Histoire de rôle ...... Béhanzin, le dernier roi d'Abomey.
L'un de mes premiers articles de ce blog fut un éloge d'un livre, qui m'avait d'autant plus passionné que j'avais eu l'occasion de rencontrer l'auteur à plusieurs reprises, notamment à Yaoundé alors que ce livre n'était encore qu'en préparation mais dont il nous avait longuement parlé un soir d'avril ou mai 1986 et dont le titre serait : « Les Français en Afrique noire de Richelieu à Mitterrand » de Pierre Biarnes. J'ai d'ailleurs fait d'autres articles concernant la colonisation de l'Afrique par la France dont un article sur « Samory Touré », et un autre plus généraliste sur « l'histoire de l'Afrique » et sans oublier les articles sur les explorateurs comme Savorgnan de Brazza, la famille Largeau ou René Caillié, ces derniers étant de grandes figures régionales. Le lecteur qui me découvre et qui va consulter ces billets comprendra vite que je ne suis qu'un étudiant âgé amoureux de l'Afrique qui fait ses universités par les livres des historiens. Ca fait quelques temps que je souhaitais poursuivre ces études en m'intéressant plus précisément à l'histoire du Bénin ex-Dahomey et à un personnage particulier, Béhanzin qui fut son dernier roi. A la mort de son père Glélé, Béhanzin devint en janvier 1890, à l'âge de 45 ans, le onzième roi d'Abomey. Il ne régna effectivement que 35 mois consacrés à combattre en permanence les français. Après sa défaite en novembre 1892, c'est un roi déchu en fuite qui tenta de reconstruire une armée, de trouver en vain des alliés et ce jusqu'en janvier 1894, date de sa reddition.
Il fut rapidement exilé en Martinique où il resta une douzaine d'années avec un cercle familial réduit. On lui permit de mourir en décembre 1906 sur le continent africain en l'exilant pour ses derniers jours à Alger.
Sans oublier que Béhanzin fut un terrible despote sanguinaire il n'en demeure pas moins que sa constante résistance à la colonisation fit de lui un personnage historique.
Si j'ai découvert Béhanzin par la lecture de Pierre Biarnes, je ne peux pas m'appuyer aujourd'hui sur son livre que je n'ai plus pour en parler .....; l'ai-je prêté a quelqu'un qui ne me l'a pas rendu (???), l'ai-je perdu, oublié lors d'un voyage en Afrique (???)... Mais j'ai vu que je peux encore me le procurer à la Fnac, Amazon ou autres ..... D'ici quelques jours ou semaines je devrais pouvoir enrichir cet article d'un chapitre synthèse supplémentaire.
Mais en attendant j'ai suffisamment de bouquins et revues sur la colonisation dans ma bibliothèque pour proposer l'analyse suivante :
Extrait du livre Arthur Comte : ‘’L’épopée coloniale de la France’’ (1992) Page 312. « Les rapports de la France avec le Dahomey remonte à 1841, date où la Maison Régis, de Marseille, installa un comptoir à Ouidah. En 1868, le roi Glélé nous cédait Cotonou……. » Bien évidemment la colonisation commence par le commerce.
Extraits du livre de Robert et Marianne Cornevin ‘’Histoire de l’Afrique des origines à la deuxième guerre mondiale’’. (1964)
Pages 133 à 134. « Le royaume d’Abomey est celui des trois états de la côte des esclaves qui a conservé le plus longtemps son indépendance, grâce en partie à la belle œuvre de réorganisation accomplie par le roi Ghezo qui règne de 1818 à 1848. Il se libère du tribut payé à l’Alafin d’Oyo et mène de nombreuses campagnes victorieuses grâce à une armée bien entraînée célèbre par son corps d’amazones ; il réforme l’administration et la fiscalité mais surtout, sentant que le trafic des esclaves est condamné à terme, il ouvre à son pays de nouvelles sources de richesses en développant la palmeraie et en introduisant quantité de nouvelles cultures. ;
Glélé (1858-1889) est le dernier roi du Dahomey indépendant ; son fils Béhanzin devra évacuer Abomey en novembre 1892 ; mais la glorieuse résistance et le passé prestigieux du Dahomey inciteront les Français à donner son nom à la totalité du territoire cinq fois plus étendu qu’ils vont conquérir, entre le Nigéria britannique et le Togo allemand. »
Page 311 « ….à ces trois États éphémères (il s’agit des états de Mahdi, Rabah et de Samory), il faut opposer l’ancienneté et l’homogénéité des deux autres grands noyaux de résistance à la conquête européenne : la confédération Achanti et le royaume d’Abomey. L’armée dahoméenne fit l’admiration des conquérants français par sa discipline et son courage. Le 18 novembre 1892, le général Doods, qui était lui-même un mulâtre africain du Sénégal, commandant le corps expéditionnaire de trois mille hommes pénétrait dans Abomey. Mais Béhanzin qui avait succédé en 1889 à Glélé, continua quinze mois durant à échapper aux recherches françaises et ne se livra qu’en janvier 1894. Il fut déporté à la Martinique puis en Algérie…. »
Extrait du livre de Joseph Ki-Zerbo, ‘’Histoire de l’Afrique noire’’ (1988).
Page 422. « Au Dahomey, les empiétements successifs de la France dans le royaume d’Abomey (occupation de Cotonou, refus des commerçant français de payer des droits de douane) entraînèrent des démêlés entre le roi Glélé et le docteur (gouverneur) Bayol qui semble avoir été passablement couard, si l’on en croit ses télégrammes désespérés à Paris pour appeler à l’aide et agiter le spectre de la destruction totale du contingent français. Il fait arrêter la délégation d’Abomey à Cotonou et la livre à l’allié des Français, Toffa de Porto-Novo, qui les fait exécuter. La flotte bombarde Cotonou. Le Dahomey relève le gant en la personne de son roi Ghéhanzin (Béhanzin) qui envahit la côte, mais, sous la menace de bombardement de Ouidah, reconnait par le traité de 1890 le protectorat français sur Porto-Novo et l’occupation de Cotonou contre une redevance annuelle. Ghéhanzin avait la mine altière, la mise très simple, le regard net et presque hautain. Il adorait le faste dans son entourage, sa domesticité, ses ustensiles en métal précieux, les réceptions et fêtes qu’il donnait volontiers. Grand orateur, il subjugue par la vigueur de son raisonnement et la finesse de son humour. Il ne dédaignait pas de composer des chansons. Mais dès qu’’il s’agissait de son royaume, il affichait la fougue et l’intransigeance du souverain. En effet ses armoiries le représentent comme un requin terrible qui barre le passage aux envahisseurs convoitant la terre de Wegbadja. Il avait déclaré aussi : Le roi du Dahomey ne donne son pays à personne. Ce pays s’étendait alors entre les Mahi ou les Yorouba du nord et l’océan d’une part et d'autre part entre les pays popo et Agoué à l'ouest et le lac Nokoué qui le séparait du royaume de Porto Novo à l’Est.
Or, en 1891, une canonnière française, remontant la rivière Ouémé en territoire dahoméen, essuie des coups de feu. C’est le signal de la guerre préparée depuis longtemps par la France. Le colonel Dodds à la tête de 3000 hommes munis d’armes modernes, dont certaines comme les balles explosives sont « expérimentales », reçoit l’ordre d’occuper Abomey. Ce royaume esclavagiste et prédateur donna l’exemple d’une farouche résistance à l’étranger, et des guerriers, en particulier les amazones, multiplièrent les exemples du plus héroïque mépris de la mort, par exemple au combat désespéré de Cana. En 1892, Dodds pénètre dans Abomrey évacué, mais pendant deux ans, ne réussit pas à mettre la main sur Ghéhanzin. Un fantoche, Agoli Agbo, est alors nommé, ce qui entraîne en 1894, la réédition de Ghéhanzin, déporté aux Antilles, puis en Algérie. L’homme de paille dahoméen sera exilé d’ailleurs à son tour peu après au Gabon et le Dahomey annexé par simple décision du gouvernement français. (Il semble bien que l’homme de paille fantoche, était un frère de Ghéhanzin)
Extrait d'un article du magazine Géohistoire de janvier 2016 « L'Afrique au temps des colonies ». un article qui traite de l'armée d'Amazones : « Ces stupéfiantes guerrières sont des "minos" nos mères en langue Fon, parlée alors au Dahomey (et toujours en usage au Bénin), l'avant garde de Béhanzin. Frappés par leur allure et leur combativité, les militaires les nommeront "amazones". Si le fait est étonnant pour les français, la tradition des femmes combattantes est ancienne au Dahomey. L'origine de ces bataillons pourrait remonter au XIIIe siècle......[....]... A la fin du XIXe siècle au moment où elles rencontrent les français, les bataillons de minos exclusivement commandés par des femmes, sont constitués de 4000 à 5000 recrues, soit le tiers de l'armée du Dahomey. Le bataillon des "Aligossi" est chargé de la défense du palais, et celui des "Djadokpo" constitue l'avant-garde de l'armée régulière.....[....].. Les guerrières maniant le fusil forment le gros des troupes; avec cette arme, elles portent une cartouchière, mais aussi, un sabre court et un poignard. Viennent ensuite les archères, redoutées pour leur habileté et leur précision, puis les terribles faucheuses et tueuses, les commandos d'élite chargés de décapiter les ennemis pour brandir les têtes afin de semer la panique dans le camps adverse.» V. K.
Extrait du livre ‘’Mémoires de l’Afrique de l’Afrique noire. Les batailles célèbres'' texte de Ibrahima Baba Katé dont le titre est « 7 novembre 1892, Abomey, la fin de Béhanzin »
« Lorsqu’en 1889, Behanzin monta sur le trône d’Abomey, les rapports franco- dahoméens
n’étaient pas au beau fixe. Les Français étaient installés sur la côte où Toffa, le roi de Porto-Novo
était complètement acquis à leur cause. Béhanzin, alors qu’il n’était que le prince Kondo – du vivant de son père, Gléglé-- s’était déjà montré hostile à la présence française sur le sol dahoméen. Devenu roi, il essaya de convaincre son cousin de Porto-Novo.
Ce dernier s’y refusant, Béhanzin décida de l’attaquer. Aussi, dès le 24 février 1890, les troupes du roi d’Abomey lancèrent-elles l’assaut, contre les factoreries Fabre et Régis, ainsi que contre la maison du télégraphe à Cotonou. Le 4 mars de la même année, il y eut une nouvelle attaque contre Cotonou. Le 17 avril, les troupes de Béhanzin attaquèrent la banlieue de Porto-Novo. Le roi Toffa dut son salut à la vaillance de ses 500 guerriers et à l’appui logistique du lieutenant–colonel Terrillon. Ce fut un combat terrible.
Behanzin voulait s’emparer de la ville de Porto-Novo et surtout du roi Toffa. Voici un extrait de la lettre que Béhanzin adressa au gouverneur Ballot avant la guerre : « Si voulez la guerre, je suis prêt : je ne la finirai pas quand même elle durerait cent ans et me tuerait 20.000 hommes ; je ne veux pas que vous m’avertissiez, car je suis toujours prêt sur tous les points. Je suis informé de tout. »
On voit à travers ces lignes la détermination de Béhanzin. Son adversaire, le Franco-Sénégalais Dodds, n’était pas moins déterminé à en finir avec lui.
Le colonel Dodds, né au Sénégal en 1842 était un saint-cyrien. A 36 ans il était chef de bataillon ; colonel à 45 ans. C’est en 1892 qu’il fut chargé de constituer le corps expéditionnaire du Dahomey,
En arrivant, il écrivit à Béhanzin : « Nommé par Monsieur le Président de la République au commandement supérieur des établissements français situés sur la côte des esclaves, je suis arrivé à Cotonou le 28 mai. Mon étonnement a été grand d’apprendre en débarquant que, au mépris du droit des gens, vous déteniez illégalement trois commerçants français à Ouidah, et que vous aviez violé les engagements librement consentis par vos représentants le 3 octobre 1890, en envahissant le territoire du protectorat français que vos troupes occupent encore aujourd’hui à Cotonou, à Zablo et dans le Décamé.»
Cette lettre eut pour résultat la mise en liberté des trois français mais pas le retrait des troupes réclamé par le colonel Dodds ; celui-ci poussait activement les préparatifs de l’expédition. Il concentra 5000 porteurs et 200 grandes embarcations à Porto Novo.
Le 19 septembre, on assista à un premier affrontement. Ce jour-là, à 5 heures du matin, 4000 dahoméens attaquèrent les troupes campées à Dogba. Ils étaient armés de fusil à tir très rapide. L’attaque, au dire d’un témoin, le soldat Sibermann, fut conduite avec la plus grande bravoure. Après quatre heures de combats, ils renoncèrent à la lutte. Ce fut une boucherie : les pertes en vies humaines furent nombreuses de part et d’autres. Dodd adressa néanmoins ses félicitations aux combattants de Dogba, ajoutant que les Dahoméens venaient d’éprouver une défaite inoubliable qui pèserait sur l’issue de la campagne.
Tout le mois d’octobre fut rempli de combats acharnés : ceux d’Adegou le 4, d’Akba le 12, de Coto le 26. Au début de novembre, Béhanzin se sentait encore suffisamment fort pour lancer une offensive généralisée contre les positions ennemies. Cette débauche d’énergie entama ses forces. Dès le 4 novembre, comprenant que la chance l’abandonnait, Béhanzin demanda la paix. Il voulait Gagner du temps pour refaire son armée, durement éprouvée par les combats. Dodds voulait une paix honorable et profitable à la France.
Cette lutte sans merci se termina par l’entrée de la colonne Dodds dans Abomey, abandonnée et incendiée par Béhanzin.
« Ceux de vous, dit le colonel, qui confiants dans la clémence du gouvernement français et dans ma parole, viendront franchement à moi seront protégés dans leurs familles et dans leurs biens. Ils pourront en toute sécurité se livrer au commerce, aux travaux de culture et vivre en paix sans aucune inquiétude sous la protection de la France. Rien ne sera changé dans les coutumes et les institutions du pays, dont les mœurs seront respectées. . Les chefs qui se qui se soumettront de bonne foi à notre protectorat resteront en fonctions ; en revanche, ceux qui ne répondraient pas à mon appel et essaieraient de fomenter des troubles dans le pays, qui doit désormais être heureux et pacifié, seraient châtiés.»
Pendant ce temps, Béhanzin cherchait à reconstituer de nouvelles forces. Il se réfugia chez les Mahis, dont l’accueil fut très glacial. Sur ces entrefaites, on annonça au monarque dahoméen qu’Allada et Ouidah étaient tombées à leur tour aux mains des Français. Béhanzin, en homme politique avisé envoya des messagers en Angleterre et en Allemagne, d’où ils furent poliment éconduits. Sa tentative pour rallier les Dassas à sa cause se solda par le même échec. On ne peut s’empêcher, en voyant toutes ces trahisons, qu’ici où là les feudataires abandonnent leur suzerain pour se ranger du côté du plus fort.
Béhanzin fut pris du côté de Végo. 11 jours après sa capture, le général Dodds qui avait pris du galon nomma comme roi du Dahomey le prince Gouthi, frère de Béhanzin, sous le nom d’Agoli Agbo. Il fut solennellement présenté au peuple sur la place du palais Simbodji, à Abomey. Le drapeau français y était arboré, salué par 21 coups de canon, et le Dahomey était placé sous la ‘’protection’’ de la France.
En attendant un complément- synthèse extrait du livre de Pierre Biarnes.
Reprise de l'article le 5 juillet 2019. Je viens de recevoir le livre de référence attendu que j'ai commandé. Extrait pages 156 à 157.
«....Puis, en novembre 1887, après quelques intérim sans lendemain, un résident français de qualité était arrivé à Porto-Novo : Victor Ballot, qui allait être le véritable fondateur de la future colonie du Dahomey, alors encore rattaché ay gouvernement des rivières du Sud. (on peut relever le changement de ton vis à vis de Ballot avec Ki-Zerbo)
pour le gouvernement français il restait a conquérir cette colonie, et cette conquête passait par l'anéantissement du vieux mais toujours très solide royaume Fon d'Abomey. Or, ce n'était pas une mince affaire. Le 30 décembre 1889, alors qu'une mission française essayait de négocier un modus vivendi avec Glé-Glé mourant, un homme de grande envergure avait pris la succession de celui-ci, son fils aîné, le prince Kondo, qui avait été intronisé sous le nom de Béhanzin. Depuis longtemps déjà, Béhanzin, alors âgé de 45 ans, était l'âme de la résistance aux envahisseur, et il tenait sur le pied de guerre une armée de quinze mille guerriers et de quatre mille farouches "amazones", bien équipée (notamment auprès des maisons de commerces allemandes) et supérieurement entraînées. Face à cette force, les quelques cinq cent soldats que pouvait alors aligner la France ne faisait pas le poids. Dans l'attente de renforts Ballot s'était donc contenté tout d'abord de tenir, non sans mal menait des négociations, Cotonou et Porto-Novo, tandis que le missionnaire de choc, le père Dorgère menait des négociation de retardement avec la cour d'Abomey. Mais Paris n'avait pas tardé à dégager d'autres moyens : dès l'été 1891, près de deux mille cinq cents hommes était à pied d'oeuvre (infanterie et artillerie de marine, tirailleurs sénégalais, légions et spahis), avec à leur tête un officier énergique et expérimenté, le colonel Dodds, un métis de Saint-Louis du Sénégal.
En deux campagnes tout particulièrement difficiles, le colonel Dodds devait atteindre l'objectif que la France s'était fixée.
La première se termina par la prise d'Abomey et la fuite de Béhanzin, le 17 novembre 1891, après trois mois de combats acharnés à Dogba , Akpa, Kana et Poguessa, et elle valut à Dodds ses étoiles de général.
La seconde, menée à compter d'août 1893, ne fut qu'une longue traque, qui prit fin qu'avec la capture du souverain, le 26 janvier 1894 par le colonel Lambinet, et son remplacement par son frère sous le nom d'Agouli Agbo et accepta aussitôt le protectorat français , tandis que Béhanzin était déporté à la Martinique.