No pasaran!... Une auberge espagnole.
Cet article et ceux qui suivront pour parler de cette période de la vie de
Luis et Rafaël s’appuieront sur le Mémoire de Maîtrise d’espagnol de Cécile « les réfugiés espagnols dans les compagnies de travailleurs étrangers en
Poitou-Charentes. »
Pour ce 1er chapitre qui concerne l’arrivée en France des républicains espagnols j’emprunte le titre au très beau livre de 120
pages de Luis Bonet publié en 1994. L’auteur y raconte plusieurs mois de vie dans des conditions humiliantes au Camp de St Cyprien puis celui
de Barcarès.

Cécile pour préparer son Mémoire a pu rencontrer Luis Bonet, et, bien sûr, son
grand oncle Rafaël . Elle a pu recueillir, aussi, d’autres témoignages comme celui de Mme Aranda, la veuve d’un militant socialiste de Niort, disparu en 1992. Elle rencontra aussi
José Tamborero.
Il est curieux de voir que, noyés dans une masse de plusieurs milliers de réfugiés, tous ces hommes se sont, selon leurs témoignages, très souvent croisés. Se sont-ils connus ?
Il est curieux de voir que, noyés dans une masse de plusieurs milliers de réfugiés, tous ces hommes se sont, selon leurs témoignages, très souvent croisés. Se sont-ils connus ?
En 1992, Rafaël, s’est confié à Cécile, la petite fille de son cher frère Luis décédé en novembre 1981.
Les 2 frères n’avaient eu qu’une obsession tout au long de ces 5 années « d’arrivée » en France ; la même qu’au cours
de 3 années de guerre civile : ne jamais se séparer, rester ensemble, se protéger mutuellement ; ce fut leur force.
Rafaël déclara à Cécile qu'ils étaient, sans doute, entrés en France entre le 5 et le 10 février 1939. Selon le livre "les camps du mépris", les autorités françaises, devant l'afflux des réfugiés, avaient fermé la frontière le 2 février, avant de la rouvrir le 5 février pour une très courte période de 4 jours, afin de laisser entrer les derniers soldats républicains pourchassés par les franquistes.
Rafaël déclara à Cécile qu'ils étaient, sans doute, entrés en France entre le 5 et le 10 février 1939. Selon le livre "les camps du mépris", les autorités françaises, devant l'afflux des réfugiés, avaient fermé la frontière le 2 février, avant de la rouvrir le 5 février pour une très courte période de 4 jours, afin de laisser entrer les derniers soldats républicains pourchassés par les franquistes.
Après la terrible défaite de la sanglante bataille de l’Ebre. Les troupes nationalistes ont traversé le fleuve à la mi-janvier et se sont précipitées sur Barcelone qui tomba le 26 janvier. Pendant 5 jours les phalangistes fusillèrent sans procès, commettant en pleine rue ou dans les maisons plus de 10 000 assassinats. L’ordre nouveau était en place et plus de 500 000 républicains n’eurent pas d’autre choix que la mort ou la fuite éperdue. Cet exode apocalyptique, sous la mitraille des aviations italiennes et allemandes, précipita ces pauvres gens vers la France, le pays des droits de l’homme. L’accueil ne sera pas celui que ces malheureux attendaient…….A la frontière les policiers et des soldats les dépouillaient, certes des armes, mais de presque tout. On les laissa plusieurs jours sans nourriture et entassés comme du bétail dans des camps.
Luis et Rafaël Rozon, sont passés en France par le col d’Arès (Léo Aranda aussi) et passèrent les 1ères semaines dans les champs du côté de Prats de Mollo, puis vers Amélies les Bains et Céret. Ils creusaient un trou dans la terre pour s’enfouir sous une couverture et de la paille qu'ils trouvaient pour se protéger du froid hivernal. Luis Bonet, lui, est entré par le Perthus et put passer une 1ère nuit confortable au Boulou ; ça sera la seule car dès le lendemain la longue marche, sous la neige, commençait. Les autorités françaises étaient complètement dépassées par les évènements et la population devint, assez rapidement, méfiante. Les sermons des dimanches à l’église aidant, les habitants des villes et villages traversés regardaient, avec crainte ou hostilité, débarquer cette cohorte de « Rouges » hirsutes.
Luis Bonet et ses camarades furent parqués sur la plage de St Cyprien entre mer et barbelés sous la surveillance de tirailleurs Sénégalais. Le périple de Luis et Raphaël Rozon fut sensiblement le même car ils arrivèrent, eux aussi, transis de froid et morts de faim sur la plage d’Argelès…et dans les mêmes conditions, c'est-à-dire sans aucun baraquement, aucun sanitaire, avec pour seul refuge, les « châteaux de sable » de la plage où ils pouvaient se terrer la nuit pour se protéger du froid. Ah si, il y avait une structure de ci de là : quelques poteaux étaient plantés dans le sable pour y attacher les perturbateurs, qui y passaient la nuit en plein air au lieu d’être à l’abri dans le sable ; de quoi refroidir les récalcitrants de toute tentative de récidive. Qui connaît un peu cette région ne sait dire où commence et où finit la plage d’Argelès et où commence celle de St Cyprien. Pour toute nourriture, du pain fut enfin donné aux indigents ; certains se permirent même quelques excès en faisant du troc avec les tirailleurs « dit » sénégalais. Une boule de pain, ou un paquet de cigarettes ou une couverture contre une bague ou une montre.
A partir de fin mars, les réfugiés purent enfin et progressivement quitter cet enfer pour rejoindre un
purgatoire salvateur. Un camp en dur avec des baraquements et des sanitaires qui avaient été sommairement construits à Barcarès. Luis Bonet y fut transféré, Rafaël et Luis Rozon sans doute aussi,
mais il y a une incertitude dans le témoignage de Rafaël qui dit avoir été d’abord conduit à Agde et d’avoir été volontaire avec son frère pour faire les vendanges, avant de revenir à Barcarès.
Les vendanges ayant lieu début septembre et ne durant guère plus de 2 ou 3 semaines, il est probable que les 2 frères sont d'abord allés à Barcarès comme Luis Bonet, Léonardo
Aranda et José Tamboréro ; ces 2 derniers ayant, même, participé à la construction du camp de Barcarès pendant que les 4 autres se gelaient, inactifs, sur les plages.
Rafaël regrettait d’ailleurs ne pas avoir participé aux cours qui étaient donnés à Barcarès pour
l’apprentissage du français, ce que fit, évidemment, Luis Bonet qui était un intellectuel. Tous ces jeunes hommes purent aussi commencer à faire différentes activités dans ces camps, enfin plus
humainement aménagés du moins ce qu'on imagine de camps de "détenus", à défaut d’être des lieux de villégiature. Des travaux, un peu de sport, les visites de médecins de la Croix Rouge,
….la possibilité de reprendre vie, de reprendre espoir, d'évacuer le grand traumatisme de la défaite de la République, de parler résistance avec des mouvements anti-fascistes qui
s’organisaient. Luis Bonet put bénéficier, suite aux cours de français et la rapide assimilation de notre langue, d'un statut d’interprète. Il y eut, dès l'été, une
forte propagande des autorités pour inciter les réfugiés, qui refusaient d'envisager un retour en Espagne, à rejoindre la légion étrangère ; n’oublions pas que la France déclara la
guerre à L’Allemagne le 3 septembre 1939, même si cela ne fut que pour une « drôle de guerre » jusqu’à l’offensive allemande de mai 1940.
En septembre de nombreux espagnols furent réquisitionnés pour des travaux en dehors des camps dont les vendanges. Ce fut le cas de Luis et Rafaël Rozon du côté de Agde, et de Léo Aranda à Marsillargues. Luis Bonet lui dut se rendre en Seine et Marne pour travailler dans une ferme à la récolte de betteraves.
Ensuite, tous à nouveau regroupés à Barcarès, ils apprirent, courant novembre, leurs prochaines
affectations aux Compagnies de Travailleurs Etrangers. Ces compagnies avaient été créées en avril 1939, mais à cette époque la priorité était, soit au retour des réfugiés en
Espagne, et à la moindre incartade des malheureux étaient remis à la frontières entre les pattes des fascistes, soit à l’engagement de volontaires pour la légion étrangère. Pour tous les
autres, ceux qui restaient encore dans les camps en septembre et octobre, il fallait bien, d’une manière ou d’une autre, qu’on les fasse participer à l’effort de guerre. Luis et Rafaël Rozon,
José Tamborero, Léo Aranda et Luis Bonet, furent tous affectés en Poitou-Charentes. Les 2 frères Rozon dans la 132ème compagnie à St Jouin de Marne, Luis Bonet également dans les
Deux Sèvres à la gare d’Airvault, José Tamborero se retrouva à la 171 CTE dans la Vienne à Availles et Léo Aranda également dans la Vienne à L’Isle Jourdain.
(A suivre)
(*) On peut lire aussi « Camps du Mépris de René Grando, Jacques Queralt et Xavier
Febres »
Luis Bonet-Lopez (Valence 1910-Montendre 1997) était imprimeur de formation. Son engagement comme
communiste, anti-franquiste et résistant ainsi que des dons multiples de dessinateur, aquarelliste, poète et animateur culturel en font un personnage parmi les plus attachant. Il a aussi écrit
« Mémoires d’exil d’un espagnol » ; (le croix vif)
L’un des poèmes de Luis Bonet :
Saint-Cyprien 1939.
Ici, les nuages du ciel prennent des tons délicats de nacre et de
velours.
Le soleil se montre, là-bas à la limite de la
mer.
Les cimes des montagnes accueillent avec joie,
Les scintillements lumineux que le soleil nouveau leur
envoie.
Les neiges qui les habitent prennent de belles
couleurs.
Sur le sable de la mer, la beauté n’apparaît pas.
Tout ce qui l’envahit à la couleur de la douleur et de la
tristesse !
La teinture de la misère souille tout de famine,
De poux intraitables, de tristesse, de désespoir et de froid
insupportable…
Les épines des barbelés baignées par le soleil
Sont dures à supporter pour tous les
locataires !!!
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