne’’ et je l’ai vu et écouté assez souvent à la télévision notamment sur I Télé.
Je connais aussi ces ‘’grands garçons’’ ! Plus ou moins bien selon et même si cela remonte maintenant à quelques années. Je connais bien Vincent Peillon et assez bien Arnaud Montebourg, un peu Benoit Hamon et Manuel Valls…. J’ai eu des contacts avec eux lorsque j’avais quelques responsabilités dans ce parti, dans les instances nationales. Ca me rappelle que j’ai déjà fait un billet, de même type, en avril 2010 en décortiquant un autre livre de journaliste dont le titre est «Supplément socialiste au livre de la jungle». Titre amusant et quelque peu provocateur mais le contenu était nettement moins bon. Il m’a seulement servi de prétexte pour raconter et confirmer quelques anecdotes que je connaissais.
Le livre de Claude Askolovitch a une approche plus intéressante et plus sympathique sans condescendance comme pourrait le laisser croire le titre : d’abord il les connait très bien ces grands garçons et il a de l’empathie pour ces personnages sans pour autant ménager ses critiques.
La note juste est donnée à la fin du livre, après le dernier chapitre en postface appelée ‘’transparence’’
« Nous nous connaissons, les grands garçons et moi, parfois au-delà du seul lien journalistique.... Nous nous connaissons singulièrement avec Manuel Valls, pour des raisons plus essentielles que nos aléas, nos désaccords parfois vifs ou même mes analyses souvent rapides…… Cela n’empêche rien, ni n’autorise évidement…. »
Alors évidemment dans ce livre il est beaucoup question de Manuel, mais tout autant d’Arnaud et de leur rivalité ou parfois de leurs accords, de leurs désaccords et de leurs ruptures. Il y a aussi Vincent, Benoit et quelques autres de façon plus dispersée mais intéressantes et parmi ces garçons il y a même une fille Aurélie.
Le premier chapitre « Tempérance » permet de cerner le caractère de l’actuel chef du gouvernement et s’appuie sur la tragédie du barrage de Sivens avec la mort d’un jeune militant. « A l’assemblée, le 28 octobre, il ne feint pas l’émotion, mais en extrait la politique. Il fait du Valls…….. Il a réussit, il est là où ses mots et sa détermination devaient le conduire….. »
Dans le deuxième chapitre « My friend », Askolovitch revient sur l’épisode du remaniement ministériel fin août 2014 et les départs de Montebourg, Hamon et Aurélie Filippeti. « Manuel est un garçon simple. On ne peut pas garder au pouvoir un ministre devenu une bombe à retardement. Il ne se fâche pas contre Arnaud. Comment se fâcher contre Arnaud…..On le perd, simplement, et la vie avancera…
Avec Benoit Hamon, ministre de l’Education qui tombe sur un malentendu, il est navré, amical, embêté de cette fatalité de circonstances….
Il ne se fâche, en réalité, que sur la troisième débarquée…. Elle prend pour les autres et pour elle-même, et il lui dit ce qu’il pense : « Vous faites n’importe quoi !... Toi, Arnaud, Benoit, vous tombez tous, les uns après les autres, vous renoncez !.....»
Dans le troisième chapitre intitulé « Narvik » il raconte comment Valls et Montebourg on fait alliance à l’automne 2013 «….dans des approches et compréhensions mutuelles, l’idée qu’eux deux doivent s’extraire, ensemble, de la gangue médiocre du quinquennat et arracher le pouvoir à ceux qui l’abiment……Narvik est une alliance de circonstance. Elle cristallise quand Montebourg et Valls, tous les deux, chacun son tour, se sont sentis menacés par Ayrault. L’entente se borde sur sa gauche d’un pacte de consentement entre Hamon et Valls, censé museler l’hostilité des gauches du PS envers le ministre de l’intérieur….. »
Le quatrième chapitre « Cognac » suit l’implication incompréhensible d’Arnaud Montebourg dans les opérations de reprise d’Alstom. « Valls, sur ce dossier, à moins de convictions industrielles que d’enjeu politique…… Mais Arnaud l’embête. Il parle trop. Il parle de lui. Pour lui. On ne sait plus ce qu’il veut….. »
Sur le chapitre suivant « L’impromptu de la Bresse », qui revient à juin 2007 juste après la défaite de Ségolène Royale qui s’était entourée pour sa campagne de tous ces garçons, je ne m’attarde pas.
Dans le sixième chapitre « Deschanel », l’auteur poursuit « Est-ce leur faute, s’ils sont de gauche et adultes en un temps où la gauche a épuisé toutes ses illusions et son droit à trahir et où il faut pourtant gouverner ?...... Vincent Peillon, le plus ambitieux de tous, qui voulait être politique et réinventer la politique à la fois, qui n’était jamais si heureux qu’avec ses livres de philosophie mais qui les abandonnait pour d’insignifiantes batailles au cœur du Parti socialiste. Lui a eu sa chance dans son ministère de cœur, à l’éducation, puis s’en est allé, victime de sa logique incompréhensible aux enseignants normaux…. »
Dans le chapitre sept « L’ennui et le désordre » Claude Askolovitch, revient encore plus en arrière pour dépeindre le parcours de Montbourg. Il évoque notamment une histoire que j’ai bien connu celle du NPS et ses deux chefs Peillon et Montebourg : «…. Ces deux là se sont choisis. Vincent est l’aîné, il a quelque chose d’adulte et de didactique, posé et intellectuel, et une pratique de la chose politicienne qu’Arnaud ne possède pas…… Vincent a de lui-même une haute opinion, pas injustifiée. Arnaud aussi, qui possède en plus l’aisance charmante et l’absence d’inhibition qui manque au philosophe. Belle équipe. Dans quelques années, c’est la pitié de tout ça, Arnaud et Vincent se haïront. La course au pouvoir les aura égarés l’un à l’autre….. »
Au huitième chapitre, « De la paralysie du mensonge » l’auteur parle encore beaucoup de Vincent Peillon et raconte une anecdote que je ne connaissais pas mais qui me rappelle, quand même, quelques conversations d’alors. « Je me souviens du jour où j’ai raconté à Vincent Peillon le trotskisme de Lionel Jospin…. Ce ne sont pas les circonstances qui m’ont marqué mais ce que dégageait Peillon, un mélange de surprise et de découragement mêlés de colère d’avoir été dupé, un amusement outré aussi face à cette révélation…..Je lui racontais cela, avant même que mon livre ne sorte. Vincent m’intéressait. Question de confiance lui-même cachait peu à quel point l’époque le frustrait….
….. Porté par deux jospiniens, Valls et Peillon, ces philippiques eurosceptiques témoignent du bouleversement. Dix ans plus tard, ces deux garçons seront pourtant dans l’équipe Hollande, qui renoncera à résister frontalement à l’union et à ses règles et à ses règles financières. Manuel et Vincent auront joué leurs parties, l’un et l’autre, et auront raté leurs échappées belles : Hollande aura raflé la mise et imposé sa continuité…. »
Je vais maintenant rapidement sur la suite du livre pour laisser de futurs lecteurs les découvrir :
Le neuvième chapitre, « Le chat se promène seul » s’intéresse essentiellement au parcours de Manuel Valls depuis les années 80.
Le dixième chapitre « Bravaches en confusion » décrit la période qui va 2002 à 2007 avec notamment l’aventure NPS à laquelle j’ai participée.
Le chapitre onze « Etre furieux d’avoir raison » poursuit l’analyse de nos garçons qui cherchent, chacun sa voie, et sans ausculter l’hypothèse DSK, puis après sa chute le positionnement de chacun pour la primaire. « …..Manuel est pragmatique. Il rallie Hollande sans barguigner, tirant avantage de son petit score pour faire mouvement… Il veut gouverner et sait que la gauche va gagner….. Montebourg aussi rallie Hollande mais en y mettant le temps. Il n’y croit pas, et puis se force….. Vincent Peillon rassemble depuis des mois des experts et des professeurs pour inventer une politique de gauche dans l’Education nationale….. »
Mais le chapitre le plus important est forcément le dernier « L’enfer de Capoue »
On ne va pas raconter ce quinquennat en cours. Ce n’est plus le propos. Tout est sur la table. La seule question qui vaille est ce que le pouvoir a fait à ces hommes et femmes qui l’avaient tant désiré, et l’ont obtenu que dans la frustration : c’était un autre, dont ils n’avaient jamais voulu qui le leur accordait……
…..Arnaud Montebourg a retrouvé la société, qu’il n’aurait jamais du quitter. Comme il a des rêves plus grands que nous, peut-être son escapade dans l’économie réelle ne sera-t-elle que transitoire. « C’est par la société qu’on reprendra le pouvoir » me jure-t-il, et moi qui l’aime beaucoup, je préférerais qu’il s’abstienne et devienne simplement millionnaire, dans les biotechniques, si tel est son choix, et j’ignore si l’ambition qu’il affiche est réelle, ou simplement un hommage à son passé. Montebourg a joué et il a perdu. Il a été dans le vrai tout au long de son parcours, vrai dans les grandes lignes, nous négligerons les failles de comportement et quelques impropriétés……Il fallait le pouvoir et le gouvernement pour qu’Arnaud aille au bout de sa lassitude et admette que cette gauche n’était pas faite pour lui….
Vincent Peillon aussi est heureux d’avoir trouvé la paix quand il pourrait souffrir le martyr d’avoir perdu la seule charge qui devait le sauver. …. Réformer l’école était le seul combat possible. La crise identitaire française était la crise de l’école, cette école qui fondait la République. Tout se tenait. Réussir à l’Education était devenu sa dernière preuve, la justification d’une vie. Il avait tout simplement raison. Il a mis en place les rythmes scolaires et puis est tombé sur autre chose : la crosse en l’air d’élu locaux contre une réforme qu’il aurait fallu vendre en vieux routier du maquignonnage politique, à la négociation avec les notables. Il ne savait plus faire, empêtré de sa sincérité……… Il n’est plus tout à fait de ce monde et ne rattrapera plus ce qu’on lui a pris…… En Octobre 2013, Vincent Peillon, ministre de l’Education nationale, inaugurait à Caen les nouvelles écoles supérieures du professorat. Il parlait ainsi aux nouveaux hussards de sa chère République. Il était magnifique d’empathie, et l’on aurait dit, comme souvent qu’il parlait de lui-même, de ce qu’il avait été : « Les forces d’abaissement sont présentent en chacun de nous. Il peut-y avoir des moments de découragement, des lâchetés. Le métier que vous avez choisi vous obligera chaque jour à aller chercher la meilleure part de vous-même pour rencontrer la meilleure part de l’élève. » Sa meilleure part n’était plus en politique…..
De tous, seul Manuel s’épanouit au pouvoir. N’inversons pas les données. Ce n’est pas parce qu’il gouverne encore qu’il est heureux ; c’est parce qu’il est heureux de gouverner qu’il gouverne au-delà des autres…..
…. Il y avait, dans le passé de Valls, des signes qui prédisposent à l’exercice du gouvernement, qui tient toujours de sa force, toujours de sa décision, tantôt de sa sincérité, tantôt de la réassurance : avec ces principes, on peut aller loin, à l’âge de la communication…. Il est adéquat. Valls a un avantage sur le reste de la gauche. Il a appris de longue date à ne plus penser comme elle. Il y a en France suffisamment de peurs pour que l’on regarde immédiatement vers la fermeté. Manuel à l’intérieur eut la partie facile. ….. Quand il passe à Matignon, la partie est plus rude. Monter la garde devant la France est une chose aisée. Lui faire admettre la mue libérale en est une autre. Il s’en sort pourtant, accélérant même. Quand il avance, il vit. Manuel avait raison sur un point capital : la gauche est bien morte, dans ses atours d’antan. Elle ne demande plus les réconforts de la dialectique, mais qu’on avance et qu’on en finisse…..
…..Il veut lutter contre le dénigrement national. Halte au french-bashing est son ultime slogan : que les français s’aiment et que la France soit aimable. Il ne veut plus qu’on abime le pays, à l’extérieur ou au-dedans. »
Un livre qui fait du bien à quelqu’un qui, au fil du temps, a partagé des sentiments, des émotions, des engagements, des emballements, des déceptions avec ‘’ces héros’’, ‘’ces grands garçons’’ qui étaient beaucoup plus jeunes que moi et ce contrairement à Claude Askolovitch.
(A suivre)