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Presse aidant ..... Le décès de Desmond Tutu

30 Décembre 2021 , Rédigé par niduab Publié dans #Presse aidant

 Comme dernier article de l'année 2021 je reprends le bel article du Journal le Monde publié à la date du 28 décembre, concernant  le décès de Desmond Tutu. Je classe ce genre d'article dans la catégorie « Presse aidant ». C'est le moindre que je puisse faire, copier un article et trouver une photo. Si j'avais eu le temps de préparer cet article par de nombreuses recherches j'aurais publier cet article dans la catégorie « Histoire de rôle », tant son rôle dans l'histoire de l'Afrique du sud fut important. 
 

 Archevêque sud-africain, Prix Nobel de la paix, Desmond Mpilo Tutu, dont la mort au Cap à l’âge de 90 ans a été annoncée dimanche 26 décembre par le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, ne laissait rien passer. Aucun dérapage, aucun abus, aucune atteinte aux droits humains n’échappait à son courroux. Sa vie durant, sous l’apartheid comme sous les gouvernements noirs qui se sont succédé après l’élection de Nelson Mandela en 1994, ce petit diable d’homme en robe mauve n’a cessé, au nom de la justice et de l’équité, d’importuner les pouvoirs établis, de prendre à partie les gouvernants, de tourmenter les puissants. 
 
Energique, volubile, malicieux, comédien à souhait, il ne manquait jamais de tancer les politiciens d’où qu’ils viennent. Au fil des multiples et épiques combats qu’il a menés pour la dignité humaine, le pardon et la réconciliation, il était devenu « la » référence bienveillante d’une nation en reconstruction, « la » conscience morale d’un pays sporadiquement en proie aux démons du passé.
 Pour le sénateur Edward Kennedy, en visite à Pretoria dans les années 1990, Desmond Tutu n’était rien de moins que « le Martin Luther King de l’Afrique du Sud ». La comparaison lui avait bien plu. Lui aussi avait, le même, à peu de chose près, que ce  lui du pasteur assassiné. Lui aussi avait « fait un rêve », le même, à peu de chose près, que celui du pasteur assassiné, lui aussi, comme le grand ancien américain, fut en son temps traqué, opprimé, vilipendé et régulièrement menacé du pire par les partisans de ce qu’il appelait. « le système le plus vicieux jamais inventé depuis le nazisme », à savoir le « développement séparé des races » (l’apartheid)
 Travail, risques et sacrifices.  Longtemps, Desmond Tutu fut, pour les membres de la minorité blanche afrikaner (au pouvoir de 1948 à 1994), « l’incarnation même du mal ». Longtemps, jusqu’à ces derniers mois, il était, pour bien des ministres noirs, « l’emmerdeur patenté », l’empêcheur de s’enrichir en rond, le pourfendeur infatigable de tout ce qui n’allait pas dans la « nation arc-en-ciel ».  Son courage, son habileté, sa sagacité, sa personnalité effervescente, enveloppante, ses rires en cascade, ses pleurs publics, son humour dévastateur et son évidente bienveillance à l’endroit de tout ce qui relevait de l’humain auront fini par désarmer les plus excités de ses critiques. « L’archevêque du peuple », comme l’avait baptisé son ami Nelson Mandela, ne laissait personne indifférent. Mais que de travail effectué, de risques assumés et de sacrifices consentis pour en arriver là !
 Desmond Mpilo Tutu naît le 7 octobre 1931 à Klerksdorp, à deux heures à l’ouest de Johannesburg. Son père est instituteur dans des écoles réservées aux Noirs et ouvertes, avant l’invention de l’apartheid en 1948, par des missions chrétiennes. La famille Tutu est pauvre « sans être misérable » aimait-il à préciser. Il n’empêche. A l’âge de 4 ans, le chétif petit Desmond est victime de la poliomyélite. Il en conservera toute sa vie une gêne au bras gauche.
 
Un peu plus tard, il est soigné pour une pointe de tuberculose. Confiné dans un lit, interdit de football – sa grande passion –, il est si marqué par ces expériences qu’il veut devenir médecin. Mais la famille n’a pas les moyens de lui offrir pareilles études. 
 Il devient instituteur, enseigne de 1954 à 1957, puis démissionne pour protester contre « la sous éducation », sans moyens ni perspectives que l’apartheid réserve désormais aux Noirs. Alors, « presque par défaut plus que par choix » il se tourne vers le séminaire. Sa foi était irrépressible, inébranlable, indestructible. Mais il gardera toute sa vie la distance nécessaire à l’endroit des structures et même des missions passées de l’Eglise. « Quand les premiers missionnaires chrétiens sont arrivés dans ce pays, » racontait-il en roulant des yeux, « ils avaient la Bible et nous la terre. Quelque temps après, nous avions la Bible, ils avaient la terre. », 
 En 1961, à 30 ans, il est ordonné prêtre. De famille méthodiste, le nouveau révérend est entré chez les anglicans, qu’il juge. « plus ouverts sur le monde ».  Il donne des conférences puis, à la fin des années 1960, part s’installer à Londres avec femme et enfants. Il y décrochera brillamment une maîtrise de théologie au King’s College et sera nommé, dès 1972, sous-directeur du Conseil œcuménique des Eglises
 En 1975, premier Noir à accéder à une telle fonction épiscopale en République sud-africaine, il est élu doyen de la cathédrale anglicane Saint Mary, à Johannesburg. Les deux-tiers des 1,6 million d’anglicans sud-africains sont alors noirs, mais tous les doyens précédents étaient blancs.
 Cette élection lui donne théoriquement droit à une vaste résidence dans un quartier chic de Johannesburg. Tutu n’y mettra jamais les pieds. Motif : « Je n’étais pas prêt à m’excuser pour ma couleur de peau. » Or, pour le régime blanc, un non-Blanc ne peut résider en « zone d’habitation blanche » que si les autorités lui attribuent, sur demande spéciale, un statut de « Blanc honoraire ». Le champion de la cause égalitaire ne pouvait évidemment pas se conformer à cette règle inique. Trois ans plus tard, en 1978, il devient secrétaire général du Conseil œcuménique d’Afrique du Sud. Son sacerdoce devient éminemment public. 
 Nelson Mandela, qu’il n’a encore jamais rencontré, est alors en prison depuis seize ans. Le pouvoir blanc interdit jusqu’à l’énoncé de son nom en public. Desmond Tutu devient sa voix, celle des opprimés. Enveloppé dans sa robe de prélat, il est ménagé par un régime souvent inhumain mais qui se voulait éminemment chrétien.
 Pratiquement intouchable Tutu en profite, il est sur tous les fronts, prononce des sermons incendiaires contre les injustices commises au quotidien par le régime. Il s’enflamme, s’époumone, organise des manifestations, offre à la presse internationale des interviews au canon et prend la tête du combat pour la libération du leader emprisonné. 
 On lui confisque son passeport, on le menace de bannissement (interdiction de parole publique et assignation à résidence), il poursuit et même amplifie la lutte. En 1984, il reçoit le prix Nobel de la paix et devient dès lors pratiquement intouchable. Il en profite pour multiplier les appels à l’imposition de sanctions contre le régime, s’en prend publiquement à Margaret Thatcher, Ronald Reagan et Helmut Kohl, qui, en refusant ses demandes, « se rendent complices des crimes de l’apartheid ». A force de harcèlement, il remportera finalement ce combat. L’apartheid serait-il tombé sans les sanctions ? Nul ne le croit. Et le régime est contraint de libérer Mandela en 1990. Tutu entre dans l’entourage immédiat du héros libéré. Il ne veut pas de maroquin et continue à mettre son immense popularité au service de la révolution pacifique en cours.  
 Quand le pays frôle la guerre civile – entre Blancs et Noirs mais surtout entre Noirs d’ethnies et d’affiliations politiques diverses, affrontements qui feront 20 000 morts en deux ans –, il est encore sur tous les fronts, cajolant les uns, raisonnant les autres. En 1994, comme des millions d’autres Noirs sud-africains, Desmond Tutu, premier évêque noir de l’Eglise anglicane nationale depuis 1985, archevêque l’année suivante, vote pour la première fois de sa vie. 
 Il est aux anges, remercie Dieu sur toutes les tribunes, loue inlassablement « le miracle Mandela » et soutient de toutes ses forces le nouveau président élu dans son grand œuvre de réconciliation nationale. La nouvelle Afrique du Sud devient officiellement la nation arc-en-ciel, concept génial signé Tutu.
 La vigie de la nation. A peine installé, le nouveau pouvoir, multiracial mais dominé par le Congrès national africain (ANC), le parti de Mandela, se vote d’emblée un doublement du traitement des ministres. Tutu dénonce des anciens exilés, supplie qu’on se préoccupe d’abord des démunis. Mandela, qui s’est toujours vécu comme « un militant obéissant de l’ANC », se refuse à intervenir. 
 Tutu s’empare encore une fois du porte-voix de la contestation. Il somme, sans succès, le nouveau pouvoir de mettre un terme à l’exportation d’armes « made in South Africa ». Il dénonce la corruption des élites, s’en prend aux ministres« qui ne travaillent pas assez ». Rétif à toutes les autorités, indomptable, il est toujours la vigie de la nation. 
 En 1995, Nelson Mandela, qui appartient désormais à son cercle privé, le nomme président de la Commission vérité et réconciliation. A la suite de l’accord passé entre le pouvoir blanc sortant et le nouveau pouvoir, une amnistie des crimes perpétrés durant l’apartheid sera mise en œuvre, mais, contrairement à ce qui s’est fait partout ailleurs au sortir des dictatures, cette amnistie ne sera ni générale ni automatique : elle ne sera consentie qu’à titre individuel. En clair, énonce Tutu, « le pardon ne sera prononcé qu’en échange de la vérité ». Les familles de victimes d’assassinats, d’enlèvements, de tortures et même d’expropriations brutales et illégales sont invitées à se faire connaître 
 En cinq années, Tutu et les membres de ses commissions dispersées à travers le pays entendront plus de 30 000 personnes. La presse, qui rapporte les sessions publiques au jour le jour évoque alors, « le grand confessionnal du prince de la compassion »  En échange d’aveux complets sur les crimes politiques commis entre mars 1960 et mai 1994, les coupables, y compris les militants ANC qui ont tué et torturé, sont amnistiés. La commission joue sur un registre consensuel dans le pays, celui des principes chrétiens de justice et de pardon. 
 Sous la houlette de Tutu, la commission s’est transformée en tribunal de la repentance et de la contrition. Elle remettra son rapport final le 29 octobre 1998. Le bouillant archevêque l’admettra volontiers dans un livre : l’exercice a été « imparfait, insuffisant, non exhaustif ». Il aura cependant débouché sur ce qu’il désirait : la désactivation psychologique du désir de vengeance des victimes. Une contribution majeure à la normalisation.

P. Claude. Le Monde.

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