Les moments de la vie....... Je vous fiche mon billet que....
Je vous fiche mon billet que j’oublie quelque chose….. Mais quoi ? D’ici que je finisse celui là ça me reviendra sûrement.
« Je te fiche mon billet que notre absence de Niort jeudi sera préjudiciable », voilà ce que j’ai dit à Pilou en prenant la route car j’étais certain que le scrutin serait serré ; au point que j’ai bien failli monter un plan démentiel comme de me rendre seul, en train, à Paris jeudi matin pour rentrer en soirée puis y retourner ensemble, en voiture, très, très tôt le lendemain matin. « Penses-tu - me répondit Pilou - les militants socialistes ne vont quand même pas désigner majoritairement un mec dans ce canton urbain alors que tout le monde sait que c’est pratiquement le seul où l’on peut faire élire une femme au Conseil Général…et puis ils n’avaient qu’à nous informer plus tôt de la date du vote .. ». Moi j’étais plus septique et dans le domaine de la politique, mes intuitions sont souvent avérées.
Je devais impérativement être à Paris le jeudi, en invité, d’une réunion professionnelle ; la dernière réunion de l’année pour ce comité technique mais aussi ma toute dernière réunion, celle de fin de carrière, six mois après mon départ à la retraite, après un quart de siècle d’audits et une douzaine d’années de participation aux travaux de ce comité : un honneur cette invitation surprise !
Et comme deux jours plus tard, je me devais aussi, comme chaque année, d'être au rendez-vous de fin novembre de mon ancien club de rugby, nous avions prévu de faite le pont. Cette soirée rugby est pour moi sacrée ; c’est celle où je retrouve mes amis de jeunesse, mes potes, la soirée où nous fêtons les anniversaires décimaux et où l'on refait des matchs vieux de plus de quarante ans en chantant « les paillardes romances qui font peur aux nonnettes » (Brel).
Du coup, comme je devais aussi régler, en urgence avant la fin d’année, divers problèmes administratifs, cette journée libre du vendredi tombait à point et j’avais depuis plusieurs semaines tout réglé, tout organisé et posé les rendez-vous …. Et puis il nous fallait aussi consacrer un peu de temps à la famille, la tournée pré-hivernale de mes chers anciens et celle postnatale de jeunes pousses : une petite semaine bien chargée en perspective…. Et moi qui voulais compliquer cette organisation complexe et méticuleuse pour une question de principes et d’intuition.
Finalement je n‘allais rien compliquer, car lundi Eric nous avait appelé pour nous demander d’être chez lui plus tôt, dès le mercredi matin. La nounou était malade et ses beaux-parents ne pouvaient les dépanner que lundi et mardi. Il fallait que nous prenions le relais pour garder les petits pendant au moins deux jours. Nous arrivions à préserver le vendredi pour les contraintes administratives, il s’arrangerait autrement ce jour là….. Et sans parler de cette information inquiétante de la dernière heure sur la santé de « Lisette la cousinette » (Brassens) …. Il n’y avait plus à chercher midi à quatorze heures …. Alors en route, mauvaise troupe !.... Et tant pis si nous ne pouvions participer au scrutin interne de désignation pour les prochaines cantonales et si un pitoyable ambitieux, fut-il responsable départemental, devait obtenir l’investiture dans le seul canton renouvelable où le PS a, depuis dix huit ans, une élue et…. probablement la seule chance d’en avoir encore une en mars prochain.
Mercredi nous étions, comme convenu, chez notre fils en fin de matinée. Les autres grands-parents de nos petits-enfants nous attendaient avec impatience, car ils devaient impérativement retourner du côté de Valenciennes dans l’après-midi. Lucie faisait la fête, du haut de ses trois ans, car c’était la première fois qu’elle disposait, en même temps, de tous ses papys et mamies. Un rassemblement de moins d’une heure, mais qu’elle a manifestement adoré.
En début d’après-midi, les petits étaient calmes, Gaby allait s’endormir, Lucie coloriait, aussi suis-je parti, tranquille comme Baptiste, voir mon oncle Didi qui vit en résidence retraite à une vingtaine de kilomètres de là.
Qu’il était heureux le tonton et moi donc. On se téléphone très souvent et Internet nous réunit aussi….. mais pouvoir se voir, se retrouver c’est autre chose. Didi, qui aura 85 ans en février, est le frère de mon père que la mort nous a pris quand j’avais 15 ans…. Alors, Didi, pour moi, c’est la lumière, le repère, mes racines, ma culture, mon patrimoine ….. Et le jour, le plus tard possible, où il quittera ce monde, je deviendrai à mon tour l’ancêtre, le patriarche de la famille…. et je ne suis pas du tout pressé d’obtenir cette distinction « Alors reste encore le plus longtemps possible en bonne forme ; je te promets ( je sais que tu me lis) qu’au printemps on fera notre voyage à Civry, ce voyage qu’on devait effectuer fin août ou début septembre et qui fut annulé pour cause de Guyane. ». Didi s’inquiète toujours de quelques trous de mémoire… alors que moi je le trouve toujours alerte et vif. Je viens le voir trois ou quatre fois par an. Difficile de faire plus quand 400 km nous séparent et….moi qui rêve parfois d’aller prendre ma retraite en Guyane…. impossibles rêveries.
Trois heures plus tard j’étais de retour chez Eric. Pilou regardait vaguement « Des chiffres et des lettres » en surveillant les petits qui jouaient. A peine m’étais-je assis que Lucie vint me rejoindre en me disant
« Tu auras bientôt fini de regarder ta télé, je voudrais regarder ma télé ? »…
« Mais Lucie ce n’est pas ma télé c’est celle de Mamie, la mienne c’est après »
« Ah bon ! Alors quand est-ce que je pourrai voir enfin ma télé ? »
« Après, quand tu auras soupé et jusqu’à ce que papa et maman arrivent »
Pas de soucis, pas de caprice, tout baignait ; moi je m’installais devant « C dans l’air » et les petits allaient à la cuisine avec Pilou. Rapidement je passais sur la chaine de dessins animés en baissant le son et je les rejoignais dans la cuisine pour aider à la mise en bouche. Quelques temps plus tard et alors que je proposais une cuillerée de soupe à Gabriel, il y eut une page de publicité et le son devint soudainement un peu plus fort. Lucie l’entendit et reconnut immédiatement la pub ; elle s’écria « Mamie, papy a mis ma télé »…. Bien sûr il a fallu batailler un peu pour la tenir à table mais tout s’est finalement bien passé…. Après avoir concédé lors de négociations serrées que le dessert puisse être mangé dans le salon, devant sa télé.
Jeudi un peu avant 10 H j’arrivai à la réunion du comité technique. Je retrouvais avec plaisir des collègues et amis que je n’avais pas vu depuis plus d’un an. Le thème principal était l’approbation du nouveau référentiel de validation de compétences qui devait entrer en vigueur début 2011. Ça faisait plus de 4 ans, qu’un groupe de travail planchait sur les modifications du précédent et je suivais son élaboration au fil de l’eau et même encore après ma mise définitive au placard retraite, ne serait-ce que pour information dans le cadre de mon nouveau rôle, encore minimal mais passionnant, de consultant.
En tant qu’invité je n’ai pas pris part aux débats d’autant que j’étais d’accord avec toutes les corrections proposées ; un toilettage de l’ancien référentiel tout à fait opportun. A la fin des travaux les débats se sont un peu animés avec l’intervention de quelqu’un que je découvrais et qui faisait une proposition inattendue qui, mine de rien, conduisait à réformer radicalement l’équilibre structurel du comité. Rapidement certains organismes « historiques » s’étonnèrent et demandèrent des explications d’autant que le nouvel arrivant souhaitait une décision rapide sur un sujet qui ne figurait pas à l’ordre du jour. Le débat prenait subitement une tournure étonnante et passionnée, certes « retenue », qui n’était pas pour me déplaire. Certains participants du comité n’étaient pas directement concernés, sauf à exiger le maintien de compétences techniques, et se tenaient coi ! Sauf que l’auteur du mini-psychodrame inattendu avait besoin de renfort pour espérer l’emporter et il fit l’erreur de dire, en tournant un regard insistant dans une certaine direction que sa démarche faisait suite à des sollicitations …. Et là ce fut sa perte car la réaction vint du chef de file des «silencieux» avec un tonitruant « Pas de ça Lisette » qui me réveilla : Que venez faire la cousinette de mes enfants dans cette affaire ? Je me tournai vers mon voisin et je lui demandai si le gus s’appelait bien Lisette. « Non ! - Me répondit-il en rigolant – C’est une expression lyonnaise ; un peu du genre ‘’Doucement les basses’’ ou ‘’Ne pousse pas le bouchon trop loin Maurice‘’ de la pub ». Opération corned-beef raté. A revoir en mars mais moi je ne serai plus là… d’ailleurs je m’en soucis comme d’une guigne car je ne suis plus concerné et qu’en plus je présume déjà la fin de l’histoire, du moins j’ai encore une forte intuition.
Faute de corned-beef nous nous sommes retrouvés ensuite autour du beaujolais nouveau (que j’apprécie peu mais il y avait aussi du bordeaux), des plateaux de charcutaille et de fromages (que j’apprécie beaucoup), une jolie sortie de scène pour moi dans une ambiance super sympa…. Merci les amis du métier….. J’ai vraiment adoré ce job….
Vendredi nous avons poursuivi notre périple francilien, direction le Val de Marne. Il fallait que j’aille voir André et que je m’occupe de ses affaires ; j’ai déjà parlé de ce très chic bonhomme de 80 berges dans de précédents billets. C’était le compagnon de ma mère et il l’avait suivie en maison de retraite quand je l’avais faite venir sur Niort en 2004. Depuis trois ans j’étais devenu son curateur et je gérais ses comptes. Après le décès de maman il a d’abord souhaité rester à Niort puis au début de cette année sa santé déclinant subitement il voulut se rapprocher de sa famille. Ce n’est pas sans difficulté que j’ai réussi à lui trouver une place dans un EHPAD de la banlieue est où il est pensionnaire depuis début juin. Il a fallu ensuite faire le transfert de la curatelle à sa fille et cela a encore pris plusieurs mois. Maintenant c’est fait depuis fin octobre il était nécessaire de transférer le plus rapidement possible tous les papiers et documents dont j’avais eu la charge….. Mission terminée ce vendredi matin !
Bien sûr je suis allé voir André ; j’étais un peu inquiet car il avait subi une grosse opération mi-juillet et quand j’étais allé le voir en août il était au plus bas. Je ne suis pas certain qu’il m’ait alors vraiment reconnu. Son esprit battait la breloque, il blablatait n’importe quoi et ses doigts peignaient en permanence dans l'air des nuages. J’étais revenu, très pessimiste, de cette visite.
Trois mois plus tard je le retrouvais en bien meilleure forme : sa fille me disait depuis septembre que son état s’améliorait de semaine en semaine même si parfois il pouvait encore avoir des absences ; Près de deux heures de conversations diverses sans la moindre anomalie ; heureux de me voir il taillait la bavette avec plaisir l’André : il m’interrogeait sur mes enfants, mes petits-enfants, en situant parfaitement chacun géographiquement. Il me demanda même des nouvelles de mon oncle Didi, son copain, qu’il na pas vu depuis les obsèques de maman ; il me questionna, ce qui me surprit, sur son amie polonaise qu’il ne connait pas, qu’il n’a jamais vue et dont j’ai du lui parler une fois ou deux……. Et puis après longtemps de causeries, longtemps de bavardages ….. patatras…. .la question qui chamboulait tout : « Et comment va ta mère ? Elle est toujours à Versailles ? »….. J’ai cru utile de réveiller avec précaution sa mémoire défaillante ……. Et je compris en voyant son regard s’attrister, au fur et à mesure, que je parlais que cette mémoire, en fait, sélectionnait et écartait les mauvais souvenirs.
Vendredi après midi nous avons rejoint la Seine et Marne pour passer trois jours, avec les sœurs de Pilou. Nous sommes d’abord allés à « Bagdad café » pas très loin de Provins puis ensuite à Ozoir. Entre temps nous avions eu des nouvelles rassurantes de la cousinette ce qui permis d’évacuer un peu de stress sans pour autant verser dans de franches rigolades… simplement le plaisir de se retrouver douillettement en famille.
Avec Malou nous avons fait une petite visite de Provins la ville haute et la ville basse ; une petite ville pleine de charmes et de secrets et où j’ai découvert que le Villegagnon de Rufin dans « Rouge Brésil » était natif de cette ville.
Chez Paqui nous avons fait la connaissance de Johane le dernier petit neveu, né le 7 août. Il aurait pu faire l’effort de naitre un jour plus tard comme son arrière grand-oncle Rafael en 1911 ou comme son grand-oncle (Bibi) en 1946, mais je ne vais pas l’engueuler il est si beau et fut tant désiré.
Je vois que j’ai sauté la mythique soirée rugby de samedi soir à Villiers mais ça me conduira à faire un billet spécial ; disons que j’ai retrouvé avec beaucoup de plaisirs mes potes, les Dudule, Fanfan, Richard, Ricky, Pascau, Chapuis, les frères Bouchet etc…. nous étions une bonne centaine. Pilou ne m’avait pas accompagné préférant consacrer ce temps précieux à câliner sa famille.
Je n’ai pas pu aller voir ma tante Simone, la sœur de ma mère, elle aussi touchée par la maladie Alzheimer. Je devais y aller lundi matin avec mes cousines mais elles avaient un empêchement de dernière minute…..pas la peine d’y aller seul car Simone, comme en juin dernier, ne me reconnaitrait pas …. Saloperie de maladie.
Samedi j’ai su que mes camarades socialos avaient choisi l’ambitieux Rodolphe contre la compétence d’Eve Rose et ce avec une seule voix d’avance. J’étais furieux d’avoir eu raison : si nous avions été là Pilou et moi c’est Eve Rose qui l’eut emporté. Merde, merde, merde…. Quel con ! Je vous fiche mon billet qu’on n’a pas fini d’en parler.
Qu’est ce que je voulais encore dire ce 22 novembre en commençant ce billet ? Ah oui ! C’est la Sainte Cécile…… Bisous, ma fille.
(A suivre)