Histoire de rôles ... D'illustres personnes de couleur dans la France du XVIIIe siècle.... Thomas-Alexandre Dumas
Le futur général Thomas-Alexandre Dumas est né le 25 mars 1762, sur une plantation de cacao appelé la Guinaudée, à Trou-Jérémie, dans le sud de la colonie de Saint-Domingue. Son père, le propriétaire de la plantation, est Antoine Delisle, d'origine normande et nobiliaire. Sa mère est une esclave noire, Casette.
En 1773, Delisle apprend qu'il est seul héritier du manoir familial des Davy de la Paillerie, à Bellleville-en-Caux. Il embarque en 1775, pour récupérer son titre et ses biens. Un an plus tard, le jeune Thomas-Alexandre le rejoint. Ils habitent quelques temps à Saint-Germain-en-Laye, son père ayant vendu la propriété familiale. Puis Thomas-Alexandre vient s'installer à Paris, fréquente la célèbre académie d'escrime de la Boëssière. Il mène alors grand train, grâce à la bourse paternelle. C'est à cette période de sa vie qu'il est initié à la franc-maçonnerie. Une brouille entre le père et le fils amène ce dernier à s'engager comme simple cavalier dans le régiment de dragon de la Reine sous le nom de « Dumas », le 2 juin 1786. Treize jours plus tard son père meurt.
En août 1789, le régiment est envoyé à Villers-Cotterêts, à la suite des troubles de la Grande Peur. Dumas y rencontre Marie-Louise Labouret, la fille d'un notable qui tient l'hôtellerie de L'Ecu de France. Il l'épouse le 28 novembre 1792. Trois enfants naissent de cette union; deux filles, et un garçon, le futur romancier.
Le régiment de la Reine ayant été dissous, Dumas s'engage au sixième régiment de dragons. C'est dans cette unité qu'il participe aux premiers combats contre les Autrichiens, au printemps 1792. Nommé lieutenant dans une formation de hussards, il rejoint bientôt la nouvelle unité crée par Jules Raimond, La légion des Américains, essentiellement composée à partir des « gens de couleurs » volontaires. Son commandant le chevalier de Saint-Georges, lui offre le grade de lieutenant-colonel. Cette promotion est ratifiée le 10 octobre 1792.
La nouvelle unité est cantonnée à Amiens et Dumas y reçoit la charge d'instruire une nouvelle formation, le treizième régiment de chasseurs à cheval, les compagnies de couleur étant dispersées vers d'autres lieux. C'est alors, au début d'avril 1793 que Dumas et Saint George parvienne à déjouer la tentative de Dumouriez de soulever la garnison de Lille contre la Convention nationale. Les relations entre Saint-George et Dumas se sont par la suite refroidies, le premier étant de sympathie orléaniste, et à ce titre, suspect, tandis que le second était fidèle à la Convention.
Le 30 juillet 1793, Dumas est nommé général de brigade et, le mois suivant, général de division. Le 11 septembre, il quitte l'armée du nord pour prendre le commandement de l'armée des Pyrénées-Occidentales.
A Bayonne, le général est pris dans les rivalités entre les représentants en mission et le ministère de la Guerre. Il est en butte à l'hostilité du représentant Ysabeau. Le 21 janvier 1794, il prend le commandement de l'armée des Alpes. Dans des conditions difficiles, il effectue des reconnaissances et met en place une formation de guides de montagne. Les combats contre les Piémontais se focalisent autour des passages du Montcenis, pour déboucher sur le Val d'Aoste. Le 13 mai 1794, le détachement conduit par Dumas réussit une percée victorieuse, permettant une jonction avec l'armée d'Italie.
Peu après, Dumas est rappelé à Paris par le Comité de Salut public pour s'expliquer sur une dénonciation. La crise du 9 Thermidor éclipse cette affaire mais on ne redonne pas son commandement à Dumas. Il est chargé de diriger l'école de Mars à Neuilly, une expérience de formation sur le tas des futurs officiers, vite abandonnée. Le 17 août, on lui confie le commandement de l'armée de l'Ouest. Il découvre l'étendue des ravages causés par la guerre civile en Vendée. Il démissionne et rentre quelques temps à Villers-Cotterêts, sans emploi.
Resté ferme républicain, le Convention pense à lui confier le commandement de l'armée de l'Intérieur lorsqu'elle est confrontée aux sections parisiennes soulevées par des meneurs royalistes le 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795). Mais un incident le retarde sur la route de Paris et Barras se tourne alors vers Bonaparte pour réprimer le soulèvement.
Néanmoins le général retrouve une activité militaire ; après un passage sur le territoire de Bouillon, puis à Landeau, il obtient une nouvelle affectation à l'armée des Alpes, sous le commandement de Kellerman. Dumas supporte mal cette subordination : tourné vers l'action, il endure difficilement un contrôle direct trop tatillon, que ce soit de la part de responsable civils ou d'autorités militaires.
Le Directoire lui offre un nouveau poste à l'armée d'Italie, le 22 octobre 1796. C'est dans les environs de Mantoue, puis sur la route du Tyrol, qu'il se signale par des faits d'armes spectaculaires qui lui valent le surnom d'« Horatius Cocles du Tyrol ». Sa bravoure n'est guère reconnue par Bonaparte, ce qui contribue à l'aigreur qui ne cesse d'empoisonner les rapports entre les deux hommes. Il est davantage en confiance avec Joubert, dont il commande la cavalerie.
Après la Paix de Campo-Formio à l'automne 1797, Dumas est cependant attaché au destin au destin du jeune général corse. Il commande l'une des huit division de l'armée d'Italie, participe à la bataille des Pyramides, est chargé de réprimer la première révolte du Caire. Ce qu'il fait sans états d'âme mais les rapports restent froids avec Bonaparte ; Dumas est plutôt dans la clientèle de Kléber, au contraire de Joseph Domingue, qui fait partie de la garde rapprochée du commandant en chef.
Le 22 janvier 1799, il obtient l'autorisation de regagner la France pour raison de santé. Son bateau relâche à Tarente, espérant y trouver une terre amie, contrôlée par les républicain. Mais la République napolitaine s'effondre et les voyageur se retrouvent prisonniers des partisans des Bourbons. Ces derniers font subir au général français des conditions de détention très éprouvante, tentant à plusieurs reprises de s'en débarrasser par le poison ou l'arme blanche.
La paix signée avec le royaume de Naples à Florence permet la libération de Dumas le 5 avril 1801. Retiré à Villers-Cotterêts, sa santé comme sa fortune se trouvent très altérés.
Il entreprend pourtant des démarches pour obtenir un nouvel emploi actif, qui reste sans suite. En dépit de son exceptionnelle valeur militaire, le Consulat engagé dans une réaction coloniale ne tient pas à employer à son rang un officier de couleur aussi prestigieux. Pourtant, étranger à toute considération autre que le mérite personnel, Dumas, à aucun moment de sa carrière n'a mis en avant ses origines, ni sa couleur. Il d'éteint le soir du 26 février 1806, après une promenade à cheval.
Sources et informations :
Cet article fait suite au précédent publié en début de semaine, le 20 juillet consacré au Chevalier de Saint-George qu'il convient lire aussi tant le parcours de ces deux illustres personnages de couleur est exceptionnel et qui ont défendu la République ensemble en 1793.
J'ai trouvé ces informations dans un livret d'une petite cinquantaine de pages que je m'étais procuré, il y a quelques années au musée d'art et d'histoire de La Rochelle.l Ces deux biographies ont pour auteur Bernard Gainot, directeur de recherche en histoire moderne à l'Université Paris I Panthéon / Sorbonne.
Complément trouvé sur Wikpedia : Fils de noble et né esclave.
Thomas Alexandre Dumas est le quatrième enfant d’un noble normand du Pays de Caux Le Marquis Alexandre Dumas de la Pailleterie (1714-1786), parti rejoindre son frère cadet qui avait fait fortune dans les plantations à Saint Domingue et de son esclave africaine Marie Cessette Dumas faussement déclarée morte vers 1772. En réalité, deux documents notariés signés en 1786 et en 1801 par le futur général Dumas prouvent qu'il savait sa mère encore vivante. Il naît près du bourg de Jérémie, dans la maison « Madere » attenante à la petite plantation de canne à sucre détenue par Alexandre Antoine.
Avant de retourner en France vers 1774, son père vend ses quatre enfants en tant qu’esclaves, mais Thomas Alexandre est vendu à réméré, c'est-à-dire avec possibilité de rachat ultérieur. Il sera ainsi racheté par son père et reviendra auprès de lui sous le pseudonyme de Thomas Rétoré. L'adolescent reprend alors le nom paternel et reçoit l’éducation d’un jeune noble (escrime, vie culturelle et autres « exercices du corps ») de son époque.
Il est placé en pension par son père chez Nicolas Texier de la Boëssière rue Saint-Honoré à Paris où les matinées sont consacrées à l'étude et les après-midis au maniement des armes, dans lequel il excelle, notamment au sabre Il y fait la connaissance du chevalier de Saint George compositeur, escrimeur, également né esclave.
Bel athlète, son « mètre quatre-vingt-cinq » lui donne « plus belle prestance encore en des temps où la plupart des hommes faisaient une bonne tête de moins ». Il a « des cheveux et sourcils noirs crépus, un visage ovale, plein et brun, une petite bouche, des lèvres épaisses. » Sa « beauté exotique » fait sensation dans les milieux parisiens qu'il fréquente avec « tous les talents que l'on pouvait attendre d'un gentilhomme ». Par ailleurs, son père dépense beaucoup d'argent pour la garde-robe de son fils, afin qu'il tienne son rang dans la société. Les fonds paternels lui permettent de s'installer au début de 1784, alors qu'il a vingt ans, dans un logement rue Estienne, à proximité du Louvre.
Dans son texte, Bernard Gainot évoque un autre militaire Joseph Damingue, qui fit partie de la garde rapprochée Bonaparte. Voilà ce qu'en dit Wikipedia :
Né à La Havane en 1761, Joseph Damingue est le fils d’une famille d’esclaves de Cuba qui put s'installer à Bordeaux.
Très jeune Joseph se serait engagé tout jeune comme tambour.
Le 6 octobre 1784 il est soldat au Régiment de Champagne.
Le 6 juillet 1793, il passe au 22e régiment de chasseurs à cheval où il participe dans l'Armée des Pyrénées orientales aux campagnes de l’an I et II. Il est promu maréchal des logis le 8 juin 1795 (20 Prairial an III). Son régiment passe à l'Armée d'Italie.
Remarqué pour son courage, il est promu le 26 octobre 1796 (5 brumaire an V) sous-lieutenant dans les guides de l'armée d'Italie.
Bonaparte raconte dans son rapport sur la bataille du Pont d'Arcole « J’ordonnai au citoyen Hercule, officier de mes guides de choisir vingt-cinq hommes de sa compagnie, de longer l’Adige une demi-lieue et de tomber ensuite au grand galop sur le dos de l’ennemi, en faisant sonner plusieurs trompettes. Cette manœuvre réussit parfaitement. L’infanterie fut ébranlée. »
Pour ce fait d’armes, il est nommé capitaine le 1er nivôse an V (21 décembre 1796) et reçoit une gratification de 5000 livres. Le 11 novembre 1797 Bonaparte, général en chef de l'Armée d'Italie, lui fait attribuer un sabre d’honneur sur la lame duquel est inscrit : « Pour avoir renversé, à la tête de vingt-cinq guides, une colonne autrichienne à la bataille d'Arcole. »
Il participe à la Campagne d'Égypte. Lors de la Bataille d'Aboukir (1799), il est chargé de prendre une redoute il enlève tous les retranchements ennemis et est blessé au bras.
Il est nommé chef d'escadron provisoire le 20 septembre 1799.
De retour en France, il intègre la compagnie de chasseurs à cheval de la Garde consulaire créée le 3 janvier 1800 à partir du corps des guides de l'armée d'Italie rentré d'Égypte. Eugène de Beauharnais en prend le commandement. La compagnie charge à la bataille de Marengo où elle est fort éprouvée. Il est confirmé dans son grade le 9 août 1800.
Le 1er octobre 1802, Hercule est chef d'un des quatre escadrons du régiment.
Le 2 mai 1803, à Mantoue, il est nommé, lors de sa création, commandant du bataillon des pionniers noirs qu'il organise.
Il est nommé officier de la légion honneur le 14 juin 18042.
Le 19 décembre 1805 il est blessé à Fiume ce qui l’oblige à demander sa retraite. L’Empereur lui accorde la totalité de son traitement en guise de retraite.
Rappelons aussi que Napoléon a rétabli l'esclavage dans les colonies par le décret du 20 mai 1802, ce qui permet de comprendre qu'un général mulâtre très cultivé pouvait faire tache dans l'armée de Napoléon et qu'on ne pouvait plus pouvait plus employer en 1802 à son rang un officier de couleur aussi prestigieux que Thomas Alexandre Dumas. Alors que le magnifique commandant Hercule, Joseph Damingue, pouvait sans problème recevoir la légion d'honneur.
Le lecteur de ce billet et du précédent concernant le Chevalier Saint-George, pourrait être intéressé par un article que j'ai fait le 21 mai 2009 :