Philo Bath .... Tocqueville, la démocratie libérale.
Né à Paris le 29 juillet 1805, Alexis Tocqueville appartient par ses parents à la noblesse normande. Une grande partie de sa famille fut décimée sous la terreur son père Hervé et sa mère Louise le Peletier qui avaient été arrêtés, durent leur survie, à la chute le 9 thermidor de Robespierre. Son père Hervé, un proche de Chateaubriand, fut préfet, puis pair de France sous la restauration. Sa mère était une arrière petite fille de Malesherbes qui fut le défenseur de Louis XVI et le suivit sous la guillotine ; c'est dire si le milieu familiale était légitimiste et pourtant l'orientation intellectuelle fut pourtant marqué par le caractère irréversible du déclin de l'aristocratie.
A vingt cinq ans alors qu'il est juge auditeur au tribunal de Versailles, sollicite avec son collègue et ami Gustave de Beaumont une mission pour examiner le système pénitentiaire des Etats-Unis. Les deux amis souhaitent étudier de près ce qui leur parait être un avenir possible de la civilisation européenne, à savoir une démocratie sociale et politique en Amérique où l'égalité des conditions n'avait pas eu à détruire une aristocratie pour s'établir. Tocqueville et son compagnon embarquèrent au Havre début avril 1834 pour un voyage de neuf mois qui les conduisit, dans des circonstances parfois périlleuses de la Nouvelle-Angleterre jusqu'à la Nouvelle-Orléans. Les deux amis furent même présentés le 19 janvier 1832 au président Jackson. De retour en France Tocqueville expédia son rapport sur le système pénitentiaire américain pour se lancer dans un nouveau projet qui lui tenait à cœur : « La Démocratie en Amérique » qu'il publia en janvier 1835 et qui connu un très grand succès en France mais aussi à l'étranger. Tocqueville allait être élu à l'Académie des sciences morales et politique en 1838 puis, après avoir publié le second tome de son ouvrage en 1840 où il s'intéressa à l'esprit d'un peuple démocratique, il fut élu à l'Académie française en 1841 à l'âge de trente six ans.
Animé par la passion de la politique Tocqueville songeait d'y faire carrière il se fit élire à Valognes, dans la Manche où se trouve le château familial des Tocqueville. il conserva ce siège durant quinze ans. De 1839 à 1848, il siège « à gauche » dans les rangs de l'opposition libérale. La révolution de février 1848 suscite chez lui une réaction hostile. Il est néanmoins élu à l'Assemblée constituante puis devient membre de la commission chargée de rédiger la nouvelle Constitution. Tocqueville, devenu républicain de raison, aspire à concilier l'égalité et la liberté, mais il se défie de l'esprit révolutionnaire et du socialisme, présentant avec inquiétude l'avènement d'un régime autoritaire. Il s'oppose notamment, dans un discours fameux, à l'inscription du droit au travail dans le texte de la Constitution. A l'élection présidentielle de décembre 1848, il vote pour Cavaignac contre Louis-Napoléon Bonaparte, dont il devint néanmoins brièvement, de juin à octobre 1849, ministre des Affaires étrangères. Le coup d'Etat du 2 décembre 1851, auquel il tente vainement de s'opposer, ce qui lui vaut d'être un temps emprisonné, abandonne définitivement sa carrière politique.
Il rédige ses « souvenirs » ouvrage qui ne sera publié qu'après sa mort. Tocqueville se retire dans sa terre de Normandie pour s'atteler à ce qui sera sa dernière œuvre, « L'ancien Régime et la Révolution » qui paraîtra en 1856. Il s'agit de la première partie du grand livre d'histoire philosophique qu'il projetait d'écrire sur la Révolution française.
La tuberculose viendra malheureusement interrompre prématurément la vie et l'œuvre de Tocqueville. En octobre 1858 sur les conseils de ses médecins, il part avec sa femme, l'anglaise Mary Mottley qu'il avait épousée en 1835, s'installer à Cannes et où il meurt le 16 avril 1859.
Sources : Je dois bien avouer que je n'avais pas une grande connaissance d’Alexis Tocqueville avant de faire un article sur Jean Jacques Rousseau et notamment le paragraphe tiré de l'ouvrage de Luc Ferry, « Rousseau et Tocqueville, l'invention de la démocratie moderne. » L'auteur y recherche les différences entre les pensées de Tocqueville et de Rousseau : « Que reprend Tocqueville de la vision rousseauiste de la démocratie, que va-t-il rejeter et surtout que va-t-il ajouter? Notons tout d'abord une grande divergence avec Rousseau : alors que ce dernier est un partisan de la démocratie directe, Tocqueville ne défend que la démocratie représentative. Tocqueville est, par excellence un penseur de la tradition libéral. Quatre caractéristiques qui s'opposent à la démocratie directe telle que la conçoit Rousseau, vont ainsi définir à ses yeux, le libéralisme.
Première caractéristique : il existe des droits individuels inaliénables. Pour Tocqueville, on ne saurait en effet les aliéner à la société, comme Rousseau y invite dans sa théorie de la loi, finalement, chaque citoyen doit tout donner à la collectivité... [..]
Deuxième caractéristique qui se déduit de la première. Du coup l'Etat libéral est limité, pour ne pas dire réduit à ses seules fonctions régaliennes, ce que le socialisme « interventionniste » reprochera d'abord et avant tout aux libéraux. .. [...].. Il faut se souvenir du contexte dans lequel nait la pensée libérale: il s'agit de rompre avec l'absolutisme, qui se permet d'intervenir sans cesse dans la vie privée des individus. C'est avec cela qu'il s'agit de rompre, y compris, s'il le faut, par la révolution. [...]
La troisième caractéristique du libéralisme réside justement dans l'idée que la société civile ou « La société des individus tient ensemble toute seule.» Nul besoin que l'Etat s'en mêle pour que la société civile tienne la route... [...]..
La quatrième caractéristique est particulièrement intéressante. C'est l'idée de la bonne loi, pour les libéraux, sera celle qui consacre la réalité de la société civile et de l'évolution des mœurs : il faut que le droit se mette en accord avec l’évolution des individus. La bonne loi vient ainsi de la société civile, l'Etat lui se bornant à l'enregistrer, à la consacrer ... [.] De ce point de vue Tocqueville s'oppose donc à la démocratie directe de Rousseau, convaincu que celle-ci à une espèce d'absorption totalitaire de la société civile par l'Etat... [...]..
Autre source : Wikipedia : extrait du paragraphe «L'égalisation des conditions » (l'auteur de ce texte n'est pas mentionné.)
Pour exemple Tocqueville expose la relation qui s'établit entre un maître et son serviteur dans la société démocratique par rapport à celle qui règne dans la société aristocratique. Dans les deux cas il y a inégalité, mais dans l'ancienne société elle est définitive, alors que dans la société moderne elle est libre et temporaire. Libre car c'est un accord volontaire, que le serviteur accepte l'autorité du maître et qu'il y trouve un intérêt. Temporaire parce qu'il y a le sentiment désormais partagé entre le maître et le serviteur qu'ils sont fondamentalement égaux. Le travail les lie par contrat et, une fois celui-ci terminé, ils sont deux membres semblables du corps social. Les situations sociales peuvent être inégalitaires, mais elles ne sont pas attachées aux individus. Ce qui compte c'est l'opinion qu'en ont les membres de la société : ils se sentent et se représentent comme égaux, et le sont comme contractants.
L'égalité des conditions est donc un fait culturel, une construction sociale, une représentation. C'est cette attitude mentale qui fait de l'homme démocratique un homme nouveau, dont les actes sont marqués par ce qui prend l'allure d'une évidence. L'égalité des conditions pour Tocqueville articule ce qui est de l'ordre du principe : absence de distinctions sociales fondées juridiquement, égalité des droits, sentiment collectif de l'égalité néanmoins « égalité imaginaire », car l'égalité civile peut tout de même coexister avec l'inégalité économique ou politique.
Paradoxalement, l'égalité des conditions, en fragilisant toutes les relations hiérarchiques de subordination (entre les maîtres et les serviteurs, les hommes et les femmes, les adultes et les enfants), tend à détruire les liens de dépendance, de protection que le monde aristocratique a pu préserver. Mais pour Tocqueville, il y a quasi-équivalence entre la démocratie (au sens politique) et l'égalité des conditions. Il considère que tous les hommes possèdent comme attribut la liberté naturelle, c’est-à-dire la potentialité d'agir librement. La liberté se traduit dans la cité par l'égalité des droits civils et civiques. On fait référence ici à la liberté, c'est-à-dire de ne pas être obligé de faire telle ou telle chose, mais aussi la liberté de prendre part à la vie publique. L'égalité des conditions renvoie à la citoyenneté. Donc, comment recréer les liens entre les êtres humains que la démocratie, par l'égalité des conditions, tend à détruire, sans contredire l'égalité ? C'est à partir de cette question que Tocqueville va développer un « libéralisme aristocratique »