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Histoire de rôles.... Hermione, c'est loin l'Amérique ?

17 Octobre 2010 , Rédigé par daniel Publié dans #Histoire de rôles

Rochefort n’est pas bien loin et c’est en moins d’une heure qu’on rejoint cette ex-ville neuve qui s’est bâtie à la fin du XVIIème autour de l’Arsenal militaire, voulu en 1666 par Louis XIV sur les conseils de  Colbert de Terron, intendant général des armées royales du Ponant.

Le royaume avait alors besoin d’un nouveau port, celui de Brouage dont Colbert de Terron avait été gouverneur, s’envasait. Pour Louis XIV et  son ministre Colbert (le cousin du Terron) le choix de La Rochelle, la parpaillote, était impensable et Fouras, malgré la protection des îles d’Oléron et d’Aix, restait trop vulnérable. Le choix de Rochefort, à une quinzaine de kilomètres de l’embouchure de la Charente, semblait judicieux.

L’Arsenal a permis de construire plus de 500 navires pendant deux siècles ; avec les débuts de la révolution industrielle, au XIXèmesiècle, le volume de bateaux construits  diminua considérablement et l’arsenal fut fermé en 1926. Le site présentait aussi beaucoup d’inconvénients car, si la distance à parcourir sur la Charente pour atteindre la rade de Port des Barques était une sécurité militaire, elle posait aussi de gros problèmes pour les plus gros bateaux. Le halage était tributaire des marées, les chargements, y compris des canons et munitions, se faisaient à l’île d’Aix ou à Port-des barques.

Toutes ces contraintes, tous ces travaux de force pour la construction, le halage et les opérations de chargements-déchargements conduisirent à implanter en 1777 un bagne à Rochefort.

La corderie royale, un bâtiment de 375 m de long sur 8 m de large est une véritable prouesse technique pour l’époque.  Réalisé par l’architecte Blondel, ce bâtiment repose sur sol compressible par l’intermédiaire d’un ensemble de radiers en bois de chêne. La longueur du bâtiment principal et central permettait de réaliser des cordages d’un seul tenant de 200 mètres de long. La corderie fournit des cordages à la marine jusqu’en 1867. Le développement de la marine à vapeur avait condamné cette industrie. Occupée par les allemands pendant la guerre la Corderie fut en grande partie détruite par un incendie en 1945 mais elle fut restaurée dans les années 80. 

Parmi les fleurons de l’Arsenal il y eut l’Hermione qui prit un bon vent d’Amérique (il y eut aussi la Méduse qui prit un mauvais vent d’Afrique).

 

images[1]280px-Hermione au combat de Louisbourg 1781[1]

L’Hermione est une des quatre frégates à voiles construites à l’Arsenal de Rochefort à la fin du XVIIIème siècle. Ces frégates étaient des bâtiments rapides et plus légers que les vaisseaux qu’ils accompagnaient généralement dans une escadre en jouant le rôle d’éclaireur ou de soutien aux bateaux plus lourdement armés. L’Hermione fut construite en 1779 en moins de dix mois. Le capitanat de la frégate fut remis à un grand marin né en 1745 à Rochefort, Louis Levassor de Latouche-Tréville. Il testa la frégate avec succès dans le golfe de Gascogne pendant plusieurs mois avant de se voir assigner sa mission qui était d’accompagner Le Marquis de La Fayette en Amérique puis ensuite de participer aux combats contre la marine anglaise.

Gilbert du Motier de La Fayette est plus jeune que Latouche-Tréville car quand ces deux hommes se rencontrent en 1780 il n’a que 23 ans. Né en 1757 au château de Chavaniac en Auvergne, il fut orphelin et très riche à 14 ans. Homme pressé il se maria à 16 ans avec Adrienne de Noailles de deux ans sa cadette, puis fougueux adepte des lumières et franc-maçon, il fut gagné à la cause des insurgés américains par son ami Benjamin Franklin.

Il s’embarqua, sans autorisation « formelle » des autorités royales, d’un port espagnol sur la « Victoria » le 20 avril 1777 pour aller, en Amérique, soutenir les partisans de l'indépendance. Il n’avait pas 20 ans. Pendant deux ans il participa héroïquement aux combats. Il se lia d’amitié avec Georges Washington et intégra son état major puis se vit confier par son mentor américain une mission diplomatique auprès du roi de France pour obtenir une aide militaire de la France pour repousser les anglais.

La Fayette rentra en France le 6 février 1779 et pendant une année il ne cessa d’intervenir auprès du cabinet du roi pour obtenir cette intervention française. Il finit, avec l’appui bienveillant de Vergennes le ministre des affaires étrangères, par avoir gain de cause : J’emprunte quelques lignes à Claude Manceron « Les hommes de la liberté. Le vent d’Amérique »

«  Pendant tout l’hiver, il avait été le moustique de ce char de l’Etat qui marchait au pas des bœufs. Maurepas s’écriait que « ce jeune homme serait capable de démeubler Versailles pour aider les américains »…..

…..Au début de février, il avait enfin appris leur décision, à force de les secouer. On se gardait de lui donner le commandement du corps expéditionnaire, ne fut-ce qu’en raison de son idolâtrie pour Washington. Mais on se débarrassait de lui en l’envoyant préparer le débarquement et servir d’intermédiaire entre les forces américaines et françaises. A la tête de ces dernières, Louis XVI mit Rochambeau un vieux briscard des guerres d’Allemagne…..

….La Fayette même déçu, est parti comme un trait. Une année d’Europe avait suffi pour lui donner le mal d’Amérique ; Et là-bas, tout de même, on le regardait comme un vrai général….

….Le 6 mars La Fayette est parti de Paris pour la seconde fois. Quel changement ! Il venait d’être complimenté par le Roi et encouragé par la Reine….Il n’avait pas passé plus de 10 jours d’affilé auprès d’Adrienne, son épouse à laquelle il écrit le 10 mars

« Me voici depuis hier à Rochefort, mon cher cœur et ce matin je vais me rendre à bord de la frégate l’Hermione », un beau trois mâts armé pour lui tout seul, comme un prince…. « J’ai été infiniment content de M. de la Touche ….les vents tournent du bon côté…. Voici le moment d’appareiller…. »

Faux départ et retour le 18 mars sur le continent… « Le mauvais temps joint à la perte d’une grand verge nous a obligé à regagner Rochefort. Cette petite contrariété va nous retenir ici jusqu’à ce que le beau temps permette notre sortie. Une fois l’équinoxe passée nous aurons des vents superbes…. »

Le 20 mars, l’Hermione avec La Touche-Tréville, La Fayette et 300 hommes, filait toutes voiles dehors vers le nouveau monde. Six jours plus tard Rochambeau arrivait à Brest pour préparer le départ de sa petite armada du corps expéditionnaire : 32 bateaux, 4 régiments, 5000 hommes qui s’élancèrent vers l’Amérique avec un mois de retard sur l’Hermione.

La frégate entra dans le port de Boston le 28 avril 1780 après 38 jours de traversée. La veille il avait envoyé une lettre au Général Washington « Je suis ici mon cher Général, et au milieu de la joie que j’éprouve à me retrouver un de vos fidèles soldats, je ne prends le temps de vous dire que je suis venu de France à bord d’une frégate que le Roy m’a donnée pour mon voyage…. J’ai des affaires de la dernière importance que je dois communiquer à vous seul… »

La Fayette quitta définitivement l’Hermione le 2 mai 1780 pour rejoindre Georges Washington à Morristown.  Il prit ensuite largement sa part à la victoire décisive de Yorktown avant de rentrer en France le 17 juin 1782 : un héros de 25 ans qui connut un triomphe en France et dans l'Europe hostile à l'Angleterre.

Je ne peux pas ne pas évoquer son expérience de planteur en Guyane et l'exploitaion de la Gabrielle en affranchissant les esclaves, et en en faisant des salariés. Ce fut un échec mais du moins cherchait-il à mettre en pratique ses idées.

 Il prit, bien sûr,  une part très importante dans les débuts de la Révolution française, avant de se trouver en péril lors des années terribles. Après des années de captivité et d’exil, il rentra en France mais ni Napoléon, ni les Bourbons, ni même Louis Philippe n’eurent très longtemps ses faveurs. Il mourut en 1834 à 77 ans.

  celebre[1]combatlouisbourg400 004210900 1924 14072007[1]

La Touche-Tréville, l’autre régional de ce billet avec l'Hermione, eût aussi une superbe et aventureuse carrière. Après le départ de La Fayette, il resta aux commandes de l’Hermione.  Il rejoignit l’armada de Rochambeau et combattit les anglais au large de Terre neuve auprès du vaisseau commandant de La Pérouse. Il participa ensuite en mars 1781 à la bataille  de Chesapeake, victoire décisive de la flotte qui permit quelques mois plus tard la défaite des anglais à Yorktown.

Au début de la Révolution La Touche-Tréville, député de la noblesse aux idées libérales, fit partie comme La Fayette, et comme lui franc-maçon, de ceux qui fondèrent les bases de la démocratie, des libertés. 

Comme La Fayette il eut des ennuis pendant la période Robespierre et évita de peu la guillotine. En 1801 Bonaparte lui confia le commandement de la flotte chargée de combattre les anglais. Il mourut à Toulon en août 1804. 

L’Hermione, de retour d’Amérique sans La Fayette et perdant La Touche Tréville promu, accompagna une escadre commandée par Suffren en partance pour contrer les anglais sur la route des Indes. De retour en France en 1784 et sans mission particulière elle fit naufrage, suite à une erreur de navigation, au large du Croisic en 1793.

Anesthésié depuis 1927, l’arsenal de Rochefort revit depuis 1997 avec le chantier de reconstruction de l’Hermione.

Ce projet de reconstruction, à l’identique et selon les techniques de l’époque de la frégate de la liberté, a vu le jour dans les années 90, à l’initiative de la Ville de Rochefort et du Centre international  de  la  mer. L’objectif était de  rendre à Rochefort sa vocation de ville-arsenal en faisant  de  ce  chantier, qui devait  durer une  dizaine d’années, un pôle  culturel  et  touristique.

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S’appuyant sur l’association « Hermione La Fayette», dont le fondateur est l’écrivain Eric Orsenna et le président un américain M. Donnelly, le projet s’est concrétisé progressivement. D’abord en procédant en 1993 au dévasement de la double forme du radoub historique construit en 1728 et inutilisé depuis la fin du XIXème siècle puis en 1994 le chantier pouvait être vraiment  lancé.

Il fallait construire selon les plans de l’ingénieur-constructeur Chevillard Aîné cette frégate de 1200 tonnes, longue de 65 m, de largeur maximale 12 m, disposant de trois ponts et comptant trois mâts pour une voilure potentielle de 1500m2, en respectant au plus près la réalité historique et les techniques traditionnelles. Clouées et chevillées de bronze, les pièces de charpente sont en chêne massif.

La construction de la charpente fut confiée à l’entreprise Asselin, de Thouars (Deux-Sèvres).

Le chantier est ouvert tous les jours au public qui contribue ainsi à près de 50% au financement des travaux, le reste des fonds provenant de subventions des collectivités territoriales, Ville, Département région plus une participation du ministère de la culture et de l’Union européenne.

Quand l’Hermione sera terminée elle refera le parcours vers l'Amérique ; c’était initialement prévu pour début 2011 avec une arrivée à Boston le 4 juillet 2011, jour de la fête de l’indépendance, mais d’actuels retards de planning liés à des problèmes de financement laissent à penser que cela sera plus vraisemblablement courant 2012 pour une arrivée impérative un 4 juillet.

Le chantier se visite donc et nous y sommes déjà allés trois fois. Une première fois avec Claudine et Jean Pierre en juillet 2007, une seconde fois avec Malou et Jean à l’automne 2008, et puis seuls, Pilou et moi, il y a une quinzaine de jours.  Pour la première fois nous avons effectué une visite guidée de l’intérieur : fabuleux voyage au radoub de Rochefort en rêvant d’un voyage sur l’océan direction Boston.

Hermione c’est loin l’Amérique ? Tais-toi et rame…..

 

Blague à part, le prochain billet sera un reportage-photos de cette récente visite sur le chantier de l'Hermione.

(A suivre)

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F
<br /> ''votre nom pour l'Hermione''. Sur le site ''Hermione'' et pour 10 euros votre nom sera inscrit auprès de tous ceux qui auront contribué à la fabrication des voiles (1500 m2) de ce trois mats qui<br /> prendra la mer vers les Amériques.<br /> <br /> <br />
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