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Histoire de rôle…. Samory, le résistant à la colonisation

5 Mars 2017 , Rédigé par niduab Publié dans #Histoire de rôles

Rien ne destinait Samory à devenir un chef de guerre. Né vers 1830 près de Sanankoro, au sud de Kankan, en pays malinké, dans une famille de colporteur dioulas islamisés, Samory Toué apprit, très jeune, le métier des armes en servant comme sofa (fantassin) dans les forces de petits souverains théocratiques de sa région. (Pierre Biarnes).

L’historien Joseph Ki-Zerbo indique que la vie de Samory bascula le jour où il fut contraint de se rendre à Madina pour s’enrôler dans les troupes du roi Bourlaye Cissé en vue d’obtenir la libération de sa mère Masotona Kamara qui avait été enlevée par ses guerriers lors d'une razzia.

Le général Faidherbe en donna une version un peu moins romanesque « Samory, fils d’un homme de basse condition, nommé Laafiya Touré, fut enlevé, jeune encore, dans le pillage de son village et emmené captif. Il réussit à s’évader et vint chercher refuge auprès d’un marabout vénéré, Foré-Birana, par ailleurs chef de Bissandougou. Celui-ci l’instruisit dans la religion musulmane et l’art de la guerre. Samory, élève très intelligent, sut capter la confiance de son protecteur. Il sut aussi, en devenant adulte s’imposer à ses camarades guerriers, et finit par renverser Fodé-Birana. D’une haute stature, maigre comme un ascète, la voix chaude et vibrante, jouissant d’un grand renom de sainteté, Samory a toutes les qualités pour entrainer une redoutable armée qui lui est entièrement dévouée…… II a surtout réorganisé sa cavalerie ; ses cavaliers sont exercés à harceler l’ennemi et à le poursuivre dans une retraite. C’est avec ses moyens qu’il put en quelques années conquérir le Balaya, le Kourbai-Dougou, une partie du Ouassoulou, détruire des villes comme Kankan et Keniera….»

Selon les historiens Robert et Marianne Cornevin « L’Etat de Samory est certainement, du point de vue de l’histoire africaine  le plus intéressant des trois grands noyaux de résistance musulmane des vingt dernières années du XIXe siècle. En effet Samory se faisait volontiers passer pour une réincarnation du grand Soundjata, le fondateur de l’empire du Mali du XIIIe siècle, ce qui prouve l’importance de l’histoire parmi les peuples qu’on a longtemps appelé ‘'peuples sans histoire’’ parce qu’ils n’avaient pas de documents écrits. Le royaume qu’il constitua entre 1870 et 1880 correspondait à peu près à la moitié méridionale du royaume de Soundjata, c'est-à-dire la partie orientale de l’actuelle Guinée. »

Dans les années 1870, il s’était emparé de toutes les principautés du Haut Niger, éliminant brutalement tous ses rivaux. En 1881 il revenait à Kankan et se proclamait Almamy de Wassalou, un empire qui regroupait tous les pays qu’il venait de conquérir. (Pierre Biarnes)

Quelques mois plus tard le général Borgnis-Desbordes qui commandait les troupes coloniales au Soudan proposa à Samory de placer son royaume sous le protectorat de la France ce que l’Almamy refusa catégoriquement. Le général Borgnis-Desbordes estima que l’honneur de la France avait été bafoué. Cette première confrontation eut lieu à Samaya fin février 1882, qui tourna plutôt à l’avantage de l’armée coloniale française. Samory réagit en changeant de tactique et en multipliant les escarmouches meurtrières dans la savane jusqu’aux portes de Bamako infligeant ainsi de lourdes pertes à l’armée coloniale.

Le général Borgnis-Desbordes traçait ainsi le portrait de l’Almamy « Samory est un adversaire redoutable. Il a une science de la guerre indéniable. Ses marches sont rapides, ses attaques et ses retraites dénotent d'une tactique réelle, digne des officiers européens. Les guerres successives qu’il eut à soutenir contre nous ont été pour lui une excellente école ; il a acquis à notre contact une véritable instruction militaire et cette instruction, unie à ses aptitudes naturelles de soldat, a fait de lui un chef excellent. On a représenté cet homme comme une brute et on a eu tort. Il est certain que c’est un cruel, un bandit, un barbare révoltant ; malheureusement c’est aussi un être intelligent, exerçant sur tous les noirs une suprématie fort compréhensible. »

De 1881 à 1890 Samory va vivre entre diplomatie et guerre avec les Français. L’armée française qui avait à faire sur plusieurs fronts, dont les toucouleurs du roi Ahmadou, fils du célèbre roi El-Hadj Omar, dans la région de Ségou et Lamine Dramé au Sénégal ne pouvait continuer à combattre les troupes de Samory. Un premier traité fut signé avec Samory le 28 mars 1886 à Kieneba qui faisait du fleuve Niger la frontière entre les possessions françaises et l’empire Wassoulou.

Un an plus tard, le 23 mars 1887, Samory signait le traité de Bissandoungou, par lequel il se plaçait, lui et ses héritiers sous le protectorat de la France, ce qu’il avait refusé quatre ans plus tôt.

Le capitaine Binger qui était allé voir Samory en avait un jugement plus sévère, il estimait qu’il était alors loin d’être le redoutable ennemi que certains en faisaient, ce qui expliquait sa nécessité de signer ce traité «….Samory devant qui je me présentai, est un grand bel homme, d’une cinquantaine d’années ; ses traits sont un peu durs, et, contrairement aux hommes de sa race, il a le nez long et aminci, ce qui donne l’impression de finesse à l’ensemble de sa physionomie : ses yeux sont très mobiles mais il ne regarde pas souvent en face son interlocuteur ……L’Almamy et son fils n’ont de prince, que le qualificatif dont quelques uns de nos journaux les ont honorés pendant le séjour de Karamokho à Paris….. Son armée compte cinq mille hommes sur lesquels il y en a cent quarante de montés. Les montures n’ont de cheval que le nom ; aucune d’elles ne serait capable de faire trois jours de suite trente kilomètres. Et dire qu’on a osé surprendre la bonne foi de nos meilleurs journaux de Paris, en leur faisant insérer dans leurs colonnes que le père de Karamokho était roi de cent cinquante contrées et qu’il pouvait aisément mettre cent cinquante hommes en ligne. On a été jusqu’à qualifier Samory d’un ‘’Alexandre du Soudan’’. On aurait mieux fait de le traiter de pourvoyeur d’esclaves. Au début de cette campagne, il avait bien un millier d’hommes en plus, car la mortalité a éclairci ses rangs : le feu, les déserteurs, les blessés et la famine en sont les causes principales. Il devait y avoir aussi un nombre de chevaux plus important, le double peut-être….»

Par ce traité Samory, qui ambitionnait de s’emparer de Sikasso pour se répandre ensuite dans la boucle du Niger, avait accepté de ne pas chercher à repousser plus au nord la limite de ses Etats par ailleurs solidement adossé au Fouta-Djalon. Mais de toute évidence ce n’était qu’une trêve.

C’est alors qu’était arrivé Archinard, qui peut être considéré comme le principal conquérant du Soudan Français. En moins de cinq ans, d’abord, comme commandeur supérieur, ensuite comme gouverneur, il allait anéantir l’empire d’Ahmadou, puis ébranler très sérieusement celui de Samory. La défaite d’Ahmadou fut consommée en trois campagnes qui virent successivement la chute de ses trois places fortes : Koundian, Ségou et Nioro. (Pierre Biarnes)

Il semble cependant que cette période de paix avec l'armée française a permis à Samory de renforcer son armée pour attaquer Sikasso.. Mais les hautes et épaisses murailles de cette place forte, ne se laissent pas facilement percer. Le conflit s’enlisait. Pendant ce temps, les Français qui avaient pris le contrôle le fleuve Niger, coupaient les routes commerciales vers le Sénégal et le Sahel pour asphyxier l’empire.

Samory fut contraint de lever le siège et de se précipiter vers le fleuve pour attaquer les garnisons françaises. Pour éviter des pertes humaines importantes dans ses troupes le commandement français décida une nouvelle fois d’entamer des négociations avec l’Almamy. Celui-ci affaibli par le siège de Sikasso accepta le compromis et signa le 21 février 1889 le traité de Niako. Mais cette fois ce sont Les Français qui violeront l’accord.

Le 10 mars 1891, une expédition militaire part de Nyamina sur le fleuve Niger, en amont de Bamako, dans le but d’en finir avec ce souverain récalcitrant. Malgré la supériorité de l’armement français, une fois de plus la tactique de guérilla et la connaissance du terrain des sofas usent le moral des assaillants et l’offensive échoue.

Cette défaite irrite les autorités françaises qui aimeraient débuter leur politique de mise en valeur du territoire. A Paris des crédits supplémentaires sont votés par le parlement affin de grossir les troupes. En décembre 1891 à grands renforts de canons, le lieutenant-colonel Humbert, se lance à l’attaque de Bissangoudou, la capitale de l’empire et de Sanakoro, la ville natale de Samory.

Le 12 janvier les troupes françaises atteignirent la capitale. Mais l’Almamy avait déjà évacué la cité et il fuyait  en détruisant tout sur son passage pour retarder l’avancée de ses adversaires.

Le rapport du capitaine Arlabosse relate cette poursuite : «….Le 22 janvier 1892 nous quittions Bissandougou. Le pays devient plus cultivé, parait plus riche, les villages plus rapprochés mais toujours brûlés. Quelques kilomètres avant Sanankoro, triste rencontre ! Les têtes du sous-lieutenant Mazeran et d’un brigadier sont piqués sur des perches à droite et à gauche du sentier que nous suivons…. »

Samory était, peu à peu, contraint de s’enfoncer dans le nord de la Côte-d’Ivoire actuelle, jusqu’à la limite de la grande forêt, pour y fonder un nouvel empire. Pendant près de deux années l’armée française arrêta de le pourchasser. Elle concentra ses efforts à lui couper ses approvisionnements en armes venant de Sierra Leone ou du Liberia.

En 1894 une lourde opération, confiée au lieutenant-colonel Monteil, rappelé du Congo, fut montée pour affirmer définitivement la présence française dans l’est du pays, de Grand Bassam à Bouna. (Pierre Biarnes) .

« Le 24 septembre 1894 le gouverneur Delcassé décide de former la colonne Kong (1200 hommes, 90 chevaux, 200 mulet). But : traiter avec Samory et relier en un tout Soudan, côte d’Ivoire et Dahomey. »

La région de Kong était alors tenue par Samory. Cette mission qui se déroula au premier semestre 1895 fut un échec malgré quelques batailles remportées contre les troupes de l’Almamy. L’armée française avait aussi du affronter dès le départ l’hostilité en pays Baoulé qu’il fallut d’abord soumettre : cette campagne avait été mal préparée. Cet échec vis-à-vis du but recherché, la soumission de Samory « entraina des violentes attaques dans la presse et au gouvernement contre le ministre des colonies. A la suite de l’affaire de la colonne de Kong, Monteil sollicita sa mise à la retraite après quarante deux ans de service. »

Mais en 1895, pour empêcher les anglais d’occuper une partie de la Côte d’Ivoire (une conséquence de la conférence de Berlin) les Français vont accélérer l’occupation. En 1897 Bouna le capitaine Braulot fut tué par une troupe dirigée par un fils de Samory dans des conditions tragiques que l’Almamy fut le premier à déplorer. Cet évènement fut la cause de la lutte finale. (Joseph Ki-Zerbo).

C’est le capitaine Gouraud qui fut chargé fin septembre 1898 de capturer Samory. «…. Dans un camp nous trouvons les deux derniers canons pris aux anglais. Samory les a abandonnés au bas d’une pente trop raide. Nous faisons là une rencontre importante : je vois venir à moi un sofa … Cet homme est surpris de nous avoir rencontrés : Samory se garde du côté nord, du côté de Touba mais de notre côté il ne craint rien. ….. Nous n’avons devant nous qu’un petit poste d’une vingtaine de sofas, commandé par un fils de l’Almamy Macé Amara. Et il indique en détail, comment Samory est campé : à une quinzaine de kilomètres se trouve un petit village Guémelou, là sont les femmes, celles de ses fils, les captifs etc… Derrière Guémelou, qu’entoure un petit bois s’étend un campement, au milieu duquel se trouve la case de Samory. Le sofa ajoute qu’il y a beaucoup de monde avec lui, mais les vivres manquent et les gens sont las. Ils se sentent perdus dans cette forêt compacte et différente de la claire brousse soudanaise…. »

Samory fut intercepté par le lieutenant Jacquin, au levé jour du 29 septembre 1898. Réveillé brutalement il a d’abord tenté de fuir, puis s’arrêtant de courir il s’est assis et a demandé qu’on le tue immédiatement, ce que les officiers français refusèrent de faire. Fatigué de fuir il demanda à sa petite troupe de guerriers de déposer les armes.

Humilié, le ‘’Napoléon africain’’ fut exhibé à travers toutes les contrées sur lesquelles il avait, autrefois, régné en maître. Cette longue marche se termina dans l’ouest de l’actuel Mali, à Kayes à 500 km au nord-ouest de Bamako, sur les rives du fleuve Sénégal où eut lieu une cérémonie impressionnante : devant tout le personnel civil et militaire, devant la population entière, le général Trentinian lut la sentence :

« Samory,

Tu as été le plus cruel des hommes qui se soient vus au Soudan. Tu n’as pas cessé pendant plus de vingt ans de massacrer de pauvres Noirs. Tu as agi comme une bête féroce. Toi et ceux qui sont les instruments de tous tes crimes, vous devriez périr de la mort la plus terrible. Mais les braves français qui t’on fait prisonnier, t’ayant promis la vie, ainsi qu’à les tiens, le gouvernement français, dans sa parfaite loyauté, a décidé que vous auriez la vie sauve et que vous serez déportés sur une terre d’Afrique si lointaine qu’on y ignora ton nom et tes forfaits. Ton fils Sarankégny Mory et Morifingfian ton conseiller t’y suivront. Quant aux autres, ils habiteront nos postes du Sahel et du nord afin qu’ils puissent dire à tous ceux qui songeraient à imiter ton exemple que personne n’a jamais pu résister aux officiers, aux sous-officiers français et aux braves soldats noirs qui les suivent » (Capitaine Gouraud)

Samory fut condamné à l’exil sur l’île de Missanga au Gabon. C’est là qu’il décéda deux ans plus tard victime d’une pneumonie suite au strict régime pénitentiaire qui lui avait été imposé.

 

Sources : L’article « Samory, l’Empereur rebelle dans le Géohistoire de janvier 2016. Un texte qui a servi de plan à ce billet et dont j’ai prélevé ou adapté quelques paragraphes.

En couleur bleue : Extraits de livres d’historien :

Pierre Biarnes Les Français en Afrique noire de richelieu à Mitterrand (Armand Colin)

Joseph Ki-Zerbo : Histoire de l’Afrique noire. (Hatier)

Robert et Marianne Cornevin : L’histoire de l’Afrique des origines à la 2ème guerre mondiale. (Petite bibliothèque Payot)

De couleur verte : Divers extraits de rapports d’officiers de l’armée coloniale, regroupés dans le livre de Philippe Héduy : Histoire de l’Afrique ( Edition Henri Verdier)

 

Le lecteur pourra retrouver des éléments d’information sur Samory Touré dans quelques billets anciens :

Saga Africa & Co....Le bon et le brutal temps des colonies

Saga africa..........sur les traces de Samory

Saga africa......Les Largeau, père explorateur et fils colonisateur.

A livres ouverts...... Une Histoire d'Afrique

 

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