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A livres ouverts ..... Resnick la main froide ....

15 Décembre 2012 , Rédigé par niduab Publié dans #à livre ouvert

C’est avec grand plaisir que j’ai trouvé il y a quelques semaines, dans ma librairie préférée, le dernier roman de John Harvey du cycle Charles Resnick : je n’y croyais plus ! Je pensais que l’auteur avait  laissé son héros récurrent, dans une belle histoire d’amour quelque peu inespérée à l’heure ou sa retraite se profilait. Cette fin programmée était annoncée à la fin de son dixième roman « Derniers sacrements » publié en livre de poche en août 2004 et voila qu’il nous revenait huit ans plus tard….. Certes j’étais resté fidèle à l’auteur, qui a une prose si agréable, quand il nous proposa de nouveaux enquêteurs.

J’ai bien adhéré, entre 2007 et 2009, au cycle Frank Elder qui comporte à ce jour, trois  romans : « De chair et de sang », « De cendres et d’os », et « D’ombre et de lumière ». L’inspecteur Elder est de la même trempe que Resnick, ayant sensiblement le même âge, mais avec d’autres sensibilités, d’autres habitudes et un autre caractère ce qui donne des ambiances différentes : Plus sociale chez Resnick  plus psychologique avec Elder. Pour reprendre le titre d’un précédent billet le flic Elder c’est du polar, le flic Resnick c’est du ronchon ; ce dernier restant malgré tout mon préféré.

Il me faut aussi mentionner, dans l’œuvre de John Harvey, le cycle Will Grayson et Hélène Walker qui ne comprend actuellement que deux romans et dont je n’ai lu, à ce jour, que l’excellent « Traquer les ombres » sorti en livre de poche en octobre 2011. Il y eut aussi en avril 2004 un polar « Couleur Franche » dont l’action se déroule dans le milieu de la peinture avec un héros mi-artiste, mi-enquêteur qui ne m’a pas trop convaincu.

 cold-in-hand[1]

Quand j’ai trouvé « Cold in hand » ce nouveau roman avec Charles Resnick je l’ai acheté immédiatement et mis en haut de ma pile de livres à lire, celui-là sans attendre. Le titre, comme souvent chez John Harvey, fait référence à un standard du jazz. Il s’agit d’un des grands succès de Bessie Smith, de la fin des années 20, qu’elle interprétait d’une voix ample et rauque, avec le cornet assourdi du jeune Louis Armstrong, qui la suivait comme son ombre, phrase pour phrase, note pour note.

« Cold in hand » signifie littéralement en français « Froid dans la main » que je retiens plutôt pour « La main froide » comme le début du proverbe français « Main froide, Cœur chaud » ; proverbe qui indique que les personnes d’apparence froide peuvent être des aimants passionnés. Pouvait-il y avoir meilleur titre pour cette histoire qui commence un 14 février jour de la Saint Valentin.

Surprise dans la première partie de l’histoire, ce n’est pas Charles Resnick que John Harvey suit en priorité mais sa compagne Lynn Kellog.

« Lynn prit l’appel téléphonique : Un homme retenait sa femme et ses enfants prisonniers et menaçait de leur faire du mal. On pensait qu’il était armé.. Lynn avala une dernière gorgée de café, vida le reste dans l’évier et empoigna son blouson accroché dans le hall.

----Charlie, je me sauve.

----On se voit ce soir, dit-il en accourant à la porte.

----Y a intérêt...... Elle lui donna un baiser.

--- La table est retenue pour huit heures, lui rappela t-il

----Je sais.

L’instant d’après, elle était partie.

Neuf mois plus tôt, Lynn avait terminé sa formation de négociatrice pour prise d’otages, en sus de sa fonction d’inspectrice principale à la brigade criminelle et depuis ce moment-là on avait eu recours à elle pour deux incidents lesquels s’étaient terminés sans effusion de sang…. ». Il en sera de même pour l’affaire de ce jour réglée en quelques heures …. Elle allait pouvoir rentrer tôt à la maison et se préparer pour la soirée …… Sauf que, sur le chemin du retour, elle dut intervenir dans une bagarre entre deux bandes de jeunes rivales ; une bagarre qui tourna soudain au drame. Une jeune fille de 15 ans fut tuée par balles et Lynn, protégée par son gilet, était blessée .......  mais, surtout, elle sera accusée ensuite par le père de la victime d’avoir utilisée sa fille comme bouclier humain.

Il n’y eut pas de soirée de la Saint Valentin mais après les urgences un triste retour à la maison où Lynn se coucha et dormit profondément.

« Resnick se servit un scotch et regarda la carte de la Saint Valentin que Lynn lui avait offert. A l’intérieur les mots : ‘’ Toujours là Charlie contre toute attente, avec tout mon amour…..’’

Lorsqu’ils s’étaient installés ensemble près de trois ans auparavant et ce après une pléthore de nuits et de week-ends occasionnels, de vacances, de périodes où ils étaient proches et d’autre moments où ils s’éloignaient l’un de l’autre, incapables de se décider. »  On sait donc que ce nouvel épisode se situe trois ou quatre ans après le début de leur idylle qui débuta à la fin de «Derniers sacrements »

 Dès le premier roman «Cœurs solitaires » Lynn est présente, elle fait partie de l’équipe de l’inspecteur Resnick. « Lynn Kellog était une jeune femme de vingt-huit ans, trapue et rougeaude avec des cheveux châtains et dans la voix une pointe d’accent grasseyant du Norfolk….. ». On apprend aussi dans ce premier roman du cycle (1993 pour la version poche) que Charles Resnick a alors un peu plus de 40 ans, et qu’il est divorcé. « Son mariage n’avait pas été cauchemardesque au point qu’il le raye de sa mémoire, ni à ce point monotone qu’il en ait oublié l’existence. Ce jour remontait à cinq ans où Elaine était entrée dans la petite chambre, pendant qu’il refaisait la peinture, pour annoncer qu’elle demandait le divorce. Tout ce qu’elle avait trouvé à dire était qu’elle avait besoin d’espace pour s’épanouir… D’accord avait dit Resnick …. »

Au fil des romans le personnage de Lynn Kellog prend de l’envergure. Elle est la seule femme de l’équipe de Resnick et elle ne s’en laisse pas compter lorsque les conversations prennent une tonalité machiste, jusqu’à foutre une retentissante gifle à l’un de ses collègues, ancien joueur de rugby, dans « Les Etrangers dans la maison ». Resnick devait sévir pour conserver l’unité de son équipe et surtout que Lynn ne veuille pas changer de service : « elle était la plus brillante de l’équipe. Moins zélée et méthodique que Patel, mais fine, intuitive, rapide et intelligente. »

Dans ces romans Lynn a une place importante et c’est souvent elle qui trouve la solution ou du moins amène les éléments décisifs comme dans « Scapel » et encore plus dans « Off Minor » un roman qui s’attaque au délicat sujet de la pédophilie. «Pour Lynn, entrer à la PJ n’avait pas été simple, et y rester deux fois plus difficile »

Avec  le suivant « Les années perdues », un roman tourné sur le passé de Resnick, Lynn ne fait que de la figuration ; juste quelques passages où l’auteur souligne qu’elle aime son travail et voue une grande admiration à son supérieur hiérarchique.

Elle devient le personnage central du sixième roman « Lumière froide » puisqu’elle est enquêtrice puis victime enlevée et séquestrée par le criminel qu’elle pourchassait. Elle sera sauvée par ses collègues, Charlie Resnick en tête et on découvre là une nouvelle facette de l’inspecteur, homme solitaire et discret, lorsque la menace concerne non plus une inconnue mais une femme qui lui est proche et qui lui inspire des sentiments contradictoires. « Une fois le criminel menotté, «Resnick se tourna vers Lynn puis se dirigea vers elle, à pas lent d’abord, puis en courant. Plus question de retenir ses larmes… Il aida Lynn à se relever et la serra dans ses bras, saine et sauve et secouée de sanglots…. La fille qu’il n’a jamais eue, la maîtresse qu’elle ne serait jamais. »

Dans le roman suivant « Preuve vivante » et au-delà de diverses affaires d’agressions qu’il faut résoudre, Resnick et Lynn continuent à travailler ensemble. Lynn qui, quelques mois avant, avait été séquestrée par un homme en qui, sur un coup de cœur lui faisant perdre toute lucidité, elle avait accordé sa confiance. Cette erreur lui avait coûté beaucoup plus que sa fierté et son amour propre ; elle avait failli lui coûter la vie. Depuis elle s’efforçait d’accomplir son travail du mieux possible mais elle était à la peine et s’en ouvrit à Resnick après lui avoir dit qu’elle souhaitait quitter son service.

«----- Depuis ce qui m’est arrivé quand j’ai été séquestrée je ne peux pas m’empêcher de penser….

----- C’est normal.

----- Je sais. Mon médecin dit que je dois prendre le temps, que je dois m’ouvrir à cette idée ; elle dit qu’il y a beaucoup de problèmes que je dois régler en faisant moi-même le point.

---- Quels problèmes ?

-----Vous par exemple. La nuit ligotée dans la caravane, j’avais peur. D’une certaine façon je gardais l’idée que vous alliez venir me sauver. Mais ce n’était pas toujours aussi clair que ça ; parfois je pensais que c’était vous mais quand je voyais votre visage, c’était mon père. Vous étiez mon père…..

Je n’ai pas été capable de vous parler…. dit Lynn sans le regarder, en détournant les yeux. C’est simplement que je ne me sens plus à l’aise quand je suis avec vous ….. C’est si difficile, bon sang ! Et je ne le supporte pas.

----- Oui. …Mais vous ne pensez pas que nous pourrions régler cela ? D’une façon ou d’une autre, entre nous je veux dire. Peut-être maintenant que vous avez commencez à en parler ?

Lynn hocha la tête détournant toujours les yeux

-----Oui. »

Ce parler franc n’eut guère de suite. Le boulot avant tout et Resnick était un flic consciencieux refoulant ses sentiments pour une collaboratrice qui, plus est, était beaucoup plus jeune que lui. Dans ce huitième roman « Proie facile » il leur fallait enquêter sur des séries de viols particulièrement brutaux dont les victimes sont des hommes. Lynn continuait à voir son psy. Resnick avait de son côté, peut-être pour fuir l’amour de Lynn, une liaison moins encombrante, car hors milieu professionnel, avec Hannah.

 Il faut atteindre les 2/3 du roman pour que Lynn s’ouvrit à nouveau à son chef.

« ---- Charlie, je m’imaginais en train de faire l’amour avec vous, mais je sais que ça n’arrivera pas. Seulement dans mon esprit.

---- Lynn….

---- Je crois que je n’ai même pas envie que ça arrive. Pas vraiment je le sais. Mais il fallait que je le dise, il fallait que je vous en parle. Bien ! (Lynn rit brusquement) Ma psy sera satisfaite….. »

En début du huitième roman « Eau dormante » nous apprenons que Lynn a obtenu une promotion accédant au grade d’inspecteur principal, au même échelon que Resnick, et qu’elle a accepté son transfert dans un autre service. Elle ne sera pas de cette nouvelle enquête qui concerne une disparition. Mais Resnick, par sa relation avec Hannah, n’en n’a pas fini avec son difficile rapport avec les femmes. Heureusement qu’il lui reste son boulot, ses chats aux noms de grands jazzmen, sa musique, ses sandwichs et sa bouteille de scotch.

Je ne mentionne qu’en passant le neuvième livre « Now’s the time », qui n’est pas un roman mais 12 nouvelles qui portent toutes le titre d’un standard de jazz et qui est une excellente ouverture sur le monde de Resnick, un livre où Lynn n’est vraiment présente que dans la nouvelle intitulée « Slow burn » : en français «Combustion lente»; tout un symbole.

Enfin j’en arrive au dixième livre  « Derniers sacrements » celui qui semblait clôturer en beauté le cycle Resnick. Il y parait désabusé, vieilli et son équipe n’est plus aussi homogène après des départs, retraites, mutations, décès….. Sans compter la rivalité entre services. Pour une affaire qu’il traite en commun avec la brigade des stupéfiants son collègue Mann qui dirige ce service lui dit : « Ce qu’on doit éviter Charlie c’est que cette salope des ‘’crimes majeurs’’ trouve un prétexte pour débarquer dans cette affaire »

Cette personne, dont Mann parlait si délicatement, était l’inspectrice divisionnaire d’un service nouvellement créé pour traiter des crimes majeurs. Nombreux étaient les amis et collègues de Resnick qui n’ont pas compris qu’il n’ait pas postulé pour le poste qui en toute logique aurait du lui revenir, un poste qui eut été son bâton de maréchal mais, par loyauté pour son équipe et écœuré par le cirque des compétitions de promotions internes, il avait décliné l’offre. Peut-être aussi pour ne pas retrouver Lynn sous ses ordres et la mettre à nouveau mal à l’aise. Le poste avait été donné à l’ambitieuse Hélen Siddons.

Resnick continuait donc son petit bonhomme de chemin de flic à l’ancienne, s’interrogeant toujours sur les motivations humaines et la nature des sentiments. Sa relation avec Hannah prenait l’eau……mais, en s’étant éloignés l’un de l’autre, des liens amicaux presque familiaux se créaient avec Lynn. Elle avait souvent besoin de se confier à lui, notamment en ces moments où son père était en train de mourir avec la récidive d’un cancer.

L’histoire policière n’est pas des plus vivaces et l’on sent que le vieux flic (qui ne doit avoir après tout que 55 à 57 ans) pense de plus en plus à sa proche retraite.

C’est à la fin de ce livre, après la mort de son père, que Lynn et Charlie commencèrent leur véritable histoire d’amour. Bien sûr c’est elle qui se jeta dans ses bras, lui étant toujours bloqué par son problème d’âge ; une quinzaine d’années, tout au plus, si on se réfère aux infos du premier tome de ce cycle Resnick qui se terminait donc avec ce roman en happy end.

 Voilà où j’en étais en août 2004 quand, en novembre 2012, je trouvais « Cold Hand ». Sur le plan polar et dramaturgie, c’est le meilleur, même si on comprend vite que le vrai grand flic, le héros de l’histoire est maintenant Lynn Kellog.

Après quelques jours de repos suite à sa blessure lors de la bagarre entre gangs elle doit reprendre ses enquêtes en cours, notamment celle concernant l’assassinat d’une employée d’un salon de massage situé au dessus d’un sex-shop. Une affaire dont elle découvre rapidement qu’elle a de nombreuses ramifications avec des milieux mafieux et des trafics d’armes et de drogue. De son côté Resnick est en charge de l’enquête sur Kelly Brent la jeune fille de 15 ans qui fut tuée dans la bagarre où Lynn fut blessée. Il a beau être accompagné de Catherine Njoroge une policière d’origine dominicaine comme la famille de la jeune fille. Resnick n’aurait pas du prendre en charge cette affaire car Howard, le père, n’en démord pas, si ça fille est morte c’est certes à cause de celui qui à tiré mais surtout de celle qui s’est protégée derrière elle et en plus il savait déjà que Lynn était la compagne de Resnick.

Pendant ce temps là Lynn se débat avec son enquête qui s’enfonce dans une impasse : l’un des deux principaux témoins a disparu et l’autre a peur de parler. Andréa une jeune roumaine se réfugie chez un ami à Londres et avertit qu’elle est prête à témoigner si la police la protège. Lynn n’arrête pas de faire des allers-retours entre Nottingham et Londres, dont une fois avec un représentant des douanes en qui la jeune roumaine reconnaît un proche de ceux qu'elle accuse. Elle disparaît à nouveau et Lynn se lance désespérément à sa recherche.

A la fin de la première partie du roman de retour de Londres Lynn fait le trajet gare-domicile en taxi :

«  Par-dessus la musique Charlie entendit un taxi approcher…. Un sourire se dessina sur son visage…. Dans quelques instants il entendrait le cliquetis de la barrière….. .

Il crut d’abord, en sortant dans le hall, que le bruit qu’il entendait était une pétarade de moteur puis il comprit dans la foulée que c’était autre chose. »

Fin du chapitre fin de la première partie du roman.

Le premier chapitre de la seconde partie du roman déconcerte le lecteur car on y fait assez longuement connaissance avec Karen Schield, une jolie policière noire de Londres. Elle fut convoquée par son chef de brigade pour une mission urgente.

« Une inspectrice principale de la brigade criminelle de Nottingham a été tuée par balle devant chez elle hier soir. Ils veulent qu’on leur envoie quelqu’un pour l’enquête, car en ce moment ils sont cruellement en manque d’effectifs, trop d’affaires importantes….. Il y a des complications car la victime avait une relation avec un autre policier. Une relation sérieuse, durable. Un inspecteur principal. Toute sa vie dans la police. Il leur faut quelqu’un d’extérieur. Sans aucun lien, ça sera plus facile.

  Dans le deuxième chapitre de la seconde partie on retrouve Resnick agenouillé auprès de Lynn lorsque l’ambulance arriva. La première balle l'avait touchée dans la poitrine, une seconde lui avait arraché une partie du visage. Arrivée à l’hôpital l'inspecteur Lynn Kellog était morte.

Resnick fut déclaré inapte au travail et prié de rester chez lui. Karen Schield, prit la suite des enquêtes et les mena à bien grâce aux notes que Lynn avait tenues consciencieusement et aux informations que pouvait lui communiquer Charles Resnick ; un Resnick détruit qui retrouve malgré tout le sourire  en constatant que la jeune femme qui vient lui rendre visite pour l'interroger connaissait Bessie Smith et sa chanson « Cold in Hand ».

C’est quand même le vieux flic qui passant outre de son inaptitude déclarée, sut découvrir, à l'ancienne, l’assassin de Lynn.

 Je crois bien que, cette fois-ci, ce roman met définitivement fin au cycle Resnick…..

(A suivre)

En bonus « Cold in Hand » par Bessie Smith et Louis Amstrong

 http://www.youtube.com/watch?v=4q_oh1yKmCU

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