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A livre ouvert......D'un retournement l'autre.

16 Mars 2012 , Rédigé par daniel Publié dans #à livre ouvert

Par quelques articles lus ici où là, notamment dans le ‘’Monde diplomatique’’, et quelques  participations à des émissions radiophoniques ou télévisées, l’économiste radical Frédéric Lordon avait éveillé mon intérêt. Quelqu’un qui dénonçait la tyrannie de la haute finance, et l’arrogance du système bancaire ne pouvait, à priori, que me plaire. Fin 2009, pour en savoir plus, j’ai acheté l’un de ses livres « La crise de trop » mais pour être franc je ne suis pas allé au bout… Bonjour la prise de tête … Après avoir lu d’une traite le chapitre ‘’responsabilités’’ je me suis embourbé dans les chapitres proposant des solutions ; j’ai même failli me noyer lors de l’arraisonnement des banques et j’ai préféré alors chalouper vers d’autres lectures.

Deux ans plus tard, c’était en septembre 2011, dans ma librairie préférée, je suis tombé sur un petit bouquin de Lordon au  sous-titre étonnant « Comédie sérieuse sur la crise financière en quatre actes et en alexandrins » ce qui me parut immédiatement être une façon plaisante de présenter la crise et les quelques pages lues à la sauvette sur place me persuadaient que ce livre « D’un retournement l’autre » ne connaitrait pas le sort du précédent. Ce petit livre, cette pièce tragi-comique, je l’ai dévoré en deux heures et lu et relu depuis…. Un bol d’air pur. Admirable analyse !

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Il est temps pour moi, en cette période pré-électorale d’en faire la promotion et d’inviter mes amis lecteurs, en se procurant  et lisant ce livre, d'y trouver intelligence, pédagogie, humour et surtout plaisir de lecture. Personnellement avec un tel texte, j’aurais presque envie de renouer avec le théâtre…. Longtemps après, 36 bougies plus tard, avec le théâtre très amateur.

Comment présenter ce livre. Il me faut faire une très large place au texte mais sans tout dévoiler. Pour ce qui concerne l’acte 1 qui fixe le sujet  je dois sortir du cadre des alexandrins pour reporter, de façon discontinue et disparate des échanges, des dialogues entre les banquiers paniqués par la crise qui leur tombe dessus :

  Acte 1 scène 1. Dans le bureau du banquier, son fondé de pouvoir lui annonce la chute irrésistible du marché. Extraits

« ….. Le fondé de pouvoir : C’est que monsieur, la modernité…

Le banquier : Quoi la modernité….

Le fondé de pouvoir : l’innovation financière…

Le banquier : Qu’a telle donc ?

Le fondé de pouvoir : ses produits structurés sont bien trop compliqués, Plus personne ne sait comment les évaluer…… »

Acte 1 scène 2. Toujours dans le bureau du banquier avec son fondé de pouvoir plus un trader et un grand journaliste. 

«  ……Le banquier : Pouvez-vous au moins dire avec quelles combines vous nous avez portés aussi près de la ruine…

Le trader ; J’ai mal pricé mon swap et mon spiel a losé, j’ai été un peu long et j’aurai dû shorter

 Le banquier : Me direz-vous, monsieur, quel est cet algonquin ?

Le fondé de pouvoir : C’est un serial loser confessé ce matin ; Ce monsieur pensait bien blouser le back-office.... Nous faisons l’inventaire de tous ces maléfices…..

Le banquier : Tout n’est donc pas perdu !.....

Le fondé de pouvoir : Ca va faire mal en Bourse…… Nous ne sommes pas près d’être rentrés au port. .Les subprimes en folie plus un trader timbré, et c’est toute la banque qui commence à tanguer. Nos fonds propres s’étiolent, le cash flow s’évapore….

Le banquier : Ma banque, ma vie, mon œuvre, tout donc va y passer ? Parachute doré, où est donc ta poignée ?...... »

Acte 1 scène 3. Une banque, la salle du conseil. Les banquiers. 

« …….Le banquier : Reprenons nous messieurs il y va de notre art. ; La banque va sombrer, c’est tout notre métier ; sur des ruines fumantes nous allons expirer, il faut nous ressaisir et nous tenir les mains.....

Le deuxième banquier : J’ai bien peur mon ami que votre appel soit vain ….

Le troisième banquier : C’en ai donc fait de nous…

Le quatrième banquier : Nous allons tous périr !

Le troisième banquier : Ruons nous aux canots !…

Le quatrième banquier : Aux retraites-chapeaux

Le banquier : Mais amis, mes amis ne cédons pas de suite…. Il est hors de question que nos mourions. ….. Nous ne pouvons mourir car moi j’en connais un pour qui notre trépas annoncerait le sien. Cet être très puissant ne laissera pas faire….

Le deuxième banquier : Nous diriez vous, monsieur, à qui donc vous pensez ? De qui viendra le geste de tous nous sauver ?….

Le banquier : Allons messieurs, réfléchissez…. Vous ne connaissez que lui….Pensez à ces années à le vilipender…

Le deuxième banquier : L’Etat ?

Le banquier : L’Etat !...... J’entends bien que pour nous reconnus libéraux, mes arguments peuvent sembler paradoxaux et pourtant, pensez-y,  la chose est évidente : Imaginez nos banques sur la fatale pente, sans un sou de crédit, voyez l’économie….. Pour nous sauver l’Etat mettra tout sur la table. ….

…. Le troisième banquier : L’Etat ? : A Bercy ! A Bercy !

Le banquier : A Bercy ? A l’Elysée !

 Pour les trois actes suivants je mets en lumière une seule réplique très représentative d’une scène. Ces extraits sont présentés en alexandrins pour montrer non seulement la pertinence du propos de l’auteur mais aussi et surtout son talent littéraire.

Acte 2 scène 2. L’Elysée le bureau du président, Le président, deux conseillers les banquiers.

.« ….. Le banquier : Tout vient de ce qu’on nomme ‘’finance structurée’’

Elle enfante des monstres et des dégénérés.

Ces tranches de crédit avaient si bonne mine,

Attirant si bien l’œil – surtout la mezzanine.

Le bout de l’equity allait aux plus joueurs,

Et la tranche senior aux plus conservateurs.

Elle était réputée magnifiquement sûre,

Notée d’un triple A, c’était comme une armure….

Mais ce sont les agences, chargées de notation,

Privées de tout sens, et de circonspection :

Tout était certifié mériter les trois A,

Les bonnes notes étaient données à tour de bras….. »

Acte 2 scène 3. L’Elysée le bureau du président, Le président, deux conseillers et le gouverneur de la Banque centrale.

.« Le président ….: Je voudrais des conseils et non pas des diatribes

C’est pur communisme que ce monsieur exhibe !

Nationaliser ? Pourquoi pas tant qu’on y est,

Revenir au Gosplan, aux rations, aux tickets ?

Refuser le marché c’est, monsieur l’esprit fort,

Prendre l’affreux chemin de la Corée du Nord.

Or le marché ne peut être parachevé

Qu’accompagné de la propriété privé.

Et de cela, monsieur, il faudrait faire fi ?

Que cette aberration sous mon règne l’on vit :

Des fleurons du privé aux mains de fonctionnaires,

L’inefficacité rejoignant l’arbitraire ?

D’un contresens à l’autre vous ne cesse d’errer… »

Acte 3 scène 2. Six mois plus tard L’Elysée le bureau du président, Le président, de nouveaux conseillers, les banquiers.

.« Le président ….: J’ai décidé, messieurs, de mettre le holà,

Aux mauvaises pratiques et aux excès coupables.

D’une forte parole que je veux mémorable

J’énonce les principes, et je dis la doctrine :

En haut de la vertu je veux que l’on culmine.

A compter de ce jour le monde s’y pliera

Car ces choses auront été dites par moi.

Ayant réglé la crise au plus fort de l’urgence

Je préviens maintenant toute autre turbulence

Tout en réaffirmant que le capitalisme

Est comme le soleil de notre héliotropisme :

Nous ne devons jamais laissé de nos orbites

Déformer l’elliptique, altérer le zénith….. »

« ….. Messieurs les conseillers arrivez par ici

Je veux faire un discours qui marque les esprits,

Choisissez-moi un lieu propice à ovation,

Envisagez le sud, et pourquoi pas Toulon. »

 Acte 4 scène 1. Un an plus tard L’Elysée le bureau du président, Le président, le premier ministre, de nouveau deuxième conseiller.

.« Le nouveau deuxième conseiller….: Monsieur le président,

Cette fois j’ai bien peur que le premier ministre

N’ait pas trop à forcer pour se montrer sinistre.

La vérité est là, quelque peu alarmante :

Le déficit se creuse et la dette est démente.

Rescaper la finance n’a jamais voulu dire

Que répondre à l’urgence et repousser le pire.

C’est une conséquence à l’urgence quasi automatique

Que la dette privée devienne dette publique,

Double métamorphose quasiment imparable

Qui révèle le coût du geste secourable.

Oui soulager les banques de leurs pertes toxiques

A méchamment mouillé les finances publiques !

A quoi s’ajoute ensuite pour la bonne mesure

L’effet de la croissance se cassant la figure.

A regarder les chiffres, il est très évident

Que cet enchaînement sera le plus criant.

D’une crise bancaire les suites sont connues :

La réduction des prêts à la portion congrue

Met l’investissement tout d’un coup en carafe,

Et la consommation prend une même baffe…

Ce n’est plus un trou d’air mais c’est bien un précipice :

Enterrons la croissance, messieurs, de profundis….

 Acte 4 scène 3. Six mois plus tard L’Elysée le bureau du président, Le président, le premier ministre, de nouveau deuxième conseiller, un troisième conseiller

.« Le président ….: Mon cher premier ministre- et quand je dis ''mon cher ''

Ce n’est pas figuré tant ma cote est à terre.

Car le coût politique de votre économie

Devient exorbitant, jusqu’à l’apoplexie.

La magie de Toulon inexplicablement

A cessé d’opérer depuis un certain temps.

Se peut-il que mon verbe ait pu ne pas jouer,

Comme le vulnéraire qu’il a toujours été ?

Mon discours porte loin, ma parole à sa force

Qui n’appartient qu’à elle, que j’enferme en mon torse,

Ne m’interrogez pas, vous ne pouvez comprendre

Ce sont d’étranges choses qu’à César il faut rendre…

Or quoique j’ai parlé, l’économie s’écroule

C’est à n’y rien comprendre, à y perdre la boule.

.« Le premier ministre  ….: Monsieur le président, il ne faut pas fléchir,

Rigueur et discipline sont toujours le nadir,

Aucune alternative ou sinon le chaos … »

 Cette pièce raconte la soumission de la politique à l’économie avec en personnage principal, un président fantoche, dont on ne sait rien, ou presque, sauf qu’il est à l’Elysée à une époque comprise entre la crise des subprimes et celle de l’endettement public excessif. Un président qui ne comprend rien à rien mais qui est persuadé être un guide qui éclaire le monde et auquel les conseillers ne peuvent s’adresser qu’en le flattant pour ne pas subir son courroux et ce d’autant plus que les explications qu’ils lui fournissent ou les préconisations proposées vont à l’encontre de sa foi libérale et de son dieu marché….. Mais ce président s’aime avant toute chose et il est convaincu d'avoir une mission initiatique sur cette planète.  Alors manipulé par les banquiers et les puissants il se laisse facilement convaincre qu’on peut, au moins faire semblant de réformer, le capitalisme. Que tout change pour que rien ne change ! ……

..... Jusqu’au prochain retournement que l’auteur espère en fin de pièce mais dont on n’entend que les clameurs à l'extérieur du palais ….

Retournement sans garantie à cette heure.... Mais peut-être pour bientôt. 

C’est un vrai plaisir de pouvoir rire, pour une fois, des conséquences de ces crises dévastatrices, des erreurs de gestions et toutes les allusions à Sarko, Fillon ; du surendettement de l’Etat aux cadeaux fiscaux, de l’étranglement des classes populaires à la misère des plus fragiles mais aussi à l’inconséquence des méthodes bancaires, Kerviel ou autres, Bouton ou autres, de la vénalité des banquiers à la veulerie des conseillers.

Un livre à lire avant d’aller voter …… une pièce de théâtre à monter.

Vony qu’en penses-tu ?

 Complément du dimanche 18 mars après avoir entendu les propos de Tapie au JT de 20H de France 2 : Il votera Sarkozy car il a sauvé le système bancaire, en prenant des mesures que même Obama ou Merkel n'ont pas prises.

(A suivre)

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D
Si notre grand timonier, sauveur suprême, n'était pas venu renflouer les banques Nanard n'auraitpas touché son chèque. D'où son allègeance! Nanard et Méluche dans le même J.T. c'est fort; ils ont<br /> eu au moins en commun le culte de Mitterrand. Je ne sais pas où en est Nanard en tant que Mitterrandolatre, mais la méluche il est inébranlable dans sa foi. Je m'étais disputé avec lui en 97 (ça<br /> date) quand j'avais critiquer la politique africaine de Mitterrand... Il n'acceptait que je critique le grand homme.
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F
Quel bouffon ce Nanard. Et dire que Beregovoy en avait fait un ministre de la ville. Il doit se retourner dans sa tombe le pauvre. Sarko et Lagarde lui ont rendu 283 M€ soit 1.880.000.000 de francs<br /> ou...188 milliards de centimes. Le soutien à Sarko coûte cher aux finances françaises. Bande de salopards và!!! Assossiation de malfaisants.
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