Didi.... Après la bataille, longtemps après...
En ce 65ème anniversaire de la libération de Michelbach, je cherchais dans les archives que Didi m’a laissées un quelconque document qui m’eut permis de revenir sur cette bataille où mon oncle, ce héros au sourire si doux, réussit à rester en vie.
Si cet épisode de la dernière guerre me tient particulièrement à cœur c’est certes parce Didi, alors âgé de 18 ans et 10 mois, en fut acteur mais aussi parce que, quelques 35 années plus tard, entre 1979 et 1982, j’ai travaillé sur ce site pour la construction d'un barrage : à chacun sa campagne, la mienne ayant été nettement plus pacifique. C'est lors d'un repas de famille de Noël 1979 que nous avons relevé cette coïncidence et que Didi me raconta pour la première fois les combats que dut mener le 1er Régiment des volontaires de l’Yonne du 35ème R.I. pour déloger en cet endroit stratégique une meurtrière batterie allemande.
Lorsque nous faisions les travaux de terrassement du barrage il ne se passait pas une semaine, sans que nous ne soyons obligés d'alerter les démineurs pour désamorcer une bombe….. ce qui laisse à imaginer ce que furent ces 4 ou 5 journées de combats intenses en décembre 1944.
Cette terrible bataille terminée, la fin de guerre fut heureusement un peu moins difficile pour le soldat Didi….
C’était d'ailleurs une habitude chez lui de commencer par le plus difficile….. comme lors de sa courte période de combattant dans la résistance… Alors que le jeune Didi rendait déjà depuis l'été 1943, occasionnellement et sans problème, de petits services de liaison et ravitaillement au maquis du réseau Jean Marie Buckmaster, il ne trouva pas mieux que de se faire prendre par les allemands, dès sa toute première mission de terrain ; le lendemain de son incorporation dans les rangs des combattants. (J’ai déjà évoqué cette aventure dans trois billets de l'été 2007)
Le 8 juin 1944, la brigade dont Didi était membre, fut prise sous le feu des allemands à l’entrée du bois d’Annoux. Au lieu de respecter les consignes et de s’éparpiller dans la nature comme ses camarades, il prit le temps d'aider un camarade blessé à se cacher dans la forêt, sous un tas de bois, avant de s'enfuir...... puis il ne trouva rien de mieux que de jouer au héros en revenant quelques heures plus tard, accompagné d'une jeune fille pour faire croire à une balade d'amoureux,.... c'était généreux, courageux mais beaucoup trop tôt et très naïf....
Ils retrouvèrent bien Charly, le blessé, mais ils tombèrent surtout sur les allemands. Après un copieux tabassage, ils furent arrêtés et enfermés à la prison d’Auxerre.... et si Didi eut la chance de ne pas être exécuté dès le lendemain comme le malheureux Charly …. il comprit que ce qui l’attendait à court ou moyen terme : le peloton d’exécution…
Il attendit … il attendit pendant de longues semaines.... Est-ce la persévérance active et désespérée de son père pour le sortir de ce mauvais pas qui permit de retarder une échéance programmée ? .... Toujours est-il que fin août il était toujours au cachot dans un état physique pitoyable... Et puis tout à coup, le 23 août une occasion se présenta et, avec la complicité de quelques gardiens français, il réussit, avec d'autres prisonnier, à s'évader..
Dans ma recherche de documents je n’ai pas trouvé grand-chose d'intéressant pour faire un nouveau billet sur la bataille de Michelbach. Quelques témoignages de soldats qui confirment l’âpreté des combats et le bilan très meurtrier…..
Par contre j’ai trouvé une intéressante lettre du secrétariat d’Etat aux anciens combattants de novembre 1986 à l’attention du Président du Tribunal administratif de Paris. Lettre d’une tartuferie confondante qui préconise un rejet d’une demande de mon oncle de bénéficier du titre d’interné résistant susceptible de lui ouvrir droit à pension :
« ……L’article L 273 édicte :
Le titre d’Interné résistant est attribué à toute personne qui a subi, quel qu’en soit le lieu une détention minimum de trois mois pour acte qualifié de résistance à l’ennemi.
Aucune condition de durée n’est exigée de ceux qui se sont évadés…
..... Dans son formulaire, l’intéressé a déclaré qu’appartenant aux FFI, il fut arrêté le 8 juin 1944 par la Wehrmacht alors qu’il tentait avec Mademoiselle Bonnetat, de secourir un blessé. Il fut détenu à la prison d’Auxerre jusqu’au 23 août 1944, date à laquelle il fut libéré.... A noter que ces derniers mots du paragraphe ne sont pas tapés à la machine …. mais écrits à la main.… Quelques hésitations ?
… « ….il a produit :
- Les certificats réglementaires d’appartenance à un groupe résistant reconnu ..
- Les attestations témoignages de Mmes Cunault et Bonnetat,
- Le certificat de présence à la prison d’Auxerre du 8 juin au 23 août 1944
- Les témoignages concordants de prisonniers et gardiens MM…. d’où il résulte que l’intéressé était détenu lors de l’attaque des forces de libération le 23 août qui amena les allemands à abandonner la ville et les gardiens français à ouvrir les portes de la prison aux détenus politiques.
- Par ailleurs ces attestataires assurent qu’il était en très mauvaise santé lors de sa libération et qu'il ne put reprendre le combat qu’au mois de novembre 1944.……En conséquence, l’administration ne conteste pas que l’intéressé ait été incarcéré en raison de l’accomplissement d’un acte de résistance, mais cet internement ayant été inférieur à trois mois et retenant qu’il fut libéré par ses gardiens après le départ des allemands…. Il ne justifie pas de l’attribution …. » etc etc etc..
Sauf que la ville ne fut libérée par les FFI que le 24 août en fin d’après midi. Les allemands avaient réquisitionné le 22 août tous les soldats, y compris ceux en charge de la prison, pour essayer de protéger le dépôt d’essence de Monéteau que les FFI menaçaient. Le 23 août de retour à Auxerre et avant de battre en retraite vers l’Alsace les soldats allemands étaient décidés de liquider tous les résistants emprisonnés…. Prisonniers qui avaient eu juste le temps de s’évader sur les conseils et la complicité de quelques gardiens avisés ou liés à la résistance et le laisser-faire des autres qui avaient besoin de se refaire une virginité.....
Il est certain que si Didi et ses camarades ne s’étaient pas évadés, ils auraient pleinement justifié d’une des conditions d’exception à la règle des trois mois et ils auraient été reconnus, certes à titre posthume, mais reconnus comme internés résistants. Des témoignages écrits attestent que les allemands les ont recherchés une bonne partie de la nuit du 23 au 24 août avant de tailler la route vers l'est au petit matin devant l’avancée soudaine et inéluctable des commandos FFI.
Mon oncle se vit remettre le 9 octobre 1944 la croix de guerre avec citation… à 18 ans et 8 mois : pas mal pour un gamin aventureux.
Quant au signataire de la lettre « tartuffe » je crois que s’il était venu chez mon oncle pour lui dire ce refus de vive voix, il aurait été malgré tout reçu avec le sourire.... et je pense même que Didi aurait dit à ma tante Josiane « Donne-lui tout de même à boire »
A suivre.