Ciné-cure ..... Loving Jeff Nichols
J’ai vu la semaine dernière un magnifique film « Loving ». Ce n’est que le cinquième film de Jeff Nickols, un jeune et talentueux réalisateur américain qui fait un début de carrière époustouflant, du moins pour ce qui concerne les quatre films que j’ai vus. Tous ont reçu, à leur sortie, un accueil dithyrambique de la presse spécialisée, côtés systématiquement cinq étoiles ; un verdict que les spectateurs n’ont pas désavoué. Pour ce qui me concerne j’ai classé « Midnight spécial » deuxième meilleur film de l’année de ma rétro 2016. Et ça commence très bien pour 2017 avec « Loving ». Je ne vais donc pas attendre que ce réalisateur ait réalisé une quarantaine de films pour lui consacrer un billet. C’est ce que je l’ai déjà fait pour des films comme « Royal Affair » du réalisateur danois Nicholaj Arcel et « Margin Call » du réalisateur américain J.C Chandor. Et encore pour ces deux réalisateurs je prenais plus de risque puisque c’était leur premier film alors que pour Jeff Nichols je n’ai pas le moindre doute c’est du bon, de l’excellent cinéma : un très grand réalisateur a débarqué sur les écrans il y a cinq ans (peut-être même 9 ans en comptant le premier que je n’ai pas vu) et il est donc temps que ça se sache.
Allo ciné présente sur son site une biographie de Jeff Nichols: Né le 7 décembre 1978 à Little Rock dans l’Arkansas au sein d'une famille modeste, le jeune homme étudie à l'École d'Arts et de Cinéma de Caroline du Nord et en ressort diplômé en 2001. Après ses études, Jeff réalise quelques courts-métrages puis tourne en 2007 son premier long-métrage, Shotgun Stories. « L’histoire : Dans une petite ville du sud de l'Arkansas, trois frères âgés d'une vingtaine d'années n'ont plus aucun contact avec leur père depuis qu'il les a abandonnés. Il s'est remarié et a eu d'autres enfants. Quand il meurt, les conflits étouffés depuis des années éclatent entre les demi-frères, déclenchant une spirale de violence mortelle. »
Ce film n’est sans doute pas passé à Niort car quand je lis aujourd’hui la critique de Studio magazine il est évident que je ne l’aurais pas loupé : Ce premier film magnifie, en cinémascope, les paysages de l’Arkansas, la région natale du réalisateur. Malgré une émotion trop appuyée, la violence conflictuelle de l’histoire est plaisante, rappelant ‘’La balade sauvage’’ ». Cette référence au chef d’œuvre de Terrence Malick aurait été pour moi déterminante.
Positif : Quelle maîtrise pour un premier long métrage !
Cahiers du cinéma : C'est dans le détail que Nickols convainc, davantage que dans l'allégorie sociale. Reste une lourde influence de Malick, pas forcément désagréable.
En mai 2011 Jeff Nickols arrivait au Festival de Cannes pour présenter son deuxième film « Take Shelter », un drame apocalyptique, non pas dans la sélection officielle mais dans la catégorie ‘’semaine des critiques‘’. Il y reçu le grand prix de la critique ainsi que le prix de la quinzaine des réalisateurs. Jeff Nichols devint dès lors une figure connue mondialement. Ce film est sorti en salle début janvier 2012 : on retrouve au casting Michael Shannon, déjà présent dans Shotgun Stories et qui sera présent dans les 5 films de Nickols sortis à ce jour. Il y a aussi Jessica Chastain.
« L’histoire : Curtis mène une vie paisible avec sa femme et sa fille quand il devient sujet à de violents cauchemars. La menace d'une tornade l'obsède. Des visions apocalyptiques envahissent peu à peu son esprit. Son comportement inexplicable fragilise son couple et provoque l'incompréhension de ses proches. Rien ne peut en effet vaincre la terreur qui l'habite... »
Studio Ciné live : Nickols préfère contenir la fièvre ambiante pour miser sur un suspense fantastique et limite son récit à l’intimité d’une famille obligée d’accepter l’improbable pour rester unie. C’est donc plus du côté du Steven Spielberg de Rencontre du troisième type que Nickols semble lorgner. La grande intelligence de son scénario est de ne pas faire de la folie supposée de son héros une anomalie mais un dérèglement dont il faut épouser le rythme pour affronter le réel. Un film remarquable.»
Le Monde : Le cinéma indépendant américain récent réserve plus rarement qu'on ne le dit des surprises de la taille de "Take Shelter". Michael Shannon et Jessica Chastain apportent ici à leur personnage une crédibilité et une trivialité qui contribuent à faire de "Take Shelter" une œuvre propre à nous hanter durablement
En mai 2012 Nichols revenait à Cannes avec « Mud : Sur les rives du Mississipi » mais cette fois en sélection officielle. Le film fut très bien reçu mais sans obtenir de prix. Il n’est sorti en salle, un an plus tard, début mai 2013. Dans le film on trouve au casting Matthew McConaughey, Reese Witherspoon, les jeunes Tye Shéridan et Jacob Lofland et encore Sam Shepard et l’indispensable Michael Shannon.
« L’histoire : Ellis et Neckbone, 14 ans, découvrent lors d’une de leurs escapades quotidiennes, un homme réfugié sur une île au milieu du Mississipi. C’est Mud : un serpent tatoué sur le bras, un flingue et une chemise porte-bonheur. Mud, c’est aussi un homme qui croit en l’amour, une croyance à laquelle Ellis a désespérément besoin de se raccrocher pour tenter d’oublier les tensions quotidiennes entre ses parents. Très vite, Mud met les deux adolescents à contribution pour réparer un bateau qui lui permettra de quitter l’île. Difficile cependant pour les garçons de déceler le vrai du faux dans les paroles de Mud. A-t-il vraiment tué un homme, est-il poursuivi par la justice, par des chasseurs de primes ? Et qui est donc cette fille mystérieuse qui vient de débarquer dans leur petite ville de l’Arkansas ? »
Studio Ciné live : Le réalisateur complexifie sa mise en scène en suivant le destin de jeunes héros, mal à l’aise dans leur famille, pour qui la rencontre avec un homme réfugié va constituer un véritable apprentissage. Quelle image avoir de l’amour ? Comment démêler le vrai du faux ? Faut-il arrêter de rêver pour faire face à la vérité ? Telles sont les questions auxquelles sont confrontés les garçons dans ce conte initiatique.
Le Nouvel Observateur : La distribution est magnifique, les deux gamins sont parfaits. (...) Les échos du coup de tonnerre que lançait "Take Shelter" se font entendre, (...) ce n'est pas moins beau, juste moins surprenant.
Le Journal du Dimanche : Jeff Nichols se réapproprie les grandes légendes de l'Amérique, et mêle, avec une maîtrise narrative et visuelle époustouflante, fresque naturaliste, film d'aventures et thriller romantique.
Me voilà arrivé au quatrième film de Jeff Nichols « Midnight special » que j’ai récemment classé deuxième meilleur film de l’année 2017…. Et encore j’aurai bien pu le classer premier ex aequo avec « Arrival, Premiers contacts ». Dans ce film qui est sorti en mars 2016, on trouve encore un excellent casting avec dans le rôle principal du père l’incontournable Michael Shannon ? Il y a aussi Joel Edgerton qu’on retrouvera dans « Loving ». Il y a aussi Sam Shepard croisé dans « Mud » en chef de secte. Pour le rôle de l’enfant un surprenant Jaeden Lieberher et pour la mère Kirsten Dunst. Cela commence comme un polar, ça se poursuit en thriller sur les excès des sectes pour finir en intrigue fantastique qui fait penser une nouvelle fois au Spielberg de ‘’ Rencontre du troisième type.’’
« L’histoire : Roy Tomlin et son fils de huit ans, Alton, accompagnés de Lucas, un ami policier d'État, sont en cavale à travers les États-Unis depuis que le père souhaite soustraire son fils de l'emprise du Third Heaven Ranch, une secte religieuse, qui le considère comme leur « sauveur », en raison de ses pouvoirs surnaturels. Le FBI et la NSA traquent également l'enfant qu'ils considèrent comme une menace.
Les Fiches du cinéma : Jeff Nichols reprend ses thèmes : la famille, la différence, la confiance et la croyance. Il signe un très grand film, entre science-fiction et road-movie. Captivant et plein de belles idées de cinéma.
Le Parisien : A la fois drame intimiste, thriller surnaturel et road-movie, "Midnight Special" est un film fantastique passionnant et envoûtant de bout en bout.
Et voici pour finir ce billet « Loving » un très beau film d’amour par lequel Jeff Nicholl nous offre une nouvelle facette de sont talent.
« Loving » raconte une histoire réelle, celle de Mildred Jeter et Richard Loving. Elle est afro-américaine et amérindienne, lui est un américain blanc. Le couple s’est marié à Washington en 1958. Après le mariage, de retour en Virginie, leur État de résidence, le couple fut arrêté par la police en vertu du Racial Integrity Act, une loi votée en 1924 qui interdisait les mariages entre Blanc et gens couleur dans cet État. Il existait des lois semblables dans une trentaine d’États américains qui traduisait l’obsession des autorités pour la ‘’ pureté raciale ‘’….. [..] En Virginie, le juge local ordonna donc aux Loving de dissoudre leur mariage ou de quitter la Virginie pour les vingt-cinq prochaines années. Contraint et forcé le couple s’installa à Washington. En 1964, Mildred Loving, qui souhaitait revenir en Virginie près de sa famille, écrivit au ministre de la justice Robert Kennedy. Celui-ci transmit sa lettre à une association dont les avocats s’occupèrent de l’affaire. Ce fut le début d’une longue bataille judiciaire, jusqu’à ce que la Cour suprême décide de statuer. C’est ce qu’espéraient les avocats selon une stratégie judiciaire qui avait fonctionné à plusieurs reprises, comme en 1954 lors de la décision mettant fin à la ségrégation dans les écoles publiques, ou en 1956 lorsque la militante Rosa Parks avait refusé de céder son siège à un homme blanc dans un bus de Montgomery (Alabama). Les Loving n’étaient pas du tout des militants, mais ils acceptèrent bon gré mal gré de s’engager dans ce marathon judiciaire. Ils voulaient simplement vivre ensemble et élever leurs trois enfants sans craindre une descente de police. En 1964 le mouvement des droits civiques battait alors plein. Les actions non violentes avaient porté des coups fatals à la ségrégation qui régnait dans le sud des États-Unis…[..] Mais la question des mariages ‘’ mixtes’’ n’était pas centrale dans le mouvement des droits civiques. Le sujet était trop sensible, trop intime et suscitait aussi trop de débats au sein même du monde afro-américain pour qu’il pût être un thème politique de premier plan. Il n’y eut pas de manifestations en leur faveur, malgré la publicité faite à leur cause par un reportage du magazine Life avec de très belles photos du couple...[..]. Le 12 juin 1967, à l’unanimité, la Cour suprême, dans sa décision Loving v. Virginia, donna raison aux Loving en déclarant inconstitutionnelles les lois prohibant les mariages mixtes.» Pap Ndiaye. Professeur à Science Po Paris. Article tiré de L’Histoire n° 432.
L’acteur australien Joël Edgartown tient le rôle de Richard Loving, tandis que Mildreed est interprétée par l’actrice Ruth Negga d’origine Éthiopienne. Celle-ci fut nominée aux Oscars 2017 face à Emma Stone, qui remporta la statuette, mais encore Isabelle Huppert, Merryl Streep et Nathalie Portman. J’espérais que Ruth Negga l’emporte pour que ce film ait une chance de passer à Niort au CGR et puisse être vu par le plus grand nombre. J’ai vu le film en V.O. dans une salle ‘’art et essai’’ certes bien garnie en retraités. Il faudrait pourtant que les jeunes puissent voir aussi ce très beau film.
Marianne : Loving" nous plonge dans une histoire sidérante, bouleversante, qu'aucun scénariste n'aurait osé imaginer, sauf à être accusé de névrose militante. Réussissant le prodige de ne jamais céder à la tentation du pathos larmoyant et d'éviter en même temps la lourdeur moralisatrice du dossier édifiant.
Télérama : Le classicisme dont le cinéaste fait preuve cette fois est une forme de respect. Tout au long des épreuves du couple, de la description attachante de son entourage, on a l'intuition qu'il retient les effets de mise en scène trop visibles, les démonstrations de virtuosité.