Un rôle immense dans l'histoire des Etats-Unis ....... Martin Luther King
Ce matin-là, le ciel est encore à l'orage sur Memphis. Martin Luther King s'est réveillé tard et plutôt d'une humeur bien joviale. Oubliée la fatigue de la veille qui l'avait vu s'effondrer après un ultime sermon à l'église Mason Temple. Oublié aussi le coup de fil anonyme survenu quelques heures à peine après son arrivée dans cette rude capitale du Tennessee : " Fais ta prière, négro, tu n'as plus longtemps à vivre. " Il a l'habitude. Tout à l'heure, lui et son équipe ont prévu de se rendre chez le révérend Samuel Billy Kyles pour un dîner traditionnel du Sud, façon soul food avant le meeting de soutien aux éboueurs de la ville, en grève depuis plus d'un mois et demi.
Ils sont tous là, ses proches, ses conseillers de l'ombre qui forment depuis si longtemps cette garde rapprochée dont King à tant besoin. Ils rient, se chamaillent même, ravis de voir qu'il va mieux. Dans sa chambre du Lorraine Motel, un des rares établissements de la ville à accepter les voyageurs "de couleur", il passe encore un coup de fil à sa secrétaire, Dora McDonald, restée à Atlanta (Géorgie). Il appelle ses parents aussi, leur dit qu'il les aime. Dehors, sur le parking en contrebas, le son d'un saxophone l'attire vers le balcon. C'est Ben Branch qui joue en les attendant. " Dis, ce soir, tu joueras Précieux Dieu, prends ma main, lance King. Et joue-le bien ! "
Il s'avance encore un peu, sourit, puis s'écroule. Il est 18h01 à Memphis, ce 4 avril 1968, une balle vient de lui trancher la gorge et d'éteindre à jamais cette voix capable de faire chanter l'espoir. Nicolas Bourcier. Le Monde.
Martin Luther King est né le 15 janvier 1929 à Atlanta en Géorgie. Son père qui avait le même prénom était pasteur baptiste et sa mère Alberta Williams était institutrice. Il avait une sœur aînée Christine et un jeune frère Albert. La famille vivait dans un état ségrégationniste mais dans un milieu plutôt privilégié pour l’époque. A l’âge de 15 ans il entra au Morehouse Collège d’Atlanta une université réservée aux garçons noirs. Il en sortit diplômé en sociologie fin juin 1948. Un peu plus tôt, en Février 1948, il avait été ordonné pasteur à l’église baptiste Ebenezer d’Atlanta.
En 1952 Il entrait à la Boston University (Massachussetts) pour faire des études en théologie. Il y fit la connaissance d’une étudiante en musique, Coretta Scott qui était originaire de l’Alabama ; il l’épousa le 18 juin 1953. Poussé par Coretta le couple s’installait à Montgomery (Alabama) où Martin Luther King devenait pasteur de l'église baptiste de l'avenue Dexter tout en poursuivant ses études qui allaient se conclure en juin 1955 par un doctorat en théologie de l'université de Boston. Cette année là, Coretta donna naissance à Yolanda la première de leurs quatre enfants. (2 filles et 2 garçons nés entre 1955 et 1963)
L’Alabama, comme d’autres états du sud des États-Unis, était alors marqué par de grandes violences contre les Noirs. Le 1er décembre 1955 Rosa Parks, ouvrière et militante était arrêtée pour avoir refusé de céder sa place à un passager blanc dans un bus de Montgomery. Le Pasteur Martin Luther King s’engagea dans cette lutte et mena un mouvement de boycott des bus de la ville ; un mouvement qui fut très suivi par la population noire de Montgomery. Luther King devenait président du Mouvement pour le progrès à Montgomery (MIA). Cette bataille politique dura toute l’année 1956 :
Le 30 janvier une bombe état lancée contre la maison des King
« Un soir, Martin Luther King rentre chez lui, épuisé, après un énième rassemblement. Voilà un peu plus d’un mois que perdure le boycott des bus de Montgomery en réponse à l’arrestation de Rosa Parks. Au milieu de la nuit, le téléphone sonne ; des menaces de morts sont proférées envers lui et sa famille. L’angoisse monte. Lui qui a réfléchi au cours de ses études à la question du mal, tente de ne pas céder à la panique en faisant appel à ses acquis intellectuels. En vain. Alors il se met à prier. Il témoignera ensuite avoir entendu une voix lui dire : « Martin Luther, lève-toi. Lève-toi pour le droit, lève toi pour la justice, lève-toi pour la vérité. Et je serai avec toi. Même jusqu’à la fin du monde ». Cette expérience mystique fit basculer sa vie. Dès lors il tiendra sa position – celle d’un homme qui s’est senti appelé par Dieu – jusqu’à sa mort. Serge Molla, pasteur et théologien.
Le 1er février la MIA porte plainte devant un tribunal fédéral, à Montgomery, contre la ségrégation dans les autobus. Condamnée en juin, la ville fit appel.
22 février Inculpation du pasteur King sur la base d'une loi anti-boycottage.
13 novembre La Cour suprême des États-Unis confirme le jugement de première instance déclarant la ségrégation dans les autobus inconstitutionnelle.
Le 21 décembre le boycott des autobus est levé au bout de 382 jours.
« La victoire est éclatante. Le 18 février 1957, King fait la " une " de l'hebdomadaire Time. " Son plus grand génie est d'avoir su traduire en paroles les aspirations des masses. King a transformé une bataille pour un siège de bus en une guerre contre tout le système de la ségrégation " soulignera Anne Braden, figure des mouvements civiques. »
Début 1957 le pasteur King proposait de fonder une conférence des dirigeants chrétiens ses états du Sud (SCLC), destinée à promouvoir la lutte pour les droits civiques. King en fut nommé président et le resta jusqu’à sa mort.
Le 17 mai La SCLC organisait un "pèlerinage de prière pour la liberté " à Washington, rassemblant des milliers de Noirs devant le monument de Lincoln.
Le 13 juin Le vice-président Richard Nixon s'entretenait avec Martin Luther King, qu'il avait invité à Washington.
En 1958 King exposait son point de vue sur la ségrégation raciale et la spirale d'inégalité et de haine qu'elle provoque dans le livre « la marche vers la liberté » :
Le 23 juin 1958, le pasteur King était reçu par le président Eisenhower à la Maison Blanche, avec trois autres dirigeants d'organisations de lutte pour les droits des Noirs.
Alors qu'il signait des exemplaires de son livre dans un magasin à Harlem le 20 septembre, il est poignardé à la poitrine par une femme noire qui l'accusait d'être un chef communiste. Martin Luther King échappa de peu à la mort. Cette femme fut jugée déséquilibrée et le docteur King lui pardonna.
En février-mars 1959 il voyageait en Inde sur les traces de Gandhi, dont il admirait le militantisme non violent.
Avril 1959 : marche des jeunes, à Washington, pour l'intégration scolaire.
Le 23 juin 1960 Martin Luther King déjeunait à New York, en tête à tête, avec le sénateur John Kennedy, candidat démocrate à l'élection présidentielle de novembre.
En octobre il était arrêté lors d'un sit-in à Atlanta ; le docteur King fut emprisonné en raison d'une précédente condamnation avec sursis. Il était libéré peu après grâce à l'intervention de John Kennedy.
Une semaine avant l'élection présidentielle, Martin Luther King exprimait, dans un communiqué, sa gratitude au candidat démocrate John Kennedy.
Le FBI commença à le mettre écoute en 1961, craignant que des communistes essayent d'infiltrer le mouvement des droits civiques. Aucune preuve n'étant trouvée, l'agence utilisa certains détails enregistrés sur une durée de six ans pour essayer de lui faire perdre son rôle de dirigeant de l'organisation
En mai 1961 Lors d'un voyage de la liberté entrepris par des militants du Nord (Blancs et Noirs), un rassemblement autour du docteur King, dans une église de Montgomery, fut cerné par une foule menaçante.
En septembre La Commission du commerce inter-états décidait que toute forme de ségrégation devait cesser dans les transports publics entre États.
Reçu le 16 octobre 1961 par le président Kennedy, Martin Luther King lui suggéra de proclamer, le 1er janvier 1963, une "seconde émancipation", un siècle après celle des esclaves par Abraham Lincoln.
Entre 1961 et 1962 Martin Luther King connut quelques échecs et déception dans les actions militantes notamment à Albanie en raison de dissensions entre organisations noires.
En septembre 1962 alors qu'il s'adressait à la convention annuelle de la SCLC, à Birmingham (Alabama), l'un des fiefs de l'organisation raciste Ku Klux Klan, docteur King fut frappé au visage par un jeune membre du Parti nazi.
14 décembre L'église baptiste Bethel, à Birmingham, était visée pour la troisième fois par un attentat à la bombe. Reçu par le président Kennedy à la Maison Blanche, Martin Luther King plaida en vain pour une loi sur les droits civiques.
Arrêté le 12 avril 1963 lors d'une manifestation à Birmingham, docteur King rédigea sa "Lettre de la prison de Birmingham". Le 15 avril, Kennedy intervenait à nouveau. King était libéré une semaine plus tard.
le 3 mai des centaines de lycéens noirs descendirent dans les rues de Birmingham pour manifester pacifiquement. Le commissaire de police, fit utiliser des lances à incendie et des chiens contre les manifestants.
Le 11 juin John Kennedy annonçait à la télévision un projet de loi sur les droits civiques.
Le 28 août 1963 environ 250 000 personnes participaient à une marche sur Washington pour le travail et la liberté. King prononce son discours le plus célèbre : " I have a dream ".Les organisateurs furent reçus par Kennedy à la Maison Blanche.
« Lors de la "Marche sur Washington pour l'emploi et la liberté", son intitulé exact, où il prononce son fameux discours, aussitôt inscrit au panthéon de l'éloquence nationale, docteur King mettait de côté son appel habituel en faveur d'une redistribution des privilèges. Il parle de fraternité interraciale, de citoyenneté pleine et entière pour les Noirs, de son rêve. Et défend le "tourbillon de révolte" des mouvements en cours, dénonçant les "inqualifiables horreurs des brutalités policières" et le cruel confinement des Noirs dans "les ghettos et les quartiers défavorisés". » Nicolas Bourcier. Le Monde.
Le 15 septembre 1963 quatre fillettes étaient tuées dans un attentat à la bombe perpétré par le Ku Klux Klan contre une église noire de Birmingham. Des centaines de manifestants affrontèrent la police. Arrivé sur place, docteur King demanda l'intervention de l'armée.
Le président John Fitzgerald Kennedy, était assassiné le 22 novembre 1963 à Dallas (Texas). Martin Luther fut bouleversé par cette tragédie.
Il fut reçu le 3 décembre à la Maison blanche par le nouveau président Lyndon Johnson. Il se déclara " impressionné " par l'engagement du nouveau président pour les droits civiques
«… On nous demande souvent, à Maurice et à moi, comment, dans les conditions dangereuses et toujours incertaines où nous vivons, nous pouvions espérer faire de nos enfants des êtres bien équilibrés et heureux. Tout ce que je peux répondre, c’est que nous avons confiance en Dieu et que nous essayons d’être de bons parents. A cet égard, je pense que la dernière fête a constitué un excellent test.
L’année 1963 a été dramatique. Tous les Américains de bonne volonté avaient été bouleversés par les nombreux incendies d’église dans l’État de Géorgie, par l’assassinat, en Alabama, du facteur blanc William Moore et par celui de Medgar Evers, combattant pour la liberté des noirs dans le Mississippi. La mort violente de six enfants noirs de Birmingham et l’effroyable meurtre de notre président avait encore ajouté au désarroi… » Témoignage de Coretta, épouse de Martin Luther King et mère de leurs quatre enfants, publié en 1964 dans la revue chrétienne ‘’La Vie’’.
En mai 1964 Martin Luther King apportait le soutien de la SCLC aux Noirs de Saint Augustine (Floride) menacés par le Ku Klux Klan. Il y fut emprisonné pendant trois jours.
Le 2 juillet le président Johnson promulguait, en présence de Martin Luther King et d'autres dirigeants noirs, la loi sur les droits civiques qui prohibe toute discrimination au travail, à l'école, dans l'armée, les lieux publics, les transports, les administrations locales et fédérales.
14 octobre Le prix Nobel de la paix était attribué à Martin Luther King.
Le 10 décembre 1964, Martin Luther King était à Oslo pour recevoir son prix Nobel : « J’ai l’audace de croire que partout les peuples peuvent avoir trois repas par jour pour nourrir leur corps, une éducation et un accès à la culture pour nourrir leur pensée, l’égalité et la liberté pour nourrir leur esprit. Je crois que les hommes inspirés par l’amour du prochain pourront reconstruire ce qu’ont détruit les hommes inspirés par l’amour de soi [….] Je me présente aujourd’hui à Oslo en mandataire inspiré, rempli d’un dévouement renouvelé envers l’humanité. J’accepte ce prix au nom de tous les hommes épris de paix et de fraternité. »
Le 1er février 1965, Martin Luther King était placé en détention à Selma pour avoir enfreint l'interdiction des rassemblements. Il dirigea le mouvement de sa cellule, avant d’être libéré sous caution quatre jours plus tard.
Dans un discours à l'université noire Howard, à Washington, le 2 mars, Martin Luther King prenait position contre la guerre du Vietnam.
Le 7 mars c'était le Bloody Sunday. Après la mort d'un jeune manifestant, la SCLC organisa une marche de Selma à Montgomery pour interpeller le gouverneur de l'Alabama, George Wallace. Les marcheurs étaient stoppés brutalement par les troupes de l'État et la police de la ville.
Le 15 mars Le président Johnson dans un discours au Congrès, présentait un projet de loi tendant à garantir le droit de vote de tous les Américains.
Le 21 mars une marche de Selma à Montgomery conduite par docteur King rassembla près de 25 000 personnes. A l’arrivée dans la capitale de l'État. King prononçait le 25 mars le discours "How Long ? Not Long" (Combien de temps ? Pas longtemps).
Le 6 août 1965 Le président Johnson promulguait la loi sur le droit de vote, interdisant les "tests de compétences" imposés aux Noirs dans certains États.
Le 17 août des émeutes ravageaient le ghetto noir de Watts de Los Angeles, King diagnostique " une révolte de classe des laissés-pour-compte contre les privilégiés.
En 1966 Martin Luther Kings et son ami le pasteur Ralph Abernathy s’installaient à Chicago (Illinois) pour mener campagne contre la pauvreté dans les ghettos noirs. Plusieurs grandes marches pacifiques furent organisées, mais l'accueil qui leur était réservé fut pire que dans le sud. Ils étaient attendus par des foules haineuses. La violence à Chicago était si intense qu'elle bouleversa Martin Luther King :
« Fin juillet, King prononce vingt discours en deux jours et marche avec 30 000 personnes devant la mairie de la ville. Pour lui, la pauvreté est un pilier structurel de la société capitaliste. A l'université de Chicago, il ne parle quasiment plus que d'oppression persistante, d’’exploitation économique systématique ". Il évoque l'idée d'un revenu annuel garanti. Le 4 août, au Marquette Park, face à 4 000 Blancs en furie, il était touché à la tempe par une pierre. Pour la première fois, la campagne du Chicago Freedom Movement, lancé par King, apparaît en "une" des journaux nationaux. » Nicolas Bourcier. Le Monde
En 1966 et 1967, une évolution politique dans les discours de Martin Luther Kings était perceptible ; il commençait à parler d'un besoin de changements fondamentaux dans la vie politique et économique de la nation. Il exprimait aussi plus fréquemment son opposition à la guerre au Vietnam et le besoin de redistribuer les ressources pour corriger les injustices raciales et sociales.
Après que docteur King ait animé sur place une campagne d'inscriptions sur les listes électorales de Cleveland (Ohio), Carl Stokes devenait le 7 novembre 1967 le premier maire noir d'une grande ville.
La SCLC annonçait le 4 décembre 1967 qu'une "campagne des pauvres", pour la justice sociale et contre la pauvreté, aurait pour point de départ un grand rassemblement de "désobéissance civique", à Washington, en mai 1968.
En mars 1968 le pasteur James Lawson invitait King à Memphis pour soutenir la grève des éboueurs noirs de la ville. A ses proches, réticents à cette idée, il répondit : " Si je ne m'arrête pas pour aider les éboueurs, que leur arrivera-t-il ? " Dans le dernier sermon qu'il prononça dans cette église de Memphis, Mason Temple, il évoqua des temps difficiles à venir et la possibilité que sa vie soit écourtée. Le lendemain, un raciste blanc nommé James Earl Ray le tuait d'un coup de fusil. Martin Luther King avait 39 ans.
Sources : pour effectuer ce billet j'ai préparé la chronologie des faits en puisant sur internet ; notamment Wikipédia, information que je trouvais aussi sur un hors-série du magazine chrétien "La vie" de mars 2018. J'ai aussi profité du très riche dossier du journal "Le Monde" du 1er avril et notamment de l'excellent article de Nicolas Bourcier dont j'ai reporté trois paragraphes référencés en bleu. J'ai aussi reporté quelques paragraphes du magazine "La vie" qui son référencés en vert, rose ou violet.
Mon billet était terminé en fin d'après midi puis j'ai regardé ce soir sur France Ô le remarquable documentaire intitulé "Je suis Martin Luther King'' : j'ai constaté que j'étais dans les clous car j'avais bien traité tous les grands faits de cette courte vie. J'ai remarqué toute fois que tous les témoins parlaient de Martin Luther King en l'appelant le plus souvent "docteur King". Moi je n'avais pas utilisé ce terme, me contentant parfois de "Pasteur King'' mais jamais docteur. J'ai alors apporté par endroit cette ultime correction et une photo, celle en couleur. Tout était fini vers 23 h 20, ce qui, compte tenu du décalage horaire, était proche de 18 h à Memphis.... 50 ans plus tard.
J'ai rajouté d'autres photos et ce commentaire le lendemain matin vers 6 h. J'ajoute que je reverrai, avec plaisir ce soir sur fr3, le film " Selma".