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A livre ouvert …. Une journée d’Ivan Denissovitch.

8 Juillet 2017 , Rédigé par niduab Publié dans #à livre ouvert

En écrivant « Le rêve du Celte » en février dernier je me disais que je devais, dans cette rubrique « A livre ouvert »,  faire plus de place plus à la littérature coup de cœur sans autre justification…. Car finalement si j’ai adoré ce ‘’Celte’’ c’est parce qu’il ya ces longs chapitres sur le Congo et l’Amazonie. J’ai aussi vanté « Les racines de la gloire », « Néne » et « La rue des voleurs » pour des raisons deux sévriennes. Je me suis récemment servi des auteurs de polars, Connelly, Harvey, Grisham, pour parler de jazz ou de cinéma, De trop nombreux livres furent prétextes à parler politique, voyages, musique et encore cinéma (Ah ! Tavernier)….. Je ne cherche pas à m’en excuser car cette dérive fut naturelle, honnête et  très plaisante. Je suis d’ailleurs assez fier des billets concernant Brink, Kourouma et Dongala et quelques autres.

Aussi, ce changement de cap étant décidé et devant être assumé, le premier livre qui me semblait s’imposer est « Une journée d’Ivan Denissovitch » d’Alexandre Soljenitsyne. Je me rappelle que j’avais acheté ce livre et deux ou trois autres fin octobre 1973, juste avant de m’envoler vers le Zaïre où j’allais travailler et vivre, en famille, pendant trois ans.

 

J’ai tellement aimé ce livre et son auteur qu’ensuite, plus tard, j’ai aussi lu « La maison de Matriona » «  Le pavillon des cancéreux » et les trois tomes du trop riche « Archipel du Goulag » dont je serais totalement incapable de raconter, de dire quoique ce soit, aujourd’hui, 35 ans plus tard pour les plus récentes de ces lectures. Mais la journée d’Ivan je l’ai toujours en moi. Bon c’est vrai il s’agit d’un petit bouquin de 190 pages, écrit simplement car  toute cette histoire fut vécu par l’auteur.

Alexandre Soljenitsyne, je devrais dire le capitaine Soljenitsyne  dont la conduite pendant la guerre entre 1942 et 1944 lui avait valu de recevoir de prestigieuses décorations, fut arrêté en février 1945.  Dans une lettre privée  interceptée par la censure militaire, Il critiquait Staline dont il dénonçait l’incompétence. Soljenitsyne fut condamné, à huit ans de détention au Goulag. Après la mort de Staline il fut réhabilité en 1956 et tout en ayant une activité d’enseignant scientifique il se lança dans l’écriture. En novembre 1962 le livre était publié grâce à l’intervention de Nikita Khrouchtchev, le nouveau maître du Kremlin, avec toutefois des passages censurés. Mais c’était le premier ouvrage publié en URSS évoquant clairement les conditions de survie au Goulag. La version de 1973 que j’avais achetée était la première non censurée parue en Occident.

A livre ouvert …. Une journée d’Ivan Denissovitch.

En vert quelques résumés du récit 

En bleu des extraits.

 

Ivan Denissovitch Choukhov, matricule CH 854, a été condamné à la déportation en camp de travail dans le nord du Kazakhstan pour ‘’trahison de la patrie’’ après son accusation d’espionnage car il avait été fait prisonnier par les Allemands au cours de la Seconde guerre mondiale. Bien qu’il ait été condamné à dix ans, dont il a déjà purgé huit ans, Choukhov sait qu’à l’instar des autres zeks, il ne quittera vraisemblablement pas le camp vivant.

Le récit débute avec le réveil de Choukhov: «… Tous les jours il se lève dès que sonne le réveil mais pas aujourd’hui. Déjà, hier soir, il était mal fichu. Comme des frissons, on dirait, des courbatures. Il n’a pas pu se dégeler pendant la nuit. Dans son sommeil, à des moments, il se voyait dégringoler, à d’autres, il se requinquait un peu. Si le matin pouvait ne pas venir. Mais le matin est venu comme il se doit. (P.24) …. » Alors qu’il lambine sur son châlit, tenté à se faire porter pâle il est surpris par le surveillant et se fait sanctionner par trois jours de cellule, sans interruption de travail. « Quand on va au travail, ça n’est pas vraiment le cachot. On a à manger chaud et on n’a pas le temps de penser…[. ]… Et les voilà sortis tous les deux. Un froid et un brouillard à couper le souffle. Sur la zone de surveillance, deux gros projecteurs placés dans les miradors, au loin, croisent leurs feux ; [..]… Ils entrent dans le baraquement de l’état-major et vont tout de suite au poste de garde. Là il apparaît comme Choukhov l’a pressenti qu’il n’est pas question de cachot : tout bonnement, le plancher du poste de garde n’est pas lavé…. » (P. 30)…. Finalement ce travail est une planque malgré les insultes des gardes et il en remercie le surveillant. Sa punition terminée, il se rend au dispensaire pour y chercher des soins. Le médecin ne peut pas l’exempter car il a déjà dépassé son quota d’arrêt de travail et renvoie Choukhov au travail. «…. Il regagne son baraquement au trot. La place est déserte d’un bout à l’autre, et tout le camp est comme vide. C’est ce bref moment qui vous démolit, où tout est tranché, mais où on fait encore semblant de croire que non, qu’on n’en sortira pas. Les gardes de l’escorte sont au chaud dans leurs casernes, appuyant leur tête lourde de sommeil sur leur fusil ; ce n’est pas non plus du gâteau pour eux d’aller battre la semelle dans les miradors par un froid pareil…[…]… La cent quatrième somnole, comme tout le baraquement 9. Choukhov entre comme un bolide mais sans bruit, et va au châlit du sous chef de la brigade. Pavlo lève la tête : Pas en prison Ivan Denissovich ? Vous êtes en vie ? Et il tend sa ration de pain à Choukhov. Celui-ci est très pressé mais il répond tout de même en observant les convenances et a trouvé le temps de regarder sa ration et de la soupeser pour voir si les 550 grammes réglementaires y sont. (P. 44)…. »

Avant de sortir du camp pour se rendre aux zones de travaux, les détenus passent à la fouille. « ….Le matin il faut vérifier si on n’emporte pas trois kilos de provisions pour se sauver avec…. Il faut encore vérifier que les gars ne portent pas de costume civil sous celui du camp, mais ça fait longtemps qu’on a retiré à tout le monde les effets civils et ils ont dit qu’ils ne les rendraient pas avant qu’on soit libéré. Et dans ce camp personne n’a encore jamais été libéré. Il faut aussi vérifier que personne n’emporte de lettre pour faire passer par quelqu’un au-dehors…(P. 53). »

Avant de sortir du camp les zeks sont comptés et recomptés par les surveillants « …Il n’est pas question de se tromper. S’ils signent une feuille de contrôle avec une tête en trop, ils la remplacent par la leur… […]… la colonne s’ébranle. Il n’a pas neigé depuis une semaine, la route est tassée, damnée. Ils contournent le camp. Le vent prend les visages par le travers. Mains derrière le dos, tête baissées la colonne avance comme si elle suivait un enterrement… […]… Quand il fait moins froid, tout le monde parle dans la  colonne. L’escorte a beau gueuler. Mais aujourd’hui, chacun se penche en avant, chacun s’abrite derrière le dos du copain de devant et se retire dans les pensées. Mais,  même dans leurs pensées, les détenus ne sont pas libres. Ils reviennent toujours à la même chose ; ils remâchent : Est-ce qu’ils ne vont dégotter ma ration dans mon matelas ? Est-ce qu’ils vont m’exempter ce soir, à l’infirmerie ?... Une nouvelle année commence et dans l’année Choukhov a droit à deux lettres. Il a envoyé la dernière en juillet et il a reçu la réponse en octobre. A Oust-Ijma, le règlement n’était pas pareil ; on aurait même pu écrire tous les mois. Mais qu’est ce qu’on aurait mis  dans une lettre de plus ? Et Il n’écrivait pas plus souvent qu’à présent. Choukhov a quitté la maison le 23 juin 41…. […]… De camps en prisons, Ivan Denissovitch a perdu l’habitude de faire des calculs pour le lendemain, pour l’année prochaine, de savoir comment il nourrirait sa famille. Il y a un hiver et un été et ensuite encore un hiver et un été à tirer ( P.62) .. 

Pendant ce temps, la colonne est arrivée et s’est arrêtée devant le poste de garde de la grande zone du chantier. Tout de suite après il y a la cahute du chef de chantier… » {..]… Tiourine, chef de brigade est allé se renseigner sur le travail à effectuer ce jour et pendant ce temps les détenus se regroupent dans un atelier. Quand il revient vingt minutes plus tard  il distribue rapidement les tâches. « Les  deux seuls à n’être pas encore désignés sont Choukhov et Kilgas, les meilleurs ouvriers de la brigade. Le chef les appelle et leur dit : Après le repas de midi, vous me monterez le mur du premier en parpaings, mais maintenant, il faut chauffer la salle des machines...[...] ..Choukhov et Kilgas se regardent. Ils ont déjà travaillé bien des fois ensemble et ils ont de la considération l’un pour l’autre, le maçon et le charpentier… »  Dans ce chapitre consacré aux conditions de travail, on n’en apprend un peu plus sur les raisons de leur emprisonnement. La faim reste toujours aux aguets. Choukhov a sa méthode :” Ça ne nourrit pas, ce qu’on avale vite”. «…. Comptant bien qu’une au moins des deux gamelles fauchées serait pour lui, Choukhov attaque vivement sa légitime….  Il faut concentrer cet instant là, tout entier, sur le manger ; recueillir sur le fond la mince couche de bouillie, l’enfourer avec soin dans sa bouche et bien malaxer avec la langue. Mais il est obliger de ce hâter pour que Pavlo remarque qu’il a fini et lui propose du rab... Choukhov achève sa bouillie.... Il fouille dans sa poche, sort de son petit chiffon blanc le bout arrondi de crouton et se met à essuyer avec, bien soigneusement, le jus de cuisson collé au fond de la gamelle. Il le ramasse sur son crouton qu’il lèche, puis en recueille encore presque autant. A la fin, la gamelle est nette comme au sortie de la plonge. Il tend sa gamelle par dessus son épaule au ramasseur et reste encore assis un petit moment, sa chapka sous son bras. Pavlo le laisse encore languir un peu, le temps de finir sa propre gamelle ;... c’est alors qu’il donne deux des quatre gamelles en plus à Choukhov: Ivan Denissovitch, prenez en une pour vous  et portez l’autre à César.  Ayant terminé la deuxième kacha, Choukhov essuie de même façon la gamelle avec son crouton en le léchant de même à chaque fois puis, à la fin, il mange la croute elle même. Après quoi il prend la portion refroidi de César et s’en va lui porter.  (P 100).»

Dans la brigade 104 ils sont 24 détenus, ils viennent de divers horizons et avec des peines plus ou moins longues mais pour tous suffisamment  longues pour penser qu’ils n’en sortiront pas vivants. Ils sont solidaires entre eux vis à vis de l’administration et de ses capos, en témoigne la scène du chantier de maçonnerie où  Choukhov:et Kilgas ont obstruer les ouvertures avec du papier goudron afin que le mortier nécessaire à sceller les parpaings puisse faire prise :« Der est monté presqu’en courant : Tiourine qu’il crie les yeux hors de la tête. Tiourine. Eh ben quoi ? dit Tiourine en se dirigeant vers lui avec sa truelle à la main....... Il va se passer des choses extraordinaires. On ne peut pas rater ça d’un côté, mais de l’autre, le ciment gèle dans le bard. Choukhov travaille, travaille mais il écoute.... Qu’est-ce que tu crois ? crie Der en postillonnant. Tu ne t’en tireras pas avec du cachot ! C’est une affaire criminelle….. C’est à ce moment que Choukhov, comprend de quoi il retourne. Il jette un coup d’œil à Kilgas. Lui aussi a saisi. Le papier goudronné ! Der l’a vu aux fenêtres....... Choukhov n’a pas peur pour lui, le chef de brigade ne le trahira pas. Il craint pour le chef de brigade. Pour eux, les détenus, le chef de brigade, c’est un père alors que les autres, l’administration, les gardiens, c’est un pion..... Le visage du chef de brigade est tout convulsé. Et v’lan la truelle par terre ! Et il fait un pas en direction de Der qui regarde derrière lui : Pavlo lève sa pelle à bout de bras..... Et Senka, il a beau être sourd, il a compris : mains sur les hanches lui aussi. Et c’est un drôle de costaud. Der cligne des yeux, il commence à être inquièt, il cherche la sortie de secour. Le chef de brigade se penche vers lui et dit, comme ça tout doucement  : Le temps est passé, tas de crapule, où vous distribuiez des années de taule. Si tu dis un seul mot, vampire, rappelle-toi que c’est ton dernier jour....  Il est secoué de rage le chef de brigade et incapable de se calmer. Et Pavlo aussi, avec son visage en lame de couteau. Il poignarde Der des yeux, vraiment, il le poignarde. Mais qu’est ce qui vous prend les gars ?  Der est  devenu blême, il cherche à s’éloigner de l’échelle...... Tiourine, le chef de brigade n’ajoute plus rien, il redresse sa chapka, ramasse sa truelle tordue et retourne à son mur. Der a affreusement peur de rester là et affreusement peur de descendre....Il s’approche furtivement du chef de brigade . Qu’est devenue toute sa morgue : Qu’est ce que je vais dire au chef de chantier, Tiourine ?  Le chef de brigade pose ses parpaings et répond sans tourner la tête : Vous direz que c’était comme ça. On s’est amené et c’était déjà là....... (P 121) »

Parmi les 24 détenus de la brigade 104 il y a aussi des Lettons, des Estoniens, des Moldaves, des Ukrainiens, mais il y a aussi des figures comme Fétioukov-qui semble avoir perdu l’esprit et qui perd aussi sa dignité en faveur de petits profits en nourriture. Il y a encore Aliocha habité par la foi chrétienne dans laquelle il trouve un refuge et l’espoir du salut mais aussi Bouynovski qui lui a foi dans l’idéologie communiste et l’espoir de s’en sortir. Et puis il y a César l’intellectuel, qui a fait du cinéma et qui est soutenu de l’extérieur car il reçoit beaucoup de colis qu’il partage assez généreusement. Il a su échapper aux travaux manuels en s’étant rendu utile aux services administratifs et en graissant aussi la patte à certains fonctionnaires. Ce type est, en quelques sorte,  une aubaine pour la brigade. Choukhov, le bricoleur lui rend de petits services et aime a discuter avec lui tout comme  Bouynovski.

Après la longue journée de travail les brigades doivent renter au camp de détention et obligatoirement subir les corvées de comptage et de fouille. Choukhov a ramassé sur le chantier un petit bout de lame qui pourrait devenir un intéressant outil de découpe. Pendant l’altercation entre Tiourine et Der il l’a mis dans sa poche puis a oublié de le cacher au chantier avant de passer à la fouille. Problème et risque de cachot. « ….Pour une lame comme ça, ils peuvent vous ficher dix jours de cachot, s’ils considèrent que c’est un couteau…. Et Choukhov le fourre dans sa moufle. C’est à ce moment que son rang reçoit l’ordre d’avancer …. Etant donné qu’ils sont trois et qu’ils ont cinq gardiens en face d’eux, on peut se débrouiller : choisir les deux de droite par exemple… Entre le jeune rougeaud et le vieux à moustaches grises il choisit celui là. Évidemment il a de l’expérience, le vieux et il trouverait facilement s’il voulait, mais comme il est vieux, il doit lui sortir par les yeux son service…(P.147) »  Bien joué Choukhov le gardien fit un contrôle sommaire sur son dernier client.

De retour au camp Choukhov rend encore quelques services à César, puis rend plaisir à débattre religion avec Aliochka son camarade de chalit. Il est de bonne humeur. Et puis il finit par s’endormir, pleinement contenté. « Il a eu bien de la chance aujourd’hui : on ne l’a pas flanqué au cachot ; on n’a pas collé la brigade à la cité socialiste, il s’est organisé une portion de kacha  supplémentaire au déjeuner, le chef de brigade s’est bien débrouillé pour le décompte du travail. Choukhov a monté son mur avec entrain, il ne s’est pas fait piquer avec son égoïne à la fouille, il s’est fait des suppléments avec César et il a acheté du tabac. Et finalement il a été le plus fort, il a résisté à la maladie. Une journée a passé, sur quoi rien n’est venu jeter une ombre, une journée presque heureuse.

Des journées, durant son temps il y en eut trois mille six cent cinquante trois. Les trois en plus, à cause des années bissextiles. (P.192.) »  

Fin du récit.

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