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Histoire de rôles.... Nicolas Baudin navigateur, explorateur et naturaliste. (seconde partie)

27 Juillet 2021 , Rédigé par niduab Publié dans #Histoire de rôles

Ce billet fait suite à celui du 22 juillet  qu’il convient donc de lire en premier. C'est une seconde publication, la première ayant eut lieu le 11 janvier 2015. Rien du texte qui suit n'a été modifié, juste la date. 

Le voyage vers les terres australes se fit sous la responsabilité du capitaine Nicolas Baudin, mais le moins qu’on puisse dire c’est que ce ne fut pas une sinécure. Alors que l’expédition vers les Antilles avait été un énorme succès faisant de Baudin, un héros, cette nouvelle expédition, malgré la somme des données engrangées par les savants et les énormes récoltes botaniques et zoologiques réalisées, n’eut pas à son retour le même engouement. Il faut dire que Nicolas Baudin n’était pas rentré, mort de la tuberculose lors de la dernière escale en île de France, et n’étant plus là il ne put répondre à ses détracteurs. Point de respect pour celui qui s’était tant battu pour monter cette expédition et qui la conduisit presque jusqu’au bout : il fut victime d’une campagne de discrédit menée par quelques officiers et naturalistes, compagnons de voyages ou déserteurs, qui n’avaient pas apprécié ses excès d’autorité. Rares furent les scientifiques qui firent seulement mention de son rôle dans leurs comptes-rendus du voyage et d’études. Personne, excepté le botaniste Ledru, son compagnon du voyage aux Antilles, n’eut le courage de parler en sa faveur. Nicolas Baudin un leader rejeté, un chef trop longtemps oublié par l’histoire.

A quelques exceptions près, pendant environ deux siècles Nicolas Baudin n’eut d’admirateurs qu’aux antipodes et ce n’est que dans ces toutes dernières décennies, dans le sillage de l’ouvrage érudit, publié en 1987 par l’historien australien Frank Horner, que l’image du capitaine fut revalorisée en France.

Le voyage se fit donc avec deux vaisseaux, le Géographe, dirigé par Baudin et le Naturaliste dont le capitaine fut Emmanuel Hamelin. Le départ de la flotte fut donné le 19 octobre 1800 avec une première étape à Ténérife où il fit relâche du 2 au 13 novembre. Initialement prévu comme une simple et rapide escale de ravitaillement, le séjour se prolongea un peu à cause de difficultés pour se procurer des vivres frais et du vin. Au cours de ce bref séjour, les naturalistes réalisèrent des herborisations et autres collectes et observations. Cependant, Baudin, désireux de partir au plus tôt, interdit aux membres de l’expédition de s’éloigner du port ce qui les empêcha de faire une excursion au pic du Teide et entraîna déjà une certaine irritation chez des scientifiques peu enclins à subir une autorité.

Nicolas Baudin arriva à l’île de France (future île Maurice) le 16 mars où il avait prévu de passer quinze jours pour se ravitailler en vivres ce qui ne se passa pas tout à fait comme prévu. L’île pâtissait de la rupture de ses relations avec la métropole due à la guerre et à la pression anglaise et, plus encore à la coupure de liens politiques de par son refus d’appliquer la loi révolutionnaire d’abolition de l’esclavage. L’argument le plus souvent avancé pour justifier le refus des demandes de Baudin, était la nécessité de conserver à l’île tous ses moyens de défense contre une attaque anglaise jugée imminente. Le capitaine Baudin comprit que les autorités coloniales faisaient tout pour retarder son départ et ainsi bénéficier du renfort d’hommes susceptibles de résister à la pression anglaise, notamment en organisant aussi le débauchage d'une partie significative de l’équipage. Du coup le capitaine fit sortir ses bateaux du port pour éviter l’hémorragie. Quand il fut prêt à partir Baudin avait quand même perdu perdu plus de quarante marins déserteurs ou déclarés très malades. Défections qu’il avait partiellement compensées par un recrutement de main d’œuvre malaise et africaine en nombre tout juste suffisant pour pouvoir reprendre la mer.

Plus inquiétant pour la réussite de l’expédition fut alors l’abandon d’un nombre important de scientifiques et même d’officiers eux aussi subitement malades : Plus d’un tiers au total de l’effectif n’embarqua pas vers les terres australe. Pourquoi ce colossal lâchage ? Baudin, rapportait-on, aurait dit du mal des savants dans une lettre adressée au ministère, ce qui ne leur avait pas plu, sans compter que le voyage était bien plus difficile que ce qu’ils avaient prévu (120 jours de navigation pour faire Ténérife/Maurice). Pour les officiers il y avait un vrai rejet d'un commandant qui n’était pas du sérail car Baudin n’était devenu capitaine de vaisseau de la marine française que deux ans plus tôt. Il était avant tout un capitaine de la marine marchande, sans compter son passé à naviguer pour l’ennemi autrichien.

Baudin finit par remporter son bras de fer avec le gouverneur général et l’intendant pour la question de l’approvisionnement et ce d’autant plus que l’effectif était allégé. Le Géographe et le Naturaliste levèrent l’ancre le 22 avril, trente six jours après leur arrivée sur l’île, pour prendre la direction les terres australes. Le pire avait quand même été évité.

Après une longue traversée l’expédition atteignit l’île de Timor le 22 août 1801 et fit une longue escale de 80 jours à Kupang. Par rapport à la Nouvelle-Hollande (future Australie) Timor, qui était plus connue, n’était pas la préoccupation principale de Nicolas Baudin. Timor apparaissait comme un havre de sécurité où l’on pouvait se réapprovisionner et essayer de retrouver des forces (mais il y eut encore de la perte humaine à cet escale, Nicolas Baudin y fut lui-même très malade).

Les relâches qui y ont été faites (puisque il y eut une autre escale au retour du 6 mai au 3 juin) ont marqué un tournant dans la connaissance de l’île. En fait ce fut la première grande expédition scientifique qui se soit arrêtée à Timor. Ses membres en ont ramené une mine d’éléments sur l’économie et la situation politique de la colonie. Dans des conditions difficiles, les naturalistes ont aussi ramenés de précieuses collections de minéraux, de plantes et d’animaux naturalisés. 

 

Histoire de rôles....  Nicolas Baudin navigateur, explorateur et naturaliste. (seconde partie)
Histoire de rôles....  Nicolas Baudin navigateur, explorateur et naturaliste. (seconde partie) Histoire de rôles....  Nicolas Baudin navigateur, explorateur et naturaliste. (seconde partie)

L’expédition est repartie de Timor le 13 novembre 1801 pour mettre cap sur l’Australie. Un des buts de l’expédition scientifique aux terres australes était l’observation des habitants-indigènes des pays visités. Munis d’instructions, les scientifiques et officiers devaient contribuer à la nouvelle science de l’homme. La flotte arriva au cap Leuwin le 27 mai 1801. Pendant les douze premiers mois les français explorèrent la côte ouest de la Nouvelle-Hollande et la côte est de la terre de Diemen (future Tasmanie) et c’est là qu’ils firent quelques rencontres avec des Aborigènes, une trentaine tout au plus et en petits groupes. Le continent ne semblait manifestement pas être très peuplé.

Cette expédition était très suivie par les Anglais et suscitait, à Londres comme dans la jeune colonie australe beaucoup d’interrogations sur les intentions des Français. N’allaient-ils pas s’installer sur le continent dans le sillage de l’expédition Baudin ? Mais celui-ci arrivant en début d'hiver austral sur la côte sud, la côte la moins connue, décida de suspendre les explorations pour rejoindre au plus vite port Jackson (futur Sydney). Il fallait donner un peu de repos aux hommes, obtenir du ravitaillement et surtout rassurer les autorités anglaises.

La rencontre entre le commandant Nicolas Baudin et les habitants de la colonie qui se définissait comme ‘’Nouvelle Galles du Sud’’ fut historiquement perçu comme un exemple peu ordinaire de coopération franco-anglaise. Nicolas Baudin a beaucoup sollicité ses hôtes et, étant donné la situation dans laquelle ceux-ci se trouvaient, l’aide qu’ils lui ont accordée fut exceptionnelle. Baudin et ses hommes sont restés cinq mois au Port Jackson et, pendant ce temps, ils ont fait bien plus que préparer la suite de son voyage : Le commandant a quasiment mis en place une nouvelle organisation dans le but d’exécuter sa mission avec plus d’efficacité. Ce résultat tient beaucoup au talent diplomatique de Baudin mais aussi à l’intelligence du gouverneur de la colonie Phillip Gidley King qui a vu dans cette expédition la chance de voir l’empire britannique s’investir plus sur ce nouveau continent et compenser ainsi de la perte de l’Amérique. Pour cela il fallait de toute urgence explorer complètement la future Australie et l’expédition française était sans doute une opportunité à saisir. Le commandant Baudin eut l’intelligence d’offrir de partager avec son hôte les résultats déjà obtenus et d'accepter de compléter les prochaines recherches en côte sud par des explorations et analyses qui intéressaient au plus haut point le gouverneur King. Ainsi ce dernier aida le commandant français à acquérir un nouveau bateau le Casuarina destiné à faciliter le travail de reconnaissance des côtes et d’en établir la meilleure cartographie possible et ce qui, d'autre part, permetta de renvoyer plus tôt vers la France le Naturaliste chargé d’une collection très riche qui arriva en France le 7 juin 1803.

Fin septembre 1802, le Géographe et le Casuarina reprirent l’exploration des côtes peu connues et ce fut en quelque sorte une nouvelle campagne avec un travail intensif tout au long de l’été austral, qui sera, longtemps après, reconnu grâce aux Australiens.

Les bateaux prirent la route du retour en début d’année 1803 faisant une escale pour réapprovisionnement à Timor en mai, pour rejoindre ensuite l’île de France le 7 août. Le Casuarina confié à Henri de Freycinet y arriva cinq jours plus tard. Nicolas Baudin avait été très malade tout au long du voyage de retour. Il mourut en Île de France le 16 septembre. Le géographe rentra à Lorient le 25 mars 1804 sans le commandant de l'expédition.

Il n’y eut pas, au retour, d’accueil chaleureux des équipages comme ce fut le cas quatre ans plus tôt, au retour des Antilles. La faute aux déserteurs de la première escale en île de France qui, pour se justifier, accablèrent Nicolas Baudin. Alors certes le bilan des collections était exceptionnel et le Muséum en fut ravi, mais on avait changé d’époque : Napoléon Bonaparte qui voulait rompre avec l’héritage révolutionnaire n’appréciait plus guère l’esprit ‘’rousseauiste’’ de ce type d’expédition. N’avait-il pas, sous la pression de Joséphine, rétabli l’esclavage le 20 mai 1802 ?

Qui plus est, les scientifiques qui ont rédigé l'ouvrage « Voyage de découvertes aux Terres australes » à savoir François Péron, botaniste, pour le 1er volume publié en 1807 et Henri de Freyssinet Officier de Marine qui a édité une cartographie puis complété le second volume commencé par Péron qui fut publié en 1816, aucun d’eux n’évoqua le rôle de Nicolas Baudin dans cette grandiose exploration. Heureusement que le journal de bord du commandant Baudin avait été conservé et fut exploité longtemps après par les historiens.

Si les autorités françaises ne se sont guère intéressées aux résultats de ce voyage, il faut croire que les autorités anglaises y furent plus sensibles et que l’analyse faite par le gouverneur King était bonne et qu’il eut raison d’aider l’expédition Baudin, car en quelques décennies la colonisation du continent Australie fut effective et se développa.

Fin de l’histoire encore trop méconnue (même à La Rochelle je n’ai pas trouvé de livre, il m’a fallu passer par la FNAC).

Pour faire ces billets j’ai beaucoup emprunté au livre « Portés par l’air du temps : Les voyages du capitaine Baudin » un volume composé et édité par Michel Jangoux. Publié en 2010 aux éditions de l’université de Bruxelles.

La trame est le texte de Michel Jangoux « En guise d’introduction, Nicolas Baudin en quelques mots. » auquel j’ai ajouté quelques paragraphes de chapitres complémentaires du même livre :

« Les Canaries au carrefour des grandes campagnes maritime du XVIIIe siècle » de José M. Oliver.

« Baudin, l’expédition aux Terres australes et l’Île de France. Une relation tourmentée (1801-1803) » de Charles Wanquet.

« Les tristes escales timoraises du capitaine Baudin. La première grande expédition scientifique à Timor.  » de Frédéric Durand.

« Nicolas Baudin. La relâche à Sydney et la deuxième campagne du Géographe » de Nicole Starbuck.

« Les premiers contacts. Les Aborigènes de Nouvelle-Hollande observés par les officiers et les savants de l’expédition Baudin» de Margaret Sankey

« Une expédition sous haute surveillance. Le voyage aux terres australes vu par les Anglais » de John West –Sooby.

«  Deux observateurs de l’homme aux antipodes. Nicolas Baudin et François Péron » de Jean Fornasiero.

 

(A suivre.) 

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D
Message à l'attention de David. Désolé du retard de réponse d'autant que je ne réponds par mail. Toutes les photos de cet article ont été trouvées sur Internet. Aucun problème donc pour que vous les utilisiez.
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D
Merci, je vais le commander. Nicolas Baudin, une personnalité hors du commun pour une vie d'aventures très particulière.
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D
Merci Martine, pour l'info.
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M
Avec plaisir, l'association Les Amis de Nicolas Baudin édite aussi un bulletin trimestriel avec tous les projets en cours en France et à l'étranger sur le sujet...<br /> Quant à l'ouvrage de Frank Horner paru chez L'Harmattan j'ai passé 7 ans à le traduire et il contient un index et des références vraiment utiles pour aller directement aux sources...
M
L'ouvrage de Frank Horner "The French Reconnaissance" est traduit en français aux éditions L'Harmattan sous le titre "La reconnaissance française, l'expédition Baudin en Australie (1801-1803)"...<br /> Bonne lecture !
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C
Magnifique épopée.
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