Blog à part... Pour une rue Félix Eboué à Niort.... et dans toutes les villes où il n'y en a pas..
Rappel : En cette période de pandémie et qui plus est estivale j'ai réduit ma production d'articles que je complète (1 sur 2) par d'anciens articles. Celui qui suit est paru le 18 juin 2011 et je le remets à la date d'aujourd'hui sans autre modification. j'ai d'ailleurs conservé dans ce texte, après quelques hésitations, l'influence et participation, de mon ami Alain qui est décédé le 2 mai 2012.
C’était le jour pour écrire un billet sur Félix Eboué qui, en tant que gouverneur général de l’Afrique Equatoriale Française, accueillait le général de Gaulle à Brazzaville le 27 octobre 1940, en terre de souveraineté française, offrant au chef de la France libre une assise nationale.
Ce billet je le pensais, je le ruminais depuis quelques mois, depuis qu’à Niort la municipalité a ouvert la boite à idées pour choisir des noms de rues pour les nouveaux quartiers et depuis que j’avais relevé, en consultant le dictionnaire des noms des rues de Niort qu’il n’y en avait pas. Dans cet ouvrage en deux tomes, le tome 1 datant de 1931 écrit par Henry Clouzot et Alphonse Farault et le tome 2 de 2006 de Daniel Courant, il y a bien, et heureusement, une rue Victor Schoelcher l’initiateur de l’abolition de l’esclavage dans les colonies décrétée le 20 avril 1848 par le gouvernement de la Seconde République. Les édiles niortais qui, en 1995 ont honoré une rue de leur ville du nom de ce grand républicain avaient oublié, ou ne savaient pas, que le 20 mai 1949 le gouvernement français avait rendu un hommage commun à Schoelcher et à un autre grand serviteur de la république, le guyanais Félix Eboué. Les cendres des deux illustres personnages étaient transférées au Panthéon. Le blanc et le noir, l’abolitionniste et le petit fils d’esclave ensemble : Tout un symbole ! Alors pourquoi ne pas les réunir aussi à Niort ?
Ce billet j’y avais pensé en septembre dernier puis encore en février à Cayenne en passant devant la maison où Félix Eboué naquit et passa son enfance.
J’y ai encore pensé le 5 avril dernier lors du magnifique hommage au Panthéon à Aimé Césaire….. J’eusse seulement aimé que les journaux, la télévision aient aussi une pensée pour son prédécesseur ultra-marin.
J’avais donc demandé à l’élue de mon cœur de faire cette proposition en mairie. Chose faite, il me restait à confirmer en envoyant une demande par lettre ou mail au responsable de la commission et à l’adjoint en charge Frank M.
Ce samedi 18 juin me semblait être un bon jour pour entreprendre cette démarche pour un compagnon de la libération…. A tel point que je n’ai pas arrêté d’en parler. D’abord avec Franck, croisé par hasard dans un grand magasin de bricolage…
…. Puis ensuite au marché où nous avons rencontré nos amis Alain et Nadine…. Quelques échanges mais Alain, maire d’Aiffres et conseiller général, ne pouvait pas s’attarder pour cause de cérémonie du 18 juin. « Moi aussi je suis pressé-lui dis-je-je dois écrire en ce jour de commémoration un billet sur Félix Eboué.»
En début d’après midi Alain m’appelait pour me signaler que lors des cérémonies officielles, il avait lu un message du Ministre de la Défense et des anciens combattants, un message lu partout en France et qui évoquait le rôle de Félix Eboué…… Ma première réaction fut de penser que cet « enfoiré » de Ministre me volait mon idée, j’étais furieux et puis…..
Et puis je suis allé sur Internet à la recherche du message, dont voici l’essentiel…
« ……En cette année des outre-mer, un hommage tout particulier doit être rendu aux ressortissants de ces terres lointaines qui ont fait le choix de la résistance……
Ces évènements sont le fait de femmes, d’hommes unis dans un même amour de leur patrie meurtrie et dans un même rejet de la compromission et de l’injustice. Ils furent, en cela, les dignes compagnons de Félix Eboué, grande figure de l’Outre-mer, originaire de Guyane, qui reste en tant que gouverneur du Tchad, l’un des premiers à avoir répondu à l’appel du 18 juin….. »
Et puis je me suis dit que dans le fond ça devrait renforcer ma démarche….
Et puis je me suis demandé si je ne manquais pas un peu d’ambition en réclamant une rue d’un nouveau quartier….. Du coup pourquoi ne pas demander plus ?
Un débat anime actuellement le microcosme niortais. A juste titre la majorité municipale veut débaptiser la rue qui relie la place des halles à la Mairie de Niort. Franchement une municipalité de gauche solidaire ne peut s’accommoder du nom de Louis Adolphe Thiers qui fut certes président de la République mais qui fut aussi le fossoyeur de la Commune. Bien sûr Niort est à gauche depuis longtemps, mais justement on a déjà perdu trop de temps et il est temps de passer à autre chose. Cette rue s’appelle Thiers depuis 1878 (Thiers n’était mort que depuis quelques mois). Il ne semble pas que l’opposition soit complètement hostile à ce changement de nom, sauf qu’elle ne sera pas, par principe d’accord avec le choix de la majorité : Divers noms ont déjà été proposés dont la rue de la Commune ou la rue de la solidarité. Un conseiller municipal réclame Jean Ferrat, un ancien conseiller de droite s’est épanché dans la NR pour Georges Pompidou,….oubliant qu’à Niort il y a déjà un boulevard Pompidou…… Je me dis qu’une proposition rue Félix Eboué labellisée par le ministre pourrait faire consensus et que tous les élus unis pourraient « Jouer le jeu » (en souvenir d’un célèbre discours de Félix Eboué)
Il est peut –être temps que je fasse une brève biographie du grand personnage pour ceux qui ne le connaissent pas. (Eléments tirés de plusieurs sites internet)
« Félix Eboué est né à Cayenne le 26 décembre 1884, dans une famille de cinq enfants. Petit fils d’esclave, fils d’orpailleur c’est surtout sa mère, épicière qui eut en charge l’éducation des enfants entre traditions guyanaises, catholicisme et école laïque. Après une brillante scolarité à Cayenne, il obtint à 14 ans une bourse pour continuer ses études en métropole et se retrouva à Bordeaux au lycée Montaigne où il continua à exceller dans les études mais aussi au football. Après avoir obtenu son bac ès lettres il s’installa à Paris où il suivit en parallèle l’enseignement de l’Ecole coloniale et des études de droit. Il obtint à 22 ans sa licence à la faculté de droit.
En 1910, administrateur des colonies, il est affecté en Afrique Equatoriale, d’abord à Madagascar puis en Oubangui-Chari….Il s’y fit remarquer comme un administrateur pas comme les autres. Un homme d’une dimension humaine rare, s’efforçant d’apprendre les us et coutumes des administrés pour mieux les comprendre.
Il tenta de concilier une politique de modernisation et de maintien de la culture africaine. Ainsi il favorisa le développement de productions nouvelles comme le coton, développa les réseaux d’infrastructures routières et ferroviaires tout en s’efforçant de maintenir les cultures vivrières et en s’initiant en toutes régions aux langues et traditions indigènes (il publia d’ailleurs plusieurs études). Partisan de l’association et non de l’assimilation, il se heurta souvent à sa hiérarchie ce que n’arrangeait pas son adhésion en 1928 à la ligue des droits de l’homme. Félix Eboué voulait assumer le pari d’être à la fois un administrateur colonial rigoureux et un humaniste intransigeant. Il fut aussi membre de la SFIO, franc-maçon, et chevalier de la Légion d’Honneur en 1927 à 43 ans.
En 1933 il fut muté comme Secrétaire Général de la Martinique puis en 1934 au Soudan (Mali). En septembre 1936 il fut nommé Gouverneur.de la Guadeloupe pour appliquer la politique du Front Populaire. C’est dans ces terres qu’il prononça son célèbre discours « Jouer le jeu » adressé à la jeunesse d’outre-mer :
En 1938 devant la menace d’un futur conflit il fut choisi comme Gouverneur du Tchad avec pour mission de lancer de grands travaux d’infrastructure qui permettraient une grande mobilité des troupes françaises en Afrique, notamment pour rejoindre l’Afrique du Nord.
Dès le 18 juin 1940 Félix Éboué se déclara partisan du Général De Gaulle, dont il a entendu l'appel à la radio. Le 26 août à la mairie de Fort Lamy il proclama, avec le commandant militaire du territoire, le ralliement officiel du Tchad à De Gaulle donnant ainsi une légitimité politique à la France libre, jusqu'alors dépourvue de tout territoire. Le 15 octobre Félix Éboué reçu De Gaulle à Fort Lamy qui allait le nommer, gouverneur général de l’Afrique équatoriale française. Le 27 octobre il accompagnait et recevait officiellement le Général à Brazzaville où toute l’AEF se ralliait au chef de la France libre. Le 29 janvier 1941 il figurait parmi les cinq premières personnes à recevoir du général De Gaulle la croix de l’ordre de la libération.
Il transforma l’AEF en une véritable plaque tournante géostratégique d'où partirent les premières forces armées de la France libre conduites par le général Leclerc.
Résidant à Brazzaville il organisa une armée de 40 000 hommes et accéléra la production de guerre où il peut enfin appliquer la « politique indigène » qu'il eut le temps de mûrir au cours de sa longue carrière, convaincu que l’autorité française ne peut se maintenir durablement en Afrique noire sans une profonde réforme de sa politique coloniale.
Le 8 novembre 1941 il formalisa par une circulaire le respect du droit couturmier, l’association à l’administration des conseils africains, la formation des cadres indigènes, l’extension des contrats de travail. En juillet 1942 le général de Gaulle signait trois décrets allant dans ce sens.
Le 30 janvier 1944 le chef de la France Libre ouvrait à Brazzaville une conférence sur l’avenir les territoires d’Afrique. Si la rupture avec les anciennes méthodes coloniales était confirmée Eboué ne fut pas satisfait des nouvelles recommandations qui rejetaient toute autonomie à terme….. Seule avancée démocratique une représentation élue des territoires africains.
Fatigué Félix Eboué partit en vacances avec sa famille tout en continuant à œuvrer aux relations diplomatiques. Il séjourna en Syrie, puis en Egypte où il fut victime d’une congestion pulmonaire. Il s’éteignit le 17 mai 1944 à l’âge de 60 ans
Félix Eboué avait épousé en 1922 Eugénie originaire de Saint Laurent du Maroni. Ils eurent deux enfants Charles et Ginette qui fut l’épouse de Léopold Sédar Senghor. Il avait eu aussi deux autres fils de précédentes unions en Afrique, Henry et Robert ce dernier décédé en début d’année 2011.
Tous ses enfants ont combattu dans les Forces françaises libres.
La France par la loi du 28 septembre 1948 ordonna que soient transférés au temple de l’Immortalité, les restes du Premier Résistant de la France d’Outre-mer….. Il fut inhumé au Panthéon en compagnie de Victor Schoelcher.
Hommages :
« Le général de Gaulle en 1944: …. La patrie et tout l’Empire sont en deuil de Félix Eboué. Gouverneur Général de l’Afrique et compagnon de la libération. Chaque français sait et se souviendra qu'en maintenant en guerre, au pire moment de notre histoire le territoire du Tchad dont il était Gouverneur, Félix Eboué a arrêté aux lisières du Sahara l’esprit de capitulation….et consacré un refuge à la souveraineté, assuré une base de départ au triomphe de l'honneur et de la fidélité..... »
« Gaston Monnerville en 1948. Homme politique guyanais qui fut Président du Sénat : …. C’est un message d’humanité qui a guidé Félix Eboué, et nous tous. Résistants d’outre-mer, à l’heure où le fanatisme bestial menaçaient d’éteindre les lumières de l’esprit et où avec la France risquait de sombrer la liberté…. »
« Poème de Léopold Senghor écrit en 1942 : …. Extrait de ‘’Hosties Noires’’ :
Ebou-é ! Et tu es pierre sur quoi se bâtissent le temple et l’espoir,
Et ton nom signifie « la pierre » et tu n’es plus Félix, je dis Pierre Eboué….
Tu es la fierté simple de l’Afrique mienne, la fierté d’une terre vidée de ses fils…. »
« André Malraux mars 1946: …. Inscription qui figure sous la statue Félix Eboué, place des palmistes à Cayenne :
....Passant va dire aux enfants de notre pays de ce qui fut le visage désespéré de la France, les yeux de l’homme qui repose ici, n’ont jamais reflété que les traits du courage et de la liberté.»
(A suivre)