Saga africa & co...... Coutumes, gris-gris et autres litanies.
On est parfois caustique avec nos amis africains en oubliant trop souvent de balayer devant notre case.
Je me souviens, entre autres extravagances, avoir été abasourdi par un titre à la une du « Cameroun Tribune » en 1986, lors d’un terrible accident à l’aéroport de Douala : « Un avion flambant neuf prend feu au décollage ».
Quel ne fut pas mon étonnement quand, débarquant à Niort quelques mois plus tard, après une dizaine d’années de vie africaine, je découvrais dans l’un des deux quotidiens locaux un article intitulé «Un magasin flambant neuf du centre ville est parti en fumée ».
Une différence de taille toutefois entre les deux articles : le nombre de victimes. Dans un cas on pouvait oser la note d’humour, dans l’autre cela m’avait paru particulièrement choquant … à part ce morbide détail on sentait bien que les deux journalistes étaient formés à la même école.
Je dois, cependant, balayer devant ma case car je joue aussi avec les titres de mes billets de ce modeste blog…. Je trouve même très souvent le déclic de l’article par le titre, comme par exemple mon récent « blues trottoir » ; par contre ce n'est absolument pas le cas pour celui-ci... (pour ceux qui suivent...l'évolution)
Réunion de rentrée automnale de l’Anjca, mardi dernier ; réunion exceptionnelle puisque Bonaventure, le secrétaire permanent de l’Adjan l’association d’Atakpamé, était présent dans le cadre d’un séjour de quelques semaines à Niort. Cette réunion devenait même, subitement, extraordinaire puisque le nouveau maire de Cové, en déplacement en France, faisait un rapide aller-retour à Niort pour nous rencontrer avant de s’envoler le lendemain pour le Bénin.
Niort (60 000 habitants) est lié depuis 1986 par un jumelage coopération avec Atakpamé, la cinquième ville du Togo (85 000 habitants) située dans la région des plateaux à 160 km de Lomé.
En 2006 ce jumelage s’est transformé en relation tripartite sud-sud-nord en s’ouvrant à Cové, une ville du Bénin sensiblement de la même importance (12 ème ville du Bénin avec 50 000 habitants). Cové et Atakpamé sont distantes d’environ 150 km…. Ce qui nécessite quand même plusieurs heures de voyage en voiture même en saison sèche et sans compter d’éventuels tracas administratifs à la frontière. (Voir les articles des 9 et 11 mai 2008 intitulés : L’invité du blog… le journal de l’Anjca)
C’était un vrai plaisir de rencontrer Bonaventure le très sympathique togolais dont j’entends parler depuis de nombreuses années et c’est avec grande curiosité que nous découvrions monsieur Alokpon, le tout nouveau Maire de Cové.
La situation politique de Cové que nous suivions par internet nous intriguait depuis plusieurs mois ; le Bénin, après quelques expériences aventureuses post-coloniales, semblait être devenu progressivement depuis les années 90 une référence démocratique en Afrique. Les élections présidentielles de 1991, 1996 et 2001 se sont finalement passées sans trop de heurts avec des alternances d’alternances, entre MM. Kérékou et Soglo et vice versa…… puis en 2006 ce fut un nouveau personnage sur la scène politique M. Yayi Boni, ancien Président de la Banque ouest africaine de développement, qui, à la surprise générale, devint président de la république.
Au niveau local la démocratie est souvent plus balbutiante ; ce fut le cas dans plusieurs villes lors des élections municipales de mars 2008 et notamment à Cové, où suite à un résultat serré, avec des péripéties rocambolesques (fraudes, enlèvements, menaces, coups de force) le maire sortant qui, sur le papier avait perdu les élections, arrivait malgré tout à conserver son poste….. Des recours en justice furent faits et en mars 2009 la Cour Suprême du Bénin invalidait une partie de l’équipe municipale. Cette décision de la Cour Suprême attestait finalement de la relative bonne santé de la démocratie béninoise… et c’est ainsi que M. Alokpon, le vainqueur des élections de 2008, est enfin devenu début juillet le nouveau maire de Cové.
Inutile d’ajouter que nous fûment extrêmement touchés de cette visite impromptue de M. Alokpon qui, dans le cadre d’un court séjour de 3 ou 4 jours à Paris, a pu effectuer cet amical déplacement à Niort. Bravo et merci monsieur le Maire.
Au Togo la situation nationale n’est pas aussi idyllique : après le décès en 2005 de Gnassingbé Eyadéma, qui dirigea le pays pendant 38 ans sans se soucier, le moins du monde, des principes démocratiques, c’est son fils Faure Gnassingbé qui lui a succédé dans des conditions qui paraissaient quelque peu « précipitées » …. Depuis il semblerait que certaines évolutions positives puissent être constatées…. sur fond de règlements de compte familiaux.
Il se dit que lorsque le ménage sera terminé, des avancées démocratiques pourraient enfin voir le jour avec notamment en 2010 des élections présidentielles, puis des élections législatives et municipales…. La démocratie serait au bout de ce long tunnel obscur …. mais pas d'excès d'optimisme, restons vigilants car c'est un refrain connu, entonné depuis, depuis…. Les dernières élections municipales au Togo remontaient à 1987. Depuis 2001 ce sont des délégations spéciales désignées par les préfets qui dirigent les municipalités.
Et en France, où en est notre démocratie ? En dehors des désignations au sein des partis politiques (Cafouillages abracadabrantesques au PS et électeur unique à l’UMP) dans l’ensemble ça ne se passe pas trop mal lors des divers scrutins républicains… en dehors de quelques bulletins chaussettes par ci par là….. Il semble même que la prime aux casseroles (Mellick, Balkany, Tibéri …) qui était une triste réalité il y a encore quelques années ne soit plus d’actualité ….. Par contre des menaces sur l’indépendance des médias et des mesures d’encadrement des déplacements du chef de l’état, voire de sanctions quand ça ne se passe pas bien, nous ramènent quelques décennies en arrière....
D’un point de vue niortais on observe quelques étonnantes similitudes avec nos villes jumelées, c’est du moins ce que j’ai constaté lors de nos échanges de mardi dernier avec nos amis béninois et togolais qui ont toujours le souci d’équilibrer les échanges. Pas de problème cela se fait tout naturellement et cette espèce d’harmonie qui se réalise petit à petit est vraiment une excellente nouvelle..... si ça continue on ne parlera même plus de jumelages mais de quasi cousinages.
Ainsi ai-je appris qu’un projet de construction d’un bâtiment à Cové avait été annulé parce que le terrain retenu pour accueillir l’ouvrage n’appartenait pas à la ville. On n’est donc pas les seuls avec la halle des sports niortaise, à avoir subi cette désagréable contrariété. C’est là qu’on reconnaît les vrais amis, à leur solidarité dans les ennuis et en plus dans les deux cas c’est à mettre au bilan de la précédente équipe municipale.
Et puis il y a les projets qui avancent, a priori en concertation avec la population… mais probablement pas suffisamment ou avec des non-dits ou des non entendus ou à cause de manœuvres dilatoires de mauvais esprits.
Ainsi à Atakpamé il y a problème avec le nouveau marché aux ignames : les vendeuses ne sont pas très satisfaites du déplacement urbain qu’on leur impose. Elles viennent de se rendre compte que les gris-gris bénéfiques ne les suivraient pas sur le nouveau lieu de vente. Damnation !
A Niort ces gris-gris bénéfiques ne seraient–ils pas les voitures qui traversaient le centre-ville sans s’y arrêter mais en apportant de bonnes ondes qui aidaient les commerçants à bien vendre ?
Depuis la mise en piétonisation du centre-ville, au début de l'été, le blues des commerçants est réel … aussi déambulaient-ils, samedi dernier, pour vilipender les décisions de la nouvelle équipe municipale qui en toute bonne logique applique le programme pour lequel elle a été démocratiquement et confortablement élue.
Selon la Nouvelle République, ils furent « entre 300 et 400 personnes à défiler de la place de la Brèche à l’hôtel de ville, en silence, certains vêtus de noir, de pied en cap en signe de deuil, pour dénoncer une politique de piétonisation qui, selon eux, tue le centre ville à petit feu » …
... ok ce n’était pas une manif type Camif ou Heuliez ou encore moins les dizaines de milliers de manifestants de mars 2006 braillant contre le CPE…
Bien sûr 300 personnes c’est relativement modeste, ça fait un peu clairsemé, surtout sur toute une largeur de chaussée….. mais ils méritent quand même un minimum de respect pour leur action et ce d'autant que ce n'est pas une cause facile à défendre.
Surtout quand on réalise que ces pauvres gens sont des béotiens malheureusement peu habitués à des revendications susceptibles d’émouvoir le bon peuple : Pas de distribution de lait ou de fruits ; aucun slogan humoristique, quelques stupides insultes comme de traiter la généreuse Geneviève de Kim Jong-Il, le dictateur nord coréen ; aucune parodie de chanson : ils auraient pu par exemple, reprendre une chanson de Johnny (après tout, lui aussi, c’est un pote à Sarko ) et quitte à être en noir en profiter pour lancer « Noir ,c’est noir, il n’y a plus d’espoir, Gris c’est gris nous voulons des voitures au centre-vie… ».... mais chez ces gens là on ne chante pas monsieur.... on ne chante pas à tue-tête... on s'entête....
.... moi, franchement je n'y comprends plus rien : le piéton qui déambule dans les rues piétonnes serait une menace pour le commerçant alors que la voiture qui passe serait sa bouée de sauvetage ! C'est contraire à toute logique...
..... On a beau rappeler que, si le centre ville de Niort était en train de mourir c’est justement parce qu’il n’y avait pas de zone piétonnière comme dans presque toutes les grandes villes de France. On a beau démontrer, chiffres à l’appui, que le commerce du centre représentait moins de 10% du chiffre d’affaire de chalandise de Niort contre près de 20% à Poitiers, La Rochelle et Angoulême....
... Et puis au centre Niort il y a surtout des commerces d’habillement et de chaussures plus particulièrement affectés par la crise et l’été indien. Crise qui, quoi qu’en disent les exégètes sarkozistes, n’est pas finie…
Rien n’y fait et pour quelques excités que Madame le Maire a accepté de recevoir dans son bureau à la Mairie, si tout va mal, c’est uniquement de la faute de l’équipe municipale.
... Ca serait donc la piétonisation de la rue Ricard qui provoquerait ce pastis commercial….
Et si en cette fin d’année 2009, au lieu des traditionnels chalets de Noël et des sapins, on installait sur cet axe commercial piétonnier des cases africaines et des cocotiers…. Peut-être que les gris-gris (les vrais, les bons) seraient plus performants.
(A suivre)