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No pasaran ! ...... La Retirada

22 Juillet 2009 , Rédigé par daniel Publié dans #no pasaran

En septembre 2007 j’ai écrit un article intitulé « No pasaran !...Une auberge espagnole. » Cet article s’appuyait sur le mémoire de Cécile et évoquait l’arrivée des républicains espagnols qui fuyaient, pour sauver leur peau, devant l’avancée victorieuse des putschistes franquistes. Le titre du billet était emprunté à l’écrivain Luis Bonet, que Cécile avait d’ailleurs pu rencontrer pour préparer son mémoire. Elle avait aussi questionné longuement son grand-oncle Rafaël, quelques années avant sa disparition. Rafaël lui raconta comment son frère Luis et lui avaient pu passer la frontière et comment ils avaient été accueillis en France. Luis le père de Pilou, le grand-père de Cécile.

Jipé, notre ami toulousain, nous a envoyé un bel article qui est paru dans le Midi Pyrénées info d’Avril-Mai 2009 « Il y a 70 ans, la Retirada ». En voici quelques extraits qui confirment et complètent le travail de Cécile.

  « …….En janvier 1939, Madrid n’est pas encore tombée, mais le front de Catalogne cède. Tarragone est prise à mi-janvier, Barcelone le 26 du même mois et Gérone, le 4 février. L’avancée des troupes franquistes ne s’arrêtera qu’à la frontière française le 9 février. Cette déroute de l’armée républicaine entraîne un exode sans précédent….. Ce sont des centaines de milliers de familles qui se retrouvent, en cette fin du mois de janvier 1939, jetées sur les routes menant vers la France. Tous ces chemins de l’exil se transforment en une file ininterrompue de camions, voitures, charrettes et piétons que les troupes franquistes n’auront de cesse de harceler par des bombardements aériens dévastateurs. Dans des conditions déjà dramatiques, la pluie, la neige et le froid causeront également de nombreuses victimes, avant même que ces cohortes ne se présentent à la frontière…..

..Jamais la France n’avait vu eu à gérer un afflux aussi massif et aussi soudain, près de 500 000 personnes…. ». Elle fera pourtant preuve d’une impréparation criante : la « Retirada » et le sort réservé aux réfugiés constitua l’un des épisodes les plus sombres de ce conflit.

« …..Alors que des milliers de réfugiés se pressent depuis plusieurs jours à la frontière, le gouvernement français ne consentira à l’ouvrir que dans la nuit du 27 au 28 janvier, incapable d’endiguer plus longtemps cette marée humaine. Prats-de-Mollo, Latour-de-Carol, Le Perthus, Cerbère verront défiler une foule hébétée, dans un état d’épuisement physique et de détresse morale immense. Seuls les femmes, les enfants, les vieillards, les blessés et les malades seront dans un premier temps autorisés à passer. Malgré la situation humanitaire déplorable des réfugiés, ce sont des militaires qui les « accueillent ».

Le 5 février, ce sera au tour des combattants défaits de la République de rentrer en France, non sans avoir dû déposer les armes et subir une fouille humiliantes où leur seront parfois « confisqués » les objets de valeur qu’ils avaient pu conserver jusqu’à là. Rafaël avait dit à Cécile que Luis et lui, étaient, sans doute, entrés en France entre le 5 et le 10 février1939.

Comme rien ou presque n’a été prévu, si ce n’est le maintien de l’ordre, certains passeront des nuits parqués comme du bétail, dormant dans les prés enneigés, sans toit pour s’abriter, et toujours gardés. La France de 39 n’est plus celle de 36 et du Front populaire. La xénophobie s’est considérablement développée et l’opinion est divisée sur le sort réservé à ces « rouges »….. .

Luis et Rafaël Rozon, qui étaient entrés en France par le col d’Arès ont passé les premiers jours dans des champs du côté de Prats de Mollo, puis vers Amélies les Bains et Céret. La nuit ils creusaient un trou dans la terre pour s’enfouir sous une couverture et de la paille qu'ils trouvaient pour se protéger du froid hivernal

  ….. Un triage est organisé. Les hommes et les soldats en âge de se battre iront pour la plupart dans des camps, les autres (femmes, enfants, invalides) seront dirigés vers d’anciennes casernes, prisons ou hôpitaux des départements intérieurs qui feront office de lieux d’hébergement provisoires. Les familles se retrouvent séparées et mettront parfois des mois ou des années à se retrouver……

….Le premier de ce que l’on nomme à l’époque « camps de concentration » est celui d’Argelès, dans les Pyrénées-Orientales. Il ne s’agit en fait que d’une bande de sable délimitée par la mer et des rangées de barbelés….. 

…..Ce sont les réfugiés eux-mêmes qui construiront les premiers baraquements, après bien des nuits passées enfouis dans le sable pour essayer de se préserver du froid. Il n’y a pas non plus d’eau potable, pas de latrines… La dysenterie fait rapidement des ravages, ainsi que la gale et d’autres maladies dues aux conditions d’hygiène honteuses, intolérables…. ». Des centaines de républicains moururent au cours de ces premières semaines « d’accueil » d’un pays voisin et démocratique.

 Rafaël avait confirmé à Cécile que Luis et lui arrivèrent transis de froid et morts de faim sur la plage d’Argelès……et dans ces conditions, c'est-à-dire sans aucun baraquement, aucun sanitaire, avec pour seul refuge, les « châteaux de sable » de la plage où ils pouvaient se terrer la nuit pour se protéger du froid. Les seules structures de ce camp étaient les barbelés et quelques poteaux plantés dans le sable pour y attacher les perturbateurs, qui y passaient la nuit en plein air au lieu d’être à l’abri dans le sable ; de quoi refroidir les récalcitrants de toute tentative de récidive. Pour toute nourriture, du pain et de l’eau leur étaient donnés ; certains arrivaient à faire du troc avec les gardiens, des tirailleurs « dit » sénégalais. Une boule de pain, ou un paquet de cigarettes ou une couverture contre une bague ou une montre.

   «….D’autres camps sont ouverts pour désengorger celui d’Argelès, principalement dans le département des Pyrénées-Orientales. On comptera à mi-février autour de 275 000 internés. Certains camps n’auront qu’une existence éphémère. L’hiver 39 étant particulièrement rigoureux, ils seront fermés à cause du froid comme à la Tour-de-Carol ou à Bourg-Madame. D’autres centres sont édifiés à la hâte dans tout le sud de la France. Dont certains revêtent un caractère spécialisé. A Agde dans l’Hérault, seront accueillis les Catalans, A Septfond, dans le Tarn et Garonne, ce seront les ouvriers spécialisés….

Le camp du Vernet, en Ariège, aura lui une vocation disciplinaire……On y envoie les éléments jugés les plus dangereux pour le maintien de l’ordre public intérieur. La surveillance armée déjà omniprésente dans les autres camps se double, au Vernet, de mesures de répression. Un espace dénommé par les réfugiés le « cuadrilatero » ou « l’hipodromo » est spécialement dédié au châtiment des « fortes têtes »….. ….. »

A l’approche du déclenchement de la seconde guerre mondiale, le gouvernement français trouve dans cette masse des réfugiés qui demeure sur son sol une main-d’œuvre facile à exploiter. Il crée pour cela les Compagnies de Travailleurs Etrangers qui s’attellent à des tâches de cantonniers, de bûcherons, d’ouvriers agricoles ou sont affectés dans des mines et parfois dans l’industrie pour suppléer l’absence des français mobilisés.

En septembre de nombreux espagnols furent réquisitionnés pour des travaux en dehors des camps dont les vendanges. Ce fut le cas de Luis et Rafaël Rozon du côté d’Agde, avant d’être affectés, fin décembre, à la 132ème compagnie à St Jouin de Marne

 Sous Vichy, ces réfugiés furent intégrés de force dans les Groupements de Travailleurs Etrangers, certains participeront à la construction du « mur de l’Atlantique ».

Luis et Rafaël, en Juin 1940 à la débâcle, ont eu la bonne idée d’écouter les conseils d’un officier français : « Partez les allemands vont arriver, partez le plus loin possible vers la Méditerranée.» Les militaires français leur ont même fait cadeau de 2 bicyclettes. A la force des mollets ils ont rejoint Carcassonne puis Castres. Ils ont pu faire valider leurs cartes de CTE, pour travailler dans les champs et les vendanges puis dans une mine. Ils abandonnèrent ce travail à la mine en raison des très nombreux accidents qui s’y produisaient et alternèrent pendant près de deux années fuites, cachettes et travaux clandestins.

  Ce chemin de l’exil passe, pour beaucoup, par la résistance aux côtés des Français. L’action des Espagnols se révèle décisive dans la libération de nombreuses villes du Sud-ouest, Toulouse, Foix, Auch… Ce fut le cas de Rafaël qui, fin 1943, rejoignit les FFI, se séparant de Luis pour la première fois depuis leur fuite désespérée d’Andalousie en août 1936. Luis continuait à échapper aux contrôles protégé par un emploi de coiffeur à Toulouse.

    A suivre

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M
Article passionnant. Mon père faisait alors son service. Il s'est retrouvé à la frontière du côté de Prat de Mollo. Il a très peu parlé de ces évènements certainement par humilité mais aussi parce qu'il avait honte de l'attitude de la France.<br /> Maurice.
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