Touche pas à mon rugby....... des chiffres et des lettres....
La date était incontournable : ce devait être le 28 novembre et pour deux raisons : D’abord ce jour-là, était l’anniversaire d’Alain et secundo, cerise sur la gâteau, il y avait le match France Nouvelle-Zélande. Un choc de titans car les blacks sont réputés être les meilleurs joueurs du monde mais …. nos braves coqs les avaient battus lors du quart de finale de la dernière coupe du monde en 2007 à Cardiff puis ils ont récidivé cette année, en juin, en les terrassant là-bas, chez eux, au bout du monde…. Alors en France et, qui plus est, à Marseille, ce ne devait être qu’une simple formalité, pour un XV de France virtuellement « champion du monde » après avoir corrigé deux semaines plus tôt les terribles springboks…. C’était sûr et certain, c’était dans la poche… Cocorico !
Une riche idée ça ! Un beau cadeau d’anniversaire pour les 75 berges d’Alain de voir ce match sur grand écran, d’assister à la consécration du rugby français, chaleureusement entouré de ses potes…. Sauf que le match ne respecta pas vraiment le scénario idyllique qui avait été retenu….. D’abord les blacks sont rentrés sur le terrain avec des maillots blancs : Haka en blanc, ah quelle surprise ! Impact psychologique évident sur les téléspectateurs…. Nous avions l’air fin d’avoir tous endossé un maillot noir avec un n°6 dans le dos : Cherchez l’erreur ! De quelle équipe allions-nous porter le deuil ? On a vite compris…. dès le coup d’envoi…. Et stoïquement nous regardions les diables blancs nous foutre une belle branlée raclée (mot refusé le féminin branlée n’est pas dans le dictionnaire contrairement au mot masculin branle ; quant au verbe branler il est intransitif). Le score fut donc sans appel 39 à 12, le compte n’était vraiment pas bon.
Vieux-beaux ex-joueurs nous avons malgré tout, spontanément dès le coup de sifflet final, applaudi les vainqueurs….
…. et puis il nous fallait passer rapidement aux choses sérieuses : nous devions rendre un hommage mérité à la vraie vedette de la soirée : El présidente Alain. En réalité nous avions commencé à faire la fête avant la retransmission du match et nous avons, tout naturellement continué longtemps, longtemps, après…. Nous étions quand même près d’une centaine d’admirateurs, membres du fan-club.
El Presidente n’est d’ailleurs plus président de l’Amicale des Anciens du Rugby de Villiers. Il a laissé sa place à Corsica Ricky suite à une récente révolution de palais au sein de l’équipe dirigeante. Bien sûr nous, les adhérents de base, avons été quelque peu étonnés de cette curieuse évolution démocratique de l’association…. mais le nouveau patron de l’AARV a rassuré son monde en nommant Alain "Président d’honneur", d’où l’opportunité de cette soirée pour fêter les ¾ de siècle de notre plus célèbre ¾ aile.
Nettement (?) plus jeune je n’ai effectué qu’une seule saison avec Alain, la saison 65/66 : j’étais encore un junior de 19 ans et lui était mon capitaine … un capitaine que j’avais même un peu de mal à tutoyer : il avait 31 ans et déjà une belle carrière sportive derrière lui, car avant de venir jouer à Villiers il avait été de la grande équipe du Racing Club de France avec des joueurs mythiques comme Crauste, Moncla, Marquesuza, Vannier, Debet, etc… Alain a participé aux deux finales de championnat de France : celle de 1957 où ils ont été battus par le F.C Lourdes et celle de 1959 qu’ils ont gagnée face au Mont de Marsan des frères Boniface.
Pour cette fête-hommage Corsica Ricky avait prévu un orchestre de qualité, mais compte tenu de la moyenne d’âge des adhérents, la guinche n’a pas démarré au ¾ de tour…. les anciens ça a besoin de s’échauffer et de faire le plein de carburant avant de faire vibrer les mollets…. Par contre les mecs étaient plus réactifs pour retrouver les mots les plus longs et les bons comptes présentés lors des scènettes « hommages », scénario et mise en scène de l’excellent Coco, avec de remarquables comédiens comme Fanfan, Pico, Mémé, Toto, Caso, Dudule, et autres … comme quoi le rugby peut mener à tout… et sans oublier Nico le coach des chœurs.
« et l’on entend dans les champs
se abemrstu les éléphants
et en entend dans les prés
beegnors les chimpanzés
Deux mots de 8 lettres à trouver : dans cette honorable assemblée qui ferait saliver d’envie les plus célèbres gérontologues de France et de Navarre ce fut un jeu d’enfant, d’autant que chacun avait encore en mémoire le glorieux hymne des douches d’après match.
Certains cependant que les explications de texte qui suivirent, le cours magistral de l’excellent Félix Fanfanlely, l’exégète sémanticien ne soient passées largement au-dessus de certains cranes dégarnis.
Il fallait être très attentif et suivre mot à mot la démonstration de Maitre Félix dissertant sur l’assonance, la régularité du mouvement, la structure équilibrée des vers et même la symétrie des déséquilibres et le sens profond de la métaphore filée… : « sur le champ jouent d’un côté les gros, les éléphants et de l’autre des plus petits, des malins, les chimpanzés… ». Et oui c’est bien du terrain de rugby dont parle le glorieux chant guerrier, mais attention le rugby d’antan, du rugby de papa…
…et en écoutant la subtile démonstration de maître Fanfanlély tout s’éclaire et on imagine bien le jeune Alain, exilé sur son aile, s’insurger contre « Ces branleurs (mot refusé par le dictionnaire) fainéants de devant, ils ne foutent rien, ils ne poussent pas, ils ne sautent pas…. font chier (mot accepté par le dictionnaire) … pas moyen de toucher un ballon… » et on imagine aisément l’ailier, l’oublié perpétuel, dans son morne couloir
.
C’est alors qu’on entendit résonner dans cette belle et grande salle éhpadique la voix tonitruante de Prolix le faux Mongol au nez rouge, prétendu avatar, d’un grand international, capitaine du XV de France, brandisseur du bouclier de Brennus.et partenaire d’Alain dans la glorieuse fin de la décennie 50.
« Tout est faux, cette métaphore ne tient pas la route. Nous les avants nous n’étions pas des glandeurs ou des fainéants…. Réfléchissez donc un peu : Peut on imaginer une équipe de rugby dont les avants seraient des glandeurs être championne de France…. Non ! Non, la vérité est tout autre… et si Alain se morfondait à l’aile de la ligne d’attaque et ne voyait jamais un ballon c’est tout simplement parce que c’était les consignes….
En fait au Racing, on était tous du sud-ouest… mais selon le règlement, pour toucher les subventions à Paris…. Il fallait impérativement avoir, au moins un parisien dans l’équipe…. On l’a choisi lui et c’était sans doute ce qu’il y avait de moins pire… mais à côté d’un vrai bon ailier du sud-ouest….vous voyez ce que je veux dire. … Alors voilà on l’a foutu à l’aile avec ordre de ne jamais lui passer le ballon…. Comme ça il ne pouvait pas le louper.
Vous savez qu’à cette époque c’était la grande bagarre entre rugby à 13 et rugby à 15…. Une concurrence, une rivalité énorme…. Eh bien, nous pour éviter que des copains ne partent vers le 13 pour toucher un peu de fric…. on a inventé le rugby à 14 rien que pour toucher des subventions…. Et on n’était pas des chiens on a partagé à 15 »…et le compte était bon.
Les hommages dithyrambiques et quelque peu gênants pour la modestie légendaire d’Alain « Cat-pit » (le surnom que lui ont donné les britanniques, des retraités dans l’Indre) se sont poursuivis une bonne partie de la soirée. Hommage au grand joueur, hommage au capitaine de l’ESV. Carpe Diem : Capitaine ô mon capitaine.
Hommage encore au dirigeant, mais j’avoue ne pas avoir très bien compris l’histoire du wagon chapardé, racontée par le Dudule … sombre histoire de pot de vin à moins que ce ne soit une histoire de pantoufle à la Cendrillon pour tout joueur qui devenait titulaire en équipe première. A la tienne Etienne.
Et puis le gâteau d’anniversaire est arrivé, et pour la photo, Alain Cat-pit toujours un peu cabot, a enfilé son maillot de champion de France 1959…. et puis le champagne a coulé à flot et il a demandé au chœur des « copains d’abord » de monter sur la scène
……….Enfin bien chauds la plupart des convives se sont lancés sur la piste de danse comme de jeunes et fringants joueurs encore très actifs….
Pour finir et comme d’hab..(du moins il y a 30, 40 ou 50 ans ), comme d’hab donc, nous avons courageusement fini la soirée avec une mémorable charge de Reischsoffen….
A suivre