A livres ouverts…. La place du jazz dans les polars de Michael Connelly
C’est en lisant le dernier roman policier de Michael Connelly, « Dans la ville en feu » que j’ai eu l’idée de ce billet. Je précise immédiatement que ce roman est le dernier sorti en version livre de poche. En polar, pour des raisons de confort (position horizontale) et coût, je ne lis que des livres de poche, à de très rares exceptions près (Cadeaux ou rencontre et dédicace de l’auteur)… et sans oublier le rangement des bouquins. J’ai dans ma biblio, vingt-six romans de Connelly; un vingt-septième déjà sorti en best-seller en avril « Mariachi plaza » les rejoindra au printemps prochain quand il paraîtra en livre de poche, sensiblement en même temps que le prochain best-seller et ainsi de suite. Dans une bonne quinzaine de romans le personnage principal est Harry Bosch, inspecteur du LAPD (Police de Los Angeles) et c’est lui le fondu de Jazz. Dans quelques romans il partage la vedette avec un autre, à savoir l’avocat (et son demi-frère) Michael Haller (3 romans) et l’agent du FBI Terry McCaleb (1 roman), il y a aussi des romans où Bosch a pour partenaire un agent féminin du FBI, Eléanor Wish (3 romans) et Rachel Walling (5 romans) mais comme elles deviennent finalement très proches de lui (Eléanor étant la mère de sa fille Maddie) je ne les différencie pas de la série des " Harry Bosch ". Enfin dans quelques romans, j’en compte cinq que je mentionnerai en fin de billet, Harry Bosch est totalement absent. Michael Connelly, dans tous ses romans, parle plus ou moins de musique mais quand Bosch est absent ce n’est plus vraiment du jazz.
Comme je l’ai dit en introduction, c’est le dernier roman lu « Dans la ville en feu » qui m’a donné envie de travailler ce thème, aussi vais-je commencer par celui-là avant de reprendre ensuite l’ordre chronologique des romans et là, pour retrouver les pistes de jazz ça va être une sacrée enquête.
« Dans la ville en feu » : 1992 Los Angeles est en proie aux émeutes et les pillages font rage quand Harry Bosch découvre, au détour d'une rue sombre, le cadavre d’une jeune femme qui s’avérera être une journaliste danoise. A l'époque, impossible pour l'inspecteur de s'attarder sur cette victime qui n'en est qu'une parmi tant d'autres pour la police déployée dans la ville en feu. Vingt ans plus tard, au Bureau des Affaires non résolues, Bosch, qui n'a jamais oublié la jeune femme, a enfin l'occasion de lui rendre justice et de rouvrir le dossier du meurtre.»
Extraits pages 102 à 105. «…. Harry alluma la chaîne et ouvrit le tiroir à CD. Sa fille en avait placé cinq de ses préférés dans le bac : Frank Morgan, George Cables, Art Pepper, Ron Carter et Thelonius Monk. Il choisit le mode aléatoire et passa sur la terrasse…. Il commença à manger et remarqua que c’était Helen’s Song qui montait des haut-parleurs. Il sentit tout l’amour que Georges Cables y avait mis. Il avait toujours pensé qu’Hélène était une épouse ou une petite amie… »
Extrait page 113, le cadeau d’anniversaire de sa fille « …Il défit le papier et tomba sur un coffret de six CD contenant une collection d’enregistrements live d’Art Pepper récemment sortie….»
Extraits pages 237 à 238. «…. Bosch en était au troisième album et écoutait une version saisissante de Patricia enregistrée trois décennies plus tôt en Angleterre…. C’était un des grands classiques d’Art Pepper, mais jamais encore il ne l’avait entendu aussi pleine de passion et de nerf….. "Il s’agit de sa fille" dit-il… "De quoi tu parles ?" lui demanda Maddie…. "De ce morceau, Patricia. Il l’a écrit pour elle. Il a été loin d’elle pendant de longues périodes de sa vie mais il l’aimait et elle lui manquait. Ca s’entend, non ?"...... "Je crois oui", répondit Maddie, "on croirait presque entendre pleurer son sax"……. »
Extraits pages 317 à 319. « …Holodnak, officier instructeur du LAPD, était un aficionado de jazz comme Harry n’en connaissait pas d’autres et ses tuyaux étaient généralement bons…. Danny Grissett… Bosch reconnut le nom, mais il lui fallait encore le remettre. Tel était le petit jeu auquel Holodnak et lui s’amusaient souvent…. "Piano'' dit enfin Harry ''et en plus, il est du coin'' …… ''Vrai et faux. Il est bien d’ici, mais ça fait longtemps qu’il est basé à New York. Je l’ai vu avec Harrell au standard la dernière fois que je suis allé là-bas" ….. "Grissett produit ses propres trucs" reprit Holodnak. "Je te recommande un disque intitulé Form c’est du néo-bop ".... "Ok, noté, je vois ça et je te retrouve à 10 heures" lui répondit Harry… "Minute, minute. Pas si vite l’ami", lui renvoya aussitôt Holodnak. "C’est à ton tour ? Donne-moi quelque chose…. C’était la règle !" …. Bosch sentit que c’était sans espoir. "D’accord, disons… Gary Smulyan ?"...." Hidden Treasure " lui renvoya aussitôt Holodnak en lui donnant le nom du disque auquel pensait Bosch. " Du bon mais je t’ai eu"…. ….. "Bah, un jour ça sera mon tour" répondit Harry… »
Le premier polar de Connelly est sorti en 1993 « Les égouts de Los Angeles : Suite à la découverte d’un cadavre dans un égout, Harry Bosch est chargé de l’enquête et réalise rapidement que le mort était un ancien compagnon, qui fut comme lui ‘’rat de tunnel’ pendant la guerre du Vietnam. Il sera amené à enquêter sur de mystérieuses attaques de banques…»
Extrait page 72 «… Harry avait branché la radio sur une station de jazz où Coltrane jouait Soul Eyes … »
Extrait page 229 « …Eléanor l’invita à s’asseoir dans le salon pendant qu’elle préparait le dîner ; ‘’Si vous aimez le jazz, je viens d’acheter un compact que je n’ai pas encore eu le temps d’écouter’’. Il s’approcha de la chaîne hi-fi et prit le compact : Falling in love with Jazz de Sonny Rollins. Il ne put s’empêcher de sourire car il l’avait aussi. Connexion mentale… »
Extrait page 271 « ….Il brancha la chaine hi-fi et mit un disque de Wayne Shorter, après quoi il sortit pour se rendre au garage…… quand il revint à l’intérieur Shorter achevait 502 Blues… »
« La glace noire » (1995) « Un collègue de Bosch, est retrouvé mort dans un petit motel de L.A. Aussitôt arrivé sur les lieux, Harry Bosch se fait virer des lieux du crime par ses patrons. La thèse du suicide est imposée et c'est tout. Ne se laissant pas impressionner, Bosch enquête de son côté et apprend que Moore était lié à un trafic de drogue, la "black ice". »
Extraits page 8 et 9 « …..Harry écoutait une version de Song of the Underground Railroad de Coltrane… …Il bu une gorgée de vin et alluma une cigarette. Coltrane lui offrait maintenant une version de Spiritual enregistrée en public au Village Vangard de New York à l’époque où il n’était encore qu’un enfant…»
Extrait page 116 «…Il était presque minuit quand il rentra à la maison. Il mit dans le lecteur le disque de Franck Morgan Mood Indigo et resta là dans le salon, sans bouger, à écouter le phrasé du premier solo de Lullaby… »
« La blonde en béton » (1996) « Harry Bosch est convaincu que l’homme qu’il a abattu était Dollmaker, un tueur en série de prostituées. La veuve du mort l’assigne en justice et pendant le procès une nouvelle victime selon la méthodologie du Dollmaker est trouvée…. »
Extraits pages 287 à 289. «…..Le quartet attaqua avec un standard de Billy Strayhorn, Lush Life……Bosch reporta son attention sur les musiciens. Ils avaient enchaîné avec un autre morceau de Billy Strayhorn, Blood Count. Le saxophoniste jouait avec une sorte de professionnalisme tranquille, s’en tenant à la ligne mélodique avec un phrasé d’une belle limpidité... après le départ d’Edgar, Bosch parvint à attirer l’attention de la serveuse et commanda un autre whisky. Le quartet joua Rain Check, avec quelques mesures d’improvisation qui l’enchantèrent. Il se renversa dans son siège et fuma en écoutant la musique, s’efforçant de penser à autre chose qu’à des histoires de flics et de meurtriers. Mais soudain.. »
Sans doute celui qui reste à ce jour mon roman préféré de Michael Connelly « Le dernier Coyote » (1999). « L'inspecteur Bosch est mis en congé forcé suite à des problèmes avec sa hiérarchie. Il doit aussi assister à des séances chez la psychiatre de la police de L.A. Il profite de ce congé pour enquêter sur une vieille affaire non résolue, l’assassinat de Marjorie, une prostituée, sa mère… »
Extrait page 44 : «….Clifford Brown jouait Willows Weep Me ; sa trompette était aussi douce que le pinceau d’un peintre exécutant un portrait…. »
Extrait pages 80 et 81 : « Une quintette jouait sur la petite scène tout au fond de la salle, avec un saxo ténor solo. Ils terminaient Do nothing till you hear from Me, et Bosch devina qu’il arrivait à la fin d’un long set. Le saxo manquait de nerf…… Puis le groupe attaqua What a wonderfull world. Aucun des membres du groupe ne s’avança pour chanter ; personne ne pouvait rivaliser avec Luis Amstrong. Mais c’était bien quand même……Bosch connaissait par cœur les paroles : ‘’Je vois les arbres verts et les roses rouges, je les vois fleurir pour toi et moi et je me dis alors que ce monde est merveilleux''..»
« Le cadavre dans la Rolls » (1998) : « Un producteur de films érotiques est retrouvé mort dans le coffre de sa voiture, une Rolls. L'enquête s’oriente sur un crime mafieux et amène Bosch à Las Vegas où il retrouve Eleanor qui travaille pour des casinos depuis son licenciement du FBI. » Question ambiance musicale l’auteur fournit quelques références pop-rocks ou pop-folks sans intérêts, mais pas la moindre note de jazz (et j’ai bien cherché), mais une touche de musique classique.
Extrait page 38 « Du Hollywood Bowl monta un tonnerre d’applaudissements lorsque s’acheva Shéhérazade ». La symphonie de Rimski-Korsakov déjà croisé dans « La nuit du coyote » page 144 « Sa mère lui disait toujours qu’un jour elle l’emmènerait au Hollywood Bowl pour écouter Shéhérazade. C’était l’œuvre qu’elle préférait. Cela ne s’était jamais fait. Le tribunal les avait séparés et elle est morte avant de pouvoir le récupérer.. ». On retrouvera aussi ce titre dans « Volte face » p.265.
« L’envol des anges » en 2000 : « Deux cadavres au pied du funiculaire de l'Angel Flight celui d'une femme et celui d’un célèbre avocat des droits civiques dont la spécialité était d'amener des membres de la police de L.A. devant les tribunaux. L'enquête révèle rapidement que l'avocat était sur le point de découvrir une sale affaire de pédophilie où des têtes policières et politiques risquaient de tomber. » C'est le deuxième roman où le jazz est quasiment absent à l’exception Lullaby de Frank Morgan déjà rencontré dans « La glace noire »
Extrait (page 374) « ….Il fit défiler la bande en avance rapide jusqu’à ce qu’il tombe sur le thème qu’il cherchait. Lubally était comme un chant funéraire vibrant, un adieu et des excuses adressés à Eleanor. Cette musique allait bien avec la pluie. Bosch ne cessa de l’écouter en roulant…. »
« L’oiseau des ténèbres » (2001) « L'inspecteur Harry Bosch doit témoigner au procès d’un producteur accusé du meurtre d'une jeune actrice. Terry Mc Caleb, ancien du FBI est consulté par une ancienne collègue au sujet du crime d’un petit malfrat. Les deux enquêteurs vont être amenés à se rencontrer…. » Entre complémentarité et méfiance, le jazz va les aider à se comprendre. (p. 207 à 208).
« ….McCaleb s’était planté devant la chaîne stéréo et regardait un CD. "C’est ça que tu avais mis?" Demanda t-il. "Art Pepper et la Rythme section ?’’...Bosch s’approcha…. "Oui, dit-il. Art Pepper et les complices de Miles. Red Garland au piano, Paul Chambert à la basse et Philly Joe Jones à la batterie. Enregistré ici même à Los Angeles le 19 janvier 1957, en un jour. Un jour de chance, un classique….’’ Il faisait partie de l’orchestre de Miles Davis ?" … "A l’époque oui’’… Mc Caleb hocha la tête, tandis que Bosch se penchait plus près pour voir la couverture du CD…. "Quand j’étais petit, je n’ai jamais su qui était mon père. Ma mère avait des tas de disques d’Art Pepper. Elle traînait beaucoup dans certains clubs où il jouait. Un sacré mec ce type ! Pour un drogué. Je m’étais inventé toute une histoire comme quoi c’était mon père et que, bien sûr, il n’était jamais là parce qu’il jouait et enregistrait des disques à droite et à gauche. Et j’y croyais presque’’… McCaleb scruta la photo. On y voyait un très bel homme adossé à un arbre, son saxophone au creux du bras droit ‘’C’est vrai qu’il savait jouer" dit-il…. ‘’Ca ! Un génie avec une aiguille à dope planté dans le bras.’’ . Bosch se rapprocha et monta légèrement le volume. Intitulé Straight life ’’. ‘’Tu crois ?’’ demanda Mc Caleb… "Qu’est ce que je crois. Que c’était un génie ? Avec son sax ça ne fait aucun doute" ...’’Non, que tout génie, musicien, artiste, voire inspecteur, a une faille de ce genre ? Une aiguille de dope dans le bras ?’’… "Génie ou pas, oui je crois que tout le monde a une faille.’’....»
« Wonderland Avenue » (2002) « L'inspecteur Harry Bosch enquête sur des ossements d'enfant trouvés par hasard à proximité de Wonderland Avenue. L'enquête l'amène à explorer le passé des habitants de la rue »
Extraits page 93 à 99 «…Debout dans le living, Brasher regardait les CD rangés près de la chaîne stéréo. ‘’J’adore le jazz, dit-elle’’… Il sourit en l’entendant. Il finit de secouer le shaker, versa les martinis et lui tendit son verre. ‘’Qui aimes-tu ?’’… " Hmmm, depuis quelques temps Bill Evans.’’…Il acquiesça, s’approcha du casier à CD en sortit Kind of blue et le glissa dans le lecteur… ‘’ Bill et Miles, dit-il. Sans oublier Coltrane et quelques autres. Il n’y a rien de mieux’’….. La musique ayant démarré, il prit son martini. Elle s’approcha et choqua son verre contre le sien. Puis au lieu de boire, ils s’embrassèrent. ……. Plus tard, la musique s’étant arrêtée, il se leva pour changer le CD. Lorsqu’il revint dans la chambre elle reconnut le musicien. ‘’Clifford Brown ? demanda-t-elle’’…Il confirma d’un signe de la tête. C’était la première fois qu’il rencontrait une femme capable de reconnaître des musiciens de jazz….. »
A suivre : Le projet était quelque peu ambitieux. Je dois poursuivre cette enquête dans mon prochain billet…. D’ici trois ou quatre jours. Patience, on est en vacances. Et puis profitez-en pour écouter tous ces bons morceaux de jazz en cliquant sur le titre.