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Histoire de rôle …… Les dernières lettres d’Evariste Galois

24 Janvier 2016 , Rédigé par niduab Publié dans #Histoire de rôles

C’est un petit livre trouvé par hasard lors d’une balade sur les quais de Paris, un ouvrage de la collection pour la science, éditions Belin. L’auteur Norbert Verdier est maitre de conférences en mathématiques appliquées et le titre de son livre est « Galois le mathématicien maudit ».  C'est un opuscule de 140 pages dont 70%, les cent dernières, ne concernent que les mathématiques, la théorie de Galois, ses applications, son œuvre. Même si j’ai beau avoir fait il y a très longtemps, quelques années de cours de mathématiques générales au CNAM, je dois bien avouer n'avoir que survolé d’un œil aussi distrait que méfiant ces pages obscures, me contentant de lire et découvrir sa courte biographie de jeune homme né en octobre 1811 et mort à vingt ans pour de stupides raisons d’honneur. Quel gâchis !

Histoire de rôle …… Les dernières lettres d’Evariste GaloisHistoire de rôle …… Les dernières lettres d’Evariste Galois

Ce qui m’a surtout intéressé ce sont les lettres de Galois ou celles de ceux qui partagèrent sa courte vie voire ses derniers jours.  Je débute ce billet par les dernières écrites  la veille de sa mort lors d’un duel galant où il savait n’avoir aucune chance. Il en a rédigé plusieurs dont une adressée à des amis républicains de la Société des amis du peuple :

« Je prie les patriotes, mes amis, de ne pas me reprocher de mourir autrement que pour le pays. Je meurs victime d’une infâme coquette, et de deux dupes de cette coquette. C’est un dans un misérable cancan que s’éteint ma vie. Oh ! Pourquoi mourir pour si peu de chose, mourir pour quelque chose d’aussi méprisable ! Je prends le ciel à témoin que c’est contraint et forcé que j’ai cédé à une provocation que j’ai conjuré par tous les moyens. Je me repends d’avoir dit une vérité une vérité funeste à des hommes si peu en état de l’entendre de sang-froid. Mais enfin, j’ai dit la vérité. J’emporte au tombeau une conscience nette de sang patriote. Adieu ! J’avais bien de vie pour le bien public. Pardon pour ceux qui m’ont tué, ils sont de bonne foi. »

Il précise dans une autre lettre à ses deux ‘’bons amis’’ Napoléon Lebon et Vincent Delaunay : « J’ai été provoqué par deux patriotes… Il m’a été impossible de refuser. Je vous demande pardon de n’avoir averti ni l’un ni l’autre de vous. Mais mes adversaires m’avaient sonné sur l’honneur de ne prévenir aucun patriote. Votre tâche est bien simple : prouver que je me suis battu malgré moi, c'est-à-dire après avoir épuisé tout moyen d’accommodement, et dire si je suis capable de mentir, de mentir même pour un si petit objet que celui dont il s’agissait. Garder mon souvenir, puisque le sort ne m’a pas donné assez de vie pour que la patrie sache mon nom. Je meurs votre ami..»

Il laisse aussi  à son ami Auguste Chevalier une longue lettre qui constitue une sorte de testament mathématique, dans laquelle il résume ses apports essentiels ; une lettre qui accompagne un manuscrit élaboré trois ans plus tôt, dans lequel il établit qu'une équation algébrique est résoluble par radicaux si et seulement si le groupe de permutations de ses racines a une certaine structure, qu'on appellera plus tard résoluble. Cette théorie fut considérée plus tard comme le déclencheur du point de vue structural et méthodologique des mathématiques modernes.

Il conclut sa lettre avec l’audace et la certitude de ses vingt ans « Tu feras imprimer cette lettre dans la Revue Encyclopédique. Je me suis souvent hasardé dans ma vie à avancer des propositions dont je n’étais pas sûr. Mais tout ce que j’ai écrit là est depuis bientôt un an dans ma tête, et il est trop de mon intérêt de ne pas me tromper pour qu’on me soupçonne d’avoir énoncé des théorèmes dont je n’aurais pas la démonstration complète…..  La fin de la lettre est émouvante … Après cela, il y aura, j’espère, des gens qui trouveront leur profit à déchiffrer tout ce gâchis. »

C’est le 31 mai qu’eut lieu le duel près de l’étang de la glacière à Gentilly. Les circonstances du drame ne sont pas très claires. L’adversaire et meurtrier de Galois semble avoir été Pescheux d’Herbinville qui selon Alexandre Dumas était comme Galois un ardent républicain. Il était alors le fiancé de Stéphanie Poterin du Motel qui fut, probablement l’infâme coquète décrite par Galois. Ils eurent probablement une liaison éphémère comme le montrent des fragments de lettres qu'elle a écrit à Evariste quelques jours avant le duel. La première commence ainsi : « Brisons là cette affaire je vous en prie. Je n’ai pas assez d’esprit pour suivre une correspondance de ce genre mais j’essaierai d’en avoir assez pour converser avec vous comme je le faisais avant que rien ne soit arrivé… » et se conclut ainsi : «….ne plus penser à des choses qui ne sauraient exister et qui n’existeront jamais . » la lettre est signée Stéphanie D.

Le 25 mai 1832, quelques jours avant la provocation en duel, Galois s’était déjà confié à son ami Auguste Chevalier : «…. Comment détruire la trace d’émotions aussi violentes que celles où j’ai passé ? Comment se consoler d’avoir épuisé en un mois la plus belle source de bonheur qui soit dans l’homme, de l’avoir mise à sec pour la vie ? …. J’irai te voir le 1er juin…. » Auguste Chevalier ne reverra pas son ami mais recevra quelques jours plus tard son manuscrit scientifique.

Un autre mystère demeure car c’est un paysan qui amena Evariste Galois gravement blessé à l’hôpital Cochin alors qu'il était trop tard. Les témoins du duel ont-ils abandonné Galois ? Il semble toutefois que son jeune frère Alfred Galois put être à son chevet pour ses derniers moments. Galois a-t-il été, comme cela parait-être le plus vraisemblable, victime d’un de ces duels stupides, si fréquents à cette époque, ou d’’un coup monté visant ses opinions républicaines ? Son frère Alfred défendra, bec et ongle, cette dernière thèse.

Le journal La tribune dans son numéro du dimanche 3 juin décrit ainsi ses obsèques : « Le convoi d’Evariste Galois a eu lieu aujourd’hui samedi a midi.  Une députation des Amis du peuple, les élèves des écoles de droit et de médecine, un détachement de l’artillerie parisienne et de nombreux amis l’accompagnaient. Arrivé aux boulevards extérieurs, le corps a été enlevé du char funéraire et porté à bras jusqu’au cimetière du Montparnasse. Les citoyens Plagniol et Charles Pinel ont vivement exprimé, sur la tombe de Galois, les regrets de ses nombreux amis. Deux autres patriotes ont rendu le même devoir à sa mémoire. »

Pour finir ce billet voici une biographie succincte d'Evariste Galois réalisée par extraits du livre de Nobert Verdier, notamment pris dans les chapitres « Une vie à fleur de peau » et « Obstiné, mais maudit »

1811. Evariste Galois nait le 28 octobre à Bourg la Reine dans une famille bourgeoise mais républicaine. Eduqué par sa mère il reçoit une solide formation classique.

1823. A 12 ans Evariste entre au lycée Louis le Grand en tant qu’interne. Il, passe d’une ambiance de famille paisible à une atmosphère plus violente, ce qui ne l’empêche pas d’accumuler des prix en classe comme au concours général.

1826. En seconde sa situation scolaire se dégrade. Le proviseur propose un redoublement que le père d’Evariste refuse. Il passera donc dans la classe supérieure, la classe de rhétorique, mais au bout de quelques mois il doit retourner en seconde.

1827. Cette année là Evariste découvre les mathématiques qui ne sont abordées en cours supplémentaires. En peu de temps il découvre et assimile l’ensemble du programme très complexe. Travaillant presque exclusivement cette matière l’adolescent obtient le premier prix du concours général à la grande satisfaction de son professeur M. Vernier. Les autres professeurs restent sceptiques… Il se présente avec un an d’avance au concours d’entrée à l’Ecole polytechnique. Mal préparé il échoue.

1828. Evariste poursuit ses étude à Louis le grand en classe de mathématiques spéciales. Son professeur de mathématiques lui reconnait des qualités exceptionnelles et lui propose de publier l’un de ses premiers travaux. L’article ‘’ Démonstration d’un théorème sur les fractions continues périodiques’’ paraitra le 1er avril 1829.

1829. Le 20 juillet Galois est secoué par une terrible tragédie : son père Nicolas-Gabriel qui était maire de Bourg la Reine se suicide. En plein deuil Evariste passe une seconde fois le concours d’entrée à l’Ecole polytechnique et échoue une nouvelle fois.  Il se résigne à entrer à l’Ecole normale nommée alors Ecole préparatoire. Cependant  intégrer cette école nécessite que Galois passe son bac. : Il est reçu le 14 décembre avec de mauvaises notes aux épreuves littéraires mais avec de très bonnes notes en mathématiques et en physique.

1830 : Evariste Galois admis à l’Ecole préparatoire et signe un engagement décennal qui le lie à l’université le 20 février 1830. Cependant il ne s’intéresse pas qu’aux mathématiques. Son engagement politique prend aussi une bonne part de son temps d’autant ‘en juillet 1830 une révolution secoue la France. Charles X quitte le pays. Des émeutes traversent Paris. Galois multiplie ses engagements et ses impertinences tout en passant avec succès ses examens de licence.

A la rentrée d’octobre 1830, Galois devient un républicain actif. Le 10 novembre, il adhère à la Société des Amis du Peuple. A cette époque il se lie avec Raspail, Blanqui. En décembre 1830 éclate l’affaire de  la gazette des écoles. Le journal s’en prend à M. Guignault, directeur de l’Ecole préparatoire. Parmi les tribunes et lettres de soutien au journal le directeur de l’école à tôt fait d’identifier Galois.

1831 : Le 4 janvier Galois est exclu de l’Ecole préparatoire. Le 13 janvier, il ouvre un cours public d’algèbre à la librairie Caillot, rue de la Sorbonne. Le 17 janvier il remet à l’Académie son mémoire ‘’Sur les conditions de résolubilité des équations par radicaux.

Le 9 mai il porte un toast remarqué ‘’Aux Vendanges de Bourgogne’’ un restaurant de Belleville. Ce toast par lequel il aurait menacé le nouveau roi Louis Philippe, lui valut d’être arrêté le lendemain chez sa mère et de subir un procès le 15 juin  qui, faute de preuves, se termina par un acquittement.

Le 4 juillet le verdict sur son mémoire de l’Académie des sciences tombe : son texte est refusé.

Le 11 juillet le gouvernement décide l’arrestation des chefs du parti républicain. Un appel à manifester est préparé pour le 14 juillet. La manifestation est interdite et de nombreux républicains sont arrêtés. Les membres de la Société des amis du Peuple quittent leur domicile pour échapper à la police. Galois se fait arrêter le 14 juillet, à midi, sur le Pont neuf alors qu’il est avec Duchatelet, à la tête d’un cortège de quelques 600 personnes. Ils sont incarcérés le soir même à la prison Sainte-Pélagie.

Le 23 octobre Evariste Galois est condamné à six mois de prison. Duchatelet n’écope que de trois mois. Galois fait appel mais le jugement est confirmé le 3 décembre.

1832 : En mars, une effroyable épidémie de choléra s’est abattue sur Paris : Galois est transféré à la pension de santé du sieur Faultrier et c’est là qu’il rencontrera ‘’l’infâme coquette’’ prénommée  Stéphanie. En mai il est libéré. Le 29 mai il est provoqué en duel, le lendemain il est gravement blessé et meurt le 31 mai à l’hôpital Cochin.

En septembre la lettre de Galois à Chevalier est publiée.

1843 : Le mathématicien Liouville représente à l’Académie des sciences le travail d’Evariste Galois avec un avis très favorable. Les papiers d’Evariste avaient été soigneusement archivés par son frère Alfred et son ami Auguste Chevalier et confié à Joseph Liouville.

1846 : Joseph Liouville publie pour la première fois l’ensemble des œuvres scientifiques de Galois dans son propre journal, ‘’Le journal de mathématiques  pures et appliquées’’. 

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