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Philo Bath ..... Montesquieu, l'amour de la vertu.

9 Février 2022 , Rédigé par niduab Publié dans #Philo bath

Issu de la noblesse, Charles de Secondat, baron de Montesquieu (1689-1755) publie en 1721 une satire tournant en dérision l'absolutisme de Louis XIV. Plusieurs années plus tard il dénoncera également la dérive despotique de la France de Louis XV. 
La publication en 1748 de De l'esprit des lois eut un énorme retentissement dans la société européenne. Montesquieu, s'était déjà un nom en 1721 avec ses Lettres persanes, un ouvrage dans lequel un voyageur persan imaginaire se faisait l'écho des vices ridicules de la société française. Laissant cette fois l'ironie de côté, ce nouvel essai était le fruit des voyages effectués par l'auteur dans toute l'Europe pour y étudier les différents systèmes de gouvernement. Il en distinguait trois : aux deux extrêmes se trouvait la république, reposant sur la vertu civique du peuple, détenteur du pouvoir souverain et le despotisme, défini comme le gouvernement d'un seul homme régnant par la crainte et ne se souciant ni des règles, ni des lois. Entre les deux extrêmes se trouvait la monarchie, le gouvernement d'un roi s'appuyant sur d'autres individus selon le principe de la division des pouvoirs.

 Dans De l'Esprit des lois, publié en 1748, Montesquieu fustige le despotisme et montre son intérêt pour les régimes modérés où les pouvoirs sont équilibrés grâce à des corps intermédiaires : il adopte également des positions contre l'esclavage. Dans les extraits qui suivent (Livre V chapitres, 2, 3 et 4), c'est l'importance de la notion d'égalité en république qui est mise en avant, "l'amour de l'égalité, dans une démocratie" bornant l'ambition du citoyen au seul désir de rendre de grands service à sa patrie.
 La vertu, dans une république est une chose très simple : c'est l'amour de la république ; c'est un sentiment, et non une suite de connaissances ; le dernier homme de l'Etat peut avoir ce sentiment, comme le premier. Quand le peuple a une fois de bonnes maximes, il s'y tient plus longtemps que ce qu'on appelle les honnête gens. Il est rare que la corruption commence par lui. Souvent il a tiré de la médiocrité de ses lumières un attachement plus fort pour ce qui est établi. 
L'amour de la patrie conduit à la bonté des mœurs, et la bonté des mœurs mène à la l'amour de la patrie. Moins nous pouvons satisfaire nos passions particulières, plus nous nous livrons aux générales. Pourquoi les moines aiment-ils tant leur ordre ? C'est justement par l'endroit qui fait qu'il leur est insupportable. Leur règle les prive de toutes les choses sur lesquelles les passions ordinaires s'appuient : reste donc cette passion pour la règle même qui les afflige. Plus elle est austère, c'est à dire plus elle retranche de leurs penchants, plus elle donne de force a ceux qu'elle leur laisse. [....]
L'amour de la république, dans une démocratie, est celui de la démocratie ; l'amour de la démocratie est celui de l'égalité.
L'amour de la démocratie est encore l'amour de la frugalité. Chacun devant y avoir le même bonheur et les mêmes avantages, y doit goûter les mêmes plaisirs, et former les mêmes espérances ; chose qu'on ne peut attendre que de la frugalité générale. 

L'amour de l'égalité, dans une démocratie, borne l'ambition au seul désir, au seul bonheur de rendre à sa patrie de plus grands services que les autres citoyens. Ils ne peuvent pas lui rendre tous les services égaux ;  mais ils doivent tous également lui en rendre. En naissant, on contracte envers elle une dette immense dont on ne peut jamais s'acquitter.
Ainsi les distinctions y naissent du printemps de l'égalité, lors même qu'elle paraît ôtée par des services heureux, ou pat des talents supérieurs. 

L'amour de la frugalité borne le désir d'avoir à l'attention que demande le nécessaire pour sa famille et même le superflu pour sa partie. Les richesses donnent une puissance dont un citoyen ne peut pas user pour lui : car il ne serait pas égal. 
Elles procurent des délices dont il ne doit  pas jouir non plus parce quelles choquerait l'égalité tout de même.
Aussi les bonnes démocraties, en établissant  la frugalité domestique, ont-elles ouvert la porte aux dépenses publiques, comme on fit à Athènes et à Rome. Pour lors la magnificence et la profusion naissaient du fond de la frugalité même : et, comme la religion demande qu'on ait les mains pures pour faire des offrandes aux dieux, les lois voulaient des mœurs frugales pour que l'on pût donner à sa patrie.
Le bon sens et le bonheur des particuliers consistent beaucoup dans la médiocrité de leurs talents et de leurs fortunes. Une république où les lois auront formé beaucoup de gens médiocres, composée de gens sages, se gouvernera sagement ; composée de gens heureux, elle sera très heureuse.

L'amour de l'égalité et celui de la frugalité sont extrêmement excités par l'égalité et la frugalité même, quand on vit dans une société où les lois ont établi l'une et l'autre. Dans les monarchies et les Etats despotiques, personne n'aspire à l'égalité; ça ne vient pas même l'idée : chacun y tend à la supériorité. Les gens des conditions des plus basses ne désirent en sortir que pour être les maîtres des autres. Il en est de même de la frugalité. Pour l'aimer, il faut en jouir. Ce ne seront point ceux qui sont corrompus par les délices qui aimeront la vie frugale : et si cela avait été naturel ou ordinaire, Alcibiade n'aurait pas fait l'admiration de l'univers. Ce ne seront pas non plus ceux qui envient ou admirent le luxe des autres qui aimeront la frugalité : des gens qui n'ont devant les yeux que des hommes riches, ou des hommes misérables comme eux, détestent leur misère, sans aimer ou connaitre ce qui fait le terme de la misère. C'est donc une maxime très vraie que pour qu'on l'aime l'égalité et la frugalité dans une république, il faut que les lois les y aient établies. 

Après quinze ans de travail sur l'ouvrage, De l'esprit des lois parait à Genève début novembre 1748 mais sans nom d'auteur et  grâce à l'aide financière de Mme de Tencin qui achète également nombre d'exemplaires pour les donner à ses amis. À la parution, Montesquieu est l'objet des plus vives critiques de la part des conservateurs et des ecclésiastiques. Des louanges sont émises par les encyclopédistes comme D'Alembert, fils naturel de Mme de Tencin, qui lui écrira un éloge. Certains encyclopédistes, dont notamment Voltaire, lui reprochent toutefois une certaine forme de conservatisme. Montesquieu répondra à toutes ces critiques par Défense de l'esprit des lois, publié en 1750. Ensuite il collabora au début de l'Encyclopédie de Diderot et D'Alembert en y rédigeant un article sur le goût. Finalement malgré quelques divergences politiques peut-être liées à des différences de caractère ou d'âges (En 1750 il a 61ans, Diderot 37 ans, d'Alembert 33 ans Rousseau 38 ans...et Voltaire 54 ans) il restera un précurseur dont se réclameront les philosophes des Lumières.  Il décéda le 12 février 1755 à Paris.  

Sources : Paragraphe et lignes en bleu Histoire et Civilisation pages 21 et 90 à 91.

Paragraphe en vert extraits de l'Esprit des lois dans trimestriel d'octobre 2015 de Mariane consacré aux textes sur la République. 

Paragraphe en noir : Des extraits de Wikipédia rassemblés à ma façon. 

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