Souvenirs et témoignages..... La naissance d'un jumelage coopération ...
Le 29 janvier dernier était célébré à la mairie de Niort le 25ème anniversaire du jumelage coopération Niort-Atakpamé. J’ai déjà rapidement évoqué cette cérémonie dans un billet intitulé « L’âge de raison ». J’ai aussi présenté plusieurs fois sur ce blog ce jumelage et le rôle de l’association Anjca et je n’y reviens pas car je veux aujourd’hui m’attacher à raconter la naissance de cette coopération et même bien avant les circonstances du jumelage. Pour cela je vais m’appuyer sur le hors série du journal de l’Anjca paru en début d’année pour accompagner cet anniversaire et sur quelques souvenirs de discussions car je vais parler d’un temps où je n’étais pas encore niortais.
Rentrant du Cameroun où nous avions passé trois années je suis arrivé à Niort le 25 août 1986 pour ouvrir un laboratoire du BTP. Comme cette mission était relativement incertaine et tributaire d’un possible contrat de contrôles pour le chantier du pont de l’île de Ré, j’arrivais en Poitou-Charentes pour travailler, travailler et encore travailler avec pour seule évasion de pouvoir retourner à la maison à côté de Nîmes retrouver la famille le temps d’un week-end au moins une semaine sur deux. C’est dire qu’en cette fin d’été 86 et lors de l’automne qui suivi je n’ai guère eu de contacts niortais autres que professionnels et encore…. La plus grande partie de mon activité me menait plutôt du côté de la Rochelle.
C’est lors d’un week-end de prisonnier du boulot, probablement fin septembre ou début octobre, que j’ai lu dans le journal « La Nouvelle République » que devait se tenir une réunion d’une association niortaise de coopération avec une ville du Togo. L’Africain blanc que j’étais ne pouvait que se sentir très concerné et c’est ce jour là que j’ai découvert l’Anjca. Je fus immédiatement surpris par leur dynamisme et leur lucidité. J’ai aussi découvert ce jour-là un type passionnant André Pineau…. Je me suis engagé avec eux et j’y suis toujours même si mon militantisme est resté relativement modeste pendant ces 25 ans….modeste mais toujours fidèle.
Un an plus tard fin août 1987 et alors que nous nous étions enfin installés en famille à Niort, nous étions à Perpignan pour le mariage de la fille d’amis de notre époque marocaine (1976/1979). C’est avec bonheur que nous retrouvions beaucoup d’amis que nous avions plus ou moins perdu de vue. Nous retrouvions notamment Jean Mi et Nicole avec lesquels nous avions encore eu des contacts jusqu’en 1982 car après le barrage d’Al Massira, Jean Mi et moi nous nous étions retrouvés en Alsace pour la construction du barrage de Michelbach et ce jusqu’en 1982.
Nous retrouvant en cette occasion festive nous apprîmes non seulement que la région Niortaise était le berceau familial de Nicole et plus précisément Arçais village du marais poitevin situé à une quinzaine de kilomètres de Niort. Au fil de la discussion lui ayant dit que nous commencions à nous impliquer dans une association de coopération avec Atakpamé, Nicole nous apprit qu’elle avait passé sa petite enfance dans cette ville togolaise où son père avait été, dans les années cinquante, gouverneur colonial de la région. Elle gardait manifestement de merveilleux souvenirs de cette époque et du pays.
Nous nous sommes encore revus deux ans plus tard pour un second mariage, toujours à Perpignan, cette fois du fils de nos amis marocains….. Et puis le temps passa…. Nous avons revu Jean Mi il y a deux ans pour le rassemblement des anciens d’Al Massira, Nicole n’avait pu venir….. Et puis….. Le temps passa et la vie aussi….. Elle est passée pour Jean Mi, il y a quelques mois.
En 1958 la traditionnelle foire commerciale de Niort devait présenter une exposition sur l’Afrique noire. Le maire de Niort à cette époque était Emile Bèche ; il avait un excellent ami M. D. qui était en poste comme gouverneur colonial dans une région du Togo. Monsieur D. et sa famille, originaire d’Arçais, rentrait en France tous les deux ou trois ans pour des périodes de 5 à 6 mois et cela avait été le cas en 1958.
Selon le témoignage d’un employé municipal qui avait alors en charge, l’organisation de cette grande foire, l'ami expatrié a vanté au maire de Niort les charmes d’Atakpamé qui avait beaucoup de points communs avec Niort. « C'était également une ville moyenne baignée par une rivière, prospère par son marché, située au carrefour de routes importantes. Elle possédait un hôpital, une maternité, plusieurs écoles primaires et surtout l'unique école normale qui formait tous les instituteurs togolais. Cet établissement était dirigé par un collègue du gouverneur., M. Joachim H. diplômé comme lui de l'Ecole Nationale de la France d'Outre-Mer. Monsieur D. avait pensé qu'un jumelage entre les deux cités ne pouvait avoir que des effets bénéfiques. M. Bèche, de son côté, était très ouvert à ces questions de rapprochement entre les peuples. Il trouva l'idée excellente, d'autant plus qu'elle s'intégrait parfaitement dans le programme en cours concernant l'exposition sur l'Afrique Noire. Le projet, soumis au Conseil Municipal de Niort, fut adopté sans difficulté et il en fut de même à Atakpamé où le Conseil désigna M. Joachim H. pour le représenter à Niort et signer l'acte de jumelage.
La cérémonie se déroula le dimanche 4 mai 1958, le jour de l'inauguration de la Foire. Elle eut lieu place de la Brèche, devant le commissariat surmonté des drapeaux français et togolais. M. Bèche, entouré de tous les membres de son Conseil Municipal, y reçut le représentant la ville d'Atakpamé.
Si la foire et l’exposition connurent un grand succès le jumelage lui tomba progressivement dans l’oubli, la situation politique devenait assez trouble en France avec la guerre en Algérie, la fin de la quatrième république puis l’arrivée au pouvoir du Général De Gaulle et la décolonisation qui allait suivre rapidement. Le Togo obtint son indépendance le 21 avril 1960. Son premier dirigeant fut Sylvanus Olympio. Il fut renversé et tué le 13 janvier 1963 lors d’un coup d’Etat organisé par Gnassingbé Eyadéma. Le jumelage était déjà aux oubliettes depuis cinq ans …..Il y restera au total vingt huit ans.
Pour la suite de ce billet je reprends l’essentiel du dossier préparé par le Président de l’Anjca le toujours jeune et dynamique André Pineau. Qui mieux que lui pouvait décrire cette belle aventure :
« De nombreuses années s'écoulèrent lorsque, dans sa séance du 20 février 1984, le Conseil Municipal de Niort approuva à l'unanimité la proposition du Conseiller, André Pineau, qui proposait le jumelage de la ville de Niort avec une ville africaine dans le but de participer à une réelle solidarité internationale pour le développement d'une ville du continent voisin.
Cette proposition avait été préparée en accord avec le Maire de Niort, M. René Gaillard. A la Mairie de Niort, plus personne n'avait en souvenir l'acte signé en 1958 et le maire chargea André Pineau de prendre contact, à Paris, avec la Fédération Mondiale des Villes Jumelées, présidée à ce moment-là par M. Pierre Mauroy. La FMVJ, qui avait de nombreuses demandes de jumelage en attente, proposa à Niort une ville de Burkina-Faso. Des courriers furent alors échangés.
Mais voilà qu'une lettre arrive à la mairie de Niort, en provenance du maire d'Atakpamé, M. Kossi Ayéna. Ce dernier, en feuilletant les archives, venait de découvrir le fameux acte de jumelage de 1958. A partir de ce moment-là, les correspondances débutèrent entre les deux villes. Pour préparer le jumelage-coopération avec Atakpamé, André Pineau entrepris de se déplacer à Angoulême, Chauvigny et Angers, des villes qui étaient déjà en jumelage-coopération avec des villes du Mali et du Burkina-Faso : Ségou, Banfora et Bamako. Ces contacts avaient pour objet d'écouter les expériences des autres et d'en tenir compte afin de préparer dans les meilleures conditions un premier déplacement, sans forcément vouloir copier les autres villes, chacune ayant son propre contexte. Ces démarches furent extrêmement fructueuses pour l'avenir de la coopération avec Atakpamé…..
Une première délégation de quatre élus municipaux dont André Pineau ainsi que deux représentants d'associations, la Cimade et de Terre des hommes se prépara au premier déplacement à Atakpamé. Au retour, ces deux associations ne poursuivront pas dans cette coopération.
Le premier déplacement était programmé pour la semaine du 11 au 18 janvier 1986. Malheureusement, quelques jours plus tôt, la ville de Niort pleurait le décès de son maire René Gaillard.
La veille du départ, alors que tout était prêt, l'Ambassadeur du Togo à Paris téléphone à André Pineau pour lui indiquer que « la délégation niortaise n'était pas attendue à Atakpamé ». Le remboursement des billets d'avion n'étant pas possible, pas plus que le contact téléphonique avec Atakpamé, la délégation s'envola pour le Togo en se disant, qu'après tout, elle ferait un circuit touristique dans ce beau pays que l'on appelait à l'époque "la Suisse de l'Afrique".
A son arrivée à Lomé la délégation logea à l'hôtel de la Paix et là, surprise, un petit billet découpé dans un cahier d'école leur fut remis à l'accueil. Ce petit papier disait : "rendez-vous demain matin à 10 heures à l'entrée de la ville d'Atakpamé". Le circuit touristique élaboré dans l'avion était remis en cause et, effectivement, à 10 heures, à l'entrée de la ville d'Atakpamé, dans la chaleur et la poussière, une foule énorme attendait la délégation niortaise à la hauteur du collège d'Agbonou.
Des enfants, par milliers, avec de petits drapeaux français, étaient présents. Inoubliable accueil du Sage de la ville : "Iba", mais aussi ce chevreau blanc égorgé en signe de bienvenue, les chants et danses… Indescriptible moment dans la poussière, la chaleur et l'émotion.
Et la délégation avait en mémoire ce coup de fil de l'ambassadeur !!! Pourquoi ???
Le lendemain, après la visite de la ville, ce furent les premières réunions de travail pour mettre au point, cette fois, un protocole de jumelage-coopération et pour préciser l'esprit de cette coopération reposant à la fois sur les deux municipalités qui en ont la responsabilité et sur deux associations qui auront pour tâche de mettre en œuvre cette coopération en y associant toutes les composantes des deux villes, au-delà des clivages politiques ou religieux.
Le 14 janvier 1986 ce fut l'inauguration de la "rue de Niort" et le moment de la signature du texte du jumelage-coopération signé cette fois par M. Alfa Abalo Préfet- Maire pour la ville d'Atakpamé et par M. André Pineau Conseiller Municipal pour la ville de Niort »
Des débuts difficiles mais réussis d'une coopération décentralisée qui fut depuis vingt cinq ans donnée en exemple de ce qu'il faut faire.
(A suivre)