Blog à part…. L’histoire de l’hôtel de ville de Niort
C’est un document très intéressant que j’ai retrouvé en faisant un peu de rangement de printemps ; il y a donc déjà quelques mois. Une aubaine pour préparer un billet de période estivale : pour les touristes bien sûr qui passeraient par Niort et qui par hasard consulteraient ce blog ! Une aubaine surtout par un papy qui, à longueur de journée, est accaparé par ses petits-enfants, plus ‘’chicoufs’’ que jamais.
Je sais qui est l’auteur de ce texte même si je ne le connaissais pas personnellement. Ca fait d’ailleurs très longtemps que je ne l’ai pas croisé dans notre bonne ville. Je citerai sa fonction et peut-être son nom en fin de billet.
« Quatre hôtels de ville ont précédé celui que nous connaissons actuellement.
La première maison commune se situait entre l’actuelle rue Jean Jacques Rousseau, la rue des Cordeliers et la rue du rempart. Il n’en subsiste aucune trace mais nous savons que le corps de ville s’y est réuni jusqu’en 1370.
Le deuxième commencée vers 1380 s’élevait à l’emplacement de notre actuel Pilori. Le Duc de Berry, frère du roi, comte du Poitou, favorisa beaucoup notre ville et offrit à la maison commune une importante horloge. Cette construction devint toutefois rapidement insuffisante. Dès 1530-1535, le nouvel hôtel de ville dû au maître-maçon Mathurin Berthomé fut reconstruit dans le style renaissance alors en vigueur. C’est le monument que nous connaissons encore sous le nom de Pilori. Une partie du beffroi du XIVe siècle fut reconstruite. Elle porte encore les armes de notre ville, les plus anciennes connues à ce jour. Ce bâtiment fut abondamment restauré entre 1882 et 1887 et transformé en musée. L’hôtel de ville fonctionna jusqu’en 1789.
Après cette date il fut transféré dans l’enceinte du château à l’emplacement des halles actuelles où se tenait les anciens appartements du gouverneur. Les bâtiments fort incommodes et vétustes jouxtaient les abattoirs ! La construction des halles fit disparaître ce bâtiment. L’hôtel de ville alla s’implanter tout près dans une ancienne maison située rue Thiers.
C’est en 1892 que les premières idées d’un nouvel hôtel de ville se manifestèrent. Cinq ans plus tard, le 27 avril 1897, le Président de la République Félix Faure vint poser, la première pierre, le maire étant Jean Laydet. Cette journée resta gravée dans la mémoire des niortais en raison des trompes d’eau qui s’abattirent sur la ville, mais aussi des importantes fêtes qui marquèrent l’évènement.
Au mois de juin suivant eu lieu l’adjudication des travaux qui furent terminés en 1901 et inaugurés par le ministre de la justice de l’époque qui ne connut pas un temps plus clément qu’en 198. De très importantes fêtes eurent encore lieu rassemblant presque tous le monde. Niort comptait alors 23.000 habitants.
L’architecte Georges Lasseron qui avait déjà construit l’école des filles de Jean Macé, ainsi que l’école de dessin (l’actuel musée d’histoire naturelle), créa un bâtiment de style renaissance. Il faut dire que ce style et cette époque étaient alors très en faveur et que le modèle auquel on se référait alors était l’hôtel de ville de Paris qui venait d’être reconstruit après les évènements de 1870.
Le bâtiment comporte un corps central flanqué des deux ailes en retour et possède deux niveaux plus un sous-sol et des combles. La partie centrale est surmontée en façade d’un fronton avec horloge couronné par les armes de Niort tenues par deux personnages, non pas des hercules comme ce fut le cas autrefois, mais des ‘’sauvages’’ canadiens. L’entrée du rez-de-chaussée vouté en plein cintre est profonde et ornée de caissons. Entre chacune des fenêtres de l’étage, à double meneau, on remarque des trophées sculptés correspondant en fait à un assemblage d’objets évoquant le commerce, l’industrie, la navigation, les arts, l’éducation, l’agriculture, qui sont considérés comme les valeurs de notre pays. Le balcon du premier étage complète ce programme savamment étudié. Le maire et certains élus niortais s’y montraient lors des grandes manifestations officielles, élections, mais aussi réceptions de certaines personnalités. Ce balcon répond en écho à la surélévation de la balustrade et de l’emmarchement du rez-de-chaussée.
L’ensemble est couronné par un élégant campanile calqué sur les exemples de Chambord et de Paris et qui présente aussi l’avantage de pouvoir servir d’éventuelle tour d’observation.
Tout cela correspond à une sorte de mise en scène en parfait accord avec le protocole de l’époque. Cet effet de fuite de perspective vers l’intérieur de l’édifice et le grand escalier, est accentué par la pente de la rue Thiers. La façade de l’hôtel de ville par sa conception et aussi sa décoration joue le rôle d’un fond de scène qui est celui de la politique de l’époque. On y retrouve à l’intérieur dans le grand escalier, en particulier dans la grande salle des fêtes du premier étage, cette volonté d’entourer les grands évènements qui règlent la vie de notre cité d’un certain apparat.
Les chroniques sont restées muettes sur les deux parties fortes de la décoration intérieure de cet office qui vont être prochainement proposées pour un classement au titre des Monuments Historiques. Il s’agit de la salle du Conseil Municipal ornée d’une vaste toile peinte, collée sur le mur, due à l’artiste Charles de Fouqueray et représentant ‘’Aliénor d’Aquitaine octroyant aux échevins de Niort la charte de franche commune en 1203’’, reconnaissant par là-même le droit de notre cité à la liberté et à l’indépendance en ayant ses propres magistrats. Les personnages représentés dans la scène, en particulier les échevins, sont des portraits véritables des responsables municipaux niortais des années 1900, dont le maire était Monsieur Martin-Bastard. Le mobilier de la salle du Conseil Municipal en particulier les sièges, sont également remarquables et ont été exécutés en noyer. C’est aussi le cas pour une partie des sièges de la salle des mariages complétée par un mobilier de qualité en chêne.
La salle des mariages comprend une décoration peinte correspondant à un programme spécialement intéressant (*). Il faut remarquer la qualité de la cheminée en marbre ainsi que la présence du tronc destiné à la quête pour l’entretien de nos écoles. Il est bon de rappeler à ce sujet que les principales écoles niortaises étaient construites depuis une quinzaine d’années à la suite des lois sous Jules Ferry.
(*) Les trois âges de la vie par Charles Fouqueray. Hôtel de Ville de Niort- Salle des mariages.
-C’est en 1901 que Charles Fouqueray (1872-1956) dont on sait qu’il eut sa famille en Poitou, peintre habitué du Salon et peintre de la Marine, exécuta la décoration intérieure de l’Hôtel de Ville de Niort, et en particulier la grande peinture de la salle du Conseil ‘’Aliénor d’Aquitaine octroyant à la commune sa charte municipale’’, ainsi que celles illustrant les trois âges de la vie, dans la salle des Mariages. Ce sont elles qui nous intéressent aujourd’hui ! Insérées dans les lambris, les toiles, marouflées sont logiquement réparties en trois points :
la plus vaste disposée en triptyque se situe juste au dessus de l’endroit où officie le représentant municipal, c'est-à-dire face aux mariés. Il semble d’ailleurs s’agir d’une demande en mariage, scène galante dont est témoin une femme apparemment délaissée.
Sur le mur opposé sont figurés les deux autres âges de la vie, la petite enfance d’une part, et la vieillesse de l’autre. Comme dans l’œuvre précédente chaque tableau s’accompagne d’un panneau, de taille modeste, situé en dessous et illustrant une saison mise en concordance avec l’âge de la vie représenté.
A l’enfance personnifié par deux jeunes enfants nus, l’un est encore bébé, assis près de sa jeune mère, dans un paysage fleuri, correspond le Printemps mis en évidence sur le tableautin du dessous par un plan d’arbres fruitiers en fleurs dont le symbolisme est on ne peut plus évocateur.
A l’aube de la vie et à l’innocence s’oppose la scène la scène suivante où l’on remarque un vieillard en méditation accompagné d’une femme habillée de sombre, témoin déjà rencontré précédemment, aux abords d’une ville qui allume ses feux à l’instant du crépuscule. En dessous, un paysage enneigé et glacial évoque avec facilité les froideurs de la mort au terme d’une vie dont les douleurs sont évoquées par le chardon du premier plan.
On remarquera que dans cet ensemble l’artiste a utilisé une touche très divisée où l’influence des impressionnistes et aussi celle de Van Gogh semblent évidentes.
C’est ainsi que Fourqueray, à sa façon, a décrit et répondu à l’énigme posée par le Sphinx de la mythologie.
Ch. Gendron
Conservateur des Musées de la ville de Niort.