Ciné-cure......... Harcelèment & Dans l'ombre de Manhattan
Le titre de ce 49èmebillet ciné-cure fait référence à deux films américains, l’un de Barry Levinson et l’autre de Sidney Lumet, signe que le vrai mobile est, cette fois, plus lié à l’actualité qu'à un coup de chapeau de cinéphile même si j’avais déjà envisagé début mai de faire un billet sur Sidney Lumet, qui venait de décéder mais sa filmographie collait peu avec l’actualité du moment qui était alors essentiellement orientée sur la Libye puis sur la fin de Ben Laden et je me suis décidé, par substitution, pour un hommage (très sincère) à Gene Hackman dont la filmographie est si riche et variée que je pourrais traiter avec, quasiment tous les sujets d’actualité.…. J’aurais même pu pour ce billet réunir Hackman et Lumet avec « Les coulisses du pouvoir » un film de 1986, mais j’ai trouvé mieux........du moins me semble t-il.
L’actualité du moment c’est donc bien évidemment l’affaire DSK et je voulais l’évoquer, non pour condamner ou juger mais pour essayer de comprendre et d’exprimer ce que j’ai ressenti quand j’ai entendu cette information incroyable, effroyable à la radio, très tôt vers 5 H du matin ce dimanche 15 mai et qui depuis mobilise les médias …..et mon attention…..
….. J’ai lu de nombreux articles du Monde, de Libé, de Marianne et du Nouvel Obs et d’autres encore par internet ; j’ai suivi bon nombre d’émissions télévisées et il semble à peu près certain, aujourd’hui, qu’il s’est passé quelque chose de grave entre les deux « présumés » ….
Soit c’est un vrai crime, et n’en déplaise à Jack Lang, ce mot (Le petit Larousse) ne signifie pas seulement un homicide mais aussi une infraction que la loi punit ou même une action très blâmable…. Et le moins que l'on puisse dire c’est que quand notre super docteur Jenkil de l’économie mondiale se transforme en un Mr Hyde harcelant des femmes évoluant dans son entourage, c’est déjà une action très, très blâmable….. Bien sûr il reste l’hypothèse d’une affabulation, d’une manipulation, d’un complot même…… mais au fil des jours, au fil des infos et des rumeurs, qui y croit encore ? Alors et comme me le disait samedi au marché un copain blogueur qui achetait des fraises « Soit il s’est passé quelque chose de forcé qui dépasse même le harcèlement et c’est criminel et il doit rendre des comptes à la justice, soit il s’est fait piégé après un rapport consenti ou monnayé et alors c’est un vrai con ». Une sentence de comptoir de café qui rejoignait le titre du Canard enchaîné de mercredi « Erection piège à con ».
Je reviendrai en fin de billet sur l’affaire mais je vais d’abord m’aérer un peu les méninges en parlant de cinéma…… d’ailleurs il n’est pas à douter que d’ici quelques mois nous aurons un film made in Hollywood avec un scénario façon John Grisham : reste à trouver le titre : « Non coupable », « La transaction » et « Le dernier match » ont déjà été utilisés.
Je regrette une nouvelle fois d’avoir ouvert la boite de Pandore début févier en traitant de « L’année de tous les dangers » l’excellent film de Peter Weir, et dans ma conclusion j’évoquais les possibles démêlés judiciaires de Berlusconi mais je ne pensais pas alors que le premier qui tomberait serait un politique français, socialo de surcroît, favoris des sondages, à la compétence reconnue de tous. Avec un connard de droite ce billet eut été plus facile à pondre.
Dans la filmographie de Sydney Lumet décédé le 9 avril dernier à 87 ans j’ai répertorié 45 films. Le premier de 1957 a retenti comme un coup de tonnerre dans le monde du cinéma, il s’agit de « 12 Hommes en colère » avec Henry Fonda, Ours d’or du meilleur film au festival de Berlin en 1957. Il y eut ensuite en 1959 sur un scénario de Tennessee William. « L’homme à la peau de serpent » avec Marlon Brando.
Les films du début des années 60 en firent un réalisateur souvent récompensé dans les festivals : Citons« Vu du pont » puis « Long voyage vers la nuit » (Festival de Cannes) puis « La colline des hommes perdus » avec Sean Connery avec lequel il tourna plusieurs films dont en 1972 le mythique « The offence » qui fut peu distribué et n’est sorti en France qu’en 2007.
Il y eut ensuite les deux très grands films avec Al Pacino : « Serpico » en 1973 et « Un après midi de chien » en 1975 qui obtint l’oscar du meilleur scénario, puis « Le crime de l’orient express » d’après Agatha Christie avec une pléiade de stars dont Sean Connery, Albert Finney, Lauren Bacall Ingrid Bergman et 6 nominations aux oscars mais une seule statuette pour Ingrid Bergman pour le second rôle féminin.
Lumet connut son plus grand succès en 1976 avec « Network main basse sur la TV » avec Faye Dunaway, Willian Holden, Peter Finch, Robert Duval et 4 Oscars dont les prix d’intervention pour Dunaway et Finch.
Dans les années 80 il semble que le style de Lumet ait commencé à lasser et pourtant des films comme « Le Prince de New York » « Piège mortel » avec Jane Fonda et Jeff Bridge « le Verdict » avec Paul Newman sont très intéressants. Je ne peux pas en dire autant de « Family Business » avec Sean Connery et Dustin Hoffman qui est du grand guignol.
Après plusieurs films décevants ou alimentaires Lumet à 73 ans réalisa encore un très bon film en 1997 et c’est « Dans l’ombre de Manhattan » avec un retour à ses fondamentaux. Il avait retrouvé avec ce thriller le sens de la narration et du rythme qui donnaient à des films comme « Serpico » « Un après-midi de chien » ou « Network, main basse sur la TV » un aspect nerveux. Il confirmait aussi son habilité à diriger les acteurs. Pour ce film il avait choisi « Andy Garcia qui est épatant en procureur intègre et Richard Dreyfus joue un avocat qui fait honneur à cette profession ; mais les plus belle performances sont celle de Ian Holm en flic usé (et père du procureur) et James Gandolfini en ripoux torturé… Studio magazine. ». Un film où s’affrontent pureté et optimisme, cynisme et basse politique. Un film noir, comme les ombres de la nuit.
J’ai donc choisi ce film comme titre pour ce billet ciné-cure, j’ai bien failli y ajouter « Un après-midi de chien » pour un billet 100% Sidney Lumet et en rapport à l’actualité : ceux qui on vu les images de la première comparution de DSK au tribunal me comprendront. J’ai finalement préféré retenir « Harcèlement » de Barry Levinson.
Levinson n’a qu’une vingtaine de films à son actif dont un fabuleux « Rain man » en 1988 avec Dustin Hoffman et Tom Cruise et 4 Oscars dont le meilleur film, le meilleur réalisateur, et le meilleur acteur pour Hoffman plus un Ours d’or à Berlin.
Il faut encore mentionner le magnifique « Good Morning Vietnam » avec Robin Williams, Golden Globe 1988 du meilleur acteur.
On peut encore citer « Bugsy » en 1991 avec Warren Beatty, Harvey Keitel, Annette Bening., puis « Slepper » en 1991 avec Robert De Niro, Dustin Hoffman, Brad Pitt et autres ou encore « Des hommes d’influence » en 1997 réunissant une nouvelle fois De Niro et Hoffman, et enfin « Sphère »d’après en roman de Michael Crichton avec Dustin Hoffman et Sharon Stone.
« Harcèlement » sorti en mars 1995 était également une adaptation d’un excellent roman de Michael Crichton : La bonne idée de l’auteur était de partir d’un postulat inverse à ce qui se passe généralement à savoir un homme qui profitant de sa position sociale ou professionnelle cherche à s’octroyer les faveurs sexuelles d’une subalterne, au contraire « Il raconte le calvaire d’un cadre qui devient l’objet du désir sexuel de la vice-présidente d’une société où il travaille. L’homme se refuse, puis se révolte lorsqu’elle l’accuse le lendemain matin et il décide d’attaquer sa harceleuse en justice….. Avec deux stars de haut voltage à l’image comme Michael Douglas et Demi Moore qui sortaient respectivement de films comme « Basic Instinct » pour Douglas et « Propositions indécentes » pour Moore, on s’attendait à pas mal d’électricité dans l’air….. et finalement ça ne marche pas vraiment car le film est faux-cul… Je cite cette critique de Michel Robichon de Studio Magazine que je ne partage pas totalement ; si je me souviens j’ai plutôt apprécié ce film et justement le fait que pour une fois les rôles soient inversés, que la victime soit l’homme….ça peut quand même arriver…. Non ? Parfois. !
Ce tour d’horizon cinématographique étant effectué si on en revenait à DSK, le mobile du billet. D’abord le bonhomme : Je l’ai croisé quelques fois à l’occasion de réunions du conseil national du PS à l’époque ou j’étais un militant actif mais je ne le connaissais pas vraiment sinon par ce qu’en disait quelques bons camarades.
En janvier 1996, le samedi 20 janvier pour être plus précis, on l’avait invité à Niort pour une fête de la Rose…. C’était au temps où les socialistes locaux étaient en guerre ouverte divisés car pour les élections municipales de Juin 1995, Bernard Bellec maire sortant et socialiste non investi avait battu Ségolène Royale candidate officielle du PS qui rêvait de conquérir Niort. Pour se replacer dans le parti Bellec comptait sur le soutien de Jospin et de quelques amis plutôt allergiques aux méthodes de Royale d’où cette invitation.
Strauss Kahn était arrivé vers 17 H et il avait tenu un meeting à Niort-Noron. On m’avait demandé si je voulais bien être à sa table pour le repas de soirée puisque j’étais alors membre des instances nationales et que j’avais déjà eu l’occasion de le rencontrer. Pourquoi pas ?
Sauf que le soir je me suis rendu compte que le maire de Niort s’était fait excusé, et qu’à cette table il n’y avait que quelques vieux notables qui à l’époque n’avait qu’une idée assez vague de qui était Strauss Khan….. même le secrétaire de section Gérard D. l’organisateur principal de cette fête de la rose, se débrouillait pour avoir souvent quelques choses à faire à l’autre bout de la salle. Il me fallait donc essayer de meubler un semblant de conversation avec un type qui devait se demander ce qu’il foutait chez les ploucs. La galère aussi pour moi ! On a bien du parler un peu de Ségolène, beaucoup de Chirac et Juppé : Y aurait-il une dissolution de l’assemblée et des élections législatives avant 1998 ? Je me souviens lui avoir dit que je venais de lire le dernier livre de l’économiste Jean Paul Fitoussi « le débat interdit ». Propos que j’ai regretté immédiatement quand DSK se mit à disserter sur le livre de son ami Jean Paul, et là je me suis senti mal barré. Dans quoi m’étais je embarqué ? Il a du s’en apercevoir car il n’a pas insisté et on a trouvé des sujets de discussion plus neutres en causant de Niort (Le marais Poitevin) de voyages (du Maroc) et divers dont bien sûr de cinéma. Ai-je mentionné « Harcèlement » qui était sorti une dizaine de mois plus tôt ? Je ne sais pas..... A la fin de la soirée on était plutôt pote Dominique et moi….. Je ne l’ai plus trop revu par la suite mais quand on se croisait au C.N. il s’arrêtait pour me serrer la main avec un « ça va toi ?»
Pour être équitable dans ce billet devrais-je dire aussi que j’ai peut-être aussi croiser la « présumée victime » ? J’en ferai peut-être un peu trop mais pourquoi pas ? Non je ne suis jamais allé à New York mais en 1982 je suis allé en Guinée et dans cette région du Fouta Djalon, et cette année là, si j’en crois la presse, la présumée victime devait avoir 3 ou 4 ans alors pourquoi pas ? Une info improbable et surtout inutile juste pour rester équitable sur ce blog. D’ailleurs une info aussi inutile que celle concernant la soirée fête de la rose.
Sauf pour préciser que lorsque j’ai vu DSK à la télé menotté et dans un triste état face au juge, ce souvenir est revenu à la surface …….. Quel gâchis !
Pourtant je n’étais pas spécialement un de ses supporters pour la campagne des primaires. Ca m’emmerdait même qu’il puisse être désigné comme candidat socialiste pour la Présidentielle…. Je n’aime pas les riches ! Je n’aime pas le style bling-bling ? Pour moi le futur président devra être un président citoyen représentatif des classes populaires et moyennes de ce pays. Le contraire de Sarko mais aussi le contraire de Strauss-Kahn. Par contre comme Directeur du FMI il m’allait très bien !
Dans le monde de ce soir, j’ai bien aimé la chronique de Martin Wolf éditorialiste économique du Financial Time : « Dominique Strauss Kahn a été l’homme qu’il fallait au poste qu’il fallait au moment où il le fallait. Au départ j’avais des doutes quant à la nomination d’un nouveau français, politicien de surcroît, pour gérer une institution internationale comme le FMI ; j’avais tort. M. Strauss Kahn s’est révélé un décideur audacieux, un politicien efficace et un économiste compétent. Cette combinaison est extrêmement rare….….»
J’ai également été interpellé par la tribune du psychanalyste Serge Effez dans le Monde du 18 mai et qu'il a repris le lendemain à « C dans l’air » de France 5. « … L’avenir nous dira si Dominique Strauss Kahn est victime d’une sordide machination, meurtre symbolique d’un homme au faite de sa gloire, ou s’il vient de mettre en scène, sous nos yeux ébahis, le spectacle de son autodestruction. Dans cette deuxième hypothèse, rappelons que la première victime est la personne agressée et que des milliers de femmes sont violées tous les jours par des hommes ordinaires. Mais puisque cet homme n’est pas un homme ordinaire, voilà notre cinéma mental encombré de chambre d’hôtel luxueuses où les personnages imposés de la soubrette aguicheuse et du séducteur priapique se côtoient dans la plus grande indécence. Difficile d’imaginer qu’il n’a pas quelque part désiré cette chute qui marque le refus d’un destin préconçu…….. écartelé entre la soif d’une jouissance immédiate et l’ambition démesurée de se construire un destin…… L’épisode de la Porsche avait résonné comme un premier coup d’essai hésitant…. »
(A suivre)