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A livre ouvert .... Premier Sang d'Amélie Nothomb

5 Décembre 2021 , Rédigé par niduab Publié dans #A livre ouvert

 

«Je dois avouer que « Premier sang », le trentième et  dernier, à ce jour, roman d'Amélie Nothomb est pour l'ignare que je suis, le premier que j'ai lu de cette auteure qui vient d'être récompensée du prix Renaudot. Je précise aussi que ce n’est pas cette récompense qui m'a conduit à me procurer ce livre, début septembre, alors que nous partions en Lozère pour une semaine de vacances.

Le lecteur de cet article pourra vérifier dans la catégorie « A livre ouvert » que je ne suis pas trop attiré par les prix littéraires ; à moins que ce soit un prix déjà au moins cinquantenaire ; j'en ai aussi découvert certains par chauvinisme, comme « Nene » du Deux-Sévriens Ernest Perochon  prix Goncourt 1920 ; et plus récemment « Rue des voleurs » du niortais  Mathias Enard prix Goncourt 2015. Et j’ai presque mis une année pour le lire et en dire du bien sur le blog. 
Pour Amélie Nothomb, comme ne suis pas belge il n'y pas eu de coup de pouce chauvin... J’ai quand même vu au cinéma Stupeur et Tremblements avec Sylvie Testut dans le rôle principal du film d’Alain Corneau tiré du roman d'Amélie Nothomb. Mais ça ne m’a pas trop plu : l’histoire se déroule au Japon et il y a trop de dialogues en japonais. J’aurai peut-être du lire le livre : je suppose que le texte devrait être intégralement en français (ou au moins belge). Alors qu’est-ce qui m’a vraiment poussé à m’intéresser à « Premier sang » ?

  En librairie, j'ai feuilleté les premières pages du livre (Page 9 à11) : « On me conduit devant le peloton d’exécution. Le temps s’étire, chaque seconde dure un siècle de plus que la précédente. J’ai vingt-huit ans. En face de moi, la mort a le visage de 12 exécutants. L’usage veut que parmi les armes distribuées, l’une soit chargée à blanc. Ainsi chacun peut croire innocent du meurtre qui va être perpétré. Je doute que cette tradition ait été respectée aujourd’hui. Aucun de ces hommes ne semble avoir besoin d’une possibilité d’innocence. 
Il y a une vingtaine de minutes que j’ai entendu mon nom, j’ai su aussitôt ce que cela voulait dire. Et je jure que j’ai soupiré de soulagement. Puisqu’on allait me tuer, il ne serait plus nécessaire que je parle. Cela fait quatre mois que je négocie notre survie, quatre mois que je me lance dans des palabres interminables afin d’ajourner notre assassinat. Qui va défendre les autres otages à présent ? Je l’ignore et cela m’angoisse, mais une part de moi est réconfortée : je vais enfin pouvoir me taire »
[….] ….
Et puis je passe aux dernières pages « J’entends le vrombissement d’un moteur et le crissement des pneus  ___  Arrêtez ! C’est la voix de Gbenye _ On ne tue plus cet homme déclare-t-il avec autorité. Je comprends qu’il s’agit de moi. Je traverse un instant un regret : j’étais prêt, je ne sais si, un jour,  je serai  aussi prêt. La seconde après une joie sans égale s’empare de moi. Elle est si violente que j’en oublie d’avoir honte. Je suis vivant et je vais le rester. Combien de temps ? Deux minutes, deux heures, cinquante ans ? Je jure que la réponse n’importe pas. C’est ainsi qu’il faut vivre. J’espère garder cette confiance éternellement.
Gbenye s’approche de moi avec enthousiasme __ Comment allez-vous, monsieur le Consul ?  __ Très bien, monsieur le Président. __ Qu’avez-vous pensé de notre petite plaisanterie ? __ Votre sens de l’humour sort de l’ordinaire. 
Gbenye cherche quel propos serait susceptible de me blesser davantage. Il trouve : __ Avez-vous des enfants, monsieur le Consul ? __ Oui, monsieur le Président __  Combien ? Comment s’appellent-ils ? __  Un garçon de deux ans, André, et un bébé fille, Juliette __ Voulez vous avoir un troisième enfant ? ___  Cela dépendra de vous, monsieur le Président. »
….Fin du roman (Page 171) 

En fait c'est le début de ce dernier paragraphe qui m'a le plus intéressé : « L'été 1964, l'ambassadeur de Belgique me nomma consul à Stanley-ville. Laissant ma famille dans la capitale, j'y atterris pour prendre mon poste. Le pays était alors en proie à des querelles intestines explosives et une rébellion qui se voulait marxiste couvait dans le pays depuis l'indépendance.» (Page 143). Et moi qui aie vécu et travaillé sur un grand chantier de ce pays, qui s'appelait alors Zaïre, une dizaine d'années plus tard j'ai entendu parler de cette histoire par des collègues belges. C'est ça qui a vraiment fait tilt et je n'ai pas regretté cet achat ; même si maintenant, je vais me mettre à la recherche du livre de Patrick Nothomb, le consul et père d'Amélie, intitulé « Dans Stanley-ville.» publié en 1993. J'ai aussi appris que Patrick Nothomb est mort en mars 2020, chez lui, en Belgique à près de 84 ans. Il semble qu'Amélie à voulu, assez rapidement, rendre un hommage à son père en se glissant dans sa peau en imaginant l'enfant puis l'adolescent, le jeune homme qu'il fut. Elle nous amuse à remonter le temps et c'est finalement très agréable pour un lecteur et éventuel fan débutant. 
(Page 13) : « Le présent a commencé il y a vingt-huit ans. Aux  balbutiements de ma conscience, je vois ma joie insolite d'exister. Insolite parce que insolente : autour de moi régnait le chagrin. J'avais huit mois quand mon père est mort dans un accident de déminage. Comme moi, mourir est une tradition familiale. Mon père était militaire. Il avait vingt-cinq ans. Ce jour là, il devait apprendre à déminer. L'exercice tourna court : par erreur, on avait placé une vraie mine à la place de la fausse. Il mourut au début de 1937.
Deux années plus tôt, il avait épousé Claude ma mère .... [...]... A vingt cinq ans elle trouva son expression de veuve. Elle ne quitta jamais ce masque. Même son sourire était figé. La dureté s'empara de ce visage et la priva de sa jeunesse ... [...].... A ma naissance pourtant, elle m'avait aimé. Son premier enfant était un garçon : on l'avait félicité. A présent, elle savait que je n'étais pas son premier mais son unique enfant. ....[...]... Le père de Claude était général. Il trouva la mort de son gendre très acceptable. Il ne la commenta pas. La Grande Muette avait en lui son grand muet. 
La mère de Claude était une femme tendre et douce. Le sort de sa fille l'épouvanta.___ Confie moi ton chagrin, ma pauvre chérie.___  Arrête, Maman. Laisse-moi souffrir.___ Soufre, soufre un bon coup. Cela n'aura qu'un temps. Après tu te remarieras.___ Tais-toi! Jamais entends-tu je ne me remarierai. André était l'homme de ma vie.___ Bien sûr. Maintenant tu as Patrick.___  Quelle drôle de façon de parler.___ Tu l'aimes ton fils.___ Oui je l'aime. Mais je veux les bras de mon mari, don regard. Je veux da voix, ses paroles..... »
(Page 16) 
Et pour plus d'informations sur la vie de Patrick, il faut se procurer le livre : ça vaut le coup. J'ajoute un dernier chapitre pour recaler à minima avec son affection au Congo. 
(Page 139à 140)  « .... Au début de l'automne 1961, Danièle m'annonça qu'elle était enceinte. Cette nouvelle me bouleversa: ce dont j'avais toujours si douloureusement manqué, allait le devenir. ___ Ce sera pour fin mai, dit-elle.___ Tu ne pouvais pas me préparer de plus beau cadeau d'anniversaire, répondis-je.
Je ne croyais pas si bien dire. La grossesse se déroula sans encombre et tout présageait que le bébé naîtrait le 24 mai. Hélas, si j'ose m'exprimer ainsi, le 23 mai Danièle, éprouva les premières contractions vers dix-huit heures. Comme je m'exclamai :___ Retiens-toi ! Plus que quelques heures et nous serons le 24 mai. Elle me jeta un regard où je lus ma bêtise et mon incompétence. A vingt-trois heures trente, Danièle accoucha d'un garçon. C'était l'époque où le père n'était pas invité à assister à la délivrance, m'évitant de m'évanouir. Je ne fus appelé que quand l'enfant fut nettoyé de toute trace de sang.   
 Mon fils s'appela André, comme mon père. Celui qui me transforma  en père ne pouvait porter que le nom de mon père. Quand je le pris dans mes bras, je ressentis un amour si grand que ne trouvait aucun mot
.... [....]....  Chaque fois que je ne craignais pas de le déranger, je prenais André contre mon cœur. Le mystère renaissait à chaque étreinte : un gouffre d'amour, aussi vide que plein, me déchirait la poitrine. C'était une gigantesque interrogation : La paternité était ma vocation, je le sentais et, pourtant, je n'avais aucune idée de ce en quoi elle consistait.
Je comptais sur le bébé pour me l'enseigner. » 

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