Saga africa..... L'Afrique n'est pas un bac à sable.
Voici un texte qui a été inséré dans le dernier numéro du journal de l'ANJCA (pour lequel j'ai déjà fait un billet dans la rubrique l'invité). Absent lors du choix des articles, je n'ai pas eu l'occasion de donner mon avis sur un texte qui, en énonçant de bons sentiments et quelques vérités (tout n'est pas faux), me parait, malgré tout, sur le fond très très excessif.
« Sur le continent africain, la superficie des espaces classés ne cesse de s'accroître au détriment des populations locales, interdites de culture, de chasse et même de déplacement dans les territoires qui constituaient jusque-là leur cadre de vie. Le tourisme de luxe, les alibis scientifiques (des sommes colossales sont dépensées au titre de la surveillance de la faune sauvage, terrestre ou maritime, dûment équipée de balise Argos effroyablement coûteuses, quand le gamin du village meurt de paludisme...) et des grands programmes immobiliers ont trouvé dans la promotion du développement durable un fabuleux moyen de justification. Au nom de la préservation de la biodiversité, barrières de barbelés et armés de rangers défendent aux locaux l'accès à leurs littoraux ou à leurs forêt. L'Afrique doit-elle devenir un immense zoo à ciel ouvert où les riches du monde entier pourraient venir puiser de quoi se régénérer dans les conservatoires de la faune et la flore passées, comme si la misère tenait lieu de brevet d'authenticité ?
Le sous développement de l'Afrique, dans les campagnes notamment, avec ses villages de cases « pittoresques », ses populations « traditionnelles » et ses civilisations « préservées » présente tous les atouts requis pour flatter les attentes de l'apprenti ethnologue, qui sommeille au fond de chacun d'entre nous. L'Afrique figure ainsi, dans la mondialisation, comme l'archétype de l'espace enclavé, dont la pauvreté et l'isolement offrent un immense terrain de jeux aux Occidentaux, un bac à sable géant pour leurs exploits sportifs, un laboratoire à ciel ouvert pour leurs études scientifiques abondamment financés, mais aussi une terre d'élection pour le déferlement compassionnel que les nantis du monde aiment sporadiquement manifester, avec l'enfant africain dans le rôle du hochet humanitaire.
Il est impératif de faciliter la modernisation du continent et l'aspiration profonde de sa population au développement : l'Afrique n'est pas un zoo. L'Africain, comme l'Européen ou le Chinois, aspire à vivre en citoyen moderne en bénéficiant d'un meilleur niveau de vie, d'avoir accès à la santé et à l'éducation pour choisir son destin. »
Sylvie Brunel dans « A qui profite le développement durable »
Peut-on rejeter des projets mi-chèvre mi-chou, de parcs nationaux dans des pays pauvres ? Projets mi-chèvre mi-chou car sous le couvert du développement durable ils ont surtout vocation à attirer les touristes des pays riches.....
Et pourtant.! Et si, n'en déplaise à Mme Brunel ce n'était pas une si mauvaise idée que ça ?
Prenons par exemple un pays comme le Sénégal qui n'a que très peu de ressources « rentières » ; De quel droit pouvons-nous critiquer son choix de mettre en valeur ses attraits naturels et son histoire, y compris coloniale, pour promouvoir le tourisme. Cette industrie serait-elle un privilège de pays riches ? Je crois qu'en France on n'est pas très bien placé pour donner de telles leçons et surtout.... au nom de bons sentiments.
Rappelons quand même, au préalable, quelques chiffres : France PIB 2.300 milliards de dollars (soit 36.550 $ /hab) et Sénégal 21 milliards de dollars (soit 1750 $/hab.)....Le Sénégal qui n'a guère plus que le PIB d'un département français moyen, n'aurait pas le droit de mettre en valeur l'un de ses atouts maîtres pour ne pas nuire à la vie traditionnelle de quelques villageois perdus au fin fond de la brousse !
L'agriculture, aux bilans incertains d'une année sur l'autre, avec des projections à moyen terme pessimistes, ferait encore vivoter à peu près 65 % de la population (pour une population totale de 12 millions) mais n'assurerait plus aujourd'hui que 13 à 14 % du PIB..... alors à moins que de vouloir conserver de bons pauvres, de bons sauvages rousseau-istes ne faut-il pas chercher des solutions ?
Certes il est préférable qu'une grande partie de la population sénégalaise reste attachée à ses racines, à son terroir plutôt que de s'entasser dans les quartiers miséreux de Dakar dont le développement mal maitrisé a des conséquences désastreuses en terme de pollution, de santé, de sécurité et coûteuses en aménagements structurels nécessaires. Ces évolutions qui font que l'agglomération de Dakar engorgée parait être un vaste chantier en souffrance. (L'agglomération rassemble déjà près de 20% de la population sénégalaise).
Alors quel est le secteur économique qui, en complétant l'agriculture et la pêche, secteurs en déclin sinon en panne, peut apporter des revenus, des devises, fournir du travail, du commerce (marchés artisanaux) tout en permettant aux populations de rester harmonieusement réparties sur le territoire ou du moins dans les zones côtières du pays ? C'est le tourisme ; une industrie qui représenterait déjà environ 3 à 4 % du PIB (en France 7 % mais seulement 2 % lié au tourisme international).
Le Sénégal reçoit 800.000 visiteurs internationaux par an plus de 300 millions de dollars et 80 000 emplois induits et certains voudraient que le pays n'exploite pas ce filon au nom de bons sentiments qui ne tiendraient pas la piste si avant de penser on commençait par réfléchir.
D'ailleurs de quel droit peut-on critiquer le choix d'un pays d'investir dans le tourisme et qu'en plus, mangue sur la galette, cela se fait en dénonçant le zest de développement durable qui enveloppe, plus ou moins, le projet.
Le maire de Gorée serait « vert » : c'est du moins ce que revendiquent ses affiches électorales ; toujours est-il que l'île historique de la traite des noirs est d'une propreté exemplaire... Ce qui n'est pas le cas de tout le pays.... et bien sûr il faudrait le dénoncer car c'est par intérêt touristique... D'autres, dont je suis, trouvent que c'est très bien comme ça.
On peut multiplier les exemples.... Avec le parc national du delta du Saloum ou le parc national du Niokoto Koba ou encore près de Saint Louis la réserve ornithologique du Djoudj, et à l'embouchure du fleuve Sénégal le parc de la Langue de Barbarie....
Quel plaisir de trouver des sites sauvages sans présence de détritus et de sacs plastiques traditionnels dans ces pays pauvres. .... et même s'il y a toujours des vautours.
Mais que les bons penseurs se rassurent, tout au long des routes et pistes sénégalaises il reste encore suffisamment d'entrées « poubelles » de petites villes qui sont à même de faire jacasser le touriste beauf qui ne peut sortir sans son "chez nous...".
Bien sûr tout n'est pas complètement faux dans le texte de S. Brunel et certains aménagements touristiques sénégalais méritent bien le label « Bac à sable » ; Mais bizarrement ou lucidement ce sont ceux qui se réclament le moins du développement durable.
A titre d'exemple on peut mentionner le site du lac Rose qui fut développé pour accueillir la dernière étape des « Paris-Dakar », mais tout le monde peut faire des erreurs...... même l'excellent journal de l'ANJCA.
Ba bêne yone.