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Une histoire de France passant par Niort....(suite)

15 Octobre 2012 , Rédigé par niduab Publié dans #Histoire de rôles

2ème partie : Les descendants du soldat poète, un fils criminel et sa petite-fille épouse du Roi.      (Lire d'abord la 1ère partie)

 Quelle famille ces d’Aubigné ! Cette lignée d’aventuriers qui dut passer par la case prison pour finir dans la chambre royale ; mais ceux qui ont lu « L’allée du Roi » de Françoise Chandernagor ou ceux, plus nombreux, qui ont vu son adaptation pour la télévision de Nina Companez avec Dominique Blanc dans le rôle de Madame de Maintenon connaissent l’histoire ou du moins la fin de l’histoire.

Pour ce billet, je m’appuie sur d’autres sources dont des éléments trouvés sur Internet, surtout pour ce qui concerne Constant d’Aubigné, le moins connu, mais aussi en prenant pour fil conducteur le livre de Simone Bertière «Les femmes du Roi-Soleil », notamment les chapitres 10 et 13, « La gouvernante des bâtards royaux » et « L’épouse non déclarée »  

«…. Françoise d’Aubigné est la petite fille du fameux Agrippa d’Aubigné, le compagnon de combat d’Henri IV, le génial auteur des ‘’Tragiques’’. Mais dans la seconde moitié du XVIIesiècle ce n’était pas là des titres de gloire. Le vieux huguenot fanatique, inconsolé d’avoir vu abjurer son maître, avait vieilli dans la disgrâce.….. C’était un homme du passé, ses œuvres poétiques étaient démodées et ses écrits historiques sentaient furieusement le fagot. Ses trois enfants se disputaient le peu qu’il avait laissé, de petits châteaux -- à peine plus que des grosses fermes -- aux alentours de Niort. Fidèles à la foi réformée, les deux filles avaient épousées de bons huguenots, issus de terres qu’ils exploitaient eux-mêmes….. »

 On peut relativiser ce jugement selon les précisions qu’apportent un descendant  (http://larochejacquelein.com/bulletin1999/agrippa2.htm) :

De son mariage avec Suzanne de Lezay, Agrippa avait eu 5 enfants : 3 garçons et 2 filles ; deux garçons moururent jeunes ne laissant que Constant, le futur père de Françoise de Maintenon, et les deux filles…. Les rapports entre Constant, né en 1585, et son père furent exécrables ce qui conduisit Agrippa à reporter toute son affection sur Louise Arthémise née en 1586 qu’il appelait ‘’son unique’’; ce qui n’était d'ailleurs pas d’une grande gentillesse pour sa sœur Marie née en 1584. (Selon les sites une incertitude demeure pour affirmer laquelle des deux était l’ainée).

Louise Arthémise avait épousé, en 1610, Benjamin de Valois sieur de Villette. Sa sœur fut mariée en 1613 à Josué Caumont d’Ade appelé Dadou, terme peu noble, par son beau-père ; un pauvre gentilhomme gascon qui avait servi Agrippa dans ses équipées guerrières. Les rapports familiaux étaient difficiles et Agrippa les aggravait en laissant la gestion de ses biens à Louise sa fille chérie, à charge pour elle de reverser une rente à son frère et à sa sœur Marie.

Il faut aussi citer, brièvement un demi-frère, Nathan d’Aubigné né à Nancray en 1601, qu’Agrippa d’Aubigné eut avec Jacqueline Chayer. Celui-ci suivit son père lorsqu’il s’exila à Genève, et y devint un célèbre homme science, le docteur Nathan dit la Fosse, qui ouvrit la lignée suisse.

  «….Constant avait fait le désespoir d’Agrippa. Pas facile d’être le fils du vieux baroudeur de Dieu ! Il rejeta en bloc l’héritage moral et religieux. Quant à l’héritage matériel, son père finit par le lui retirer dans un testament qui le dit ’’destructeur du bien et de l’honneur de la maison’’. Il tenait de sa famille un tempérament impulsif et brutal, une imagination intempérante, une fâcheuse propension à prendre ses rêves pour des réalités. Il était libertin, buveur, joueur, tricheur, coureur de fille. Il passa en diverses prisons une large part de son existence pour violences, escroqueries, fabrication de fausses monnaies et autres méfaits…. »

 Un site http://books.google.fr/ référencé ‘’Constant d’Aubigné p.183’’ nous apprend qu’Agrippa avait envoyé son fils âgé de 16 ans à Sedan dans une école protestante mais qu’il s’y fit surtout remarquer par sa débauche et ses dettes. De retour dans le giron familial, en 1606, il fut fait capitaine de Maillezais en 1607 puis il se maria en 1608 avec Jeanne Marchant, la veuve d’un baron de Châtelaillon.

Dès 1613 il eut des ennuis avec la justice, avec même une condamnation à mort par contumace, mais sans suite (?).

En 1618 il abjurait le protestantisme s’aliénant ainsi, quasi définitivement, son père.

En 1619 il tuait sa femme et son amant, ce qui ne semble d'ailleurs pas avoir été la cause de son emprisonnement à La Rochelle ; il apparaît que ce soit plus lié à sa tentative de reprendre de force le Dognon de Maillezais qu’Agrippa avait laissé au duc de Rohan. Il resta une année en prison puis, libéré, se précipita à Genève où son père s’était retiré mais dont il n’obtint absolument rien.

Il retourna à Genève en janvier 1624 et cette fois, en échange d’une promesse de retour au protestantisme, il serait arrivé à trouver avec le vieux soldat un accord a minima sur les affaires familiales.

images[1]

Constant fut à nouveau emprisonné vers 1626 et ne fut libéré qu’en 1642 avec sans doute pendant cette longue peine quelques mesures d’aménagement. Ainsi, il épousait en décembre 1627, Jeanne de Cardilhac qu’il avait connue en prison. 

«….c’est au cours de son séjour au Château-Trompette, à Bordeaux, qu’il séduisit la fille de son geôlier en chef, gouverneur de la forteresse…. La peine qu’il purgeait en Guyenne n’était pas liée au double meurtre de 1619, jugé excusable à cette époque de la part d’un mari bafoué, mais plus trivialement à une accumulation de dettes impayées. La pauvre Jeanne de Cardilhac le suivi de prison en prison et lui donna deux fils. Constant né en 1628 et Charles né en 1634. En 1635, il bénéficiait dans celle de Niort d’un régime assez doux puisqu’il lui fit un troisième enfant : Françoise naquit entre le 24 et le 27 novembre 1635 dans la conciergerie de la citadelle où sa mère était hébergée par charité… » »

 Un dominicain Laurent Angliviel affirmait dans un livre en 1755 que la future Madame de Maintenon ne serait pas née à Niort mais y fut seulement baptisée au retour dans la région de ses parents après avoir passé quelques années aux Caraïbes. Il affirmait que Françoise serait née en 1630 en Guyane à Sinnamary. Son père se serait-il livré à la justice après s’être prudemment exilé quelques temps en Guyane et en Martinique ? Cette hypothèse parait bien peu crédible…. (Source le grand livre de l’histoire de la Guyane Tome 1 p.44). Par contre la présence en Guyane du seul Constant, fuyant la justice entre 1624 et 1625, ne serait pas impossible. On sait qu’il y eut un début de colonisation à Sinnamary de la Compagnie de Rouen ces années-là, et on mentionne aussi le nom d’un Constant d’Aubigné dans le premier voyage de Pierre Belain à la Martinique en 1635 (?).

Par contre on est certain que Constant était bien en prison à Niort fin 1935 et qu’il ne fut ‘’officiellement libéré’’ que fin 1642, après la mort de Richelieu.

  « Le couple d’Aubigné, aux abois fut tiré d’affaire par la sœur aînée de Constant, Artémiste de Villette, qui se chargea de ses trois neveux. Pendant une huitaine d’année Françoise partagea avec ses deux frères, dans le petit château de Mursay, la rude vie rustique d’une famille huguenote pleine de toutes les vertus évangéliques. Sans qu’on lui imposât rien, puisqu’on la savait catholique, elle devenait peu à peu huguenote.  »

  Sorti de Prison Constant d’Aubigné ne se voyant pas d’avenir en France, réussit à persuader sa femme d’aller chercher fortune dans les îles (ce qui pourrait renforcer l’hypothèse d'un ou de précédents séjours) et de s’embarquer pour Marie Galante, une ’île totalement vierge proche de la Guadeloupe. Au bout de quelques mois, c’était d'évidence un constat d’échec et la famille se réfugiait à la Martinique où elle allait survivre dans une extrême pauvreté. Début 1645 Constant, sous prétexte de démarche auprès de la compagnie des Indes, rentrait seul en France. Il ne devait jamais revenir. A l’été 1647, après douze années aux Antilles, ne croyant plus au retour de son mari, Jeanne réussit à trouver 4 places sur un bateau pour rentrer avec ses enfants en France.

Constant était mort à Orange fin août 1647, après avoir essayé d’obtenir à Genève une aide de son demi-frère Nathan d'Aubigné. Jeanne épuisée s’éteignait à son tour quelques mois après son retour à Niort, laissant Françoise à la châtelaine de Mursay, tandis que les garçons étaient orientés vers l’armée.

« Françoise y passa une année paisible, le temps de devenir bonne huguenote. Madame de Neuillant,épouse du gouverneur de Niort et amie de la reine Anne d’Autriche, réclama sa tutelle et l’arracha aux Villette. Elle tenta de dresser et de civiliser la sauvageonne rescapée des îles…. Elle l’envoya au couvent pour la ramener à la stricte orthodoxie catholique. Les Ursulines de Niort y échouèrent ; celles de Paris, usant la manière forte y réussirent en un temps record.

Après quoi Mme de Neuillant l’introduisit prudemment dans le monde. Dans l’hôtel particulier de Niort on recevait beaucoup. Le chevalier de Méré y venait en voisin, il remarqua l’appétit de savoir de Françoise, il l’écouta, lui parla, en fit ‘’son écolière’’……. Elle prend la mesure de ses lacunes mais aussi ses atouts….. Elle a tiré des leçons qu’elle n’oubliera pas : on ne navigue pas contre le vent et il faut garder pour soi ses opinions et ses sentiments : la dissimulation est instrument de survie. ….. Et à quinze ans, elle découvre qu’elle est plus que jolie, infiniment séduisante et qu’elle peut plaire….»

Quand Françoise eut seize ans, Madame De Neuillant envisagea de faire entrer la jeune fille en religion, mais une jeune noble même pour entrer au couvent doit être dotée. Sa protectrice en parla à un ami, le poète satirique Scarron qui tenait l’un des salons les plus prestigieux de la capitale. Son infirmité autant que ses bons mots et facéties faisaient recettes et attiraient mondains et lettrés curieux. Scarron proposa à l’orpheline de la doter pour entrer au couvent ou de l’épouser.

« Elle n’hésita pas : ‘’J’ai mieux aimé l’épouser qu’un couvent’’ répondit-elle à ceux – au premier rang desquels sa marraine – que son choix stupéfiait. Elle avait seize ans et demi et lui quarante et un. Ils se marièrent en avril 1652…… Le couple, au fond ne s’entendait pas si mal. Il était visiblement heureux de sa présence et plein d’attentions pour elle. Elle le veillait, le soignait. A son contact elle a parachevé sa culture, sa connaissance du monde, sa pratique de la conversation : elle a fini son temps d’école. Il lui a apporté quelque chose de plus précieux encore : la considération.»

Au bout de quelques années Madame Scarron devint même l’animatrice du salon de son mari et tissait ainsi un solide réseau de relations. En 1660, alors qu’elle n’avait que vingt-cinq ans, Scarron mourrait en ne laissant en héritage à sa veuve que des dettes. Heureusement par des relations elle obtint de la reine mère, Anne d’Autriche, une petite pension de 2000 livres…. De quoi survivre.

Parmi ses relations elle avait beaucoup intéressé et plu, par son style et sa discrétion, à une autre poitevine Françoise Athénaîs de Montespan qui pensa à elle pour devenir la gouvernante des bâtards royaux, dont ses enfants. 

Madame Scarron accepta cette charge qui lui fut proposée en 1669. C’est dans un hôtel de Vaugirard qu’elle élevait les enfants de Louis XIV. Le roi y venait de temps à autre visiter sa progéniture. A partir de 1673 les bâtards royaux furent légitimés et leur présence acceptée à la cour… avec leur gouvernante.

 Image

Quelques bons placements aux Caraïbes lui permirent d’acquérir, fin 1674, le château et titre de Maintenon. Françoise d’Aubigné, veuve Scarron, devenait alors Madame de Maintenon.

« Elle eut alors accès au roi plus librement. Bientôt elle put lui parler en chrétienne. Elle était encouragée en cela par son directeur de conscience l’abbé Gobelin. Elle aurait été choisie par le seigneur pour ramener Louis XIV dans les voies de la morale et de la religion. »

La disgrâce de la Montespan, compromise dans l’affaire des poisons, puis la mort de la reine Marie Thérèse en 1683 lui permirent de prendre un ascendant grandissant sur le roi. Celui-ci qui n’avait alors que 45 ans avait besoin d’une femme car sa conversion l’incitait a fuir le péché de chair, du moins les interdits comme l'infidélité et de voler la femme d'un autre fut-il son sujet  «  En dépit du deuil tout frais, le soucis de se mette en règle avec les commandements de l’église a primé sur le respect des convenances. C’est très probablement dans la nuit du 9 au 10 octobre 1683, soit deux mois et demi seulement après la mort de Marie Thérèse, que l’archevêque de Paris unit religieusement Louis XIV, roi de France et Françoise d’Aubigné. »

Ce mariage ne fut pas annoncé et l’épouse ne fut pas reine. Elle resta auprès de Louis XIV jusqu’à sa mort en 1715 ce qui fait quand même 32 ans de mariage.

Trois jours avant la mort du roi, qui avait déjà reçu l’extrême onction, Madame de Maintenon se retirait à la Saint Cyr. L’épouse n’étant pas reine devait rester à l'écart de la cour. Elle mourut à Saint Cyr quatre ans plus tard, elle avait 84 ans…

   (A suivre)

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