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Ciné-cure ..... Souvenir d'une interview de Gene Hackman au festival de Cannes en mai 2000. Une grande leçon de cinéma.

14 Septembre 2019 , Rédigé par niduab

 

Je conserve dans mon grenier de nombreux documents dans lesquels je me replonge de temps à autres pour nourrir mes billets "Ciné-cure". Il était un temps où j'allais très souvent au cinéma (rares étaient les années où je n'avais pas vu plus au moins 50 films en salles, parfois plus de 70). J'ai rarement été déçu par un film tant j'étais bien informé par les bandes annonces et la lecture des mensuels comme Première et Studio Magazine puis Studio Ciné-live (Je peux quand même citer comme énorme déception The Tree of life de Térence Malick pourtant Palme d'or.) Ceci dit depuis deux, trois ans je vais beaucoup moins au cinéma......

 Pour ce billet consacré à un géant de cinéma américain, Gene Hackman, l'un de mes acteurs préférés, je reprends ci-après des extraits d'une interview trouvée dans Studio magazine de mai 2000. Unr interview menée par Juliette Michaud et Jesse Harper alors que  l'acteur âgé de 70 ans était venu au Festival de Cannes pour présenter le film Under Suspicion dont il est, tout comme son ami Morgan Freeman, producteur et acteur.

 

J.M et J.H. Deux films majeurs de votre carrière L'Épouvantail, et la Conversation secrète, ont remporté la Palme d'or à Cannes. Pourtant, c'est la première fois que vous  vous rendez au Festival. Pourquoi ?

Gene Hackman : Je ne me sens pas trop à l'aise dans ce genre d'atmosphère. C'est trop pour moi. Si je me suis décidé cette année, c'est parce que je suis intimement impliqué dans la production d’Under Suspicion. J'ai fait naître ce projet ; je ne peux pas le laisser tomber maintenant. [....]

Comment est né votre désir de faire un remake de Garde à vue ?  

Il y a quinze ans, ma fille et moi sommes allés voir un film dans un complexe de Los Angeles, et comme il n'était pas très bon, on s'est glissé, au bout de dix minutes, dans une autre salle. Le film projeté, c'était Garde à vue. J'ai eu un tel coup de foudre que je suis resté pour la séance suivante. Ensuite, je n'ai eu de cesse de tenter d'amener des gens à s'intéresser à l'idée d'en faire un remake. J'envoyais des vidéos du film de Claude Miller et la copie du scénario traduit à tout le monde ! 

Comment expliquez-vous ce coup de foudre? 

C'est un film formidable, à plusieurs niveaux. Mais le plus important pour moi, c'est que les personnages de Garde à vue offrent vraiment l'opportunité aux acteurs d'exprimer ce qu'ils ont dans le ventre. C'est rare. Évidemment, je ne sais pas encore, si on a réussi à reproduire dans notre remake l'essence même du film de Miller, cette rencontre de deux solitudes, la tension psychologique qui les oppose. C'est cela qui m'intéressait et me fascinait. 

A qui avez-vous proposé votre idée?

Comme réalisateur à Arthur Penn. Comme acteur à Paul Newman, Dustin Hoffman, à Al Pacino... je ne sais même plus ! A plein de monde ! Je leur disais qu'ils pouvaient jouer celui des deux rôles qu'ils préféraient. Ca n'a pas fait tilt! On me disait : « Ce n'est qu'un jeu  du chat et de la souris, entre un flic et un accusé ! » Il y a bien plus que ça dans le film. 

Comment Morgan Freeman est-il arrivé sur le projet? 

Après le tournage d'Impitoyable, j'ai retrouvé Morgan Freeman par hasard il y a quatre ou cinq an, dans le hall d'un grand hôtel de Los Angeles. Je lui ai demandé s'il avait de libre pour regarder Garde à vue. Et il a été époustouflé ! C'est lui, à travers sa société de production, qui est parvenu à en obtenir le droit et à intéresser un autre producteur, qui a trouvé le financement en France. A partir de là, je suis resté en dehors du processus.

 Vous n'avez même pas participé au choix du metteur en scène et du casting?

Mon rôle de producteur s'est cantonné à révéler le projet. Ce que je voulais, c'était juste jouer l'un des deux rôles.

 Finalement, celui de Michel Serrault.

Oui. C'est drôle, car j'ai joué aussi dans le remake de la Cage aux folles : j'ai une histoire avec Serrault. Pourtant je ne l'ai jamais rencontré. Peut-être à Cannes? Cela me plairait beaucoup. 

 Vous-êtes-vous inspiré de son jeu?

Je sais que Morgan Freeman a gardé la composition de Lino Ventura à l'esprit. La performance de Michel Serrault est exemplaire, magnifiquement distante et trouble. Mais je ne voulais pas me laisser influencer. D'ailleurs, je n'ai jamais plus revu le film, après l'avoir montré à Morgan. 

 En quoi de remake va-t-il être différent ?

Le choix du réalisateur, Stephen Hopkins, n'apparaît pas évident, car il vient du film d'action. En fait, il a ''ouvert'' le film au public américain. L'histoire se déroule toujours pendant la soirée du jour de l'an, mais à Porto Rico, pendant le carnaval. Il y a beaucoup plus de flashback et plus d'extérieurs. Avec beaucoup de pluie. Under Suspicion est un film, disons pour schématiser, plus cher que le Garde à vue original. Cela veut-il dire plus riche ? Je ne sais pas. Avons-nous réussi à reproduire la noirceur de l'original? Je crois que le résultat est OK. Quant à mon personnage, il est plus brutal que celui de Serrault, moins sophistiqué, mais la relation entre les deux protagonistes reste conforme à l'original. [....]

 Comment s'est passé le tournage? 

On a répété pendant deux semaines avant le tournage, mais je n'aime plus ça, c'est trop intello. Je préfère répéter sur le plateau, dans le feu de l'action. La pression vous donne toujours de bonnes idées. Mais avec Morgan Freeman,  ça a été un plaisir. Tout d'abord nous avons une passion commune : la mer. Ensuite c'est un artiste qui partage, qui donne, qui assure. Et puis il a une voix merveilleuse.

 

Suite de l'interview (extraits)

Vous avez travaillé avec Pacino, Redford, Eastwood, Y a t-il un échange entre comédiens de votre calibre, ou le fait d'être au même niveau de professionnalisme....

 ...(interrompant) Les acteurs apprennent toujours les uns des autres. Sur un un plateau il y a toujours une connexion. Cette connexion est la raison même pour laquelle nous faisons ce métier. J'ajouterai même que c'est ce qui nous fait rester jeunes (Il rit). Mais parfois, au cinéma, vous ne réalisez pas à quel point votre partenaire est bon avant de le voir sur l'écran. Dans un sens, Morgan est comme ça. Il semble faire si peu d'efforts que l'on ne remarque pas l'étendue de son talent. Pacino, c'est différent ; il a tellement d'énergie que vous pouvez presque la palper....

Vous n'avez jamais joué avec Brando, De Niro, ou même botre ami Dustin Hoffman, qui, pourtant , appartiennent à la même école que vous...

C'est une des "non-coïncidences" du métier. Avec Dusty, j'ai joué sur scène. J'admire De Niro; ce qu'il a fait dans Ragging Bull, sa technique, c'est remarquable. J'adorerai travailler avec Brando. Récemment, lui, Pacino et moi avons failli nous retrouver sur un projet, et puis le studio s'en est désintéressé.

Comment est-ce possible ?

​​​​Ce n'est jamais simple. Les emplois du temps, la manière dont s'enclenche les choses....

Quels sont vos souvenirs des années de théâtre, à New York, lorsque vous partagiez un appartement avec Dustin Hoffman et Robert Duvall ? 

​​​​.... (son visage s'illumine) On était là au bon moment. c'étaient les jours heureux.... J'aimerai y retourner ! (Rires)

Etiez-vous insouciants. 

​​​​Complètement. Le futur, c'était essayer de décrocher un petit rôle dans une pièce off Broadway, ou même dans un film industriel. On aimait tellement jouer que n'importe quel petit boulot où l'on mettait notre art en pratique, c'était l'euphorie. On s'amusait bien. On était sur la même longueur d'oncle. Quoique Bobby Duvall et moi étions terrifiés, car nos currculum vitae étaient trafiqués et nous avions peur d'être démasqués !. A voir nos CV de l'époque, on aurait pu croire que nous étions Laurence Olivier ! (Rires

 Avant de faire du théâtre à New York, vous êtes retourné en Californie pour suivre des cours d'art dramatique à la Pasadena Playhouse. La légende veut que vous et Dustin Hoffman y étiez considérés comme ceux ayant le moins de chance de réussir! Pour quelles raisons ?  

Nous n'étions pas des jeunes premiers typiques. Mais nous ne nous sommes pas démontés pour autant. Nous sommes allés à new York et nous avons foncé bille en tête.[...], [...], [...]. 

Y-a t-il une personne qui vous ait servi de mentor tout au long de votre carrière ?

J'avais un prof d'art dramatique à New York, dont les leçons me servent encore. Je me pose toujours les même questions simples qu'il m'avait suggéré de me poser, à ^propos de mes personnages; quelle est la différence entre le personnage et moi ? Qu'est-ce que je peux amener sans trahir les intentions de l'auteur ? etc. Les exercices que vous apprenez au tout début de votre carrière fonctionne toute votre vie. [...], [...].
A votre avis, quel cinéaste a su tirer le meilleur de vous ? 
Arthur Penn. J'aime la tension qu'il crée sur les plateau. Mais surtout, il est arrivé à un moment précis de ma vie où j'avais besoin de quelqu'un de fort pour me servir de guide dans le cinéma. On a fait trois films ensemble : Bonnie and Clyde, la fugue, et Target. Et s'il avait voulu faire Under Suspicion, cela aurait fait quatre !
Vous avez touché à tous les genres : comédie, western, action, comédie romantique... Quels rôles préférez vous ?
J'aime les rôles qui recèlent beaucoup de tension. J'aime les scènes au bord de précipice, qui requièrent force et énergie. J'aime les films à haute teneur dramatique, où l'on sent les choses couver, en ébullition. Malheureusement il n'y a plus beaucoup de rôles comme ça de nos jours. Les films sont devenus si gros qu'on laisse moins de place aux personnages. 
Et quand vous faites des films comme La Firme ou Ennemi d'Etat, le plaisir est-il toujours le même ? 
Tous les acteurs doivent faire ce genre de films destinés au grand public, afin de pouvoir s'allouer par la suite des espaces plus intimes dans lesquels ils peuvent exprimer leur art. 
Pourtant, quand vous jouez de vrais salauds, comme le shérif corrompu d'Impitoyable semblent justifiées. Comme si , quoi que vous jouiez on ne pouvait que vous aimer. 
C'est inconscient. J'ai une idée de moi-même: un type plutôt honnête. Mais je suppose que même lorsque vous mettez ça de côté pour un film ou une pièce, votre personnalité intervient et a tendance à teinter votre jeu. Je ne regarde pas mes films, alors je ne sais pas. Mais je réalise à regret qu'il y a une similitude entre bon nombre de mes performances. 
La question était un compliment....
(Sur la défensive). Mais moi, en tant que qu'acteur, je préférerais que cela ne transparaisse pas ! C'est comme si mes capacités étaient limitées. Mais vous ne pouvez pas l'empêcher. [...],
[...],[...],[...].
Vous avez la réputation d'avoir des rapports tendus sur les tournages....
Premièrement, j'ai besoin d'un metteur en scène qui crée une atmosphère, afin que je puisse apprécier d'être ainsi exposé, devant une équipe. Si je veux vraiment me donner, j'ai besoin de savoir que le réalisateur est réellement concerné, me regarde vraiment. Autrement, on vit cette situation embarrassante d'avoir le sentiment de donner le meilleur de soi sans que personne ne nous prête attention ! (Rire). Vous devez donc être convaincu de votre propre importance afin de dégager une certaine autorité, pour que les autres s'intéresse à vous. [...],[...]. 
Si vous deviez choisir trois films dans votre carrière, lesquels choisiriez-vous ?
Je prendrais Bonnie and Clyde, Conversation secrète de Coppola et Mississipi Burning d'Alan Parker. 
Outre le contexte historique, Mississipi Burning reposait sur votre relation avec Willem Dafoe. Un peu comme comme Garde à vue sur le rapport entre le flic et l'inculpé. 
Oui, a tel point que j'avais même peur qu'à cause de cette relation, on oublie le vrai sujet du film: le racisme. Mais le résultat est très dense, avec cette tension permanente que j'adore. J'avais effectué de nombreuses recherche pour ce rôle. Beaucoup parlé avec Alan Parker aussi. C'est un bon film.[...],[...].  
Dernière question : vous allez beaucoup au cinéma ?
Enormément. Et sachez que lorsque je vois un film, je ne suis plus acteur, mais simple spectateur. J'adore le cinéma. 
 
Commentaires: Quelle magnifique leçon de cinéma ! Je regrette de n'avoir repris que 60 % de l'interview (26 extraits pour 42 questions-réponses). J'ai privilégié les questions concernant le remake de Garde à vue. Et puis j'ai du faire des choix dans la seconde partie de l'interview : j'ai écarté les questions sur des acteurs et réalisateurs que Gène Hackman avouait ne pas trop bien connaitre : comme Woddy Allen, Tarentino, Warren Beatty, Léonardo DiCaprio, et même William Friedkin qui fit de lui le Popeye oscarisé de French Connexion. 
J'aime son choix des trois films de sa carrière. Pour moi, le meilleur est Mississipi Burning. Je retiens aussi l'Epouvantail de Jerry Schatzberg pour un film de ses débuts plutôt que Bonnie and Clyde. Et pour sa fin de carrière je retiens Le Maître du Jeu de Gary Fleder, en 2003, où il retrouvait son vieux pote Dustin Hoffman.... et je suis obligé de laisser de côté l'excellent Héritage de la Haine et tant d'autres magnifiques surtout quand Hackman partage la vedette avec d'autres grand(e)s acteurs, actrices. Pour en savoir plus sur la filmographie de Gene Hackman le lecteur peut se reporter à un autre billet de ce blog en cliquant sur ce lien 
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