Didi..........................L'affiche du film Play Time.
Information : Cet article a déjà été publié le 20 juin 2014. J'en propose une seconde publication, sans le moindre changement... Je l'avais fait 4 mois après le décès de mon oncle Didi. J'en avais aussi fait un le 28 mars 2014, un mois après ses obsèques, comme je l'indique en début d'article qui concerne plus précisément le rôle de Didi sur l'affiche du film. Je compte revenir dans quelques jours sur ce travail et sur la personnalité de Jacques Tati grâce à des documents que m'avait donné mon oncle, que j'avais quelque peu oubliés, et que je viens de retrouver
Ce billet comme le précédent « Oncle Didi….Pour parler encore un peu de lui » est un recueil de paragraphes anciens dispersés dans d’autres catégories que dans celle référencée « Didi ».
J’ai raconté l’essentiel de l’histoire de la participation de mon oncle à la création de cette affiche dans un billet dédié à Jacques Tati « Ciné-cure…..Les vacances de Monsieur Hulot ». De ce fait ce billet est passé quelque peu inaperçu même pour des membres de ma famille. Inversement ce choix a sans doute permis à un expert-collectionneur d’en prendre connaissance et de me contacter pour en savoir plus.
Actes Sud a publié en 2004 un livre présentant les plus belles affiches de cinéma, choisies par Alberto Castagna, Grand cinéphile, collectionneur, commissaire d’exposition qui a fondé en 1974 la célèbre librairie de la Via Giolitti à Rome. Dans ce livre figurent plus de 300 affiches mythiques dont celle de Play Time. Parmi la cinquantaine d’affiches de films des années 60, celle de Play Time se trouve référencée (page 280) pour l’année 1966 avec ‘’Un homme et une femme’’ de Claude Lelouch, ‘’Blow up’’ d’Antonioni et ‘’ Un homme pour l’éternité ‘’ de Fred Zinnerman. En fait le film est sorti en décembre 1967 et aurait du être positionné quelques pages plus loin avec ‘’Le Lauréat'' de Mike Nichols, ‘’Belle de Jour’’ de Luis Bunuel et ‘’ Les douze salopards’’ de Robert Aldrich. Belle concurrence et qu’importe le cru pourvu qu’on ait l’ivresse de la nomination…..
Billet « ciné-cure »de novembre 2007 : Jacques Tati le réalisateur de « Mon oncle » peut être son meilleur film, et mon oncle à moi, Didi qui a travaillé à la réalisation des décors de « Play time »: Tout cela dans mon imagination c’est le même monde.
Didi au studio, pendant les pauses, s’adonnait à sa passion artistique en faisant des sculptures et des tableaux en fer forgé et en cuivre. A l’époque où il travaillait sur les décors de « Play time » il a consacré beaucoup de temps à l'une de ses plus belles réalisations artistiques : le matin avant l’embauche, le soir après la débauche et à chaque pause, il se remettait à l'ouvrage inspiré par les décors sur lesquels il travaillait le reste de la journée. Cette œuvre il la présenta à un concours départemental des beaux arts et obtint une récompense (médaille de bronze) qui lui fit chaud au cœur. Ensuite, cet ensemble étant quelque peu encombrant, il le ramena dans son atelier aux studios……où Tati a fini par la voir. Etonné et séduit il fit une curieuse demande à mon oncle : « Didi, c'est formidable ce que tu as réalisé, pourrais tu me le céder pour servir de modèle à l'affiche du film. »
Mon oncle, flatté, donna son accord qui fut ensuite officialisé par une lettre contrat du 30 juin 1967. Si le film Play time n’a pas été un succès commercial, l’affiche elle a bien marchée…elle est même restée culte, postérisée, et c’est un peu grâce à mon oncle.
Voici la copie de la lettre qui formalisait le contrat :
« Cher Monsieur, Lors de la Production de notre film Play Time pour lequel vous avez travaillé, vous avez, de votre propre initiative, construit une maquette métallique reproduisant, en l’interprétant, le décor principal du film. Cette réalisation ayant obtenu notre approbation complète, nous vous avons manifesté notre désir de nous servir de cette maquette pour la reproduire et l’utiliser sous toutes formes. Ceci rappelé, nous vous confirmons notre accord verbal :
1. Vous nous cédez, à compter de ce jour, les droits d’auteur attachés à cette maquette et ce, pour une durée de 30 années qui expirera le 30 juin 1997.
2. Cette cession comporte le droit de reproduction de la dite maquette par tous les moyens connus et inconnus à ce jour, y compris le droit d’en insérer les reproductions dans toutes éditions graphiques ou non que nous déciderons ainsi que l’exploitation, l’utilisation matérielle, le reproduction en nombre d’exemplaire laissé à notre choix, et, en général, l’utilisation de la maquette dont s’agit sous toutes formes connues ou inconnues à ce jour, dans le monde entier.
3. La présence cession est consentie et acceptée pour un prix de 500 F (cinq cent francs) que nous remettons, sous ce pli en un chèque …….
4. Nous, nous réservons le droit de céder le bénéfice total ou partiel du présent accord à tout tiers ou Société qu’il nous plaira désigner, à la seule charge pour notre Société de stipuler en votre faveur des avantages équivalents et de demeurer garants et répondants solidaires avec le cessionnaire de l’exécution intégrale de la présente convention. Pour la bonne règle, vous voudrez bien nous donner votre accord sur les termes ci-dessus en nous retournant le double de la présente, revêtu de votre signature, précédée de la mention «lu et approuvé, bon pour accord». Veuillez, agréer, Monsieur, l’expression de nos sentiments dévoués.
Pour la Société SPECTA-FILM Le Gérant B. MAURICE.
Deux remarques sur ce charabia juridique : D’abord 500 F ce n’était pas cher payé (à l’époque, et selon Didi, cela lui faisait un mois de salaire), mais surtout appeler maquette une œuvre qui a déjà été primée dans un concours. Bon, ok Tati était fauché mais c’est quand même un peu mesquin. Si le film Play time n’a pas été un grand succès commercial, l’affiche eut beaucoup de succès et c’est bien un peu grâce à mon oncle.
En novembre 2007 Didi lisait régulièrement mon blog et il avait pris connaissance de ce billet. Il m’avait d’ailleurs fourni les éléments comme la lettre- contrat et des photos. Il m’aida aussi beaucoup pour les quatre billets de juin et juillet 2008 « Didi fait du cinéma … Le jour le plus long » « Didi …. La vie d’artiste 1 et 2 » et « Le cinéma de Didi …La révolution français ».
Et puis le temps passant la rubrique Didi me servait surtout à parler de notre famille, de généalogie et encore un peu de la résistance. Il m’arrivait aussi dans la rubrique Ciné-cure d’évoquer un film pour lequel mon oncle avait travaillé et je le citais au passage comme dans les récents billets sur Henri-Georges Clouzot, Georges Lautner ou, plus lointain, Gérard Oury…… Mais Didi à partir de 2010 n’intervenait plus guère sur internet.
Surprise à l’automne 2012 un expert collectionneur me contactait après avoir lu mon billet consacré à Jacques Tati.
Billet « Moments de vie » d’octobre 2012 : ……Je trouvai sur mon ordinateur un message fort intéressant. Il provenait, via over-blog, de J.P, un collectionneur d’affiches. Il m’indiquait qu’il s’intéressait depuis longtemps à René Ferracci, un célèbre affichiste. J’avoue m’être précipité immédiatement sur Google pour en savoir un peu plus. Ferracci fut un grand créateur d’affiches de cinéma. Il est mort en 1982 à l’âge de 55 ans et fut honoré par un César d’honneur en 1986 pour l’ensemble de son œuvre. J.P me disait, dans son mail, que l’histoire de l’affiche de « Playtime », l’une des plus belles de Ferracci et de toute l’histoire du cinéma, était très importante pour lui. Il savait que cette affiche avait été réalisée en prenant pour modèle une sculpture réalisée par André Baudin mais qu’’il n’était jamais arrivé à savoir qui était cet artiste. Par une amie qui était venue sur mon blog il avait enfin pu lever le mystère et il me demandait de le rappeler pour lui fournir plus d’informations. Il affirmait que « La part de l’un et l’autre est importante car la maquette de votre oncle est très intéressante, très forte et ce qu'en a fait Ferracci aussi. Bref à eux deux, ils ont fait du bon boulot. Pour moi c’était très important de trouver ces infos car beaucoup de gens, y compris de grands collectionneurs pensent que Ferracci avait commandé le visuel, avec les couleurs et les petits personnages à un illustrateur… ». Très ému de voir le talent de mon oncle Didi reconnu par un expert, je l’appelais immédiatement pour une discussion qui fut passionnante. Je n’en dis pas plus aujourd’hui mais peut-être y reviendrai-je plus tard, surtout si J.P et Didi, actuellement bien fatigué, peuvent se rencontrer, en ma présence bien sûr.
Autre billet d’octobre 2012 …..Je dois donner des nouvelles de mon oncle Didi que j’ai trouvé en moyenne forme, certes fatigué mais pas si mal pour quelqu’un qui sortait de l’hosto. Il a toujours un bon coup de fourchette et d’ailleurs on mange très bien dans son foyer de retraite. Il était très content de me voir mais aussi de ce que je lui avais appris : à savoir qu’un expert comme J.P se soit intéressé à son travail, sa sculpture qui a conduit à la réalisation de la célèbre affiche de « Play Time » de Jacques Tati. J.P. aimerait pouvoir le rencontrer et c’était la seconde raison de ma venue. Je voulais voir mon oncle avant et juger s’il était en mesure de recevoir quelqu’un qu’il ne connaissait pas. Nous avions convenu que si j’estimais cette rencontre possible, je l'appellerais et qu'il viendrait, alors, faire une rapide visite dans l’après-midi. Didi, fier de cette reconnaissance, ne disait pas non, mais je sentais bien que le stress montait en lui : « Qu’est ce que je vais lui dire à cet homme !.... Je n’entends pas bien j’ai perdu mon appareil auditif à l’hôpital….. Je ne sais pas ce qu’est devenue cette sculpture après le film, ». A 14 H j’appelai J.P pour lui dire que cette visite me semblait un peu prématurée mais c’est lui qui, suite à un contre temps, s’excusait le premier de ne pouvoir venir. Nous avons reporté la rencontre à une date ultérieure, sans doute courant 1er trimestre 2013. Didi en fut, finalement, bien soulagé tout en disant espérer que cette rencontre puisse avoir lieu un jour …..
Cette rencontre n’a jamais eu lieu, car la santé de Didi devenait de plus en plus précaire…. Mais j ’eus plusieurs échanges internet et par téléphone avec Jean Paul qui m’envoya aussi des photos : « Il y a peu, j'ai interrogé les personnes qui gèrent le "fond Tati" : ils m'ont renvoyé de belle photos où l'on voit Tati avec cette maquette métallique, la portant à bout de bras ou dessinant autour, l'œuvre étant fixé au mur... mais ils ne savaient rien de la provenance de cette sculpture...... L'histoire est beaucoup plus belle et la part de chacun peut être, dès lors, clairement énoncée. Bref, je suis très heureux de savoir tout ça. » Moi aussi je suis heureux qu’aujourd’hui quelqu’un, un expert, connaisse cette histoire. Ca a fait plaisir à mon oncle Didi. Je lui en ai encore parlé en novembre 2013 quand je suis allé le voir à l’hôpital. Je l’ai encore vu avec mon frère courant décembre, puis fin janvier, mais le sujet n’était plus alors d’actualité. Il est mort à l’hôpital le 24 février 2014, il venait d’avoir 88 ans. Sur Internet Google on trouve de nombreuses propositions d’achats de posters de cette affiche de Play time référencée Ferracci-Baudin qui se vendent selon le format entre 100 et 250 euros.
http://www.google.fr/#q=Affiche+Playtime+Ferracci/Baudin&spell=1
http://www.cineressources.net/ressource.php?collection=DESSINS&pk=12251
Quand je pense que mon oncle fut tout au long de sa carrière un ouvrier-artisan qui ne fut cité au générique que pour son dernier film avant de prendre sa retraite (La Révolution française de Robert Enrico). Il vivait, en location, dans un modeste appartement de 50 m2 à Champigny sur Marne........ il y a là une certaine injustice.
Fin février j’ai oublié de prévenir Jean Paul du décès de mon oncle. Avec 4 mois de retard il me faudrait lui envoyer un mail. (Si je retouve ses coordonnées....)