Ciné-cure.... Souvenir d'une interview de Kirk Douglas en 1999. Une histoire d'Oscars.
L'acteur Kirk Douglas est mort la semaine dernière, chez lui à Beverly Hills en Californie, à
l'âge de 103 ans (9/12/1916 - 5/02/2020). , J'ai eu un peu de mal à retrouver dans mes archives une interview, que je savais avoir et que j'avais, aussi c'est avec un peu de retard que je peux rendre hommage à ce géant des belles années d'Hollywood. Cette interview est parue dans Studio magazine en septembre 1999 et Kirk Douglas avait alors 84 ans et il y faisait à défaut de vraie promotion pour l'un de ses derniers films Diamonds (qui n'est d'ailleurs pas sorti en France) une sorte de vrai bilan de sa carrière. Je ne reprends que quelques extraits de cette interview ; ceux qui m'ont le plus intéressés et notamment une longue histoire d'Oscars.... C'est mon choix !
--Vous n'aviez tourné qu'une seule fois avec Lauren Bacall, c'était en 1949. Comment c'était
de se retrouver devant la caméra quarante ans plus tard?
K.D. : Nous avons tourné La femme aux chimères de Michael Curtiz, alors qu'elle était mariée à Humphrey Bogard, un homme très bien.... c'était amusant de retravailler avec Lauren, elle est toujours aussi talentueuse. Nous partageons une telle amitié ! Depuis plus de cinquante ans .... Elle était une jeune fille de 15 ans quand je l'ai rencontré à l'Académy of dramatic Art de New York.
--John Ashner raconte que sur le plateau, que vous éliez très émouvants, en essayant de vous impressionner l'un l'autre, et que peut-être même vous aviez toujours le béguin pour elle...
K.D. : Lauren et moi, ça remonte loin.... nous sommes amis. John Ashner est très gentil mais il est trop jeune. Il ne sait rien.
--Le fait qu'il soit si jeune, justement, ne vous a-t-il pas gêné au départ.
K.D. : Quand en 195, j'ai travaillé avec Stanley Kubrick sur Les sentiers de la gloire, il n'était pas plus âgé. Il faisait vraiment gamin. Un film est un travail d'équipe. Si vous sentez que le courant passe, peu importe le reste. John Ashner a accepté de changer son scénario après ma suggestion. Ce n'est pas rien.
-- Participer à l'élaboration d'un bilan a toujours été important pour vous ?
K.D. : Oui. Les acteurs doivent s'impliquer, ils apportent énormément à un film. Quand ma compagnie a produit Spartacus, c'est nous qui avons associé au projet Laurence Olivier, Charles Laughton, etc., et ensuite chacun de ces grands acteurs a, à son tour, apporté quelque chose.
-- Est-ce parce que vous avez toujours voulu faire entendre vos idées aux réalisateurs que vous avez eu la réputation de quelqu'un de difficile?
K.D. : Je ne prête aucune attention à cette réputation. Je ne cherche pas à faire en sorte que d'autres travaillent plus que moi sur un film. Je me suis souvent demandé qui m'avait fait cette réputation. Burt Lancaster, John Wayne, Lana Turner, Tony Curtis ? ... Je ne pense pas.
-- Peut-être s'agit-il de réalisateurs ?
K.D. : J'ai rapidement créé ma propre maison de production. Si certains pouvaient embêtés, c'étaient les acteurs, puisque j'étais le boss.
-- Votre ami Burt Lancaster disait que votre marque était l'exigence.
K.D. : Nous étions tous les deux exigeants. J'ai toujours été exigeant sur la qualité du travail ; ce n'est pas un défaut.
-- En devenant l'un des premiers acteurs-producteurs, vous étiez très en avance sur votre époque. Nombre d'acteurs vous ont imité par la suite.
K.D. : Oui aujourd'hui c'est banal, mais j'étais un pionnier dans le genre. Pour moi, un film doit être distrayant, excitant. Avec la meilleure histoire possible. Je ne voulais pas devenir en nadab, mais comme les bons objets n'arrivaient pas assez vite, il fallait que je les déclenche
moi-même. Et surtout je voulais faire ce qui me plaisait. En 1949 j'ai préféré tourner un petit film Le Champion qu'une grosse production de Robert Sidmak avec Ava Gardner et Grégory Peck (Passion fatale). Avec Champion je pouvais explorer la violence physique. Résultat le film de Sidmak a fait un flop et Champion un hit. Évidemment ça ne fonctionne pas toujours dans ce sens : j'ai refusé de faire Stalag 17 de Billy Wilder qui l'a réalisé avec William Holden qui a remporté l'Oscar pour le rôle que j'aurais du jouer. Parfois il vous arrive de faire des erreurs.
-- Vous étiez impressionnant dans le rôle du nabab égoïste des Ensorcelés. Cela vous a d'ailleurs valu être nommé à l'Oscar.
K.D. : Oui J'ai été nommé trois fois. Pour Champion, Les ensorcelés et La vie passionnée de Vincent Van Gogh. Et trois fois je suis revenu bredouille.
-- En 1996, enfin, vous avez reçu un Oscar d'honneur pour l'ensemble de votre carrière. Mais on raconte que vous en avez reçu deux !
K.D. : Je vois que vous en savez beaucoup sur moi..... Pour ma troisième nomination, pour Van Gogh, j'étais à Munich où je tournais... Tout le monde m'avait donné favoris, alors j'y croyais.... Il y avait une cinquantaine de journalistes devant mon hôtel et j'avais préparé un speech de futur vainqueur.... Mais c'est Yul Brynner qui l'a emporté.... Les photographes n'ont pas été volés, ils ont eu ma réaction authentique à l'annonce du résultat... Cette nuit là j'étais seul et déprimé quand soudain on frappe à la porte de ma chambre pour me donner une boite. Dans cette boîte il y avait un Oscar sur lequel était gravé : « Pour nous, tu mérites toujours un Oscar » Il était signé de ma femme et de mon fils Peter. C’est le seul trophée que je conserve dans mon bureau.
-- Et l'autre Oscar, le vrai ?
K.D. : L'Oscar d'honneur ! Après le cadeau de ma femme, je lui avais promis que si jamais j'obtenais un Oscar, je lui en ferai don. C'est donc elle qui a le "vrai" !
-- Quel est votre personnage favori parmi ceux que vous avez interprétés ?
K.D. : J'ai aimé jouer des personnages durs, même méchant mais cela m'a permis d'apprécier encore plus le fait de jouer un gentil dans Seuls sont les indomptés. Un personnage gentil, mais complexe. J'aime beaucoup le réalisme de ce film, qui était très en avance sur son époque. D'ailleurs, c'est devenu mon film culte.
Mais il y a encore le colonel des Sentiers de la gloire et j'ai aussi un faible pour Spartacus qui était un rôle particulièrement intéressant parce qu'il était difficile, dans ce film épique, de le rendre plus humain.
-- Vol au-dessus d'un nid de coucou fait-il partie de ces expériences douloureuses ? Même si, ensuite, l'Oscar du producteur est allé à votre fils Michael.
K.D. : Ca été tragique pour moi. J'avais acheté les droits du livre pour en tirer un film. J'en ai d'abord fait une pièce que j'ai joué six mois à New York, puis j'ai essayé pendant au moins dix ans de monter le film.... Quand Michael m'a vu dans une impasse avec ce projet, il m'a proposé d'essayer à son tour de réunir l'argent. Quand il y est parvenu, on a trouvé que j'étais trop vieux pour le rôle ! Je voulais tant incarner Mc Murphy ! Conclusion : non seulement Jack Nicholson était excellent dans le rôle, mais en plus il a gagné un Oscar ! J'étais tout à la fois heureux pour Michael et meurtri. Ca a été certainement ma plus grande frustration professionnelle.
Pour finir ce billet je vais ajouter quelques affiches de films qui ont plus particulièrement compté quand j'étais môme. Des films que j'ai vu au cinoche ou lors de l'émission d'Eddy Mitchell, La dernière séance.
Kirk Douglas fut aussi un homme engagé notamment pour les démocrates et quand le cinéma américain fut touché par maccarthysme, il eut le courage d'engager dans les films qu'il produisait, des collaborateurs ou artistes qui figurait sur la liste noire de Hollywood. Ce fut le cas avec le scénariste Dalton Trumbo pour El Perdido réalisé par Robert Aldrich.