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Saga africa..... Saint Louis et Gorée par les chemins de l'histoire.

29 Mars 2009 , Rédigé par daniel Publié dans #saga africa

 J'ai longtemps rêvé du Sénégal..... depuis, depuis, comme ils disent là bas.... Depuis longtemps, depuis une certaine soirée du 12 octobre 1985 à Yaoundé.

 Ce soir-là nous étions invités chez le conseiller culturel de l'ambassade, qui recevait aussi et surtout l'historien journaliste Pierre Biarnès. Cette soirée magique, je l'ai déjà racontée dans un article d'octobre 2007 « Le bon et brutal temps des colonies. » : Biarnès nous a parlé du livre qu'il finissait de rédiger: « Les Français en Afrique noire de Richelieu à Mitterrand »....

 La place du Sénégal dans cette épopée est majeure ; une place mise en lumière par l'auteur, lui qui vit (ou du moins vivait à l'époque) au Sénégal. Ce livre parût en 1987 je me le suis, bien sûr, procuré et je l'ai lu, relu et relu encore... et je l'ai emmené lors d'un récent voyage dans ce beau pays.

  Sarkozy aurait dû lire ce livre, avant de se rendre à Dakar en juillet 2007 pour y faire son calamiteux discours. Heureusement que son hôte, le président Wade, a trouvé une parade adaptée en jugeant que « Sarkozy avait été victime de son nègre », ce discours ayant été préparé par Henri Guaino : humour diplomatique ou humour noir ?

 Le président, ou son nègre, aurait pu aussi s'instruire, pour ce qui concerne la période précoloniale que n'évoque pas ou peu Biarnes, en consultant les livres de l'historien burkinabé Joseph Ki-Zerbo. Il aurait su ainsi que, bien avant l'arrivée des européens et même des arabes, de grands empires s'étaient constitués dans cette région du Sahel comme celui du Tekrour dans l'est du Sénégal, sensiblement sur l'actuel Fouta-Toro. Ces empires comme ceux du Ghana, du Mali, de Gao se combattirent, disparurent, se décomposèrent pour renaître sous d'autres formes. Ils se sont aussi progressivement convertis à l'islam à partir du 11ème ou 12ème siècle. L'empire du Djolof fut fondé au 13ème siècle, d'abord vassal de l'empire du Mali avant de s'élargir et d'englober quasiment l'ensemble de l'actuel Sénégal. Le grand Djolof s'effondra vers 1550 ce qui facilita l'implantation des européens qui n'avaient, au 17ème siècle, qu'à museler ou acheter, en s'appuyant sur la traite négrière, des chefferies autonomes, fragilisées et rivales.

  Mais j'en reviens à notre histoire commune franco-africaine telle que l'a décrite Biarnès ; enfin presque franco-africaine, car ce sont les Portugais qui ont pris pied les premiers au Sénégal en 1444, puis aux début du 17ème siècle les quelques comptoirs portugais passaient sous contrôle Hollandais : vers 1617 ils avaient aménagé et fortifié une île qui présentait une bonne rade, good reed, et qui deviendrait Gorée.

La France ne s'intéressa à ces terres lointaines qu'une vingtaine d'années plus tard et c'est en 1638 que deux navigateurs, Lambert et Jannequin, débarquaient à l'embouchure du Sénégal prenant possession d'un territoire qu'ils baptisèrent Saint Louis en l'honneur du roi et dès 1659 un fort était bâti sur l'île de Ndar. 

 Richelieu puis Colbert, espérant des retours commerciaux, créèrent puis développèrent la Compagnie du Sénégal, engageant une politique surtout mercantile mais bien peu colonialiste ; politique qui tant bien que mal se poursuivit jusqu'à la révolution....

  La pénétration intérieure pour améliorer le commerce en pacifiant la région et en installant des colons pour développer l'agriculture fut tentée pendant quelques décennies notamment entre 1697 et 1723 sous l'impulsion du premier colon digne de ce nom, l'administrateur André Brue mais sans grande réussite. Brue fut même fait prisonnier par le Damel (roi) du Cayor puis libéré contre rançon en 1701.

    Il faut bien reconnaître que ces expériences furent des échecs et que le seul commerce réellement rentable, fut la traite de noirs. Après la guerre de Sept ans, Saint Louis passait sous contrôle anglais, la France ne conservant que Gorée et quelques comptoirs de la petite côte.


  Après la guerre d'indépendance en Amérique et le traité de Versailles la France récupérait, en 1783, ses terres africaines. Le chevalier de Boufflers fut nommé administrateur, mais délaissa Saint Louis, le fleuve Sénégal et les ambitions de pénétration et de colonisation du pays pour se replier sur Gorée et filer le parfait amour avec une belle signare ; il eut surtout l'avantage de laisser une riche correspondance tout en  s'adonnant à la contrebande de l'or en privilégiant ses intérêts propres à ceux de sa fonction.

 A la veille de la Révolution le Sénégal ne semblait pas être une colonie d'avenir, étant peu prospère et commercialement décevante. La convention abolissant l'esclavage en 1794 l'Afrique ne présentait plus d'intérêt. Napoléon a certes rétabli l'esclavage en 1801 à la demande Joséphine, créole de Martinique, mais c'était trop tard la France, paraissait éliminée du continent laissant le champ libre à l'Angleterre.

  Toutefois après la chute de l'empereur, ce continent étant trop grand pour les seuls anglais, la paix retrouvée en Europe et la restauration allaient permettre à la France de revenir en Afrique avec la restitution du Sénégal.
 Cela devait pourtant bien mal commencer avec le naufrage de la Méduse et ce sont des naufragés, le capitaine Brereton et le futur gouverneur Schmaltz qui se présentaient au gouverneur anglais le 11 juillet 1816 pour lui demander au nom des nouveaux accords franco-anglais de se retirer de la place.

  La traite des noirs à destination des Amériques a repris de plus belle horrible façon pendant 32 ans jusqu'à l'abolition définitive de l'esclavage en 1848 par la loi Schoelcher.
 Quand on visite Gorée, quand on se recueille dans la maison des esclaves on ne peut que ressentir de la gêne d'être blanc.
 Combien de millions d'hommes, femmes, enfants sont passés par ces geôles, combien de millions de familles ont été à jamais séparées entre ses murs ?

 En ce début de 19ème siècle la mise en valeur agricole des colonies n'intéressait pas encore grand monde mais le commerce se développait petit à petit grâce à la population métisse de Saint Louis et de Gorée et par l'arrivée de nouveaux colons et négoces notamment des bordelais sur Saint Louis. De nouveaux gouverneurs, le baron Roger, puis le commandant Baudin, s'engagèrent en faveur du développement du Sénégal mais l'échec de la mise

en valeur de l'agriculture, hormis l'arachide, pesait lourd dans les hésitations politiques et ce jusqu'à l'arrivée en 1854 du Général Faidherbe qui fut le véritable initiateur, le vrai créateur du Sénégal moderne :

 D'abord comme militaire il pacifia et unifia le pays. Il combattit et vainquit les maures de l'émir du Trarza qu'il rejeta au nord du fleuve Sénégal puis les Toucouleurs d'El Hadj Omar. Ce dernier fut un redoutable adversaire qui disposait d'un prestige considérable  auprès des populations d'un vaste territoire ; la lutte dura près de dix ans, le guerrier chef religieux périssant au combat en février 1864.

 Faidherbe enfila aussi le bleu de travail pour un développement économique du pays : des efforts très importants furent déployés en matière d'équipements.
 Tous les foyers de résistance n'étaient pas complètement éliminés lorsque Faidherbe quitta le Sénégal en 1865 et ses successeurs eurent encore à contenir de vives résistances : Ahmadou le fils d'El Hadj Omar et arrière petit-fils par sa mère, du légendaire Ousmane Dan Fodio et petit-fils de Mohamed Bello, une illustre dynastie, mais Ahmadou abandonna le territoire sénégalais pour déplacer la guerre contre l'envahisseur plus à l'est dans l'actuel Mali.

  Au Sénégal, après le départ de Faidherbe, l'armée française eut surtout  à maîtriser celui qui reste encore aujourd'hui  l'une des grandes figures du pays, le Damel de Cayor, Lat Dior, qui résista fièrement jusqu'au bout, aux colonisateurs notamment en s'opposant à la construction de la ligne de chemin de fer Dakar / Saint Louis. Lat Dior périt avec ses fils lors de la bataille de Deuklé en octobre 1886, (comme Crazy Horse tomba à Wolf Moutains en janvier 1877).

 Certains  esprits étroits pensent que l'Afrique n'a pas d'histoire, alors que ce qui a manqué à cette époque ce sont des  talents de plume portant intérêt à ce qui se passait sur ce continent ; l'équivalent d'un Fénimore Cooper ou d'un Mark Twain ou beaucoup plus tard des cinéastes comme John Ford ou Henry Hattaway pour raconter ou mettre en images ces westerns africains.

  La résistance africaine à l'envahisseur français prenait définitivement fin à l'aube du 20ème siècle avec la capture en Guinée du redoutable guerrier Samory Touré. La seconde phase de colonisation commençait alors.

  Saint Louis du Sénégal devint la capitale de la colonie française d'Afrique occidentale, puis capitale du Sénégal et de la Mauritanie avant de tomber en léthargie après la seconde guerre mondiale supplantée par Dakar la nouvelle capitale du Sénégal.

 Le pont Faidherbe, long de 510 m avec une travée centrale tournante, qui relie les îles de Saint Louis et de Sor fut inauguré en 1897. Faidherbe avait quitté le Sénégal depuis 32 ans et était décédé en 1889.
 

  La ville a encore connu des heures de gloire grâce à l'aéropostale et Mermoz de 1927 à 1936.

 Depuis l'an 2000 la « Venise africaine » est classée au répertoire du patrimoine  de l'UNESCO, et elle s'est lancée dans un ambitieux programme de rénovation.

  

 La commune de Gorée a fusionné avec Dakar en 1929. Dakar qui avait été fondée en 1827 et qui était devenu en un peu plus d'un siècle une grande ville africaine. La petite île de Gorée distante de 4 km de la côte n'est plus qu'un arrondissement de la capitale.
 C'est un natif de cette île, Blaise Diagne, qui devint le 1er député africain de l'Assemblée nationale française en 1914 : il fut commissaire de la république chargé du recrutement des tirailleurs Sénégalais avant de devenir secrétaire d'état dans le gouvernement Laval (1931-1932).

 

 Dernier évènement historique concernant Gorée, l'utilisation du canon du Castel, contre des navires britanniques en septembre 1940. Ces navires anglais emmenaient De Gaulle en Afrique pour rassembler l'armée de l'empire hostile au gouvernement de Vichy.

 L'arrivée à Dakar fut mouvementée son gouverneur le général Boisson, qui n'avait pas digéré Mers El Kébir, faisant le choix de rester fidèle à Pétain. De Gaulle déçu (selon la biographie de Jean Lacouture), après quelques hésitations, mit la cap sur l'Afrique équatoriale pour rejoindre Félix Eboué et le Colonel de Hauteclocque, plus connu sous son nom de résistant, colonel Leclerc. Ils créèrent le 27 octobre 1940 à Brazza le Conseil de Défense de l'Empire.

   En remerciant  Ousmane dit « Lafayette » guide érudit, originaire de Saint Louis, qui nous apporta ses lumières lors du voyage pour éclairer les chemins de l'histoire.

 Ba bêne yone.

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