Didi....du maquis à l'armée en passant par la case prison
Après son arrestation dans la forêt d’Annoux, Didi
fut conduit à la prison d’Auxerre. Dans le camion qui l’emmenait, il se tenait près d’Albertine et son regard évitait de se porter trop sur Charly qui était très mal en point. Il savait que ses
chances de s’en sortir étaient de ne rien savoir du blessé. En arrivant à Auxerre il fut séparé du groupe pour subir de nouveaux interrogatoires. Ce ne furent que des coups, passages à tabac,
difficiles à encaisser, mais pas vraiment des tortures odieuses et insupportables. Il apprendra plus tard que les services de la Gestapo se tenaient, en fait, en face de la prison, à
l’hôpital, et étaient dirigées par le cynique Dr. Haas ; c’est sans doute là que fut immédiatement conduit Charly avant d’être abattu dans un fossé la nuit suivante. (Lire Jorge Semprun
qui, dans plusieurs livres, évoque la prison d’Auxerre : « Le grand voyage » et « L’écriture ou la vie ». Il semble qu’il y avait de sérieuses failles dans
l’organisation de la Gestapo, et que c’était un peu au petit bonheur la chance ; ainsi le Commandant Verneuil, qui avait été arrêté en mai, fut relâché par Haas tant il semblait jeune et peu
dangereux. (Source Mémoires Vivantes)
La prison d’Auxerre était partagée en quartiers :
le quartier des droits communs était gardé par des français, et le quartier des résistants, suspects ou otages était gardé par des soldats allemands. Le simulacre de ballade romantique avec
Albertine, lors de son arrestation, ou le témoignage du garagiste d’Annoux, aura peut être permis à Didi d’être aiguillé tout de suite au moins mauvais endroit. Peut être a-t-il paru, lui aussi
trop jeune et peu dangereux. Finalement il se retrouva au bout de 48 heures dans une cellule «d’oubliés» ; il y restera, ainsi, quasiment pendant 50 jours, les allemands ayant en août 1944
d’autres préoccupations avec les attaques de la résistance et la progression des armées de libération. Finalement c’est du manque de nourriture dont souffrira surtout Didi, et l’angoisse
permanente de vivre, peut être, son dernier jour. Pendant plus d’un mois les colis de sa grand-mère ne lui furent pas remis, pas plus que les lettres de ses parents. Courant août 1944 les
effectifs des soldats allemands à la prison se réduisaient et les gardiens français dont certains étaient liés à la résistance purent approcher plus facilement les cellules des
«oubliés».
Dans sa cellule le
jeune homme de 18 ans, à défaut de pouvoir se remplir la panse, pouvait se nourrir l’esprit : il partagea plus d’un mois de cellule avec 2 prêtres : l’abbé H. secrétaire de l’archevêché
de Sens et le père V. prêtre de St Fargeau. Il y avait encore un garagiste, celui-là de Cerisier qui était, lui, chef de cellule communiste et FTP. Il y avait aussi d’autres jeunes, des
cheminots, tous plus ou moins résistants. Les débats étaient, parait-il, passionnés; même entre les prêtres, dont l’un était manifestement plus gaulliste que l’autre.
Geneviève, qui écrivait
à son fils en regrettant qu’il ne sache plus trop ses prières, aurait été rassurée de le savoir en aussi bonne compagnie et je suppose que Didi, avait, un peu, parlé de sa famille à ses
compagnons et plus particulièrement aux deux ecclésiastiques : Car sa mère Geneviève était née Prieux (ça ne s’invente pas) le 29/11/1897 à Paris 18ème. Son père, Marie
Joseph Prieux, était de Villeneuve l’Archevêque (ça non plus ça ne s’invente pas) dans l’Yonne où il était né en 1856 dans une famille de 6 ou 7 enfants. Au moins 3 d’entre eux
finirent dans les ordres, dont un prélat à Sens ou Tonnerre (je ne sais plus trop où, ni à quel grade de sous off ou d’officiant) ; il y eut aussi un simple abbé et une religieuse
(les prolos ecclésiaux de la fratrie…toutefois, à ce qui m’a été dit, la bonne sœur finira, quand même, en promotion interne, mère supérieure). En bonne harmonie avec le nom de famille
et le nom du bourg d'origine, la caractéristique de la lignée était un fervent engagement catholique. Marie Joseph, le grand père maternel de Didi, ainsi que son frère Paul se sacrifièrent, quand
même, pour assurer le renouvellement des générations ; Tous deux fondèrent une famille et firent carrière à la poste. C’est d’ailleurs Paul qui, en épousant Lucie, fille d’un hobereau
morvandiaux, enracina les deux frères, rescapés des ordres, à Civry. Marie Joseph, quant à lui, épousa Marie Mathilde Jeanne Dumont qui était née à Aire sur La Lys (Pas de Calais) en 1862. Marie
Mathilde Jeanne, fille et petite fille de riches bourgeois armateurs, était la grand- mère que Didi accompagnait à Civry, pour pouvoir se rapprocher de ses copains de la
résistance.
Geneviève qui dans ses
lettres (non reçues) s’épanchait en prières et vœux, fut parfaitement exaucée ; non seulement son fils échappa au peloton d’exécution, mais il fit carême pendant plus d’un mois et
reçu de belles leçons de catéchisme qui, au moins, l’aidèrent à tenir le coup.
Cette situation aurait
pu durer longtemps si la résistance n’avait pas bouté les allemands hors de l’Yonne. Dr Haas aurait du examiner, d’un peu plus près, le chétif Verneuil lorsqu’il le tenait à sa merci. En
quelques mois celui-ci avait unifié les maquis et fait évader de la prison d’Auxerre les chefs des maquis Garnier et Le Loup qui y étaient emprisonnés. Ensuite, les premières actions de ses
troupes furent d’effectuer de nombreuses embuscades pour procurer à la résistance (et en priver l’ennemi) des jeeps et des camions nécessaires à des attaques d’envergure. Passant, ensuite, à
l’offensive le maquis Verneuil prenait Avallon le 19 août et contrôlait tous les axes routiers autour de cette ville dans un rayon d’une vingtaine de kilomètres. L’objectif suivant était Auxerre
et au préalable la destruction des réserves d’essence des Allemands à Moretteau. Cette attaque surprise obligea l’état-major allemand à concentrer toutes ses forces pour défendre le dépôt et donc
de réquisitionner tous les soldats valides y compris les gardiens de la prison.
Didi m’expliqua que son
évasion fut facilitée par le départ des soldats allemands de la prison où ils furent remplacés, les derniers jours, par des policiers français qui ne faisaient pas trop de zèle, et dont
quelques uns étaient, d’ailleurs, liés à la résistance.
« Je soussigné René B. atteste sur l’honneur que le 23 août
1944, les détenus internés dans le quartier tenu par les allemands, se sont évadés avec la complicité de quelques surveillants dont je faisais partie, cela sur
l’ordre de la résistance avec qui j’étais en contact. Les allemands ayant provisoirement abandonné la prison sont revenus dans la nuit du 23 au 24 août où ils nous ont menacés pour avoir permis
aux internés de s’évader…. »
En fait, la bataille
d’Auxerre fut incertaine pendant quelques heures, les allemands reprenant le dessus, avant de, finalement, se replier.
« Je soussigné François J., Agent PI du réseau Jean Marie Buckmaster, certifie qu’à la prison d’Auxerre les détenus résistants étaient gardés par des soldats allemands et
non par des gardiens civils qui, eux, s’occupaient des droits communs ; seuls les civils porteurs de la soupe pouvaient communiquer avec les détenus
résistants.
Peu après l’attaque de Morréteau par la résistance, groupe Bayard et Pailleret, le 23 août 44, en vue de
protéger le dépôt d’essence, les gardiens allemands quittèrent provisoirement la prison pour renforcer le peu de troupe restant au chef lieu.
Pendant ce laps de temps, certains gardiens civils au service de la résistance, tel notre ami René B., profitèrent de l’occasion pour faire évader plusieurs de nos
camarades.
Toute la nuit les allemands de retour à la prison recherchèrent les évadés dans les rues d’Auxerre. Le 24 août après midi le chef lieu était investi et libéré par la résistance.
Plusieurs de nos camarade dont André Baudin ont passé la nuit chez Albert L. pâtissier à Auxerre; ils devaient, ensuite, rejoindre le Maquis Chevreuil stationné à
Villers /Thonon. Leurs angoisses pouvaient alors prendre fin. »
Le même François J.
confirma que les évadés de la prison étaient sur le point d’être exécutés et précisa que : « ….Baudin fut arrêté en combattant près
de Massangis avec le groupe Garnier Verneuil….Son état de santé au lendemain de sa libération ne lui permettait pas de rejoindre son groupe ; c’est donc à Villiers sur Thonon qu’il fut
soigné et pris en charge à la 1ère compagnie Chevreuil, à la formation du 1errégiment des volontaires de l’Yonne. Il fut affecté agent de liaison de la 3èmeCie
auprès du Commandant Charpy.
Didi était dans un
triste état lorsqu’il s’est évadé ce que confirmera le capitaine Pierre P.
« ….Le 24 août en entrant dans Auxerre nous avons la joie de récupérer Albert L., Marcelle S. et André Baudin, 3 agents de notre réseau Jean Marie Buckmaster, arrêtés pour
faits de résistance. Ils sont miraculeusement vivants, mais en très mauvais état ; André Baudin en particulier, malgré sa taille et sa carrure fait à peine 50 kg, il est bien affaibli...."
Entre temps le Maquis
Verneuil repoussait les allemands (Tonnerre fut libéré le 24 août). Il faisait la jonction avec l’armée De Lattre le 8 septembre et, ensemble, ils entrèrent à Dijon le 11
septembre.
Plus tard en Janvier
1945 lors de la campagne des Vosges le commandant Verneuil sera renvoyé par le Général De Lattre de Tassigny car il le trouvait trop jeune (Source Mémoires
Vivantes)….décidément !
Didi signera le 5
novembre 1944 un engagement volontaire pour la durée de la guerre au 1errégiment des volontaires de l’Yonne- 2ème DIM 1ère Armée française et il prit part aux
campagnes d’Alsace et d’Allemagne.
Didi quittait un maquis
de résistants généreux pour rejoindre l’armée et pourtant quand en 1945 il se verra attribuer la croix de guerre, c’est l’épisode de Villiers/Tournoi et l’emprisonnement qui seront
cités :
Le général de Division Olleris Commandant de la 8èmerégion militaire cite à l’ordre du régiment, le soldat André Baudin « Patriote ardent, toujours volontaire
pour les missions périlleuses. Il a été fait prisonnier par les allemands en se portant au secours d’un camarade blessé. Il n’a donné aucun renseignement à l’ennemi malgré les tortures qu’il a du
subir. ». Cette citation comporte l’attribution de la croix de guerre 1939/1945 avec étoile de bronze.
En cet fin d’été 1944
c’est la fin du calvaire pour Marcel et Geneviève qui s’empressent d’écrire à Civry …aux quelques autorités représentatives en place.
Le 17 septembre 1944, Mme la Présidente,
Dans l’impossibilité de remercier, individuellement les dames qui ont contribué à la réception faite à notre fils André, lors de son retour à Civry, nous vous serions très obligés,
Mme la Présidente, de bien vouloir être notre interprète auprès d’elles et leur dire toute notre reconnaissance de l’accueil qu’elles ont réservé à notre petit dont nous sommes si
fiers.
Nous vous prions de remercier Mme A. de l’allocution qu’elle a prononcée et qui a été droit au cœur de notre fils. Il a été touché de ce témoignage de sympathie qu’il
n’oubliera jamais et a senti qu’à Civry il a de nombreux amis ; votre accueil a effacé ses jours de souffrance. Pour lui, nous vous disons encore
merci.
Mr et Mme Marcel Baudin
Ce qu’avait bien senti
ma grand-mère c’est que Didi resterait, à jamais, attaché à Civry. Par contre ce qu’elle n’avait pas encore bien compris c’est que l’histoire ne s’arrêtait pas là et que ce n’était que le
début d’une grande aventure pour son fils qui fera la campagne des Vosges, d’Alsace puis d’Allemagne dans l’armée De Lattre.
(A
suivre)
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