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No pasaran .... Mientras dure la guerra.

20 Février 2021 , Rédigé par niduab Publié dans #no pasaran

 Le week-end dernier nous avons vu à la télévision, par le biais des films payants proposés par le site Orange, un film relatant la prise de pouvoir en Espagne par les franquistes en juillet 1936. Comme je l'avais fait pour El silencio de los otros, publié fin février 2019, un autre film sur la guerre d'Espagne, je n'ai pas inscrit ce nouvel article dans la catégorie ciné-cure, mais dans no pasaran. Il me faut cependant faire la présentation de ce film d'Alejandro Amenabar qui est sorti en Espagne le 19 septembre 2019 sous le titre Mientras dure la guerra (Tant que durera la guerre) et en France le 19 février 2020 sous le titre Lettre à Franco. Je ne pense que ce film soit sorti à Niort avant le premier confinement sinon nous serions allés le voir. Il me semble que le titre espagnol met en évidence les désaccords qu'il y eut au sein de la junte militaire qui porta Franco au pouvoir alors que le titre français s'appuie surtout sur la personnalité et le comportement, dans ces heures graves, d'un grand intellectuel, Miguel de Unamuno, écrivain, philosophe, recteur de l'université de Salamanque, homme de passions, animé de multiples contradictions. ce film magnifique retrace les évènements politiques qui se sont déroulés entre le coup de force des militaires le 19 juillet 1936 à Salamanque et la cérémonie de la fête de la race à l'auditorium de l'université de Salamanque le 12 octobre 1936. Il fut récompensé "meilleur film international" au festival de Haïfa ; et lors de la cérémonie des Goya il obtint deux prix techniques et le Goya du meilleur acteur de second rôle pour Eduard Fernandez dans le rôle de José Millan-Astray.

 Rappel sommaire de la situation politique avant le 18 juillet. La seconde République espagnole est née le 14 avril 1931 suite à de banales élections municipales qui furent  défavorable à la monarchie. Le roi Alphonse XIII quittait alors le pouvoir et Madrid sans avoir abdiqué. La République était proclamée immédiatement avec des élections générales programmées au 28 juin 1931. Ces élections offraient une large victoire à la coalition des républicains et des socialistes avec une participation de 65% de l'électorat. La droite républicaine héritait de la présidence (Alcala Zamora) et la gauche républicaine du poste de premier ministre (Manuel Azaña). Dès  juillet le gouvernement lançait un vaste programme de réformes sociales et économiques. 
Nouvelles élections générales le 19 novembre 1933, premières élections réellement démocratiques avec pour la première fois la participation des femmes. Malgré une forte abstention dans les zones à majorité anarchiste, la participation sur l'ensemble de L'Espagne était plus élevée (67,5 %) La droite dirigée par Gil Robles l'emporta dans le cadre d'une large alliance des droites républicaines, conservatrices, nationalistes et monarchistes alors que La gauche étaient allée à la bataille divisée. Le poste de premier ministre revint à Alejandro Leroux du parti radical, un républicain du centre. En janvier 1936, Gil-Robles le chef du groupe majoritaire, le CEDA, demandait au Président de la République de l'appeler pour former un nouveau gouvernement, le président Alcala-Zamora préféra dissoudre les Cortès et pour la troisième fois en cinq ans les espagnols allaient voter. L'élection était prévue pour le 16 février 1936. La campagne se déroula dans un climat de violence et après la victoire du Front populaire les violences se poursuivirent. Manuel Azaña, devenait chef d'un gouvernement de Front populaire. Le 10 mai 1936 le président Zamora était renversé par les députés et le lendemain Azaña était élu président, quelques jours plus tard Diégo Martinez Barrio devenait premier ministre. La gauche avait tous les pouvoirs. Le déroulement des élections et les violences qui se poursuivirent contribuèrent à inciter les forces conservatrices du pays à préparer la tentative de coup d'État nationaliste de juillet 1936, qui débouchera sur la guerre civile espagnole.

  Je vais maintenant décrire la période de prise de pouvoir par Franco au rythme du  film d'Alejandro Amenabar en complétant cette sorte de synopsis par des informations complémentaires trouvées sur internet et notamment Wikipedia où dans le livre d'Hugh Thomas Histoire de la guerre d'Espagne. Tome 1 & 2.
 Le film commence par l'arrivée en camions de troupes militaires armées qui occupent, au petit matin, la plaza mayor de Salamanque. Un officier avec un mégaphone annonce qu'en ce jour du 19 juillet la ville est en état de guerre et que les habitants doivent dorénavant respecter les directives de l'armée. Immédiatement des gens manifestent leur désaccord et sont exécutés sur le champ. Les militaires se rendent ensuite à la mairie et procèdent à l'arrestation du maire républicain de gauche Casto Prieto Carrasco. Personne ne le reverra ni un autre élu, le député socialiste José Andres Y Manso. L'armée avait dit qu'ils devaient être jugés au tribunal de Valladolid. Ils furent exécutés à 37km de Salamanque au bord de la route qui menait à Valladolid. A l'heure où le maire était arrêté, le professeur Miguel de Unamuno se réveillait. Ses filles lui racontent ce qui s'est passé en matinée. Il s'habille et décide d'aller en ville. En fait il a besoin de retrouver des amis avec lesquels il va prendre un café et discuter de la situation et forcément s'engueuler. Ses amis hésitent à sortir mais le suivent. Atilano Coco, fils de berger, est un pasteur de l'église réformée espagnole. Il a été aussi membre du parti radical socialiste et franc-maçon. Salvador Vila a étudié la philosophie et les lettres à l'université de Salamanque, étudiant du professeur Miguel de Unamuno. En 1935/1936 il enseignait à l'université de Grenade où il fut nommé recteur par intérim... A la fin de l'année universitaire il revenait avec sa famille à Salamanque pour les vacances d'été. C'était un républicain de gauche qui n'hésitait pas à s'engager. Miguel de Unamuno quitta ses amis parce qu'il devait avoir une interview avec un journal auquel il dirait ce qu'il venait de leur dire : il acceptait la prise de pouvoir momentanée par l'armée mais ce n’était pas lui qui trahissait la république, mais que c'était la république qui l'avait trahi......Plus tard il rencontra aussi la femme du maire; il lui dit de ne pas s'affoler, que c'était un malentendu et qu'il fallait collaborer avec les insurgés. La femme du maire choquée lui répondit « Et c’est vous qui dites çà ! » Le grand intellectuel lui proposa de lui prêter de l'argent jusqu'à ce que Casto sorte de prison
 Alejandro Amenabar nous emmène ensuite au Maroc espagnol où nous trouvons Francisco Franco qui a alors 44 ans. Après la proclamation de la république en 1931, il fut nommé chef d'état major en 1933. En février 1936 il était relégué aux iles canaries par le gouvernement du front populaire, puis il se rallia à la dernière minute à la conspiration, à la suite du meurtre de Calvo Sotello par des militants républicains. Dans le film on le voit recevoir un diplomate allemand qui lui dit que la junte ne pourra avoir l'appui d'Hitler que si les insurgés désignent un leader indiscutable. L'allemand parti, les proches de Franco l'engageaient à franchir le pas le plus tôt possible. Franco répondit non pas encore ! Quelques semaines plus tard, à la tête des troupes d'élites regroupées au Maroc il débarquait, le 5 aout, en Andalousie pour commencer la conquête de l'Espagne.
 A Salamanque Miguel de Unamuno est de plus en plus mal à l'aise. Il revoit ses amis Coco et Vila et une fois de plus ils se disputent. Surtout avec Salvador Vila, mais c'est Coco qui les quittent brusquement car Unamuno l'a insulté en le traitant de béni-oui-oui protestant. Regrettant ses paroles Unamuno se rend en soirée chez son ami pour s'excuser. Il voit sa femme qui n'a pas encore revu son mari. Ils ne le reverront plus.
 Le film nous permet alors de faire la connaissance du général Millan Astray, un familier de Franco, qui était un militaire brutal et impulsif en phase avec l'idéologie fasciste. Quinze ans plus tôt, pendant la guerre du Rif il y avait perdu un œil et un bras ce dont il était fier. Il inventa le slogan "viva la muerta". Quand il croise de jeunes soldats rebelles il leur dit aussi « Allez mourir au combat, c'est un honneur ». Astray déteste les intellectuels, notamment Unamuno, il critique même la junte dont certains généraux s'étaient accommodé de la république.... Il demande à Franco de le charger de la propagande.... Mais à ce moment la junte dans sa configuration initiale (sans ceux de l'armée d'Afrique) s'est réunie et déclarait Miguel de Unamuno recteur à vie de l'université de Salamanque.
Unamuno apprend par la femme d'Atilano Coco, que son mari a été arrêté. L’écrivain reste sur sa position ce n'est qu'une opération de remise en ordre après les excès du Front populaire. Il tient le même discours un peu plus tard à Salvador Vila qui ne supporte plus les faux semblants du professeur : il lui dit que des gens ont été arrêtés parce qu'ils n'allaient pas à la messe ; propagande répond Unamuno ! Federico Garcia Lorca a été exécuté ; mensonge de la radio du gouvernement répond Unamuno. Non c'est la BBC qui l'annonce ! Le professeur est secoué. Et Salvador poursuit, ce n'est pas une remise en ordre, mais du fascisme comme en Italie et en Allemagne. Non, réplique Unamuno pas tant qu'ils garderont le drapeau républicain.
 Franco s'installe au palais épiscopal de Salamanque où sa femme et sa fille qui étaient en lieu sûr à Casablanca allaient le rejoindre. Salamanque devint aussi un centre d'organisation de l'État major des franquistes. Certains de ses proches dont le général Millan Astray, souhaiteraient que l'armée d'Afrique se rende à Tolède où des insurgés qui voulait prendre la ville en juillet sont en difficulté et se sont réfugiés dans l'Alcazar avec leurs familles cernés par l'armée du gouvernement. Franco refuse : l'Alcazar n'est pas sur ma route, la priorité c'est régler le problème du le commandement et après Madrid.
 Un jour, Miguel de Unamuno rencontre Franco et quelques généraux de la junte. Millan Astray le menace en lui rappelant son passé socialiste. Il lui rappelle aussi qu'en étant recteur de l'université il était de facto président de la commission d'épuration, ce qu'il avait refusé quelques jours plus tôt. Il devra aussi avec cette commission préparer un manifeste de soutien. Quelques jours plus tard, Unamuno est malade mais accepte de recevoir Enriqueta la femme d'Atilano Coco. Elle est venue lui laisser un mot en rappelant la situation de son mari. Il tente de la rassurer en lui disant qu'il avait vu récemment les responsables militaires et met la lettre dans sa poche. Il a aussi besoin de revoir Salvador Vila, celui-ci hésite mais accepte une balade. Salvador n'est pas tendre avec Miguel : vous êtes une girouette, c'est honteux. Qu'est devenu le député républicain que vous étiez lors du premier gouvernement ? Ils se réconcilient en admirant le paysage quand une voiture s'arrête ; deux hommes en sortent et tabassent Salvador puis le jette dans la voiture. L’un d'eux donne ordre à Unamuno de déguerpir sans se retourner. Le professeur ne reverra pas Salvador. Vila sera transféré à Grenade et abattu le 22 octobre 1936 avec 28 autres personnes et jeté dans une fosse commune dans le Barranco de Viznar. Son épouse Gerda allemande et juive fut sauvée par l'intercession de Manuel de Falla, après avoir été obligée de se faire baptiser.
 Le 21 septembre eut lieu à Salamanque une réunion afin d'établir un commandement militaire unique, dans le but d'éviter les frictions qui avaient pu avoir lieu durant les mois précédents. Astray prend la parole et glorifie les exploits de luttes de Franco qui en plus d'être un héros est aussi un homme qui a la baraka. Quand le vote commence Franco se rend compte que tout le monde vote pour lui, au point qu'il sent un piège et qu'il hésite à se prononcer. Il pense avoir fait un faux pas. Il finirait par être un généralissime sans pouvoir. Il vota puis il rassembla ses proches. Changement de tactique : priorité sur Tolède. Le 22 septembre l'armée d'Afrique s'approchait à quelques kilomètres de Tolède. Craignant d'être encerclés, les républicains commencèrent à abandonner la ville, et l'Alcazar. Le 28 septembre les troupes franquistes tenaient la ville et libéraient l'Alcazar. La victoire nationaliste fut un moment décisive pour Franco même si ça a retardé la prise de Madrid.

 Miguel de Unamuno tient à voir Franco en tête à tête et il se rend chez lui. Franco accepte de le recevoir et il est particulièrement bien reçu par Dona Carmen la femme de Franco. Elle dit combien elle aime ses romans, contes et poésie tout en étant très réservée sur ses essais et articles politiques. Le professeur peut ensuite parler de ses amis qui ont été arrêtés. Le cas de Atilano Coco fut vite réglé : c'est bien le pasteur de l'église réformée lui demanda Franco --- Oui lui répondit le professeur... Et Franco poursuivit :  il est franc-maçon, un mauvais espagnol votre ami ! .... Après un silence traduisant son embarras Unamuno évoque le cas de Salvador Vila ... C'était mon élève et je le considère comme mon fils.... Franco ne connaît pas Vila et demande à un officier de proximité d'aller se renseigner... Carmen Franco en profite pour demander au professeur s'il est toujours un bon chrétien.... Au oui chuchoté... elle lui demande s'il va à la messe... Silence... l'officier de retour parle à l'oreille de Franco. Celui-ci dit au professeur qu'il était retenu par les nationaux.... Mais les nationaux c'est vous !... Silence.... Et Unamuno quitte la famille Franco et rentre dépité chez lui..... 

 Il n'a guère consacré de temps au manifeste que devait établir la commission qu'il  dirigeait en tant que recteur.  Le travail a été fait par les proches de Franco,  mais Unamuno doit signer ce document. Il le lit et se met en colère :  la syntaxe est déplorable et il réécrit en partie le manifeste avant de le signer... Peu importe le contenu qui annonce une dictature tant que le texte est bien écrit ; par lui bien sûr !  Franco est satisfait. 

A suivre au prochain article intitulé Lettre à Franco 

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