Ciné-cure..... Au coeur du mensonge, rien ne va plus.
Claude Chabrol est mort le 12 Septembre à 80 ans après avoir réalisé 80 films dont 58 pour le cinéma et 22 pour la télévision. Curieux ce fétichisme des chiffres et il aurait bien pu attendre quelques années de plus et faire autant de films en plus. Vivre plus pour travailler plus ! Ou l’inverse ? C’est ça la question ! Quand on a un boulot passionnant qu’irait-on foutre à la retraite ? Alain Corneau nous avait déjà le coup fin août alors que son dernier film sortait sur les écrans ; circonstance aggravante Corneau n’avait que 67 ans.
Pour être franc aucun film de Chabrol ne m’a enthousiasmé autant que les meilleurs de Corneau, et d’ailleurs je n’en ai vu qu’un tiers, une petite vingtaine, dont moins d’une dizaine dans une salle de cinéma….. Sans doute suis-je passé à côté d’un réalisateur talentueux quelque peu « énervant » mais j’ai des excuses et puis, heureusement, il y a les séances de rattrapage DVD.
Le personnage ne m’enthousiasmait guère, et puis cette étiquette « nouvelle vague » n’était pas, pour moi, très porteuse…. même jeune j'étais cinéphile nostalgique, tendance dernière séance avant l'heure (une autre manière d'être avant-gardiste)…. Alors les nouveautés un peu vagues, même déferlantes, ne m'attiraient pas.
La déferlante chabrolienne se produisit de façon inattendue en 1959. Il y en eut même deux cette année là avec d’abord «Le beau Serge » prix Jean-Vigo et grand prix du festival de Locarno et puis dans la foulée « Les cousins » Ours d’or du meilleur film à la 9ème Berlinale. Quel départ en fanfare. Bien sûr j’ai acheté ce double DVD, mais…. très récemment et cela a beaucoup vieilli…. . « Le beau Serge est un film très con, très naïf. En même temps c’est une naïveté très contrôlé. » Claude Chabrol.
J’ai découvert Chabrol au Cinéma en 1969 avec « La Femme infidèle » avec Stéphane Audran, Michel Bouquet, Maurice Ronet et Michel Duchaussoy. Magnifique.
Suivirent les deux films « dérangeants » avec Jean Yanne ; d’abord « Que la bête meurt » en 1969 avec Michel Duchaussoy et Caroline Cellier, puis il y eut le meilleur en 1970 avec « le Boucher » avec Yanne et Stéphane Audran, l’épouse et la muse de Chabrol. « Une histoire qui ait l’air des plus simples et des plus lisses et qui contienne toute l’histoire de l’humanité. » Claude Chabrol.
J’étais devenu fan et en 1970 je n’ai pas loupé « La rupture » avec Michel Bouquet, Stephan Audran et Jean Pierre Cassel. Et comme Chabrol ne changeait pas une équipe qui gagnait, je retrouvais en 1971 le couple Bouquet-Audran dans « Juste avant la nuit ». Peut-être aurait-il été temps, quand même, qu’il changea un peu de têtes d’affiche ….
Je m’éloignais alors les films de Chabrol, par la force des choses en quittant la France….. sept ans d’absence, dix ans même si je cumule le dernier séjour. Par la presse je suivais l’actualité de loin, du Zaïre du Maroc puis du Cameroun. Je sus qu’il s’internationalisait avec « La Décade prodigieuse » en 1971 et la présence d’Orson Wells, Anthony Perkins, Michel Piccoli, puis « Les innocents aux mains sales » en 1975 avec Romy Schneider et Rod Steiger ou encore « Les liens du sang » en 1978 avec Donald Sutherland., puis « Le sang des autres » en 1984, d’après le roman de Simone de Beauvoir, avec Jodie Foster et Sam Neil. Je n’ai vu aucun de ces films ; il serait temps que je me les procure en DVD notamment celui avec Jodie Foster.
Il fit aussi du cinéma faiseur d’entrées en embauchant Belmondo pour« Docteur Popaul » en 1972. Son plus grand succès commercial avec deux millions d’entrées, dont je ne fus pas.
De vivre en Afrique sur chantiers me permit par contre de voir des films du circuit du l’ambassade. C’est ainsi que j’ai vu « Landru » qui datait de 1963 avec Charles Denner et Stéphane Audran mais aussi de grandes comédiennes « Ce n’était pas le nom de Denner ; alors peu connu, qui ferait affluer les spectateurs ; Nous primes donc de grandes vedettes pour les rôles de femmes : Michelle Morgan, Danielle Darrieux,…. Le film a bien marché, la critique ne ne m’a pas scié et le public semblait se réconcilier avec mon talent. » . Pas trop modeste le Chabrol mais lucide. Cela se confirma avec les suivants toujours vus en Afrique avec dix ans de retard :
« La ligne de démarcation » de 1966 avec Ronet, Audran, Yanne et Jean Seberg puis « Les Biches » de 1968 avec Jean Louis Trintignant et Stéphane Audran, film qui reçut l’Ours d’Argent à Berlin. Je bouclais avec les films pré-soixante-huitards, non vus avant de m’expatrier.
De retour en France, fin 1986, je m’étais trop éloigné du cinéma de Chabrol pour pouvoir y adhérer à nouveau pleinement. Je m’étais lassé de cet entomologiste de la bourgeoisie française. Je revenais à mes amours américains, les nouvelles déferlantes avaient pour noms Coppola, De Palma, Levinston, Pollack, Scorsese, Spielberg, Stone etc… et côté hexagonal je privilégiais Sautet, Tavernier, Becker, Berri, et Annaud. En désamour fort Chabrol.
Certes j’avais vu et aimé son adaptation du roman de Simenon « Les Fantômes du Chapelier » en 1982 ou 1983 avant de rejoindre le Cameroun. Un très bon film avec Serrault, Aznavour et Cluzet.
Je crois n’avoir vu aucun film de Chabrol des 25 dernières années dans une salle de cinéma. C’est un signe : il n’y avait plus d’attente et les films de Chabrol n’étaient plus ma priorité lors des sorties, pas même ceux qui furent encensés comme « Merci pour les chocolats » en 2000 avec Isabelle Huppert et Jacques Dutronc et « La cérémonie » de 1995, toujours avec Isabelle Huppert et pour la première fois Sandrine Bonnaire. Un film tiré d’un roman de Ruth Rendell, auteur britannique de romans policiers-psychologiques, que j’adore.
Tous ces films vus à la télévision ou en DVD. Chabrol était devenu cinéaste d’intérieur, ce que confirment ses excellents téléfilms du « Siècle de Maupassant ». de 2007 à 2009.
De plus le personnage m’énervait de plus en plus et même plus. Quand on le voyait en photo dans un magazine il avait presque toujours une position grossièrement burlesque et ce n’est pas sa provocation, plus que sa confidence dont je n’avais rien à foutre, chez Pivot en 1999 à "Bouillon de culture", d’avoir été potache-pote avec Le Pen (copains comme cochons) qui pouvait me le rendre sympathique.
J’ai donc vu de mon fauteuil dans mon salon « Masques » de 1987 avec Noiret et Renucci puis « Une affaire de femme » de 1989 avec Isabelle Huppert et Cluzet.
En 1991 il proposa une adaptation de « Madame Bovary » avec Isabelle Huppert sa nouvelle muse, accompagnée par Balmer, Malavoy, Yanne. « Un film que je m’étais juré de ne jamais faire. C’est un livre qui m’a poursuivi toute ma vie. J’ai fait mon mémoire de littérature contemporaine sur le technique d’écriture de Flaubert…Bref j’ai été "bovarisé" tout le temps.. » Claude Chabrol.
En 1992 « Betty » avec Stéphane Audran et Marie Trintignant ; encore une adaptation de Simenon dont Chabrol se sentait si proche.
En 1994 : « L’enfer » (une reprise du film inachevé de Clouzot) avec Emmanuelle Béart, François Cluzet et Marc Lavoine.
En 2004 « La demoiselle d’honneur » tiré une nouvelle fois d’un roman de Ruth Rendell avec pour interprètes principaux. Benoit Maginel et Laura Smet
En 2007 « L’ivresse du pouvoir » avec Isabelle Huppert, Berléand, Bruel, Balmer, Renucci. Un film inspiré de l’affaire Elf et de la juge Eva Jolly qui manifestement n’a guère apprécié le film.
Enfin son dernier film pour le cinéma, « Bellamy » en 2009 le plus Simenonien de tous avec Depardieu en énorme Maigret incognito, Cornillac et Gamblin et…Nîmes, Sète et des fredonnements Brassens.
Qui trop embrasse mal étreint, c’était ça le problème de Chabrol : Pour être un réalisateur de référence il faut être rare, se faire attendre. « Pour rester en dehors de la reconnaissance officielle, le plus simple consiste à faire un film tous les ans sans hésiter à se salir les mains » disait-il . Lui était prédestiné à la télévision et pour les cinéphiles il ne fut finalement reconnu que grâce au talent de ses interprètes, notamment ses muses Stéphane Audran puis Isabelle Huppert.
«….La filmographie de Chabrol est un tout. Quand il tournait des films alimentaires, des cinéphiles intégristes l’avaient classé ‘’pépère embourgeoisé’’, alors qu’il continuait à faire ses gammes, à perfectionner son outil de travail. Il a connu des traversées du désert, mais je ne l’ai jamais vu inquiet. Il s’adaptait, si on ne pouvait pas faire un film comme prévu, on le faisait autrement….. » Stéphane Audran pour les cahiers du cinéma n°660.
« Je n’ai jamais connu quelqu’un d’aussi imperméable à la critique. Quand ‘’Madame Bovary’’ à été malmené à sa sortie, Claude disait : ‘’ je ne savais pas qu’il y avait autant de spécialistes de Flaubert en France ! ‘’. Il avait quelque chose d’insondable qui donnait beaucoup de force….. » Isabelle Huppert Stéphane Audran pour les cahiers du cinéma n°660..
Il y eut encore « Rien de va plus » et « Au cœur du mensonge » deux films dont on a rien à foutre ; c’était juste un prétexte pour le titre du billet et pouvoir ouvrir un petit chapitre politique. Non ! Je déconne car c’est sans doute ces deux films que j’ai découverts sur le tard (en DVD) qui me confirmèrent que j’étais, sans doute, passé trop rapidement à côté d’un grand réalisateur qui ne s’était pas arrêté de faire des bons films avec « Le boucher » .
« Rien ne va plus » de 1997 avec Isabelle Huppert, Michel Serrault, Cluzet et Balmer et encore plus étonnant « Au cœur du mensonge » en 1999 avec Sandrine Bonnaire et Jacques Gamblin.
« Rien ne va plus » pour le président. Il est foutu, le peuple est dans la rue…..
J’aimerais tellement y croire mais je n’en suis pas si sûr…… J’ai parmi mes relations, géographiquement éloignés (A Niort tous mes amis sont de gauche), quelques électeurs de Sarkozy et je n’ai pas vraiment l’impression qu’ils soient prêts à changer de bord. Bien au contraire même ! Quand je vois certaines diapos ou blagues qu’ils font circuler sur internet avec un rejet des grèves, un mépris des manifestants, des syndicats et une montée incontestable du racisme.
Vais-je, moi aussi à l’instar de Chabrol, devoir avouer un jour que j’avais des potes lepénistes ? Je le crains ! Je ne vais donc pas exploiter ce titre plus longtemps sauf pour dire que j’ai la trouille que la France ne tourne mal. L’arrivée de Marine Le Pen à la direction du FN va décomplexer bon nombre d’électeurs de droite et je crains vraiment le pire. J'ai entendu ce matin sur une radio, sondage à l'appui, qu'un tiers de l'électorat UMP verrait d'un bon oeil un accord politique avec le FN........
Par contre je vais m’attarder un peu plus sur l’autre titre « Au cœur du mensonge » car là il y a de quoi faire mais je vais essayer de faire court.
Rappeler d’abord que s’il y avait urgence pour Sarko, de faire cette réforme, c’est pour mettre la main sur le fond de réserve des retraites d’un montant de 35 milliards d’euros qu’avait créé en 1999 le gouvernement Jospin en l’abondant du montant des privatisations, et de prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et de placements. Il était sensé devoir être porté à 150 milliards à échéance 2020 pour compenser les déficits démographiques importants qui arriveront entre 2020 et 2040 ; c’était un des rares outils au service de l’équité intergénérationnelle. La droite, non seulement n’y a jamais cru puisqu’elle n’a rien versé depuis 2002, mais aujourd’hui elle fait main basse sur cette cagnotte pour privilégier le rafistolage à court terme. Leur objectif n’est pas de financer dans la durée mais d’équilibrer les comptes avant la présidentielle.
Le journal Libération avait fait le 11 octobre une revue des « bobards qui faussent le débat sur les retraites » regrettant qu’ainsi « les hommes politique de droite principalement mais aussi de gauche n’ont pas aidé les Français à comprendre cette question majeure. Leurs approximations, contre-vérités, ou bobards ont certainement alourdi le climat social autour de cette réforme fondamentale pour la société française »
J’ai retenu notamment l’énorme bobard de Fillon concernant le report à 67 ans de la date de retraite à taux plein : « Très peu de gens partiront à la retraite à 67 ans, il n’y en aura même sans doute pas. De même qu’aujourd’hui il y a peu de gens qui partent à 65 ans. ».
Mensonge : actuellement cela concerne 17 % de français (22% de femmes) et sur une base de plus de 14 millions de salariés du privé ça fait 2.5 millions de personnes et compte tenu de l’évolution du marché du travail et du retard de la date de la première embauche, ça pourrait bien faire 5 millions de salariés dans 40 ans et sous réserve qu'il n'y ait pas de prolongations. Et la jeunesse ne serait pas concernée ?
Ceux qui ont vu le débat de lundi dernier sur A2, débat organisé par l’inénarrable et partial Calvi avec la présence d’Estrosi (S3I, cherchez la définition) et de Mme Parizot la dame patronnesse du MEDEF, en spectateurs quelque peu avertis, auront vu que seuls les leaders syndicaux, et notamment Chérèque, connaissaient parfaitement le dossier. Comme elle fut pitoyable la petite Laurence quand elle s’efforçait de sucer la roue du grand François. Alors comme ça elle serait d’accord pour entamer des négociations sur l’emploi des jeunes et des seniors. Il serait temps mais c'est encore du foutage de gueule .... Parlons-en donc de l’emploi des seniors :
En France en 2010 l’âge moyen de liquidation des retraites est de 61.6 ans alors que plus de 50% des salariés sont virés avant 58.5 ans et que presque tous sont alors pris en charge par l'assurance chômage ou les minima sociaux. Combien seront-ils si on pousse le curseur de droit de départ à 62 ans sans mesure incitative à rester et sans mesure coercitive contre les entreprises qui se servent de l'exclusion des anciens comme variable d'ajustement ?
Extrait de l’article : Réforme des retraites, les fausses évidences. Le Monde du 28 octobre « …..Des pays comme la Suède et la Finlande qui ont maintenu des âges de départ possible à 60 ou 61 ans ont un taux d’activité des 55/65 ans de l’ordre de 70%..... (même pas la moitié en France) …. Ils ont opté pour une retraite choisie à partir d’âge d’ouverture des droits et mis en œuvre des mécanismes pour inciter à la prolongation de type «surcote » ….
…..Une autre réforme des retraites est possible et souhaitable qui ne demeurerait pas confinée aux paramètres d’âge d’ouverture des droits mais s’attacherait aussi à lever les freins à la prolongation de l’activité des seniors dans notre pays. La seule réforme efficiente est celle qui avance sur ses deux jambes : emploi et retraite....
.....La réforme adoptée en l’état pourrait bien déboucher, contrairement à ce qui est annoncé, à l’extension d’une période de précarité en fin de vie active , comparable à celle réservée aux jeunes en début de vie active, au lieu d’aboutir à un allongement de la vie de travail. »
Anne-Marie Guillemard, sociologue. Auteur de l’ouvrage « Défis du vieillissement » Armand Colin.
Avis que je partage pleinement et que je me suis appliqué jusqu’à l'âge de 64 ans…….. et peut-être encore un peu plus mais à temps très très réduit..... et juste pour former des jeunes.
A suivre.