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A livres ouverts..................les risques du vertige.

8 Janvier 2008 , Rédigé par daniel Publié dans #à livre ouvert

En ce 12ème anniversaire de la mort de François Mitterrand j’ai choisi ce titre, quelque peu sibyllin, pour évoquer la mémoire de l’ancien président. En fait il s’agit de donner un aperçu, en condensé, de la biographie que Jean Lacouture lui a consacré en 1998 ; biographie en deux tomes : Mitterrand, une histoire de Français.
Le 1er livre raconte la conquête du pouvoir, « les risques de l’escalade », de la jeunesse charentaise à la conquête de l’Elysée. Le second livre relate, décortique, les deux septennats, et décrit « Les vertiges du sommet ». Si j’ai choisi de m'appuyer sur Jean Lacouture comme fil conducteur c’est que j’ai toujours bien aimé ses articles de journaliste (dont ceux sur le rugby) et j’ai vraiment adoré les biographies qu’il a consacrées aux grands personnages du 20ème siècle. Au fil des années il m’a fait découvrir ou approfondir ma connaissance de Malraux, Blum, Mendès-France, et plus encore De Gaulle en 3 tomes « Le Rebelle » «  Le Politique » « Le Souverain». Extraordinaires enquêtes.
Jean Lacouture m’intéresse aussi pour son honnêteté car s'il a fait, comme tous journalistes, des erreurs il eut le courage de les reconnaître dans un laps de temps assez court. En particulier ses engagements anti-colonialistes lui ont fait écrire des lignes très regrettables (Vietnam et surtout Cambodge) ; il a vite reconnu ses erreurs et s’en est excusé. Chapeau Monsieur Lacouture si tous les intellectuels pouvaient en faire autant,…
Sur De Gaulle je n’ai pas lu grand-chose d’autre que Lacouture hormis un « De Gaulle Churchill. La mésentente cordiale » de François Kersaudy (que j’ai prêté et que je n’ai jamais revu). Peut-être qu’un jour prochain je me plongerai dans le(s) Max Gallo.
 
Pour Mitterrand j’ai beaucoup lu, trop car plus j’essayais de comprendre et moins j’aimais. J’ai d’abord lu Mitterrand lui-même avant 1981 : «Politique, La paille et le Grain, Ma part de véNum--riser-copie-8.jpgrité ». 
A cette époque je n’étais pas socialiste, seulement sympathisant membre du fan club, donc, sans esprit critique. Je l’avais vu deux fois : d’abord en famille à une fête de la Rose dans le Haut Rhin à Wittelsheim fin 1980. Il y avait Cora Vaucaire en vedette américaine, pauvre Cora qui n’arrivait pas à capter l’attention des militants de cette région des mines de potasse, la classe ouvrière qui n’était là que pour applaudir son « Espoir de lendemains qui chantent ». Ce fut le jour des « copains et coquins » pour qualifier le système  giscardien et le pouvoir patronal.

  Je l’ai revu l’avant-veille du second tour le vendredi
8 mai 1981 pour son avant dernier meeting, c’était à Mulhouse en fin d’après midi. J’ y étais avec mon fils Eric qui avait 11 ans et qui échappa à ma vigilance dans la foule de la grande salle des sports et que j’ai enfin retrouvé assis avec quelques autres gamins sur l’estrade au pied du pupitre des divers orateurs dont Rocard, et bien sûr en vedette de meeting, François Mitterrand. Toujours bien placé mon aîné : En 1975 à côté de Giscard à Inga au Zaïre, en 1981 à côté de Mitterrand à Mulhouse.
 
Pour moi, grand naïf, la victoire de Mitterrand ça devait être la rupture avec la politique du pré carré en Afrique ; En juin 1981 la nomination de Jean Pierre Cot au ministère de la coopération me donna quelques espoirs…seulement pour quelques mois, car fin 1982, le remplacement de Cot par Nucci, sonnait le glas de ces espoirs de rupture….et entraîna mon adhésion au PS, justement là bas en terre africaine, à Yaoundé, pour leur dire à ces socialos de mes .... ce que je pensais d’eux. J’ai pu le faire, et même en direct au plus concerné d’entre eux, le ministre lors d’un de ses passages à Yaoundé. Ca m’a fait du bien à défaut de servir à quelque chose…ce personnage avait eu, aussi, la délicatesse de dire aux militants qu’il recevait à l’ambassade «..en juin 1981 n’importe quel xxxx avec une rose xxxx se serait fait élire député… ». Sa rose l’a sans doute gêné pour bien négocier un carrefour du développement quelques mois plus tard ……Exit Monsieur le ministre ….mauvais déballage mais bon débarras.
Je suis resté au PS parce que, au milieu de tous ces camarades, ma famille, je m’y suis fait quelques très bons amis. Rentré en France fin 1986, j’ai pris, dans un premier temps, un peu de distance avec la militance mais mon dépit pour Mitterrand s’atténuait doucement……J'étais certain que, cohabitation passée, il nous ramènerait au pouvoir….Ce fut fait dans un style très « grand paternaliste » et puis il y eut la suite……le second septennat avec du bien, de la compétence notamment sous Rocard et du nettement moins bien......et puis il y eut toutes ces révélations, tous ces secrets.....
Ma véritable implication dans ce parti attendra 1994, le congrès de Liévin….où justement une ½ journée fut consacrée à rendre hommage au vieux président malade qui était venu à la mairie de Liévin saluer les militants socialistes. Je me suis abstenu de me rendre à cette invitation…..
 
Dans cet ensemble biographique de 1000 pages que constituent ces 2 tomes de Lacouture qu’il faut lire ou relire, je conseille de commencer par les entretiens de l’auteur avec Jacques Chirac en mars 1998 puis Lionel Jospin en avril 1998. Chirac était président de la république et Jospin 1er ministre.
 
Extraits : fin de l’entretien avec Chirac:
 
Jean Lacouture : « Le jour de la mort de François Mitterrand, vous lui avez rendu un hommage émouvant et qui a paru laudateur. Si vous aviez à écrire aujourd’hui sur lui, reprendriez-vous ce texte, en feriez- vous le schéma de votre article, de votre discours ?»
 
Jacques Chirac : «  (silence) ….Oui…Enfin, je reprendrais ce texte, en supprimant un mot, celui d’exemple, qui ne me semble pas tout à fait approprié…..Je garde du respect pour l’homme d’Etat, pour l’artiste de la politique, pour son talent d’expression. Je ne renie pas mon texte du 8 janvier 1996, j’ai toujours tenu à ce que ses volontés soient respectées……Non, je n’ai décidément qu’à retirer ce mot d’exemple…. »
 
Extraits : fin de l’entretien avec Jospin:
 
Jean Lacouture : «  Le droit d’inventaire que vous réclamez en 1994 …..? » 
 
Lionel Jospin : « ….l’inventaire, c’est un droit absolu, l’application de cet esprit de libre examen que j’ai toujours revendiqué, conscient que la liberté survit à la discipline. Lui-même a toujours agi ainsi. Au surplus et c’est essentiel, cet inventaire est, dans mon esprit collectif. C’est ce que nous avions fait au pouvoir qui devait être passé au crible, le bien le mal. Il ne s’agissait pas de faire le bilan d’un homme, mais de soumettre un groupe au feu des critiques. Que la responsabilité soit proportionnelle au pouvoir exercé c’est vrai. Mais cette remarque faite, je répète que cet inventaire ne porte pas dans mon esprit sur un homme, mais sur une collectivité humaine, dont je suis ! De tout cela, je n’ai gardé aucune amertume. J’ai aimé ce que j’ai partagé ; ce que je n’aimais pas je l’ai dit.
C’est pourquoi, s’il faut un mot de la fin, si je peux résumer en un seul mot le souvenir que je garde de cet homme et de cette époque, ce sera celui de « gratitude »
 
Exemple ou gratitude ?
 
Fin janvier 1996 nous avions une réunion du bureau fédéral du PS 79. A l’époque la 1ère secrétaire fédérale était Ségolène et c’était la première fois que nous la rencontrions depuis le décès de François Mitterrand. Elle voulut commencer cette réunion en rendant un vibrant hommage à celui dont elle avait été la collaboratrice avant d’être la ministre. Elle avait pris en notes les ultimes propos du président lors du dernier conseil des ministres socialistes début 1993 ; elle les a lues …mais l’émotion fut trop forte et les mots du défunt chef d’état se noyaient dans un flot de pleurs qu’elle ne pouvait maîtriser. Son chagrin était sincère et immense et ce fut un moment très, très, difficile…...Nous en étions tous retournés. J’ai un souvenir très fort de ce moment et j’en retiens, aujourd’hui encore, les sanglots longs…..
 
J’avais une autre raison d’être bouleversé à cette époque ; un ami très cher, mon Riquet, un copain de mes 20 ans, devenu mon cousin en épousant Jacquotte, a disjoncté ce 8 janvier…… mais cela n’avait rien à voir avec la mort de Mitterrand. Il était devenu dépressif pour cause du chômage dont il n’arrivait pas à sortir, lui qui avait si bien gagné sa vie de son métier, dans la confection, se sentait depuis quelques mois au fond d'un gouffre et il a subitement sombré et fait le choix tragique, irréversible….d’abandonner la lutte, sa femme, son fils, la vie. Il n’avait que 48 ans…..et si, dans l’au-delà, ou je ne sais où, il a pu faire un bout de voyage avec Mitterrand, peut être lui aura-t-il demandé si vraiment tout avait bien été essayé pour combattre cette saloperie de chômage…. .
 Et moi comme un con, qui n’avait rien vu venir, je le voyais d’ailleurs peu dans ces années 90, hormis l’été du côté de Carnon, et n’ayant appris la nouvelle que 48 heures après le drame, je fus prisonnier d’un agenda professionnel tendu, non modifiable et je n’ai même pas pu me libérer pour me rendre à ses obsèques en région parisienne…….Lui sans travail et moi avec trop de travail : 12 ans plus tard j’en ai encore mauvaise conscience.
 
La biographie de Lacouture, la mémoire de Mitterrand, me sert au moins de repère….à tel point que passant souvent par Jarnac, j'ai fini par entrer, un jour, il y a 4 ou 5 ans, dans le cimetière…… j’ai été très étonné par la simplicité de la tombe familiale ou repose l’ancien président…..Fin des vertiges du sommet.
 
 
(A suivre)
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