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L'éducation du neveu de Didi

23 Novembre 2015 , Rédigé par niduab Publié dans #Didi

C'est avec beaucoup de retard que je me lance dans cette histoire dont je ne suis pas trop fier, encore que .... Car bien évidemment ce neveu de Didi c'est moi, et puis ce parcours cahoteux que je vais raconter très franchement je n'en suis pas le seul responsable...... Didi encore moins ; il me sert surtout de prétexte pour classer ce billet parmi les histoires de ma branche paternelle... Et puis il m'a aussi permis de trouver un beau titre..... façon Did-erot !
Puisque j'évoque la franchise je dois avouer que cet article je ne l'entame que le 15 juin 2020 juste avec l'annonce du dé-confinement, avec plus de 5,5 ans de retard après avoir déposé le titre et écrit quelques mots pour conserver l'emplacement ... Eh oui ! Je ne tenais pas, particulièrement, à être trop lu, hors famille et amis proches.... Et j'ai
 un peu honte de mettre mon malheureux père en accusation, 58 ans après qu'il nous ait quitté.
Je rame, je rame, mais allons-y... Mes souvenirs scolaires les plus lointains remontent à la maternelle à Champigny-sur-Marne où mes parents habitaient boulevard (devenu depuis) du Général de Gaulle. Ma maîtresse de maternelle s'appelait mademoiselle Perdu. Mes parents et ma grand-mère paternelle la tutoyaient ; certainement des liens de voisinage ou de culte. Elle était très gentille et pendant les récréations je lui donnais souvent la main, ce qui ne m'a pas empêché, lors d'une bousculade de tomber et de me casser le bras. J'étais un gamin peu courageux, plutôt chétif et fragile : un gosse mal nourri de l'après guerre ! J'ai conservé mademoiselle Perdu comme institutrice lors de la première classe de l'école primaire; peut-être aussi la deuxième mais je n'en suis pas sûr.
J'ai connu à 7 ou 8 ans ma première contrariété. Mes parents quittaient l'appartement de Champigny, qu'ils laissaient à mon oncle Didi et ma tante Josy, jeunes mariés, après un temps de cohabitation, le temps de la construction d'une maison à Noisy-le-Grand. Durant quelques mois j'ai fini l'année scolaire en me partageant entre grands-parents paternels et grands-parents maternels dont les maisons n'étaient guère éloignées que de quelques centaines de mètres en bord de Marne. Je préférais être hébergé chez Ernest et Marie Jeanne où je retrouvai ma cousine Jacqueline qui était dans une situation semblable et comme nous avions le même âge et que nous étions à la même école, nous faisions le trajet ensemble. Il n'y a que le jeudi que je devais aller chez mes grands-parents paternels Marcel et Geneviève pour être sûr d'aller au catéchisme. Idem le dimanche pour la messe où ma grand-mère jouait de l'orgue. Les années suivantes je fus élève en primaire à l'école de Noisy-Le-Grand proche de la mairie. Nous habitions au delà de la Pointe de Gournay. Pendant ces trois années, je fus l'un des meilleurs élèves de ma classe. Souvent très bien classé.  A la fin du cours moyen en juin 1957, j'étais l'un des rares élèves admis à entrer en sixième au lycée de Nogent sans être contraint à passer d'examen.... Et c'est là que ça a commencé à mal tourner.

Quelques jours avant d'entrer au lycée de Nogent qui faisait toutes les classes de la sixième à la terminale, mon père m'a accompagné pour une visite préalable. J'ai appris à prendre l'autobus (nous n'avions pas de voiture à l'époque) jusqu'au pont de Mulhouse et surtout  à repérer le bon autobus pour rentrer.....  Et puis il m'a accompagné jusqu'au lycée où nous sommes entrés et avons rencontré des personnes de l'administration auxquelles il a expliqué qu’il ne pourrait pas m'accompagner le jour de la rentrée parce qu'il allait partir pour Grenoble où il avait trouvé un nouveau travail assez prometteur. Je n'avais appris cette nouvelle que quelques jours plus tôt et je flippais. Ce jour-là à Nogent nous avons fait les achats de matériel scolaire y compris les livres.
J'ai fait ma rentrée seul comme un grand.... mais très  angoissé...., et puis j'ai eu la surprise et la plaisir de me trouver dans la même classe que mon cousin Michel. J'ai un peu patiné durant les premières semaines surtout en anglais (et je crois me souvenir qu'on faisait un peu de latin.... Mais à quoi ça sert ces langues mortes ?).... Et puis lors d'un week-end où mon père est rentré à la maison il nous annonça qu'on allait déménager entre Noël et jour de l'an. Au moins je n'aurai plus peur de me tromper d'autobus mais je perdrai mon cher cousin.
 C'est dans un train de nuit que, le 31 décembre nous avons fait le voyage (je me souviens des vœux avec des inconnus à minuit.) Au petit matin nous arrivions à Grenoble et nous avons passé nos premières journées grenobloises dans un hôtel à côté de la gare ( Hôtel Baudin, rue Baudin, quel accueil !.). Nous y sommes restés deux ou trois jours le temps que les meubles arrivent. Nous allions habiter quelques mois près de la place Verdun dans un grand logement où nous avions froid. Quelques jours plus tard j'allais entrer dans un nouvel établissement scolaire mais ce n'était plus un lycée mais un collège avec du travail en atelier, sans doute un choix volontaire de mon père... En classe de sixième on ne travaillait que sur le bois. Ce collège se situait rue Lesdiguières ; de l'autre côté de la rue il y avait le lycée Champollion qui me semblait plus sympathique.
Nous ne sommes pas restés longtemps dans l'appartement froid, juste le temps de l'hiver. Au printemps nous déménagions à nouveau pour un logement à quelques pas de mon collège, au croisement entre la rue Lesdiguières et le boulevard Gambetta. J'ai fait ma 1ère communion en mai et mes deux grands-pères étaient venus en train de Paris. Je ne savais pas que c'était la dernière fois que je voyais Marcel. Dans le fond je n'ai pas été trop perturbé par les bouleversements de cette année-là (1958), je restais un assez bon élève... Et puis la région était sympa : mon père avait enfin pu acheter une voiture, une Peugeot 203.... Et on a parcouru la région presque tous les dimanches. En août Je suis parti en colonie de vacances à l'île de Ré, En septembre retour au collège où je rentrai en cinquième sans soucis avec toutefois un court retour vers Nogent pour les obsèques de Marcel mon grand-père paternel. 
A la fin de l'année mon père nous annonça que nous allions à nouveau déménager. La société Péchiney le mutait à Tarascon sur Ariège. Bye-bye les Alpes et direction les Pyrénées.  Rebelote, nous changions de région entre Noel et jour de l'an. Le voyage se fit cette fois-ci en voiture ce qui nous permit de faire une halte à Montpellier chez Mauricette, la sœur de ma mère. Mon père n'avait pas eu le temps de m'inscrire dans mon nouvel établissement scolaire, aussi le jour de la rentrée nous sommes allés tous les deux au Lycée de Foix pour mon inscription et ma rentrée en demi-pension. J'allais devoir prendre un car le matin vers 7 h. et rentrer le soir vers 18 h. C'est là que j'ai commencé à perdre pied. C'était la première fois que je me trouvais en classe mixte garçons-filles. Les garçons étaient plutôt brutaux (beaucoup fils d'agriculteur et tous fans de rugby) mais ce sont les filles qui me déstabilisaient le plus, en particulier celles que je retrouvais dans le car tous les matins et soirs (pour une vingtaine de kilomètres)... Fatigué je ne travaillais pas beaucoup le soir, même si la télévision n'était pas encore arrivée en Ariège, et pas beaucoup le week-end qui comme à Grenoble était consacré à se balader pour découvrir la région jusqu'en Andorre ne serait-ce que pour faire le plein d'essence. Il y eut même les jeudis dans la neige au Sâquet ; mon père m'avait inscrit pour aller, comme les enfants de cadres de Péchiney, au ski : l'horreur, car mes parents n'avaient pas les moyens de m'acheter une tenue vraiment adaptée et je rentrai trempé !..... Enfin bref, j'ai pataugé ma fin de cinquième et je devais redoubler. 
Je redoublais donc la cinquième et qui plus est, en pensionnat... et finalement ça s'est plutôt bien passé. Je reprenais confiance en moi y compris en chamailleries le soir en pension et c'est comme ça que je me suis fait des copains malgré mon soi-disant accent parigot. Mes nouveaux potes m'ont intégré dans leurs jeux y compris pour le rugby de récréation à toucher. Forcément mes notes furent meilleures ! A Tarascon dans la cité Saint Roch nous avions une jolie maison après avoir habité la première année dans un logement plus sommaire mais avec des voisins réfugiés espagnols très sympathiques.
 A la fin de l'année scolaire mon frère et moi nous allions en juillet, en colonie de vacances à l'île de Ré  puis ensuite nous passions deux ou trois semaines en camping à Andernos avec La famille Cano, les amis espagnols et leur fille, la gentille Lydie.
 En septembre 1960 je rentrai en quatrième toujours en pensionnat. Je continuais à bien travailler, mes notes étaient correctes. La seule grande différence c'est que le rugby se faisait maintenant aussi pendant les heures de sport et plus seulement pendant les récrés. (Notre prof de gymnastique jouait dans l'équipe de Foix.). En avril mon père fut malade, une jaunisse. Quand je rentrais à la maison je le trouvais très fatigué. Il fut hospitalisé plusieurs semaines à Toulouse et quand il est revenu, après une opération de la rate, il semblait aller mieux. Sans doute avant l'hospitalisation, il avait changé de voiture, la 203 était remplacée par une Ariane plus spacieuse. Début juillet nous sommes allés en famille (Avec un oncle et une tante de mon père venus de Paris) à Lourdes. Était-ce un besoin religieux ?.... Une sorte de remerciement d'être guéri ?
L'été 1961 fut conforme aux précédents : Ile de Ré, puis Andernos avec même, cette fois, une semaine en Charente dans la famille de ma mère. Papa est rentré à la maison  très fatigué.
En septembre 1961 je rentrais en troisième et mon frère Serge m'accompagnait au lycée de Foix. J'étais à nouveau très perturbé et je faisais le con collectionnant presque chaque semaine des heures de colles ce qui me faisait rester en pension le week-end cela avait deux avantages : je ne voyais pas mon père être de plus en plus malade et le dimanche après midi les collés pouvaient aller au stade voir un match de 1ère division quand le stade fuxéen recevait. Et c'est comme ça que je suis arrivé aux vacances de Noël et que j'ai compris que mon père était à nouveau très, très malade. Ernest mon grand-père maternel était chez nous depuis le début de l'automne et Mauricette, la sœur de ma mère était là aussi pour la période des fêtes de fin d'année. Mon père se levait un peu dans la journée et mangeait parfois à table avec nous, mais j'ai quand même constaté que le docteur venait, tous les soirs, lui faire une piqure pour qu'il passe une bonne nuit. Moi je suis retourné au lycée pour y faire toujours un peu plus le con, toujours collé le week-end. Un lundi de février je fus prévenu que mon oncle Didi serait chez nous le week-end suivant et que je devais absolument rentrer. Une lettre avait été envoyée au proviseur. Je suis même rentré plus tôt, le jeudi en car : mon père était couché mais il ne semblait pas plus mal et parlait beaucoup avec son frère ; je crois aussi qu'ils priaient. Un peu plus tard, Didi et moi, nous sommes allés nous balader et c'est là qu'il m'a dit que mon père, avait un cancer du pancréas non soignable et qu'il n'avait plus que quelques mois à vivre. Papa est mort le 7 avril, il aurait eu 40 ans un mois plus tard. J'étais seul à côté de lui quand il est parti, j'étais horrifié..... et mon grand père Ernest en rentrant dans la chambre a compris en me voyant pleurer. 
Les obsèques eurent lieu la semaine suivante : des parents étaient là, venant de la région parisienne et de Montpellier. Il y avait aussi mon prof d'anglais, qui connaissait mon père pour l'avoir aidé à monter un groupe de scouts à Tarascon... J'ai alors compris qu'il était mon ange gardien qui, de temps en temps, me faisait sauter des heures de colle pour que je puisse rentrer à la maison depuis fin janvier. Quand nous nous sommes croisés il m'a dit : « Maintenant il est temps pour toi d'être sérieux.» J'ai quand même réussi à me faire une fracture au bras gauche en faisant le guignol. Je n'ai pas souvenir d'avoir passé le BEPC.....que je n'aurais pas eu d'ailleurs. 
Et puis fin juin nous avons quitté l'Ariège pour nous installer à Montpellier dans un appartement proche de celui de ma tante et mon oncle. Pendant cet été 1962 nous avons fait du camping à Palavas en famille. Tous les matins je devais aller chez un prof ami de mon oncle pour me remettre à flot (à Palavas les flots)
 En septembre je faisais ma rentrée scolaire dans un collège, toujours en troisième et en redevenant un très bon élève. Je me suis fait copain avec deux gars de Castelnau le Lez. Jef et Jacky. Nous collectionnions les premières places lors des interros et compos. Nous avons été reçus au BEPC et puis nous avons passé le concours pour rentrer en seconde au lycée technique. J'ai terminé dans les dix premiers et je fus donc admis. Jeff n'était pas loin mais en attente..., mais il a opté pour le lycée général car son ambition était de devenir prof de math. Idem pour Jacky qui lui visait le droit.
 J'aurai peut-être du faire comme eux, mais a priori l'enseignement technique, peut être en mémoire à mon père, ne me rebutait pas alors. Nous ne sommes restés que deux ans à Montpellier car ma mère n'arrivait pas à avoir un travail stable et ses salaires couvraient à peine le loyer de l'appartement. Il nous fallait retourner sur la région parisienne. Je quittais mes potes Jef et Jacky et un autre bon pote, mon oncle Raymond, avec lequel nous faisions du sport le dimanche matin, des vols en avion de temps en temps, et pendant les vacances scolaires, hors été, réservé à la plage, mon frère ou moi, nous l'accompagnions parfois mais à tour de rôle, dans ses tournées commerciales. Pendant ces deux ans je me suis refait une santé et un moral. Le rugby y était aussi pour quelque chose ; ce n'était plus du rugby d'école mais du rugby en club, catégorie cadet.
Début août 64, nous nous installions à Villiers sur Marne. Après avoir emménagé et pendant que notre mère cherchait un travail nous cherchions, mon frère et moi, à contacter les responsables du club de rugby de Villiers. Ca s’est fait assez vite en passant par un pharmacien. 

Fin août il me fallait me rendre au lycée de Champigny pour m'inscrire  et rentrer en première. Je me suis fait accompagner par mon oncle Didi. Nous avons été reçus par le proviseur. J'ai essayé de revenir dans l'enseignement général où je me sentais plus à l'aise pour avoir le bac. Le proviseur n’a rien voulu savoir : Le pays avait besoin de techniciens et comme je voulais travailler le plus tôt possible la voie technique était la meilleure. Les arguments que j'avais avancés se retournaient contre moi. Didi ne m'a pas trop aidé car il était plutôt d'accord avec le proviseur. J'étais déçu mais décidé à bosser.... et j'ai vraiment bossé, sauf qu'il y avait une matière où je n'y arrivais pas c'était le dessin industriel, le métier de mon père. Mon ennemi s'appelait Bataille, un prof sympa dans l'ensemble, mais assez méprisant pour les médiocres, et moi j'étais même au niveau en dessous de la médiocrité. A Montpellier j'arrivais à m'en tirer parmi les moins bons, mais à Champigny c'était plus difficile. Tous les travaux tournaient autour des éléments de la voiture. Et nous, nous n'avions pas de voiture et avant la maladie de mon père je n'avais connu la voiture que pendant 2 ans quand j'avais de 12 à 14 ans. ...  Question technique j'étais zéro, : embrayage, boîte de vitesse, arbre à cames etc ......quèsaco ! Durant les deux années de classes terminales je fus un bon élève en math, en physique, en français.... pas trop en anglais, très bon en sport... J’ai même fait une découverte avec une nouvelle matière la métallurgie pour laquelle j'ai toujours eu les meilleures notes. Et puis pour ce qui concerne le travail en atelier on travaillait toujours en duo et les notes se partageait avec souvent un bonus ou un malus pour l'un des deux selon les contrôles et la surveillance des profs plutôt bienveillants. J'ai toujours eu des notes très moyennes mais ça me satisfaisait déjà, ce n'est pas l'atelier qui allait me couler. Et puis dans le cadre de l'atelier il y avait aussi le laboratoire et ça, ça m’a plu tout de suite : essais de traction, de compression, flexion etc... Je ne savais pas alors que je ferai carrière dans un laboratoire du bâtiment et des travaux publics..... En dehors de ce travail forcené pour sortir la tête haute ces dernières années de lycée je n'avais que trois autres centres d'intérêts : le rugby, avoir un peu d’argent, et les vacances d'été du côté de Montpellier. Le rugby m'a fait beaucoup de bien : entre fin 1964 et 1965 nous avions une très bonne équipe junior. Le fric : à 18/19 ans on a besoin d'un peu d'argent de poche et la situation financière de la famille n'était pas terrible, terrible. De temps en temps le jeudi matin, avec mon copain Dudule, nous allions, très tôt à la pêche d'une journée de travail comme déménageur. Nous étions jeunes et costauds et nous étions assez souvent pris pour un salaire de 5 francs / jour, et toujours les deux ensembles, sinon on refusait. Pendant les vacances scolaires on arrivait à travailler un peu plus. Et franchement ce n'était pas souvent le bagne, bien au contraire, la plupart des missions concernaient des déménagements en interne dans des administrations ou des banques. On récoltait en plus des sourires et des œillades de jeunes employées. Quand aux vacances d'été, entre fin juillet et mi août, je rejoignais mes potes de Castelnau en profitant aussi du matériel de camping de mon oncle et ma tante à Palavas les flots. J'ai même fait, une année, début septembre une semaine de vendange avec Jef et Jacky. Mais quand on est grand, la terre est basse et c'est beaucoup plus fatigant que les déménagements de bureaux. C'est sensiblement à cette époque que j'ai été invité par l'intermédiaire d'un ingénieur, un proche de mon père, à participer à un stage de formation interne Péchiney, à Issoire. On était une quinzaine dont des ouvriers prometteurs qui voulaient progresser mais aussi des jeunes qui espéraient intégrer l'entreprise où travaillait leur père. Mais je n'étais pas encore mûr pour cette aventure et surtout pas comme dessinateur industriel.
 Mais voila je suis arrivé à la fin de ma scolarité chaotique et j'ai passé le brevet de technicien qui ne s'appelait pas encore baccalauréat G (ou X ou Y) et je n'ai pas été reçu. J'avais honte de cet échec d'autant plus que je connaissais déjà Pilou. Elle me remonta le moral et me conseilla de demander qu'on m'envoie mes notes. Je n'y croyais pas trop mais quelques semaines plus tard je les ai reçus ; du moins celles des épreuves générales avec une moyenne très largement au dessus de 12/20, malgré une note médiocre en anglais. Je n'avais pas les notes des épreuves techniques mais on me disait que la moyenne de ces notes étaient très faibles et en moyenne inférieure à 8/20, le niveau rédhibitoire pour être reçu au brevet de technicien. J'ai commencé à travailler par intérim dans divers bureaux d'études où le plus souvent je faisais des tirages de plans ou des photocopies. Et puis je devais faire mon service militaire. J'espérais ne pas être muté trop loin de Paris et surtout pas en Allemagne. Comme je jouais alors en équipe première et j'ai demandé à l’un des dirigeants de club un coup de piston. Pas de problème ! J’allais être affecté à Vincennes après trois mois de classes à Frileuse. J'ai du y passer une petite semaine. J'ai vite vu que beaucoup de gars se faisaient réformer pour des histoires de varices ou autres ; alors quand je suis passé à mon tour à la visite médicale j'ai dit au médecin que je m'étais cassé le bras au coude à 15 ans et que je ne pouvais pas totalement l'allonger. Il m'a demandé si j'avais vraiment envie de faire le service. J'ai répondu non sans préciser que je jouais au rugby.... et me voilà réformé ce qui compensait un peu mes années perdues et mes déboires scolaires. C'était, semble-t-il, une nécessité politique de réduire la classe 1946 après avoir, les années précédentes à la fin de la guerre d'Algérie, réintégré en métropole des contingents de militaires. Pilou était contente, Luis, son père, un peu moins.
Il me fallait alors impérativement trouver un travail qui m'intéresse. Il y avait encore beaucoup d'offres d'emploi pour les dessinateurs industriels qui était encore un métier très en vogue, cinq ans après le décès de mon père. A l’automne 1967 je me présentais à de nombreuses propositions. Et puis un jour j'ai trouvé une offre pour un travail de technicien en laboratoire au CEBTP dans le domaine du bâtiment et des Travaux publics pour laquelle j'ai vu un espoir. J'ai été reçu par le responsable de service sol-recherche accompagné d'un ingénieur du service routes. A la façon dont ils m'ont décrit le travail que je devais faire j'étais emballé .....Mais je n'étais pas le seul à postuler.... ils m'ont demandé des explications sur certains points. Le plus important pour eux était ma réforme du service militaire car le poste imposait de déplacer des cuves lourdes. J’ai répondu avoir été assez souvent déménageur journalier et qu'en plus je jouais au rugby, et là j'ai vu un sourire sur le visage de l'ingénieur du service route, qui est devenu ensuite un copain. Par ailleurs le poste ne nécessitait pas spécialement d'être bachelier (en ces temps là il n'y avait que 30 à 40% des jeunes gens qui arrivaient jusqu’au Bac.), mais ils voulaient quand même savoir si j’accepterai des formations complémentaires en interne ou en externe. J'ai répondu que j'en avais aussi l'intention et que j’attendais d’avoir un emploi stable. Quelques jours plus tard j'avais des réponses, quatre pour être précis. Celle du CEBTP avait des avantages mais aussi un inconvénient. En avantage je découvrais que le CEBTP avait des agences dans toutes les régions françaises mais aussi dans presque toutes les capitales de l'Afrique francophone. L'inconvénient était le salaire : 800 F ! Les trois autres propositions pour un poste de dessinateur tournaient autours de 1000 F. Mais avec l'accord de Pilou j'ai retenu le CEBTP. Je n'ai pas attendu la date d'embauche (1er décembre 1967) pour m'inscrire au CNAM de Paris en " Math préparatoires " passage obligé pour ceux qui n'avaient pas le Bac. Avec deux cours par semaine de 18 h à 19 h 30. En juin 1968 j'ai passé l'examen de contrôle auquel j'étais reçu avec les félicitations du chef de service géotechnique qui m'avait recruté ( et que je retrouverai 15 ans plus tard pour une mission en Guinée.) En septembre je poursuivais au CNAM en " Math générales ". Le 10 juin 1968 Pilou et moi nous nous sommes mariés. Un an plus tard (juin 1969) nous partions en Guyane, où j'étais envoyé pour une mission de 6 mois. De retour à Paris on me demanda de suivre des stages de formations routes et ouvrages avec un groupe de nouveaux embauchés. Le but était de former des techniciens et ingénieurs pour renforcer les agences de régions, départements d'outre-mer et les laboratoires d'Afrique qui avaient été créés par le CEBTP et devenus autonomes depuis la décolonisation. Lors de ces stages j'ai beaucoup appris sur ce métier qui me plaisait de plus en plus. Ma première affectation (après la Guyane) fut pour un nouveau labo créé à Fos-sur-Mer dépendant de l'agence de Marseille et avec un grade de technicien supérieur. Question famille nous nous sommes installés à Arles avec Éric qui venait de naître fin mai 1970 à Champigny., viendrait bientôt Cécile en août 1972. Durant ces deux années j'ai aussi suivi des cours par correspondance chez Eyrolles dans la filière " Conducteur de travaux ", y compris des stages de formation notamment en topographie. J'avais fini mon parcours d'étudiant, même si tout au long de ma carrière j'ai toujours eu des stages internes au CEBTP dans cette boite où je suis resté 42 ans. (Avec les deux dernières années à temps réduit comme formateur notamment pour celui qui devrait me remplacer comme expert en béton auprès d'un organisme de certification NF et pour que le CEBTP ne perde pas ce poste.)
J'ai déjà fait un billet sur ce blog dans lequel je décris ma carrière au CEBTP: le lecteur intéressé pourra s'y reporter à l'adresse suivante : Les risques du métier.
J'ajouterai quand même que je suis passé chef de section de laboratoire lors d'un chantier de barrage en Afrique alors que j'avais pour supérieur hiérarchique, un ingénieur local qui fut assez vite appelé à d'autres fonctions, me laissant seul responsable du service laboratoire ce qui m'a valu une médaille, dont je suis très fier, lors de l'inauguration de l'ouvrage et qu'on m'a transmis par l'intermédiaire du CEBTP Paris. Cependant les années suivantes je suis resté au même grade ce qui n'était pas honteux. Entre 1984 et 1987 je fus muté au Laboratoire de Yaoundé comme formateur.... un travail sympathique loin des grands chantiers d'ouvrages ce qui ne m'obligeait plus à travailler la nuit. 
Il m'a fallu attendre l'an 2000, quand le CEBTP a quitté la fédération du bâtiment pour entrer dans le groupe Ginger, pour obtenir enfin, en tant que responsable d'agence régionale, le grade d'ingénieur.  Je n'ai pas atteint mon but, malgré mes efforts, d'obtenir le titre d'ingénieur avant mon fils Éric. Il m'a devancé de deux ou trois ans......., mais je ne lui en veux pas !

J'ai pris mon temps pour écrire ces souvenirs et je l'ai terminé le 15 octobre 2020. 

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