Didi..............La vie d'artiste (2)
J'ai déjà fait sur ce blog, le 10 juillet dernier, un portrait de mon oncle Didi, et c'est en fouillant dans nos archives que je suis tombé sur un article d'un journal du Val de Marne datant de 1994 ; article qui lui était consacré et que je reproduis ci-après ......André Baudin étant bien évidemment Didi, mon oncle, le frère de mon père ...
D'une adolescence marquée par
l'occupation à quarante années dans les coulisses du cinéma, André Baudin nous fait le récit du parcours peu banal d'un serrurier Campinois.
« Il est peu de stars de cinéma qui n'aient croisé André Baudin sur un tournage. Homme de l'ombre apprécié
des décorateurs, des directeurs de production de maisons prestigieuses françaises ou étrangères, monsieur Baudin a promené sa bonne humeur au gré des choix d'extérieurs et imposé ses talents
de truquiste de l'ère pré-spielbergienne dans la plupart des œuvres figurant au gotha du patrimoine français. Ses attestation d'engagement, qu'il a rassemblées il y a cinq ans pour faire valoir
ses droits à la retraite, sont autant de souvenirs intacts qui font briller dans ses yeux vifs l'étincelle d'une anecdote : « Ma première intervention sur un film, se souvient-il,
c'était en 1961 sur le jour le plus long, de Darryl Zanuck. Trois kilomètres de plage de l'île de Ré , où furent tournées les principales scènes, ont été équipées en
matériel anti-débarquement par une armée de techniciens. C'était des asperges de Rommel, du matériel anti-péniches, entièrement démontables, qu'il fallait enlever tous les soirs avant que la mer
ne le fasse... ...
....... Auparavant en 1946, le jeune André
avait goûté à la magie du cinéma, sitôt démobilisé à la fin de la guerre, en participant au doublage de films américains. « J'avais un oncle chef projectionniste qui m'avait proposé du
boulot. J'ai donc été projectionniste, puis monteur. Je m'occupais de la synchronisation sur les doublages pendant plusieurs années et puis un jour, on a demandé un chauffeur pour aller au poste
parisien porter les bobines ; je me suis présenté et sur place j'ai rencontré un directeur de studio qui m'a dit : « Qu'est ce que tu sais faire toi ? ...Tu ne dois pas gagner
beaucoup, viens donc avec nous ! » Moi je savais bricoler un peu sur tout grâce à mon apprentissage en carrosserie - tôlerie - chaudronnerie, j'ai dit ok.... c'était pour faire
le jour le plus long »
Ensuite, les engagements s'enchaîneront : « J'avais beaucoup de boulot durant les années 70 et nous gagnons bien notre vie. Comme nous n'avions pas énormément de studios en
France, nous devions travailler en décors naturels. Je partais en camion - atelier, parfois plusieurs mois avec mon AH de Citroën.
Pour Play-time de Jacques Tati, nous avons travaillé pendant deux ans à Saint Maurice. On avait pratiquement
reconstitué une ville en maquette sur un terrain vague aujourd'hui remplacé par l'autoroute. »
André estime aujourd'hui avoir contribué à une bonne centaine de films : Le Casse, Le Clan des Siciliens, le Cerveau, le Masque de fer
avec Jean Marais, les Bricoleurs avec Francis Blanche et Darry Cowl, Les pas perdus : « C'était en 1964, Jean Carmet tenait un de ses premiers rôles, Il tournait avec
Michelle Morgan.... Patate, Fantômas..... On a fait une tripotée de Fantômas : la combine du lit qui se balade, c'était une auto tamponneuse guidée par un gars allongé sur
laquelle on avait installé le lit !.... Oscar, Pouic-pouic, le Soleil des Voyous .....avec Robert Stack, l'incorruptible qui parlait bien français, très sympa, à la
différence de cette tête de mule de Gabin !... La liste de sa filmographie serait bien trop longue.
André a
aujourd'hui tourné la page, sans regret ni nostalgie, même si soudain il plonge dans les tréfonds de son atelier - musée pour en exhiber quelques pièces d'anthologie recouvertes par
l'oubli : Des affûts de canon de la bataille de Valmy, des hallebardes des figurants de la Révolution française de Polanski , un faux sabre et une baïonnette coulissant
façonnée à l'occasion des Misérables, la seule fiction télévision à laquelle il ait participé, surgissent alors de derrière l'escalier qu'il avait fabriqué pour l'Aile ou la
Cuisse.
A 68 ans, il envisage désormais la rédaction de ses mémoires ;
l'époque troublée de l'Occupation, son premier fait de résistance à 14 ans (la crevaison des pneus des motos allemandes) sa captivité dans l'Yonne au lendemain même du jour du débarquement, les
jours d'angoisse à l'idée de son exécution et à la délivrance de la prison d'Auxerre...
C'est d'ailleurs dans cette province bourguignonne qu'il aime à retrouver ses compagnons maquisards de jadis et peindre des tableaux qui allient le
travail du cuivre sur un fond de couleur.
Monsieur André coule dorénavant une paisible
retraite. Loin des projecteurs mais pas sans bonheur.
Didi n'a jamais
écrit ses mémoires, mais il a souvent adressé quelques lignes de souvenirs ou des commentaires à des blogs qui traitaient de la Résistance. Quand je lui ai dit que j'allais essayer d'écrire
l'histoire de notre famille, l'ensemble articulé autour de son histoire, je sais que ça lui a fait plaisir. Au-delà de mes souvenirs, de nos rencontres régulières (3 ou 4 fois par an je
vais me ressourcer en allant le voir en région parisienne), et de nos échanges téléphoniques, il m'a aussi transmis par internet bon nombre d'anecdotes et lors de nos rencontre remis une
bonne partie de ses archives.
Evidemment tout ce qui était dit dans le journal du Val de Marne ou presque je l'avais déjà raconté au fil du blog dans les articles
consacrés à mon oncle qui a aujourd'hui 82 ans: Je n'avais pas évoqué les faits de résistance à 14 ans à Civry ou il accompagnait sa grand-mère Prieux dès l'été 1941....
Mais Didi m'a toujours présenté ces sabotages juvéniles en se marrant, comme de bonnes blagues que lui et un pote faisaient aux « boches ». Ils avaient d'ailleurs récidivé l'année
suivante en semant d'énormes clous à la sortie d'un pont que devaient emprunter au petit matin les camions allemands....
Une petite remarque sur le journaliste, un dénommé Serge A. qui ne devait pas être rattaché à la rubrique cinéma car confondre Robert
Enrico et Roman Polanski...... franchement !
Et puis j'ai plutôt souvent entendu Didi dire du bien de Jean Gabin.... Peut être tête de lard, mais tête de mule... ce n'est pas
pareil.
Après guerre, Didi a beaucoup tourné autour
des studios où travaillait l'oncle Maurice et ça lui a permis de faire des petits boulots intéressants (comme de faire de la figuration et devoir embrasser une jolie fille) de se
faire des connaissances....par contre la synchronisation de doublage je n'en avais pas entendu parler : Je vais me renseigner à la source.
Pour le reste : Le jour le plus long, et Play time je renvoie le lecteur aux billets que j'ai déjà consacrés à ces tournages. Il me faudra aussi
parler des films qu'il a faits avec Oury, Lautner Verneuil, Tavernier..... par contre dans sa filmographie je n'ai rien trouvé avec Sautet (mon préféré dans le cinéma français). J'étais
très heureux de le voir référencé pour l'Armée des ombres de Melville, un film mythique, mais Didi m'a vite refroidi : « Mon pauvre vieux je n'ai fait que quelques bricoles
sur ce film ayant consacré 80 % de mon temps de salarié à bosser sur la réhabilitation de l'habitation d'un des producteurs....ça lui coûtait moins cher... que de passer par une entreprise du
bâtiment.
Didi a effectivement consacré une grande partie de sa retraite entre Civry et Champigny, et beaucoup de temps à son activité
artistique.... jusqu'au décès de ma tante Josiane en janvier 2001.
Ces tableaux, enfin ceux qui lui restent, Didi continue à les exposer : c'était le cas, le 20 juin dernier à la maison de retraite où
il réside depuis quelques mois et qui fêtait ce jour là, son 40ème anniversaire.
J'étais allé voir mon oncle la veille et j'ai bien vu que le directeur était flatté d'exposer les tableaux d'un artiste nouveau résident.
Nul doute que Didi dut avoir, une nouvelle fois à cette occasion, l'honneur d'un journal local..... dans l'attente de me procurer ce probable nouvel article.
(A suivre)
(Article repris et corrigé le 27/7 de retour d'une semaine de vacances. L'article avait été transmis d'un cyber café.
)