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En attendant Didi....... La guerre est finie.

6 Août 2008 , Rédigé par daniel Publié dans #Didi

  Un petit retour dans les années 1945. Dans les lettres que Didi a conservées de l'époque où il était soldat il y a un trou important : aucune lettre entre le 22 mars et le 14 août 1945. Dans mon dernier billet consacré à la saga familiale j'avais quitté Didi début avril alors qu'il était rentré en permission pour revoir son frère Roger qui venait de rentrer d'Allemagne.
 Il avait un peu tiré au flanc se faisant porter pâle pour gagner quelques jours de perm en plus.... il préférait rester avec sa famille reconstituée plutôt que de continuer à jouer au petit soldat.... et puis la guerre finissait....  mais il lui fallut repartir pour l'Allemagne. Heureusement que par sa fonction au parc il devait faire de nombreux retours sur Strasbourg pour s'approvisionner en matériels divers.
 Il eut une nouvelle permission début juillet pour être présent le 6 juillet au mariage de Roger et Raymonde. Il avait même pu se procurer un uniforme américain pour faire plus "classe". Il dut repartir ensuite vers l'Allemagne d'où il ne reviendra que pour Noël 1945, accompagné d'un gros chien sombre, Rolf, bâtard de berger allemand.

 Le 14 août 1945,  Mon cher fils,

 Ce soir c'est moi le porte-parole de la famille pour te donner des nouvelles du Tremblay et de la famille. Actuellement nous sommes en vacances faute de tôles puisque que toutes les grandes entreprises sont fermées, ce qui m'empêche de trouver des chutes de tôle. Tout cela est bien dommage car les commandes affluent de plus en plus.
 Roger est en rupture d'affectation ; le voila en congés pour 15 jours, puis il s'attend à être affecté dans une autre unité pour les 9 mois qui lui restent  à faire.
 Raymonde a repris du service au Perreux dans son ancienne maison Renards et Moiroux. Elle est mieux là que d'aller tous les jours travailler à Paris.
 Demain ta grand-mère fera figure d'héroïne car c'est la sainte Marie ; alors toute la famille sera réunie autour d'elle, sauf toi, encore une fois. Enfin il faut espérer que c'est la dernière fois et qu'en 1946 tu seras des nôtres. 
 Ce soir la radio a annoncé que la guerre était finie au Japon, donc les engagés préparez vous à quitter vos treillis et à rentrer.
 C'est avec satisfaction et joie que nous avons reçu ta lettre du 6 août et d'y lire que tu étais passé chauffeur et que tu conduis une camionnette Peugeot. Tâches de te perfectionner car ça te servira surtout quand la voiture reprendra sa place normale dans la vie ; puis apprends bien à te servir de la peau de chamois tu pourras à ton retour laver et essuyer ma nouvelle voiture.
 Au cas où ton cousin André ne t'en aurait pas fait part je t'annonce la naissance d'une petite cousine Thérèse dont le baptême est annoncé pour septembre. Vois ce que tu peux faire pour ce moment là... à moins que tu ne sois libéré, mais ça serait trop beau.

Je t'embrasse bien fort ainsi que toute la famille.

Ton père Marcel et bises de maman.

 Trois jours plus tard c'est Roger qui lui écrivait.

 Champigny le 17 août.  Mon vieux Didi

  Tu dois te demander si ton frangin ne t'oublie pas ; voilà une semaine que nous avons reçu ta lettre et je n'y ai pas encore répondu. Mais il ne faut pas m'en vouloir, car depuis huit jours le temps me manque beaucoup, à cause des paperasseries  que je suis obligé de me taper pour être démobilisé de mon corps militaire du fort d'Ivry. 
 Maintenant je suis en permission pour 15 jours ; après, j'irai à la caserne de Clignancourt, pour me faire réaffecter à une nouvelle unité. Mon intention est de pouvoir être muté avec un régiment de Biffins, soit avec le 15-1 (avec Dédé) soit avec le 35ème (avec Zézé) pour être certain de quitter la coloniale. Mais ça va être difficile car ils ne veulent pas lâcher les « anciens engagés », même que certains sont mutés d'office en vue de renforcer le corps expéditionnaire pour l'Indochine.
 Fi ! Les vilains ! Vouloir m'apprendre à manger du riz avec des baguettes à mon âge. Mais après tout, si ils veulent m'offrir un voyage de noce au pays des niak-koués (*). Raymonde qui commence à prendre au sérieux le slogan des femmes mariés : « La femme doit suivre son mari. etc.. »...  est contente à l'idée de suivre le bataillon.... Aussi je lui ai dit de ne pas se faire trop d'illusions car dans le cas où je ne pourrais pas éviter le corps expéditionnaire, elle ne pourrait sans doute pas me suivre.... Son enthousiasme est alors vite retombé.  
 Et toi mon vieux Didi, comment ça va ? J'espère que tu n'as plus d'ennuis avec les poteaux télégraphiques et que tu as retrouvé ton portefeuille. Dommage que je n'ai pu aller te retrouver, on s'en serait payé de bonnes !... 
 Enfin je te quitte. Toute la famille et Raymonde se joignent à moi pour t'embrasser affectueusement... A bientôt,....du Marsouin au Biffin. Roger.

  Ces deux lettres tranchent radicalement, dans la forme, avec celles de la période de guerre. Un certain parfum euphorique plane malgré les incertitudes sur l'avenir.
 Roger ne partira pas au bout du monde et finira son temps d'armée en région parisienne en rentrant tous les soirs chez lui auprès de Raymonde. Ce temps d'armée qui lui restait à faire au retour d'Allemagne correspondait à son reliquat de service entre son engagement fin 1941 et la dissolution de l'armée française par les allemands en novembre 1942. L'armée aurait pu faire un geste en comptant la période de STO en Allemagne de l'été 1943 à avril 1945.... mais les réquisitionnés par le STO n'étaient pas considérés comme des héros.  C'est pendant la courte période entre automne 42 et été 43 que Roger et Raymonde, s'étaient "fiancés ". Séparés ensuite pendant plus de 2 ans pour cause de STO, ils ne se retrouvèrent qu'au printemps 45 pour se marier dès début juillet. Raymonde allait avoir 21 ans et Roger en avait 23 ans. Moi j'arriverai un an plus tard.
 On relève aussi dans ces lettres que l'activité reprenait en France. Raymonde qui travaillait depuis l'âge de 15 ans, retrouvait une place d'ouvrière, après une interruption de plus de 2 ans pour cause de fermeture, dans une usine du Perreux.
 Marcel relançait son activité d'accessoires métalliques, essentiellement des crampons et  fers à chaussures. Il se sortait aussi de ses démêlés avec le fisc, fisc après tout d'un régime collabo. Il était aidé dans ces démarches de retour en grâce et en activité par les bonnes œuvres chrétiennes de sa femme Geneviève.

(*) Mon père Roger avait écrit le mot "niacoué", argotique et surtout péjoratif ; je préfère sans le trahir vraiment (?) du moins phonétiquement écrire le terme ethnologique pour désigner les paysans vietnamiens ; c'est politiquement plus correct et ça me convient mieux.

 Et dire que toute cette remise en ordre familial a commencé par le mariage de Roger et Raymonde, tandis que le retour à l' ordre (?) mondial passait  par ces abominables bombes qui firent plus de 125000 victimes à Hiroshima le 6 août et plus de 75000 à Nagasaki le 9 août. 
 Marcel en avait-il entendu parler le 14 août 1945 quand il annonçait à son fils la réddition du Japon ?
 
 Pour finir sur une métaphore cinématographique, en hommage à Alain Resnais, cet été 45 ce fut à la fois la guerre est finie et Hiroshima mon amour.

 (A suivre.)

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