Mon oncle Didi ...... Souvenirs de Playtime et entretien avec Tati.
En faisant un peu de rangement j'ai retrouvé, il y a peu, dans mon grenier, une brochure concernant le film « Playtime » de Jacques Tati. Mon oncle Didi m'avait donné ce document quand j'ai commencé à faire mes premiers articles de blog et je me suis rendu compte que je n'ai pas tout exploité du talent de Tati et c'est avec plaisir et beaucoup de retard que je fais ce nouvel article ; probablement le dernier de la série.
Interview :
Jacques Tati, pourquoi ce long intervalle entre "Mon Oncle" et "Playtime" ?
Quand on est l'auteur d'un film , quand on l'écrit et qu'on le réalise, il faut l'aimer beaucoup. Or je ne pense pas qu'on puisse trouver tous les six mois ou tous les ans un sujet d'une richesse telle qu'il vous permette de vous exprimer vraiment.
Pourquoi ce titre « Playtime »?
J'ai choisi ce titre à dessein : Les mots anglais ont envahi le vocabulaire. Les gens habitent dans des "buildings", ils mettent leur voiture au "parking", ils mangent au "snack" ou au "self", font leurs achats dans les "drugstores" ou des "supermarkets". Alors j'espère que "Playtime" appartiendra un jour au vocabulaire français.
Pourquoi avez-vous utilisé le format 70 mm?
Parce que ce format correspond aux dimensions du monde contemporain. On ne construit plus de petites routes, mais des autostrades, plus de petites maisons mais des Buildings. Les gens croient que le 70 mm ça sert uniquement à filmer des superproductions avec charges de cavalerie ou stars déshabillées. Or il s'agit d'un format aussi étonnant pour filmer un fonctionnaire qui dort à son bureau ou confectionne une cocote en papier. L'effet comique tient à un changement de dimension. Le comique d'observation prend ainsi sa véritable valeur, souligné par l'utilisation de la stéréophonie qui ajoute au gag visuel le gag sonore.
Comment choisissez-vous vos interprètes ?
J'ai à chaque fois un grand travail de préparation. Je circule beaucoup. J'essaie de trouver des personnes dont le comportement et le caractère s'apparentent à ceux des personnages décrits dans le scénario. Je les choisis non pour leur qualité de comédiens mais pour leur nature. J'entends faire des vedettes avec mes personnages, non avec ceux qui les interprètent.
Vous semblez porter une affection particulière aux personnages, aux seconds rôles.
Oui, ce sont ceux que je préfère. Je les ai cherchés un peu partout, ces petits personnages; ils respirent la vérité. Je pense que je suis parvenu à en extraire quelques effets comiques encore plus authentiques qu'eux mêmes. Ils importent aujourd'hui de donner une grande force de vérité au comique.
Pouvez-vous nous raconter l'histoire ? L'histoire : un groupe de touristes étrangers arrive pour visiter Paris. En atterrissant à Orly, ils se retrouvent à peu près dans le même aéroport que celui qu'ils ont quitté à Munich, Londres ou Chicago. Ils montent dans le même autocar que celui utilisé à Rome ou Hambourg et arrivent sur une route bordée de lampadaires et de buildings identiques à ceux de leur propre capitale. Ils retrouvent ce style d'architecture conçu pour vivre au "garde à vous"! Mais heureusement, il y a M. Hulot et M. Maurice et tout un tas de braves gens qui, eux ont gardé leur personnalité, leur pittoresque.
Est-ce une satire de l'architecture moderne ?
Pas du tout. Je ne m'estime pas le droit de critiquer l'architecture d'aujourd'hui. Je me contente de faire un film sur notre époque. On construit de nos jours d'énormes bâtiments. Du verre, rien que du verre : nous appartenons à une civilisation qui éprouve le besoin de se mettre en vitrine ! Mais je ne vais pas m'insurgé par exemple contre la création pour enfants d'écoles ensoleillées.
Notre univers devient chaque jour plus anonyme et plus uniforme. Autrefois le charcutier était un monsieur avec une chemise de couleur et portant un beau un beau tablier. Aujourd'hui, il met une veste blanche comme les dentistes ou les chirurgiens. Le monde est en train de devenir une énorme clinique. Mais si, au début, les habitants se sentent se sentent perdu, ils s'habituent peu à peu à vivre dans leur nouvelle ville, puis ils arrivent à l'humaniser en effaçant petit à petit le décor ultramoderne.
Quel message se cache derrière les images de « Playtime.»
Il n'y a pas de message. Mon film sera un peu la défense de l'individu car, dans cette organisation super-automatique, il faudra toujours un gars qui, muni d'un minuscule tournevis, viendra dépanner l'ascenseur.
Dans cette brochure il y a d'autres analyses du personnage : « l'Univers de Jacques Tati » ou encore « Qui est Jacques Tati ? » et dans ce dernier paragraphe j'ai retenu sa passion pour le sport : « ... [...] Grand sportif ses coéquipiers apprécient son talent à mimer les matchs de rugby qu'ils viennent de jouer. Son succès auprès d'eux lui donne l'idée de présenter un numéro comique de mime sportif : c'était le temps des années 30. Il présente ses pantomimes à des directeurs somnolents et des régisseurs ennuyés et commence cette carrière dans des décors qui auraient convenu à M. Hulot....[...]
Je ne prolonge pas l'analyse de ce paragraphe, une sorte de biographie très intéressante, car j'y ai déjà trouvé l'information ou plutôt la confirmation qui me relie à un article ancien. Cet article était mon 24ème, daté du 7 septembre 2007 (3 mois après avoir ouvert ce blog) et il a pour titre « Ciné cure .... Les vacances de Monsieur Hulot. » ( L'actuel article serait en position 1162, sans compter une bonne centaine d'article qui ont été supprimés : voeux de nouvelle année et pas mal de mots croisés que j'ai proposés).
En fait je suis très content de relier, aujourd'hui, le paragraphe ou l'on évoque Tati sportif et plus particulièrement rugbyman et mime de fin de match et le dernier chapitre de mon billet du 7 septembre 2007 que je reproduis ci après.
« Un dernier souvenir de Jacques Tati qui venait quelquefois nous voir jouer au rugby à Villiers/Marne dans les années 1965/66. Un jour de fortes pluies et avant match, comme je devais jouer arrière, je m’entraînais, avec mon frère, à réceptionner des chandelles « up and under » avec ce ballon glissant....., quand soudain un grand escogriffe en imperméable me fonça dessus, à toute allure, me bouscula et s’empara du ballon. Je me suis retrouvé sur le cul, lui aussi d’ailleurs….Hilare, il me lança « je t’ai bien eu petit »…..il se releva, l’imperméable plein de boue, remis son galure et regagna le bord de touche d’où il allait nous soutenir pendant le match…, c’était Monsieur Hulot alias Jacques Tati. J’avais été bousculé, par un monument et à l'époque, même si je savais qui il était, je n’en avais pas vraiment pris conscience. Play time or not play time ? »