UNE HISTOIRE DE FAMILLE Chapitre 4 : IL Y A DU MARIAGE DANS L'AIR (1968-1972)
10 JUIN 1968
En dehors d'être nés tous les deux dans le même hôpital, on peut constater que Daniel et moi partagions beaucoup de choses en commun : nous étions tous les deux les ainés d'une fratrie de 3 enfants dont le plus jeune a une dizaine d'années de moins, nous avions soif de voyages, Daniel a perdu son père quand il avait 15 ans et moi j'ai eu peur de le perdre à peu près au même âge.
En juin 1967, Daniel termine ses études et, sursitaire, doit désormais faire son service militaire. Il reçoit une première feuille de route l'affectant à Nîmes. Il en informe son entraîneur de rugby qui lui dit de ne pas en tenir compte et qu'il allait en recevoir une autre, le club ne souhaitant pas perdre un de ses joueurs. Quelques jours plus tard il reçut effectivement sa nouvelle affectation, il irait à Vincennes après la période des classes au camp de Frileuse, près de Versailles à partir du 1er novembre. Il part donc en principe pour 12 mois.
En raison du baby-boom, l'importance du contingent de jeunes en âge d'effectuer le service militaire, il n'était pas difficile d'être réformé et le moindre prétexte devenait recevable. Constatant cela Daniel argumenta du fait qu'une ancienne fracture du coude le gênait pour se servir correctement de son bras. Le médecin qui le reçut lui demanda s'il avait vraiment envie de faire son service, et devant la réponse négative, il le déclare inapte. Il est renvoyé dans ses foyers le 26 novembre.
Mon père qui avait vu d'un bon œil ce départ à l'armée, fut contrarié de ce contretemps car il comprit que nous allions commencer à parler mariage.
Dès son retour Daniel se met en quête d'un emploi. Il postule à trois offres et reçoit trois propositions en CDI. Il opte pour celle qui est la moins rémunérée mais qui a des agences à l'étranger laissant entrevoir de possibles futures missions à l'étranger, choix que je partageais évidemment. Il prit ses fonctions dans cette entreprise le 1er décembre où il restera jusqu'à la retraite.
Ayant désormais un salaire permettant de fonder une famille, il demanda officiellement à mon père l'autorisation de m'épouser, j'étais encore mineure, la majorité était à 21 ans.
Nous entamerons les préparatifs du mariage, publications des bans, achat de la robe, réservation du restaurant.. mais pas de mariage à l'église bien sûr, ce qui contrarie la mère de Daniel. Nous fixerons la date pour le lundi 10 juin. Je demandais à mon oncle Rafaël d'être mon témoin et Daniel demanda à son grand-père.
En attendant, nous avions déjà trouvé un appartement que nous aménagions à notre goût et que nous meublions petit à petit.
En avril, Daniel se fera opérer de l'appendicite et ne reprendra pas le travail après sa convalescence car les évènements de MAI 68 paralyseront la France pendant plus d'un mois. Plus de train, plus d'autobus, plus de métro, plus d'essence, plus de services publics, pénuries de toutes sortes. Le restaurateur qui devait accueillir le mariage nous prévint qu'il ne savait pas ce qu'il pourrait nous proposer au menu.
La date approchait et la mairie n'avait toujours pas réouvert. Le mariage pourrait-il avoir lieu ? Fort heureusement pour nous elle réouvrit ses portes la semaine précédent le mariage et la noce eut lieu comme prévu.
Tout ceci perturba quelque peu la fête, car plusieurs personnes de la famille venant de province ne purent pas se déplacer, notamment ma tante Geneviève.
Avant la cérémonie, un accident eut lieu qui aurait pu avoir de graves conséquences pour le reste de la journée : un camion percuta la voiture de mon oncle Rafaël garée devant la maison alors que quelques minutes auparavant Paqui et Rafaël étaient en train de charger des fleurs. Nous en étions quitte pour la peur mais ça avait quelque peu refroidi l'ambiance.
NOS PREMIERS PAS DE COUPLE
Après le mariage nous partons en train pour quelques jours. D'abord à Palavas-les- flots où, Mauricette, une des tantes de Daniel, nous prête une voiture ce qui nous permet de circuler un peu et d'aller voir un copain de lycée de Daniel, Jean-François et sa compagne Annick, avec qui nous avons garder et gardons encore aujourd'hui de fréquents contacts. Nous allons bien sûr à Toulouse voir mon oncle Rafaël ainsi que tati Geneviève et en profitons pour faire un petit pèlerinage à Tarascon sur Ariège, sur la tombe de Roger, le père de Daniel. Lors de notre retour sur Paris, tati Geneviève nous confie sa fille Isabel pour la conduire chez mes parents.
De retour nous reprenons le train-train quotidien, avec les trajets en bus, train et métro pour nous rendre à notre travail. Nous nous rendons quelques fois chez les parents. Nous achetons une voiture, une Dauphine d'occasion, qui démarre quand bon lui semble.
En fin d'année, les longues journées hors de la maison commencent à me peser, nous partons vers 7h du matin et sommes rarement de retour avant 20 h. Je quitte donc l'Agence de voyage pour un emploi à deux pas de la maison.
Daniel de son côté s'inscrit aux CNAM où il se rend 2 soirs par semaine pour suivre des cours de maths et de physique, comme le lui a suggéré son chef de service.
Début 1969, Daniel voit passer une annonce dans un journal pour une mission en Guyane, il se trouve que c'est son employeur qui a publié cette offre et après en avoir discuté tous les deux, il postule et sa candidature est acceptée. Le départ est prévu pour le mois de juin, donc branle-bas de combat, nous quittons notre appartement et nous installons avec nos meubles dans une dépendance chez mes parents et quelque temps avant notre départ je démissionne.
Malou est ravie de me retrouver à la maison mais appréhende notre prochain départ pour un territoire lointain.
NOTRE PREMIERE AVENTURE OUTRE MER
Le 13 juin, nous nous envolons pour Cayenne avec escale à la Guadeloupe puis à la Martinique, soit une douzaine d'heures. Le responsable de l'agence de Kourou vient nous chercher à Cayenne, mais le périple n'est pas fini, il nous faut encore rejoindre Kourou par la route, soit au moins 1 heure et demi à deux heures. Nous arrivons à Kourou exténués à cause de la durée de trajet plus le décalage horaire.
A Kourou nous sommes installés dans un bungalow en bois dans la partie récemment aménagée de la cité et Daniel doit rapidement passer le permis de conduire, indispensable pour se rendre sur les sites.
La mission qui lui incombe est la recherche en forêt, de matériaux susceptibles de convenir à la réalisation de la couche de fondation pour la réhabilitation d'une ancienne route militaire reliant Cayenne à Kourou, en évitant le passage de la rivière de Cayenne desservi par un bac.
Il passe la plus grande partie de son temps en forêt, accompagné d'un guide amérindien et d'une équipe de Saramacas ou Bushinengués (descendants d'esclaves fugitifs d'ascendance africaine). Ils creusent des puits et prélèvent des échantillons pour analyses et à maintes reprises il ramène divers animaux tombés dans ces puits : lézards, iguanes, porcs-épics et même un jour un boa constrictor de plusieurs mètres qui somnolait en travers de la route et aussi du gibier chassé par les membres de son équipe : toucans, perroquets, hocco.
De mon côté je suis recrutée pour assurer l'intérim d'une secrétaire pendant ses congés.
Nous nous sommes liés d'amitié avec un jeune couple à peu près de notre âge avec qui nous partageons nos loisirs : excursions en forêt ou en pirogue, balade jusqu'à St Laurent du Maroni. Nous allons aussi sur un site découvert par l'équipe de Daniel qui n'est autre que l'ancien bagne où avaient étaient internés les prisonniers politiques indochinois à partir de 1930 qui, entièrement recouvert par la végétation, avait été quelque peu oublié, il est désormais aménagé et est un des lieux préféré des randonneurs. Nous y sommes retournés en 2009 et en 2011.
Le projet de route sera abandonné au profit de la construction d'un pont sur la rivière de Cayenne.
En septembre je constate que je suis enceinte.
En octobre la mission se termine et nous faisons nos valises.
RETOUR EN METROPOLE
A notre retour nous réintégrons notre petit logis chez mes parents en attendant la prochaine affectation de Daniel. Et nous annonçons la prochaine arrivée d'un bébé : "Mais vous n'avez même pas encore de chez vous !" me dira mon père, toujours très terre à terre.
Daniel bénéficiant de quelques jours de vacances, nous partons en train faire un petit circuit pour aller saluer la tante Mauricette à Montpellier, l'oncle Rafaël à Toulouse et Tati Geneviève qui est désormais à Barcelone puis retour à Champigny.
Après diverses affectations lointaines évoquées, ce sera finalement Marseille pour le chantier du futur port de Fos sur mer. Daniel part seul et je passe le reste de ma grossesse avec mes parents. Et le 30 mai, c'est la naissance d'Eric à la grande joie de mon père, enfin un garçon dans la famille. Il est le premier à nous rendre visite à la maternité.
Le lendemain est le jour de la Fête des Mères et tous les bébés de la maternité, après leur toilette, reviennent avec un petit bouquet de marguerites, bleues pour les garçons et roses pour les filles, avec une petite branche d'asparagus qui les fait éternuer.
Daniel ne peut venir voir son fils que le week-end suivant.
Daniel trouve un appartement à Arles et nous préparons notre déménagement. En attendant je reste à Champigny et toutes nos affaires, landau compris sont en route pour Arles, Malou me prête le berceau de ses poupées pour Eric.
Fin juin, je prend l'avion avec Eric pour rejoindre Daniel à Arles, qui a acheté une voiture, une Dyane Citroën.
La vie à Arles nous convient bien, la région est sympathique quoique un peu trop venteuse. Le week-end nous allons à la découverte de la région.
A Noël, nous allons passer les fêtes de fin d'année à Champigny, où nous arrivons avec tout le nécessaire pour un voyage avec un bébé, mes sœurs nous surnommerons "les envahisseurs", surnom qui nous restera par la suite.
La météo se détériore et nous sommes contraints de prolonger le séjour chez mes parents, les routes étant impraticables surtout dans la vallée du Rhône où il a neigé abondamment et tout est verglacé.
Au printemps, Malou et Annie viennent passer quelques jours à la maison.
Au mois d'août, nous assistons au mariage de Jean-François et Annick ainsi qu'à celui de Serge et Odile.
Fin 1971, l'agence de Fos ayant pris de l'importance, un poste de secrétaire est devenu nécessaire, et dans la perspective d'acquérir un logement, je pose ma candidature et je suis embauchée sur un poste à mi-temps. Nous faisons le trajet ensemble avec Daniel dans le véhicule de service.
A ce moment-là je m'aperçois que je suis à nouveau enceinte, c'est plus tôt que prévu mais pas de problème, nous sommes ravis d'accueillir ce nouvel enfant.
En début d'année 1972 nous apprenons qu'un programme de construction d'appartements à un prix raisonnable démarrait dans le quartier où nous habitons. Nous déposons notre dossier et recevons une réponse favorable. L'appartement sera livré au mois d'août. Pile-poil pour l'arrivée du bébé.
Mes parents et mes sœurs viennent début août et emmènent Eric avec eux à Santander afin de nous permettre de déménager tranquillement et de nous préparer à la naissance imminente.
La naissance prévue pour le 5 août ne se produira que le 15 août. Nous avions eu le temps d'installer le nouvel appartement.
Donc le 15 août nous accueillons notre fille Cécile.
Mes parents reviennent quelques jours après la naissance de Cécile, mais Eric qui avait appelé Paqui "maman", est désorienté en arrivant dans une nouvelle maison, où il y a un nouveau bébé et une maman qu'il n'est pas sûr de reconnaitre mais cela ne dure que quelques instants. Et rapidement nous constatons que la petite soeur est adoptée, il lui a mis toutes ses petites voitures dans le berceau.
Après le départ de mes parents, nous partons passer quelques jours de vacances à Marvejols accompagnés de Raymonde et Annie ( la mère et la soeur de Daniel).
De retour à la maison, à Arles, Eric fait sa première rentrée à l'école maternelle du quartier. Cela faisait quelque temps déjà qu'il me le réclamait chaque fois que l'on passait devant l'école.
Au printemps 1973, Daniel est informé qu'il va devoir se rendre à Modane pour le démarrage du chantier du Tunnel de Fréjus. Au mois mai, nous louons un petit appartement meublé et nous passons quelque temps à Modane. A la mi-juillet Daniel prévoit de nous reconduire à Arles mais la Dyane nous lâche à Grenoble où nous devons passer la nuit à l'hôtel. Nous retournons à Modane le lendemain matin en train avec tout notre attirail et nous louons une voiture pour rentrer à Arles. Daniel devait continuer le chantier et moi je rejoignais mes parents avec Eric et Cécile pour aller avec eux à Santander. C'est là que Cécile fait ses premiers pas.
Après ce séjour à Santander, je retourne à Arles où Daniel nous rejoint à la fin de sa mission en Savoie.
A suivre Chapitre 5 : Missions et mariages