Cinéma de Didi......................La Révolution française.
Le 14 juillet c'est la fête nationale en France, défilés et bals populaires, légions d'honneur et feux d'artifice ...... le
14 juillet est fête nationale depuis 1880 et en bon républicain je respecte cette fête, même si c'est surtout pour les feux d'artifice et la fête populaire (....la musique qui marche au pas, ça ne me regarde pas....).
Le 14 juillet c'est
avant tout la prise de la Bastille en 1789 puis la fête de la fédération en 1790, la révolution française qui se lève et les droits de l'homme :
« ....Nous avons brisé la tyrannie des privilèges en abolissant ces pouvoirs auxquels n'avait droit aucun homme. Nous
avons mis fin au monopole de la naissance et de la fortune dans tous ces grands offices de l'Etat, dans nos églises, dans nos armées, dans toutes les parties de ce grand corps magnifique de la
France. Nous avons déclaré que l'homme le plus humble de ce pays est l'égal des plus grands. Cette liberté que nous avons acquise pour nous-même, nous l'avons affectée aux esclaves et nous
confions au monde la mission de bâtir l'avenir sur l'espoir que nous avons fait naître. C'est plus qu'une victoire dans une bataille, plus que les épées et les canons et toutes les cavaleries de
l'Europe, et cette inspiration, ce souffle pour tous les hommes, partout, en tout lieu, cet appétit, cette soif de liberté, jamais personne ne pourra l'étouffer.... Nos vies n'auront pas été
inutiles. Nos vies n'auront pas été vécues en vain.... ». Danton en 1794.
Quelques jours plus tard, en montant à l'échafaud, il dit au bourreau « Tu montreras ma tête au
peuple elle en vaut la peine ».
Car la Révolution ce fut tout ça, La liberté et l'échafaud, « Les années lumières et les
années terribles » Ce film en deux époques est sorti fin 1989. Les années
lumières de Robert Enrico, fin octobre et les années terribles de Richard Heffron, fin novembre. Je n'ai
rien à dire du réalisateur américain Richard Heffron, que je ne connais pas (Une saga télévisée sur la guerre de sécession : Nord Sud), mais il faut s'arrêter un moment sur la
filmographie de Robert Enrico, décédé en 2001.
Il avait tourné « Les grandes gueules », avec Bourvil et Ventura puis « Boulevard du Rhum » avec Lino Ventura et Brigitte Bardot puis en 1976 « Le vieux
Fusil » avec Philippe Noiret et Romy Schneider qui sera le tout premier film césarisé.
La Révolution française, un film à la distribution prestigieuse (162 acteurs, hors figuration) au budget phénoménal, un film
supervisé par les plus grands historiens, spécialistes de la période comme Jean Tulard ; un film en deux parties, un total de cinq heures trente de projection, tourné en deux
langues (français et anglais) par deux équipes (Enrico et Heffron) et produit par Alexandre Mnouchkine..... ce film a malheureusement fait un bide car il est sorti trop tard en
fin d'année 1989. Cela faisait des mois que l'on bassinait le pays avec le bicentenaire.... Si au moins il était sorti avant la grande fête commémorative du 14 juillet.... en complément à
l'éblouissante parade de Jean-Paul Goude, ou juste après l'éclatante Marseillaise de Jessye Norman, la diva noire enveloppée dans un drapeau tricolore ou encore en ouverture du Congrès de
Paris devant tous les grands chefs d'état réunis.... mais coincer la sortie du film entre Toussaint et Noël, quelle erreur de planning !
Et puis en cette fin d'année 1989.... Il y eut tellement de bons films de H. Becker, Cameron, De Palma, W. Hill, Kusturica, Forman, Lévinson, Lumet, Reiner, R. Scott, Spielberg, Soderberg,
Tavernier, Tornatore, Zémékis, ...excusez du peu.... alors après des mois de commémoration et face à Indiana John ou Rain Man.....ce fut le super bide et c'est bien dommage.... car
c'était la première fois qu'un film retraçait la totalité des évènements qui se déroulèrent de 1789 à 1794, de la réunion des Etats généraux à la mort de Robespierre...... et sans récupération idéologique.
Moi j'avais une motivation supplémentaire de me précipiter dans une salle dès les premiers jours des sorties ; mon oncle Didi avait
œuvré aux admirables décors, de Versailles à Valmy, de la Bastille à la conciergerie, du tribunal révolutionnaire à la place de grève et la guillotine.
Tout est magnifique dans ce film et les acteurs sont prodigieux. Certes pour le rôle de Danton au début j'ai un peu regretté Depardieu si bon avec Wajda, mais Klaus Maria Brandauer a vite
balayé ce regret. Andrej Seweryn est un Robespierre fiévreux, ambigu puis terrifiant. Peter Ustinov fait un Mirabeau un peu vieux mais en 1789 il avait plus de 40 ans, alors que Danton,
Desmoulins et Robespierre ont juste ou moins de 30 ans, Lafayette 32 ans et Louis XVI à peine 34 ans..... les acteurs sont plus âgés que ne l'était leur personnage mais ainsi est
le cinéma quand on fait le choix d'acteurs confirmés ........ ils sont tous magnifiques.... ... il faut
encore citer Sam Neil en Lafayette, Jane Seymour en Marie Antoinette. La palme revenant à Jean François Balmer en Louis XVI avec la mollesse des gestes, le
désarroi du regard.... Mon coup de coeur étant cependant pour François Cluzet qui donna à Camille Desmoulins la sensibilité, l'innocence et le
romantisme que réclamait le personnage.(Selon la critique du magazine Studio).
Il faut voir ou revoir la scène du repas de mariage de Camille avec Lucile. Robespierre son ami d'enfance est
son témoin. Camille et Maximilien étaient ensemble élèves au lycée Louis le Grand à Paris. Camille est aussi heureux de la présence de son autre grand ami Georges Danton ; il est
persuadé que ses deux amis seront forcément amis .... Alors que Robespierre et Danton se détestent déjà et que Maximilien se détache de l'amitié de Camille pour celle de Saint-Just. Ce
mariage, clef de voute des rapports humains, Robert Margerit en parlait déjà dans le 1er tome
« l'Amour et le temps » de son œuvre « La Révolution » couronnée du Grand Prix du Roman de l'Académie
française.
Il ne faut pas non plus rater le début du film, la scène avant le générique, le retour du sacre à Reims du jeune roi de 20 ans. Sous la pluie, deux écoliers de quinze ans font un
compliment au souverain, indifférent et fatigué, dans sa voiture à son retour à Paris... il s'agit de Robespierre et Desmoulins dont on reconnaît le bégaiement. Anecdote historique que l'on
retrouve aussi dans « Les hommes de la liberté : Les vingt ans du Roi » de Claude Manceron.
Et puis comme je fais de Camille Desmoulins (et de François Cluzet si brillant dans le film) mon chouchou comment ne pas
évoquer les scènes où il harangue le peuple après le renvoi de Necker le 12 juillet et qu'il lance l'idée de prendre la Bastille. Après que la citadelle soit tombée cet avocat, reconverti
journaliste à cause de difficultés d'élocution, a publié des pamphlets révolutionnaires dans « La France libre » appelant à la constitution d'un gouvernement
populaire... Desmoulins fut en ce 14 juillet, jour de fête des Camille, le déclencheur juvénile de la révolution. Bien sûr lui aussi dérapera .... mais si ses écrits furent des brûlots
anti-Girondins ..... il fut choqué par la condamnation à mort de Brissot et de ses amis. A partir de décembre 1793 il fit paraître un nouveau journal « Le vieux
Cordelier » par lequel il s'opposa à la terreur et donc à son ami Maximilien. Il était rejoint dans ce combat par Danton et tous deux furent guillotinés le 5 avril 1794.
Sa chère Lucile fut exécutée 8 jours plus tard.
Ce film mérite d'être revu et plus particulièrement dans les lycées. Une
pétition circule pour qu'il sorte enfin en DVD. www.opinion.com/reedition-en-DVD-de-la-revolution-francaise-de-robert-Enrico--petition-petitions-2 : il n'y a ce jour que 33 signatures dont la mienne, mais 33 c'est un bon chiffre pour agir.... au Comité de Salut Public ils n'étaient pas plus
nombreux.
Trève de plaisanteries et parlons un peu du petit caporal qui a mis pour ce 14 juillet les petits plats dans les grands. J'ai trop souvent critiqué l'excité du bocal pour pouvoir pour une
fois, être en accord avec lui, sans être soupçonné de tourner ma veste : Sarkozy a invité Bachar al Assad au défilé du 14
Juillet.... la belle affaire....Mitterrand avait invité Hissène Habré pour le 14 juillet 1987. Je fais la même réponse qu'il y a 21 ans.... restons vigilants mais on doit tout faire pour
promouvoir la paix sur cette planète... « La diplomatie, depuis l'origine des temps, consiste à parler avec le diable pour éviter la guerre »,
disait récemment Hubert Védrine. En 1982 Mitterrand déclara à la Knesset « On ne fait la paix qu'avec ceux qu'on combat », mais restons vigilants et évitons par naiveté ou pour faire un coup médiatique, de franchir la limite de l'inacceptable..... La limite de l'inacceptable ? Il suffit
de revoir le film la Révolution et notamment le volet les années
terribles.
(à suivre)