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Souvenirs en vrac ..... Kaifa assbaho asdikai (zûj)

11 Février 2009 , Rédigé par daniel Publié dans #Souvenirs en vrac

 Je poursuis ma récolte de souvenirs du Maroc de la fin de la décennie 70. Des anecdotes qui m'ont permis de connaître d'apprécier et même quelques fois d'être déçu par mes amis, collègues de travail ou de voisinage. Dans quelques temps je ferai le même type de rétrospective avec divers personnages que j'ai cotoyés lors de mes séjours en Afrique noire.

  Après avoir évoqué dans le précédent billet mes amis Lakmi, Ajdir, Balir et Karim je dois maintenant parler de Razi et c'est avec lui que j'ai connu des déceptions.

 J'avais du mal à comprendre ce garçon qui était un ingénieur extrêmement talentueux, qui était curieux de tout et très chaleureux en privé mais qui pouvait, dans le cadre du travail, se montrer très dur avec ses collaborateurs et quant à ses rapports avec ses confrères, les autres ingénieurs marocains, provenant pourtant pour la plupart de la même école, ca pouvait être assez épique, surtout avec ceux qui étaient issus d'une famille aisée. Lui était, d'après ce qu'il m'avait dit, le seul enfant d'une grande fratrie de Casablanca, une douzaine de frères et sœurs, à avoir fait des études secondaires et supérieures.

 Nos rapports étaient cordiaux et j'arrivais à canaliser ses excès d'exigences  dans son service en soulignant, qu'à deux ou trois exceptions près, notre équipe était excellente  et très bien encadrée par Karim et Lakmi..... Ce qui était, par ailleurs, paradoxal c'est qu'il était très curieux de la politique française, et qu'il me donnait l'impression de pencher plutôt à gauche..... ce qui ne collait pas trop avec des réactions épidermiques avec le personnel .... Encore que .....il m'est arrivé depuis de constater avec regret .. ...

 Razi était aussi mon plus proche voisin, il avait une jeune femme très gentille et un charmant Bambin. Nous nous recevions de temps à autre en semaine car du vendredi soir au lundi matin il quittait la région pour rejoindre sa famille à Casablanca.

 Un jour, un lundi à son retour, il me surprit en demandant si je n'avais rien vu de suspect chez lui pendant le week-end : il pensait que quelqu'un entrait chez lui pour le voler. Les vols n'étaient, a priori, guère conséquents : des cigarettes, des chocolats... en fait quelqu'un menait la belle vie chez lui pendant le week-end en se servant dans son frigidaire, dans son bar et même dans la salle de bains comme en témoignaient des marques de niveau qu'il avait fait sur des bouteilles...

 Je fus bien embarrassé car depuis près d'un an que nous étions voisins je voyais pratiquement tous les week-ends son chauffeur Ahmed, s'installer chez lui, sans se cacher, Il semblait faire office de gardien, d'homme de confiance, la Land Rover garée ostensiblement devant la maison......d'autant que j'avais cru comprendre qu'il était plus ou moins de la famille de Razi.

 Evidemment je lui racontai ce que je savais, ce que je voyais et ce que je croyais avoir compris du rôle d'Ahmed... Il m'affirma que celui ci avait juste pour consigne de passer en fin de soirée pour arroser les fleurs. Je sentais bien que Razi n'était pas très clair et qu'il cherchait manifestement un prétexte pour licencier Ahmed..... mais sa réaction fut encore plus violente car non seulement le chauffeur fut viré avec perte et fracas, mais en plus Razi alla porter plainte au commissariat.... Pour quelques tablettes de chocolat ou paquets de cigarettes.... Il n'y avait eu ni vol d'argent, ni vol de linge, de meuble ou d'électroménager.

 Le fait de porter plainte entraînait que je devenais témoin ; je fis alors comprendre à Razi que je dirai simplement ce que j'ai vu et que mon témoignage ne serait sûrement pas à charge contre le chauffeur dans la mesure où il lui laissait les clefs pour s'occuper de certaines tâches dans sa maison.

 Razi au bout de quelques jours réalisa que sous le coup de la colère il était peut-être allé un peu  loin et chercha à retirer sa plainte. Impossible, elle était enregistrée et tout cela devait se terminer au tribunal.

 Quelques semaines plus tard nous fûmes convoqués à la salle de justice. Je revois encore le père d'Ahmed, un vieillard du bled, se jeter aux pieds de Razi pour implorer la pitié pour son fils. Nous nous, étions déjà mis d'accord pour éviter de trop noircir la faute d'Ahmed mais je compris que l'attitude du vieil homme avait profondément ému mon collègue qui, réalisait l'énorme bétise qu'il avait faite. Cette journée fut interminable : l'histoire de Razi était ridiculement anodine à coté d'autres affaires autrement plus dramatiques, plus  sordides . Tous les débats étaient en arabe et Razi me fournissait quelques informations peu ragoûtantes..... pour la plupart des inculpés de la journée les peines furent très très lourdes.  

 L'affaire Razi/Ahmed fut traitée parmi les dernières et il y eut d'emblée une confusion car on m'appela à la barre en pensant que c'était moi qui avait porté plainte. Après quelques explications je retournai à ma place et Razi fut appelé. Tout se passait en arabe et si je ne comprenais rien je voyais bien que mon collègue n'était pas très à l'aise. On me rappela ensuite pour témoigner ; je fus questionné par un juge en arabe, un interprète traduisait, je répondais en essayant de minimiser le plus possible, l'interprète traduisait à nouveau en arabe pour des juges qui bien sûr parlaient le français aussi bien que moi. Ahmed fut aussi appelé, il s'est manifestement fait vertement sermonner et se tenait piteusement tête baissée en disant qu'il regrettait d'avoir trahi la confiance de son chef.
 Il n'eut pas de condamnation, sans doute une amende ou une sanction avec sursis, je ne me souviens plus très bien et sans compter la perte de son emploi.. ... mais  je suis ressorti de la salle complètement bouleversé... par le triste spectacle de cette journée... une journée que je n'oublierai jamais...

 Devant la porte le vieil homme était encore là, en pleurs, pour remercier Razi de sa mansuétude. Razi lui aussi était soulagé et j'espérais que cela lui servirait de leçon. Nous avons d'ailleurs renoué des rapports amicaux et il se calma un temps...... Mais chasser le naturel il revient .... et quelques mois plus tard il eut une sérieuse altercation avec un de ses supérieurs hiérarchiques de l'administration marocaine. Comme souvent Razi l'orgueilleux, le conquérant ne savait pas composer. La diplomatie ce n'était pas son truc .... Aussi fut-il muté sur un autre chantier à l'autre bout du pays.....et je ne l'ai jamais plus revu.

  D'autres anecdotes : Les marocains sont souvent des gens qui ne laissent pas indifférents.

 Youssef le pieu, Youssef le doux était un technicien d'une grande gentillesse. Il aimait que je consacre un peu de temps à sa formation professionnelle.
 En pleine période de Ramadan, en été par les fortes chaleurs, il était tombé très malade, pris à la poitrine et lui qui n'était pas très gros maigrissait subitement de manière impressionnante. Le médecin lui  imposa d'interrompre son jeun pour se soigner et fût même hospitalisé quelques jours. Rétabli quelques semaines plus tard, et reprenant son travail, en bon musulman il s'est imposé la discipline du jeun en doublant la période. Je dois avouer que, moi l'agnostique, j'ai souvent été  très impressionné par les démonstrations de foi sincères de mes amis.

  Je ne voyais pas souvent Choukry qui était en poste à Casablanca mais quand on se voyait c'était un vrai plaisir. Nous avions beaucoup de passions communes dont notamment l'Histoire de France et du Maroc ... Je me souviens que la première fois qu'il était venu à la maison il m'avait emprunté les deux premiers livres de Claude Manceron Les Hommes de la liberté.... Et depuis ce jour c'était devenu un rituel, il m'apportait des livres, il m'en empruntait et je faisais de même quand j'allais à Casa...et nous passions de très bons moments à comparer nos impressions. Une fois, il m'entraîna chez lui un midi.... sauf que c'était le mois de Ramadan .... « Tu ne trouveras rien à manger dans Casa, à la maison ma tante va te préparer un petit quelque chose ». Je fus bien gêné de manger seul pendant que nous discutions.... Mais je fus encore plus gêné de voir sa tante nous surveiller.... Au cas, sans doute, où la tentation serait trop forte pour son neveu... je crois que j'ai rarement été aussi mal à l'aise que d'avoir à  subir ce regard désapprobateur.... Mais mon cher Choukry est resté de marbre et bon pratiquant.... Je me demande même s'il n'était pas dans le fond content de voir sa tante s'inquiéter inutilement ..... 

 (B-es slâma.)

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