Les moments de la vie....... Un certain regard.....
Jeudi soir Graeme Allwright offrait aux Niortais un récital au bar du marché. Ce bar, où nous nous retrouvons tous les samedis matins pour refaire le monde avant de faire le marché, doit avoir, à tout casser, une surface au sol de 50 m2 . En lisant cette information dans la N.R. de mercredi je me suis dit qu’il me faudrait bien y prendre place plus d’une heure à l’avance, d’autant que l’info était renouvelée le lendemain et dans les deux journaux, en précisant que l’entrée était libre…
« Ça va être chaud pour avoir une place » et quand je me suis pointé nous étions déjà une bonne centaine à poireauter devant le bar fermé où les musiciens installaient leurs instruments et faisaient les réglages.
Je suis Graeme Allwright depuis ses débuts en France . Je crois que je l’ai découvert vers 1967/68 avec son album country « Emmène-moi » ou « Le trimardeur » dont je ne sais plus très bien qu’elle était la chanson titre mais j’aimais toutes les chansons de ce 33 tours. Je l’ai un peu perdu d’oreille pendant ma période africaine, pour le retrouver au début des années 80, d’abord en duo avec Maxime Le Forestier, puis lorsqu’il adapta Brassens en anglais….. Ça ne leur faisait pas de mal aux anglais d’entendre, enfin, de bonnes chansons. Je n’ai su que plus tardivement qu’Allwright avait aussi, en retour, fait découvrir des bonnes chansons aux français notamment en adaptant Léonard Cohen (et un peu Dylan).
Le bonhomme a, aujourd’hui, 83 ans et vit à Niort depuis quelques années. J'ai déjà parlé de Graeme dans jours de fête. J’aimerai pouvoir discuter avec lui, j’espère que ça se fera un jour au détour d’une rencontre… Moi qui me pose, maintenant que je suis à la retraite, des questions sur mon enracinement « définitif » à Niort, j’aimerai savoir qu’est-ce qui a poussé ce néo-zélandais musicien à établir ces pénates ici ? Il n’évoque même pas Niort dans son tour des villes de France de sa chanson « Emmène-moi » : il y a bien La Rochelle mais pas Niort. La chanson, il est vrai, a plus de trente ans et il ne connaissait peut-être pas encore toutes les villes de France…..
J’étais installé à l’intérieur accoudé au bar quand Graeme Allwright et son « big band » commencèrent à jouer…. Il faisait horriblement chaud, et comme j’ai bu aussi un peu de bière, j’avais de plus en plus chaud… nous devions être au moins soixante, peut-être plus, les uns contre les autres et vice versa. A-t’il chanté « Petites boites » (de sardines) ? je ne me souviens pas…. Mais j’étais au supplice et je ne pouvais plus rester à l’intérieur…. J’ai réussi à m’extirper du sauna…. Dehors il faisait bon et j’y ai retrouvé des amis en terrasse, mais n’on entendait pas grand chose…. Et puis j’ai enfin trouvé un bon emplacement, dans l’embrasure de la porte, il y avait un peu d’air, le son était correct et comme je suis grand, je voyais très bien Allwright chanter… cette place personne ne me l’aurait prise… et c’est ainsi que j’ai pu croiser son regard malicieux, notamment quand il chanta « Jusqu’à la ceinture » et « Sacrée bouteille » et ce regard me rappelait quelque chose…. Quelque chose de très récent … quelque chose qui remontait à la veille, à mercredi….
Mercredi matin dès 6 H, les enfants d’André arrivaient à la maison ; le temps de charger des valises dans leur voiture, et une heure plus tard nous étions à l’hôpital, en service « suites de soins ».
J’ai déjà parlé dans un billet intitulé une fichue semaine, de ce très cher ami qui était le compagnon de ma mère décédée en octobre 2008
Depuis fin 2009 sa santé déclinait et finalement il a fallu l’hospitaliser début avril à Niort. En même temps nous accentuions nos démarches pour lui trouver une place dans un établissement médicalisé près de sa famille. Une place s’est libérée fin mai et il ne fallait pas hésiter….. La décision fut prise et il allait, enfin, pouvoir retourner près des siens en Val de Marne.
Depuis près d’une semaine André savait qu’il allait enfin repartir en région parisienne et chaque après midi il me demandait combien de jours il restait…. Mercredi quand nous sommes arrivés à l’hôpital à 7 H du matin, il a regardé sa fille les yeux écarquillés et mouillés, le regard émerveillé … comme un gamin devant un arbre de Noël… un gamin de 80 ans. Le même regard que celui de Graeme Allwright en récital le lendemain soir.
J’ai eu des nouvelles d’André et je lui ai téléphoné…. Il se plait dans cet établissement, mais il est encore un peu fatigué du voyage,… « Mon ami, soignes-toi bien et profites le plus longtemps possible de ta famille ; chaque fois que j’irai en région parisienne, je passerai te voir. »
Les regards sont un élément d’émotion dans les bons films de cinéma, et je précise bien de cinéma car c’est aussi une grande faiblesse des téléfilms le plus souvent bâclés.
Cette semaine j’ai vu deux bons films :
Lundi soir, « Dans les yeux » un film argentin de Juan José Campanella, qui obtint l’Oscar 2010 du meilleur film étranger. Un film multiple, sur une base de thriller c’est aussi une histoire d’amour et un film politique sur l’Argentine des années 70. Dans ce film c’est les regards d’un homme sur des photos qui conduisent au dénouement de l’intrigue policière.
J’ai vu ce film en version originale, mais je ne peux critiquer l’association « Les Diaboliques » car le film étant sorti début mai en France mais pas à Niort , il est fort probable qu’il ne serait plus passé autrement qu’en V.O. …. Et puis en espagnol ça me gène moins qu’en anglais….même si avec ce film bavard j’étais obligé de lire les sous-titres. Dommage cependant que nous n’ayons été qu’une douzaine en salle….
Vendredi je suis allé voir le dernier Becker « La tête en friche ». Magnifique Jean Becker que des critiques à la solde des bobos et des cultureux continuent systématiquement à démolir. Génial Gérard Depardieu que je n’aimais plus trop, depuis quelques années, depuis qu’il faisait dans la facilité. Merveilleuse Gisèle Casadesus au regard de 95 ans si tendre pour son partenaire qui pleure d’émotion pendant qu’elle lui lit les livres qu’il n’est pas capable de lire. « L’image de ce colosse s’ouvrant à la grâce n’est d’ailleurs pas sans rappeler son personnage de Léopold dans Uranus, patron d’un bistrot qui découvrait la force des alexandrins. Studio Ciné live ». Un film magnifique qu’il faut voir, qu’il faut soutenir car le cinéma français n’est plus si riche que ça depuis que Sautet et Berri ne sont plus là ; un cinéma coincé entre films rigolards franchement lourds et films, prises de tête, franchement chiants….
Fin mai j’ai pris un coup de vieux en souhaitant un bon anniversaire à mon fils ainé qui venait d’avoir 40 ans.
Nous lui avons offert et envoyé par la poste un chapeau de cow-boy rouge et un DVD. Il fut étonné du choix du chapeau et n’en compris la raison qu’en visionnant le DVD. Un film de plus d’une heure réalisé avec les nombreux extraits de films super 8 que nous faisions dans les années 70 à 86. Eric fut ravi de ce cadeau….
En bande annonce, notamment pour la famille et les amis qui nous connaissent depuis plus de quarante ans, un petit extrait de sept minutes….. Le film sera peut-être sélectionné pour le festival de Cannes 2011 dans la catégorie « Un certain regard ». (On peut rêver). Coup de chapeau pour Eric coup de vieux pour moi.
( A suivre )