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Didi résistant (2)

2 Août 2007 , Rédigé par daniel Publié dans #Didi

Civry sur Serein est un petit village bourguignon, au sud de l’Yonne en limite nord du Morvan. Il est, aujourd’hui, rattaché à la commune de Massangis, canton de l’Isle sur Serein, arrondissement d’Avallon, petite ville de 8000 habitants, distante de 17 km.
Civry est situé sur la rive droite du Serein entre Dissangis et Massangis, adossé au flanc d’une colline. A Civry il y a tout au plus une centaine d’habitants, (il y en avait 250 au début du siècle dernier) alors que Massangis fait figure de bourg prospère avec ces 400 âmes. A proximité se trouve le moulin de Villiers-Tournois construit à l’emplacement d’un village détruit pendant la guerre de cent ans.
Citons encore à 1 km à l’est, Annoux petit village sensiblement de la taille de Civry qui présente, quand même, la particularité d’avoir vu naître le personnage historique de cet arrondissement (hormis un très banal ministre giscardien) le Maréchal d’Empire Nicolas Davout, considéré par bien des historiens comme un personnage clef de l’épopée Napoléonienne.
Terre de vallons, de collines, de forêts….terre de combats depuis les romains et les burgondes, en passant par la guerre de cent ans et jusqu’à cette résistance tenace et exemplaire à l’occupation allemande.
Cette résistance qui sut porter de rudes coups à l’ennemi, mais qui dut subir, à son tour, à partir de 1943, de grosses pertes : en novembre les principaux responsables du canton d’Ancy le Franc, canton qui jouxte celui de l’Isle / Serein, furent arrêtés  par la Gestapo ; en mai 1944, quelques jours avant le retour de Didi à Civry, le maquis Garnier fut encerclé dans une ferme près de Noyers / Serein et eut de sérieuses pertes dont le capitaine Nobel le chef du maquis.
Courant 1943 un jeune étudiant parisien qui sera connu sous le nom de Commandant Verneuil fut chargé de réorganiser dans l’Yonne les groupes clandestins ; dès décembre 1943 il fut nommé Chef d’état major des FFI pour une région regroupant, l’Yonne, la Nièvre et l’Aube. Sa mission était de coordonner et militariser tous ces maquis ; il fallait recruter, renforcer les effectifs dans la perspective d’un probable débarquement allié et afin de prendre l’ennemi en tenaille.
Didi avait dès l'été 43 (et sans doute même avant...) des contacts réguliers avec les maquisards du groupe Garnier, il fut chargé de missions de surveillance, à priori, peu risquées mais qui lui permirent, à 17 ans, de faire ses preuves….ensuite, l'été fini, il rentra avec sa grand-mère en région parisienne et repris son travail d’ouvrier à Bagnolet. De retour à Civry début juin 1944 il fut enfin « adoubé » comme membre à part entière du commando mais malheureusement cela tourna, rapidement, très mal pour lui.
Le 8 juin son groupe manœuvrait du coté de Villiers-Tournois quand subitement les allemands les surprirent. Didi raconta lui-même son aventure sur un blog consacré à la résistance dans l’Yonne.
« .voyant après quelques échanges de coups de feu que l’ennemi va nous encercler…nous décrochons vers les grands bois……à l’orée du bois Charly, l’un des nôtres, est resté à terre une balle dans la cuisse….sans vouloir jouer les héros, sans doute par camaraderie, et malgré les mitrailleuses, je parvins à le tirer dans les bois…. » 
L’ennemi était renseigné et bien organisé ; les maquisards devaient s’éparpiller pour augmenter leurs chances de se sauver. Heureusement pour Didi et Charly les allemands se lancèrent d’abord à la poursuite de ceux qui fuyaient dans une autre direction : Avaient-ils vu que Charly avait été touché ?  
Didi entraîna son camarade dans la forêt d’Annoux ; malgré la blessure de Charly qui les ralentissait, ils arrivèrent à pénétrer suffisamment, dans les bois, pour se sentir hors de portée. Ils rencontrèrent 2 bûcherons qui avaient entendu la mitraille, ceux-ci les aidèrent, en cachant leurs armes sous des stères de bois, et conseillèrent à Didi d’aller chercher du secours pour Charly. Ils improvisèrent une cache pour le blessé et tous se séparèrent. 
         Didi se dirigea vers le village ; à l’entrée il s’arrêta près d’une ferme où il rencontra Jean un ancien soldat qui avait été prisonnier en Allemagne et qui venait juste d’être libéré pour effectuer les moissons chez lui. Jean qui avait entendu les coups de feu eut la présence d’esprit de dire à Didi, dépassé par les évènements, de se débarrasser de tout ce qui pouvait être compromettant, dont les munitions qu’ils jetèrent dans un puits. Ils furent ensuite rejoints par Albertine une jeune fille aventureuse qui avait déjà rendu quelques services à la résistance. Comme elle avait fait quelques stages d’infirmière elle proposa à Didi d'aller soigner son camarade.
Tous deux, en ne mesurant, sans doute, pas très bien le danger, retournèrent alors dans la forêt et se dirigèrent vers la cache de Charly; en arrivant ils s’aperçurent que les allemands étaient là et qu'ils avaient trouvé le fuyard blessé. Dans l’impossibilité de faire, immédiatement, demi tour Didi et Albertine tentèrent de donner le change en jouant les amoureux égarés.....mais le subterfuge ne pris pas…. ils furent appréhendés violemment et une rapide fouille permis aux allemands de trouver la trousse d’infirmerie qui attestait, pour le moins, de leurs intentions. Arriva alors le garagiste d’un village voisin que Didi connaissait un peu pour lui avoir parfois donné, de temps à autre, un coup de main au garage. Curieux bonhomme selon Didi, qui parlait autant avec les résistants que les miliciens. Comment était–il arrivé là ? Ça restera un mystère pour Didi : Père tranquille de la résistance (façon Noël-Noël), force tranquille de la milice, ou promeneur tranquille simplement naïf et curieux?
Les allemands ne firent pas dans la tendresse avec le gamin qui fut violemment tabassé ce qu’il relatera plus tard sur le blog : 
"….. Un officier me frappe pour savoir ou sont passés les autres….comme je refusais de coopérer on m’attacha les mains derrière le dos, me fit mettre à genoux puis l’officier me mit un pistolet sur la nuque…..j’ai des sueurs, je pense à ma mère….et puis on me fait relever et puis on nous embarque tous les 4 pour la prison d’Auxerre. …j’ai le nez cassé, et je suis tuméfié ; on me met à la cellule 43. Dans ma cellule nous sommes 6 prisonniers : dont 2 curés, un cultivateur, le garagiste, un cheminot….tous arrêtés comme résistant ou otage.
J’appris plus tard la triste nouvelle, Charly que l’on nous avait dit avoir été transféré à l’hôpital, avait été sauvagement abattu par les allemands sur la route d’Aillant. Quand je suis revenu de la guerre en 46, sa mère m’a donné une petite photo que j’ai toujours dans mon portefeuille. Depuis son nom a été donné à une rue de sa ville  (de la couronne parisienne) : et j’appris alors que Charly s’appelait en réalité Louis. Louis/Charly était tellement patriote que, père à 20 ans, il avait donné à sa fille le prénom France."
Cet été 44 fut tragique en France :Tulle le 7 août, Oradour sur Glane de 9 août, St Genis-Laval le 20 août, Maillé le 25 août…. On peut penser que si les allemands avaient eu des certitudes sur le rôle de Didi, il eut fini comme Charly; le simulacre de ballade romantique avec Albertine,  peut-être la présence du garagiste, et la ténacité de mon oncle à ne rien dire lors des interrogatoires lui ont sans doute permis d'éviter une exécution sommaire…..(voir ou revoir "l'armée des ombres" le magnifique film de Jean Pierre Melville pour lequel, justement, Didi participa à la réalisation des décors en 1972)  
        
        Comment ne pas être fier du courage de ce gamin de 18 ans qui a fait son possible pour sauver un camarade ? Une attestation faite après guerre par le commandant Verneuil confirme cet épisode : « ….André (Didi) a été fait prisonnier le 8 juin 1944 à Civry au cours du combat de Villiers Tournoi, en portant assistance à l’un de ses camarades blessé. En prison à Auxerre,…….
 
(A suivre)
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D
Daniel j'ai relevé une erreur dans ton texte : lors de l'attaque en début de nuit par les miliciens de la ferme qui servait de base au groupe Garnier, mes camarades ont tous pu s'échapper et seul le capitaine Nobel fut sérieusement touché mais il pu être évacué et soigné il s'en tira. Par la suite il fut arrêté et emprisonné à Auxerre dont il pu aussi s'évader fin août.
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